INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 
MERCREDI 21 AVRIL 2004 _ #273
 

Punk is already dead

Justement, lors du dîner pendant lequel son premier e.p sorti sur le label de David Duriez (Brique Rouge) tournait dans nos têtes, A Jackin Phreak avançait : "l'electro-clash n'est pas un mouvement musical initié par des musiciens mais par les gens de la mode." Nous ne pouvions qu'être d'accord sur ce revival d'un certain esprit "punk" qui, comme si l'histoire n'était qu'une boucle fermée, se focalise plus sur l'attitude que la substance. Malcolm McLaren n'a-t-il pas été le fossoyeur de tous ces groupes qui cassaient leurs guitares sur la scène du CBGB ? Dj Hell n'est-il pas un boutiquier electro qui vend son look plus que sa musique ? Clignez des paupières. Au Ninkasi Kao, lundi, la vérité sur cette scène des nouveaux rebelles des années 2000 assomme : Peaches joue la vieille provocation de la salope qui se fait goder par ses copines et qui enfonce son micro dans sa culotte en tirant la langue. Ces acrobaties salaces fonctionnent cinq minutes puis ennuient autant que les gros plans des caméras de TLM sur les seins huilés de vendeuses en Presqu'île dans Lyon Clubbimbos. "Non, cela a déjà été fait par Nina Hagen", se navre Mathieu Briand lorsque je suggère que quelques blaireaux, tous émus dans leurs boxers mouillés, montent sur scène et violent la performeuse. Le Marseillais annonce l'annulation de la troisième party, initialement prévue le 24 avril dans le cadre de son exposition au MAC, mais garantit une fête privée où tout sera possible. Julien Duc-Maugé crâne : "Je connais tout le monde ce soir et n'arrête pas de saluer les gens" lorsque nous clignons des paupières sur ce concert épuisant. Elle replace ses cheveux, sort une cigarette slim et enflamme son Cartier en or massif. Mardi, Le Passage (8, rue du Plâtre, quartier Terreaux) assois Claire dans un bar luxueux, écrin boisé, fleurant le cuir épais, lieu à fortes potentialités pour devenir vital. Ma Princesse retrospecte une année d'absence et se souvient : "Vous vouliez, à une époque, être enlevé. Et bien, c'est ce qui m'est arrivé. J'aime mon mari et il me surprend chaque jour." Je la revisage comme si nous ne nous étions jamais quittés et défile entre nous un accéléré mémorable des sorties borderline que nous partagions tels des amants asexués. En table Chez Carlo, elle me glisse un habituel : "Ne voyez-vous pas que vous êtes hétérosexuel. Trouvez-vous une femme et qu'on en finisse avec vos errances misérables dans les bordels de la ville." Si elle avait raison. Non. Clignez des paupières. "C'est un peu violent là", essaie Luc afin de calmer le rythme technoïde qui monte des convives, bras en l'air, sur les banquettes du bar. Jeudi, Ding Dang Dong déraille un peu dans des styles musicaux pas très raccord au centre de l'Escalier. Marie-Stéphane Guy mime la "bitch re-gendered" alors que Super Pénélope et Anne LS me rappellent : "Il faut acheter le dernier The Face. Comment vas-tu faire pour frimer lorsque ta bible ne sera plus dans les kiosques le mois prochain ? " Je pleurniche un peu sur la fin du magazine anglais, sommet de la hype ces dernières années, et me rattraperai sur la nouvelle formule de Sleazenation. Clignez des paupières. Les médias ne vont pas bien, ici comme ailleurs. Z2 prétendait, il y a peu, que l'underground et l'engagé ne rentraient plus dans les priorités des industriels, nouveaux maîtres de la presse et la télévision. Qu'il y avait danger d'uniformité et d'infirmité. Il n'a pas tort lorsque l'on lit tous ces journaux siamois et passeurs de publicités rédigées. Pour exemple, je n'ai pas de mots assez forts écrits pour tous ces journaleux qui affectionnent plus leur signature que leur texte, qui préfèrent leur petite promotion égocentrique et sociale à la prétention de faire des choix éditoriaux fermes et les défendre avec courage. Clignez des paupières. Entre deux versions bleepées de New-Order qui ne dédrunkiseront pas Patrick et Christophe Boum, Emma et Pierrick trinquent pour fêter l'envoi à l'imprimeur du prochain Trublyon qui s'annonce aussi "inutile" (thème de l'ovni trimestriel), soit indispensable, que la tonsure sexy au sommet du crâne de Marc Renau, en discussion avec Vincent Carry et Cédric Dujardin. Du 9, rue de la Plâtière, nous flashgordons vers La Ruche pour son dixième anniversaire. En nage dans le champagne, Marie-Charlotte et Julien-Justin parient sur une possible homoconversion d'un Cooki, éternel permanent du sexe nocturne. Clignez des paupières. Du 10 à l'United Café, Catherine A. décide d'une relâche totale : "Je ne veux pas être digne. Laissez-moi boire." Stéphane reboutonne son costume, mime le gentilhomme discret puis ferme les paupières.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Jeudi 22, l'Ambassade diluera son chic dans les beats housy de Frankie Feliciano. Ultra-vital. Du vendredi 23 à dimanche 25, les Subsistances expérimenteront leur Week-end de Printemps avec manifestations pluridisciplinaires pour visiteurs sensibles et curieux.

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MERCREDI 28 AVRIL 2004 _ #274
 

Ses anges gardiens

Il avance d'un pas feutré avec cette élégance craintive qui meut l'animal fragile et beau. Nu sous sa tête de biche empaillée en guise de cache-sexe, Elu se donne à un centurion en échasse sur des platform shoes. Le soldat, Régine Chopinot, se surgrandit encore d'une chouette conservée morte dans sa position de prédatrice immobile. Goliath-filiforme contre Bambi-candide s'éprouvent devant la projection d'une battue de grandes bêtes dans la savane africaine sur un écran vidéo, support à ombrages chinois de la désarticulation des danseurs. I Wouldn't be Seen dead in that de Steven Cohen et Elu ouvre, vendredi, le Week-end de Printemps des Subsistances. La représentation broie tous les symboles de la lutte, de la domination de l'homme sur l'homme, de l'atrocité des carnes, du comment garder la mémoire. Les membres en conserve de doux bestiaux se greffent au corps de "l'être supérieur", fier collectionneur de trophées incarnés. Il y a, dans cette scène où une femme se roule par terre afin de faire avancer une tête de biche trop lourde pour elle, l'image de cette fourmi besogneuse. Ce lâche insecte qui attend qu'on lui laisse des cadavres pour les traîner comme il peut. Il y a la drôlerie de feux follets irrespectueux qui dansent sur les tombes d'un cimetière, une luciole électrique incrustée dans le prépuce. La création des deux artistes sud-africains nous accroche et balance dans notre intimité en contradiction permanente : un penchant animalier à survivre et ne pas mourir tout en désirant convaincre ou dominer. Extraordinaire, dense et remuant. Clignez des paupières. Dans la cour centrale, sous une paillote à farniente, Dj Ty Von Dickxit relaxe les spectateurs d'une improbable chanson de Bourvil incrustée de beats drum'n bass. Marie et David Cantéra inaugurent leur statut de futurs parents dans une attitude du moindre effort sur transats dépliés. Super Pénélope flatte les prouesses commerciales de Christian vavavoum Jeulin quand Z2 prévoit de réserver la nuit du 3 juillet prochain qui verra défiler The Rapture, 2 Many Dj et Vitalic dans le cadre des Nuits de Fourvière : "Faut pas trop en parler sinon on va se faire griller nos places à cause d'un Sold Out". Clignez des paupières dans un Cosmo en décrochage délirant. "Il n'a pas changé, toujours la même gueule", se soulage Z2 devant Jack de Marseille, en mix au DV1. Pourtant, la prestation du deejay nous fatigue : aucune histoire à raconter, juste des enchaînements mal placés. Clignez des paupières. à La Jungle, une ombre généreuse s'étire sur le sol d'un recoin à baise. Un visage, réduit à une onde claire en contour de ses traits raccourcis et du rebondi de ses lèvres, ne regarde personne. Je me colle à cette proie cachée. Au débouclage brouillon de sa ceinture, l'homme me repousse avant de tomber sa tête sur mon épaule. Il sanglote, me demande de "le serrer fort", m'embrasse. Je le repousse en voulant fuir : je peux être charognard mais pas avec les détressés aigus ou inconscients perdus. Il me reconnaît. Je le connais (pour l'avoir courtisé jadis), lui demande ce qui ne va pas. Il ne dit rien et pleure encore. Je me tais car je ne sais que me gêner dans le silence face aux peines qui ne sont pas les miennes. Nous ouvrons le jour dans l'appartement, sur les draps, à se caresser et écouter battre nos coeurs. Je ne saurais jamais où se sourçaient ses larmes. Clignez des paupières. Samedi, trop de monde s'aligne devant les ateliers à spectacle des Subsistances pour avoir la patience d'attendre. Nous entreprenons nos propres performances en compagnie de Dj Poulet et Christelle Kanardo Chambre : Z2 s'amuse avec les flammes d'un brasero totem devant l'objectif de la photographe. Je pique un ballon bleu et l'attache à mon cou afin d'être plus facilement retrouvé dans la foule au cas où, au cas où rien du tout. Au bar VIP, Françoise Rey rayonne comme jamais. Cooki couve son escort girl d'un regard presque normal. Vincent Hermano n'a plus de voix. Marie-Stéphane Guy tente de séduire Mathurin Bolze pour me sauver du néant sexuel d'un soir. Clignez des paupières. Rue d'Algérie, Patrick clôture sa party. Deux invités se lovent devant une vidéo porno. Trois autres stationnent dans la salle de bain sonorisée et empoignent les bouteilles qui flottent dans la glace de la baignoire. Christophe Boum, allongé sur le lit, voudrait qu'Emmanuel B. se mette "à quatre pattes". Primabella file à l'anglaise "parce que c'est plus chic". Clignez des paupières. Un homme se retient à l'angle d'une rue. Le sang qui coule sur ses joues a déjà recouvert les plaies d'une petite croûte dure et froide. Nous accourons vers lui, le soutenons avant de lui proposer de l'accompagner soit à un hôpital, soit chez lui. Overdrunky, le blessé refuse tout. Emmanuel suggère "de le suivre à distance. Nous serons ses anges gardiens jusqu'à ce qu'il retrouve le chemin de son appartement". A-t-il été victime d'une agression ? d'un loupé d'ivrogne ? Il ne dit rien et avance, fier comme un canard sans tête. Devant la porte d'un immeuble, le jeune ivre à domicile, Emmanuel sourit et tente un saut dans mes bras. Fermez les paupières.

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MERCREDI 05 MAI 2004 _ #275
 

Nuits Sonars

Le premier happe plus de 80 000 personnes à l'aube de ses onze ans d'âge et s'impose comme le Montreux de la House Nation. Le second en compte un peu moins de 13 000 avant sa deuxième édition et affiche des ambitions larges, finement inspirées par le grand frère. Deux festivals de musique électronique vont solliciter yeux, oreilles et corps dans les prochaines semaines : les Nuits Sonores à Lyon (du 19 au 23 mai), et le Sonar Festival à Barcelone (du 17 au 19 juin). Si le concept d'aligner deejays, concerts et disciplines environnantes au mouvement house paraît identique, presque tout sépare ces deux frères. Du point de vue de la "géographie des sauteries annoncées", Barcelone n'est pas Lyon (a contrario de ce que fantasme Gérard Collomb). Quatre fois plus grosse, la capitale catalane "bénéficie" d'atouts festifs que chacun pourra condamner et/ou adopter : le climat à bronzettes, les pieds dans la mer, une effervescence de création permanente et sa situation économique et sociale (précarité plus forte qu'en France, contrôle sanitaire minimal qui favorise tous les excès en matière de consommation d'alcools et stupéfiants). À Lyon, les établissements nocturnes sont verrouillés, la législation nationale promeut son "tue-la-création" de nouveaux lieux et la cité est majoritairement bourgeoise et fliquée. Dans l'émergence et l'évolution des deux manifestations, le Sonar a construit sa réputation via un public, à forte proportion, international. à ses débuts, peu de Barcelonais s'unissaient pendant le festival, en partie pour une raison de "billets trop chers". Lors des premières sessions de ce qui est devenu la Mecque mondiale de l'electro, la langue anglaise courait sur les dancefloors. Un effet "arroseur arrosé" a provoqué, uniquement à partir de 2000, l'intérêt et l'adhésion de la population locale et nationale. Pour les Nuits Sonores, le flux coule à l'inverse : les premiers festivaliers sont des locaux et régionaux avant, peut-être, de déborder hors frontières. Enfin, lorsque le Sonar quitte la plage (en 1997) pour trois lieux indépendants et uniques, le Lyonnais calme les grincements de platines des établissements locaux : il les ferraille dans le festival afin, certainement, de faire taire tout le monde et de donner un bout de gras à tous. En sus de ces considérations "techniques", s'ajoute une différence qui fera encore mouvoir la Nomenklatura branchée vers le Grand Sud au détriment du Rhônalpin : l'imagerie sexy, hédoniste et déconnante construite autour de l'événement catalan, couplée à une programmation insolente d'avant-garde. Diego Maradona a été la mascotte du raout-à-danser et, cette année, l'ultra mode du "gloss" étend des beaufs dans des voitures tuning. Ce que les organisateurs de Nuits Sonores ne désirent pas (ou n'ont pas encore) intégré en défendant, l'an dernier, leur communication d'un "mortel ennui" autour d'une platine disque sur un parquet marron. En confiant son image à Gentil Garçon, la manifestation locale gagne en plaisirs et en aguichage. Dans sa programmation, plus cohérente que l'enfilade de grosses pointures sans lien les unes avec les autres lors de l'édition originelle, se nichent des artistes plus que dansants : Château Flight, Derrick May, une soirée ultra-vitale du label Goodlife au Transbordeur, Josh Wink, Spinna, Jennifer, Les Clones et une armada de bonnes nouvelles. s'ajoute au menu de Lyon, le trip "électro performance proto punk" dont on a rien à battre tellement le mouvement est usé jusqu'à la dernière TB 303 sortie des usines Roland. La même indifférence au "coup" médiatique supposé avec le concert de DAF, certes, base fondamentale des musiques électroniques mais qui en terme de résonances à la mouvance actuelle du revival rave se trouve hors sujet. Ainsi, le triptyque magique (The Rapture, 2 Many Dj et surtout Vitalic) annoncé aux prochaines Nuits de Fourvière, ramasse la mise du vrai "bon coup" finaud et dans l'actualité. Pour Sonar, les artistes invités s'alourdissent et perdent un peu de fraîcheur : Massive Attack, nos maîtres François Kévorkian et Mathew Herbert, Dj Hell, Prefuse 73 et un listing digne d'une page Bourse dans un journal économique. Enfin, dans l'expérience prochaine des deux manifestations, il sera intéressant d'observer comment Barcelone gérera des sites immenses mais proches de l'asphyxie par un trop plein de festivaliers et comment Lyon sonorisera une Sucrière, casse-gueule à répétition lors des précédentes soirées musicales, et tous les lieux atypiques et vavavoum sélectionnés (la piscine du Rhône ou l'Elac). Fermons les paupières et dansons.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Deux soirées plus que vitales s'enchaîneront vendredi 7 et samedi 8 : Dj Lordfunk, The Dynamics et Dj Sidd (du l'hypeness trio Sex In Dallas) devraient enchanter tout danseur à l'Hang-Art (61, rue Clément-Marot, quartier Jean-Macé). Le samedi, pour la dernière Enjoy au Transbordeur, Technasia et Mark Moore accéléreront les pulsions cardiomusculaires. Le dernier passage du S-Express man au DV1 avait provoqué une telle démence sur le dancefloor que le rendez-vous est obligatoire.

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MERCREDI 12 MAI 2004 _ #276
 

Le souterrain est ici

Comme chaque vendredi du mois débutant, le collectif Dopebase décompresse avec l'apéritif "freeday" dans son atelier en vrac de la rue Chalopin (quartier Guillotière). Une bière bas de gamme qui dérange la langue, Cricri nous sert un verset moral sur l'éthique des journaleux : "Il y en a marre des passe-droits de celles et ceux qui se permettent tout, sous couvert de posséder une carte de presse". Je calme le jeune homme, en pleine réussite dans le re-gendering, et appuie la touche "Rien à faire". J'ai une telle "estime" (pardon, "mépris") pour le milieu médiatique local que je zappe la discussion pour rire avec Lady Wonder et Christelle Kanardo Chambre. La photographe promet d'inviter Z2 à l'accrochage prochain des 100 panneaux de signalisations maquillés, détournés, pour l'exposition Panos, en vernissage aux Nuits Sonores : "On sera dans une bétaillère et il faudra tout cintrer à 2m30 de haut en deux jours. On va souffrir". Clignez des paupières. Laconque n'en finit plus dans sa reconversion en femme responsable et investie d'une cause arty. Nous la retrouvons, derrière une buvette de ball-trap indoor au 126 du cours Charlemagne (quartier Confluent) aussi radieuse qu'une Carla, peste merveilleuse. Quelques jours plus avant, cette dernière me faisait parvenir un texte signé Lewis Carroll : "Or, tandis qu'il lourmait de suffêches pensées, le Jabberrouoc, l'oeil flamboyant, ruginifiant par le bois touffeté, arrivait en barigoulant. Une, deux ! Une, deux ! Voici que, d'outre en outre, le glaive vorpalin virevolte : flac-vlan ! Il terrasse la Bête, et, brandissant sa tête, il s'en retourne galomphant." Clignez des paupières. Sous le hangar frigorifique, les Croquettes brûlent les cordes des basses sur un rock punky, ce genre de truc musical qui se veut souterrain, revêche et "galomphant". Nous y croyons uniquement parce qu'il y a de la sincérité dans la mise en scène et de l'humour néo eighties au regard de ce lapin en peluche, aux oreilles immenses et tordues par le plafond, shootant des space invaders sur la menotte d'une console Atari proustienne. Plus singulier sera le show-case des Putrellas, promues par Z2 comme "le groupe qui va déchirer dans quelques mois". Un rythme cradasse, bitchy et en bonne mesure. Lidvine et Julien Duc Maugé regardent les petites briques de sucre, initialement Lego-tées au sol en forme de Twins Towers, voler au-dessus de leur tête dans une bataille entre post-pubères assumés. Bouffés par la faim, nous chapardons en cuisine des tartes aux pommes avant de cligner des paupières. Au Hang Art, rue Clément-Marot (quartier Jean-Macé), Cookie, scanner à filles en haute motivation, décroche : "Je m'arrache". Anne LS et David Cantéra improvisent un dancefloor dans les toilettes dans l'espoir que le lieu se remplisse. Si The Dynamics rament à insuffler l'hystérie dans un cadre étrange et comparable à un Pez-Ner en version salle des fêtes proprette, les "noceurs" recoupent de bonnes gueules. Antoine S. m'assure : "On loue une bonne voiture et on part un week-end à Toulouse faire la fête avec Frédéric Michalak". Le buveur de champagne me couvre de compliments. Je suis gêné. Je suis réconforté. Tout le paradoxe de projeter dans ces "Nuits Mobiles" une sincérité abrupte et prétentieuse tout en doutant, en permanence, de l'utilité de tout ce vent dans deux colonnes sombres. Clignez des paupières. 5h en montre, la tête en tombe, Christelle décroche de l'impeccable et salvateur mix de Flore au DV1, nouvelle résidence de la petite soeur de Thias, gourou musical en sueur et pourvu d'une gueule aussi grande que son coeur. Emmanuel B. grésille au portable un mystérieux : "La voiture en dans l'eau : je sors de la Saône". Clignez des paupières. Je m'attache à l'odeur de renfermé, de poppers volatilisé et de sperme érecté qui coupent l'air de la cave à baise. Je détache ma ceinture et deux biberonneurs des pipas se chamaillent ma queue jusqu'à ce que je sois fatigué par l'automatisme d'un coup inutile. Clignez des paupières. Samedi, Patrick se détorse à Enjoy dans la grande salle du Transbordeur. Je suis fatigué. Les deejays empilent leurs vinyles comme des manoeuvres non qualifiés. Je fixe et clique Dj Djams (photo), dont la moustache semble plus douce que la mienne, en mouvement sur le set rave action de Technasia. Paul Haron apprend à tous ce que signifie le voyage dansé : un sens parfait pour raconter une histoire technoïsée et vocale, assénée du psychédélisme nécessaire à tout bon mental désireux de sortir les battements hors de son poitrail. Fermez les paupières sur ce sauvetage heureux pour une soirée sans relief.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Jeudi 13, tapiole.com et beadoa.org sortiront le juke-box à conneries pour un nouvel apéritif Ding Dang Dong à l'Escalier (8, rue de la Platière, quartier Terreaux). En plus chic et grande classe musicale, l'Ambassade recevra Kerri Chandler pour ce qui devrait être le plan vital de la semaine en attendant le grand saut dans les Nuits Sonores, dès le 19 mai.

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MERCREDI 19 MAI 2004 _ #277
 

Des pratiques nocturnes en général et de la musique en particulier

Jeudi, à l'Escalier en plein apéritif Ding Dang Dong, Claudius exige "un morceau de Donna Summer. Tu sais que Bernard Sumner de New-Order avoue avoir calqué la rythmique de Blue Monday sur I Feel Love". Cette révélation et la passion musicale de l'associé d'Anne LS et Perrine Lacroix dans l'entreprise artistique (BF15) me renvoie à un historique réfléchi sur les pratiques nocturnes de chacun en général et de la musique en particulier. Clignez des paupières. Beaucoup oublient ou ne se rappellent pas assez régulièrement que la nuit et ses coutumes ne sont pas des modes parachutées par quelques fashionistas, ces prescripteurs de "tendances" (une cinquantaine de personnes à travers le globe). La nuit suit principalement les grands cycles économiques et, depuis l'injection du sida dans le sang de nombreux clubbers, les va-et-vient épidémiques. C'est sur ces deux socles que tout ce qui se passe dans l'obscurité fluctue : à époque où le fric déborde des poches, flambe et frime, à celle où le sida massacre, abstinence et rigueur. à celle où les sans abris se multiplient, retenue, confidences de désoeuvrés ou rébellion. Clignez des paupières. Il en va de même pour la musique écoutée et dansée dans les bars et discos. Didier Lestrade, seul journaliste ayant compris et intégré ces facteurs influents, prétend, par excès, que le sida et les pédés sont les "inventeurs" de la house music. Il oublie un peu vite Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Que viennent faire ces deux libéraux et conservateurs dans nos pratiques nocturnes ? l'une et l'autre ont basculé des milliers de leurs électeurs dans le Tiers-monde industrialisé, au premier rang desquels toutes les minorités raciales et sexuelles. C'est sous le règne du cow-boy que parallèlement, à Chicago et à Detroit, naquit la house music en 1983 dans ces deux villes sinistrées. Si aujourd'hui encore les trainspotters s'étripent pour savoir qui des deux villes est la Bethléem du divin enfant binaire, je dirais que Chicago est la mère de tous parce que berceau des proto-house et hip house, imbibée de disco et adoptée par les Anglais, au détriment de la pré-techno travaillée par Detroit, plutôt importée par un Nord-Est européen beaucoup moins prescripteur et amplificateur qu'Albion. Là, dans l'excroissance américaine, les clubs sont pistés par des bobbies en t-shirt logoté du smiley jaune, emblème des adeptes de l'acid house, et les dealers maltraités par la Dame de fer. De cette situation, de grosses warehouse parties, plus tard appelées raves, sont organisées (souvent par les fourvoyeurs d'extasy au MDMA) pour prolonger la fête après la sortie des clubs. On oublie la situation du pays dans la défonce. Les ravers sont blacks, gays, transgenres et punks. Le culminant de l'oubli de la ségrégation économique par la danse se cale en 1988 avec le mythique Summer of Love, été magistral de la propagation générale de la musique électronique. Clignez des paupières. Sur le Continent, en France, l'ingurgitation de cette révolution s'abâtardira sous une forme des plus classiques : ce sont les blancs, riches, imprégnés par la culture musicale britannique, et hétérosexuels qui s'approprieront vite le bébé et en feront, après un début plus qu'enivrant, une musique d'élite, présumée "rebelle". La french touch de Motorbass (Painsoul reste encore l'album référence de l'électro nationale), Air ou Etienne de Crecy sera bourgeoise mais chic et vitalisante. Elle sera aussi la réponse à une époque à la fois traumatisée par les ravages du sida et en sortie de crise économique : imprégnée de disco, elle rappelle à certains les années 1978-1982, hédonistes, groovy, sexe facile et cocaïne à tous nez. Mais comme on ne peut plus trop toucher, coucher, les clubs posent sur des podiums gogo-boys, machines épilées à fantasmes, et drag-queens, créatures à fantasmes insondables. Branlez-vous mais ne chopez pas la mort. Les nouveaux traitements du sida accéléreront les prises de risque, une consommation accentuée de dope (avec une préférence pour la coke et la kétamine), un retour à l'esprit "rave" et une certaine violence automutilante. Aujourd'hui, la musique hip hop est dominante car issue de la rue, prompte à connaître tous les mécanismes de promotion et d'influence. l'électro, trop longtemps cloisonné dans son discours "cette musique nous appartient", a fini par se vendre sans contrôle aux Universal, Sony et world companies qui la vendent, par réflexe de vieux roturiers, comme du rock. La presse spécialisée est en ruine (Coda est un mort vivant et Trax, une pute commerciale au service des maisons de disques). En Angleterre, les gros clubs, financiers des médias tels Mix Mag ou de Muzik sur sa fin, se gaufrent suite à une hégémonie trop forte de deejays-stars (Pete Tong ou Sasha). Les ventes de vinyles se tarissent. La fin d'une histoire ou une crise de majorité ? Je pencherais pour la seconde hypothèse : le tissu "underground" se reforme, assume son passé au lieu de courir toujours en avant, l'esprit originel revient. Rave is still alive. Fermez les paupières.

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MERCREDI 26 MAI 2004 _ #278
 

My bodirotors in bonifactors

Sur le toit de la gare de Perrache, mercredi, les perches des caméramen se tendent vers les premiers festivaliers de Nuits Sonores. En contre-bas, les files de voitures butent sur le tunnel de Fourvière telles de petites fourmis stupides. Stupides car en surplomb des nodaux autoroutiers débute un long week-end fabuleux de fêtes incrustables pour toujours dans les boîtes crâniennes. Clignez des paupières. À l'Elac, François Kanardo Verdet pong-pongue dans tous les sens. Sophie vavavoum Descroix me bise comme je l'aime. Patrice Béghain osculte ma boite de survie, petit sac à main rempli de compresses, bandages stérilisés et sparadrap blanc. Clignez des paupières. Près de 4 000 danseurs investissent la cour principale des Subsistances et naviguent entre deux scènes en resonnance. Sous la verrière, Carl Craig injecte en intra-musculaires des petites nouvelles musicales gigotantes avant de lâcher la foule à Agoria que nous laisserons rapidement. Si les réminisences musicales sentent l'esprit de Detroit à plein corps, le Lyonnais passe de bons disques mais sans basculer le dancefloor dans une histoire. De l'énergie et uniquement de l'énergie. Décevant. Clignez des paupières. Anne LS traverse le set de dDamage : "Je suis rentrée par une porte et sortie par l'autre" et, à l'aide de compresses réhydratantes, nous finissons par éponger des fronts en fièvre sur le mix chic et carré de Derrick May. Clignez des paupières. Jeudi, tout s'enchaine avec hargne et se déchaine avec gourmandise. La rue de l'Arbre-Sec dégouline d'amusés en sueurs lorsque Rico bassine le tube acid de A Jackin Phreak. Patrick sautille au côté de Jacques Haffner, en déambulation sur une trotinette électrique. Christophe Boum se scotche l'adhésif "You are beautiful" sur ses épaules à croquer avant que Z2 ne parte au Rectangle. Clignez des paupières. Dans l'espace d'exposition, le cartilage fraichement explosé d'une voiture sur leurs têtes, des enfants fouillent au milieu des débris cartonnés pour se remplir les poches de bonbons multicolores. À "ce jour d'hypnose", nous flashgordons vers le musée d'Art Contemporain pour rejoindre Dj Poulet et tous les laborantins des collectifs Dopebase et Bee. Les beaux gosses irradient le lieu magnifié par des vidéos psychés et un son jungle abrasif. Christian Jeulin mime l'accéléré d'un karaté kid. Z2 râle contre la batterie de contrôleurs TCL planqués à quelques mêtres et qui raquettent les festivaliers sans ticket. Clignez des paupières. Cette sensation d'une batisse vissée sur des pilotis à ressorts secoue le Transbordeur. Avant qu'Oxia ne ramasse la mise de l'hystérie collective, The Hacker est responsable d'un des plus beaux dj-set du festival : sexy, structuré et à perdre pieds. David Cantéra est collé aux boomers. Je brandis un bouquet de coquelicots au bar. Cyrille Bonin sourit. Le deejay grenoblois aussi : "Je n'imaginais pas un tel public". Clignez des paupières dans un DV1 qui ouvre un jour encore meilleur. Vendredi, l'horizon de têtes tournées vers les bassins de la piscine du Rhône se chrysalide en un océan de bras en l'air hurlant son bonheur. Les "yeppa !" s'allient à des "youli !" pour accompagner les invités du Sonar barcelonais, Undo et Vicknoise. Une débauche de déhanchements incontrolables sur un mix baléare, voyageur par traverses électro-spirituelles. Clignez des paupières. à l'extase succède la colère noire. à la Sucrière, le défilé de lives post-indus plantent les curieux dans un zonage de paumés à l'affut d'un quelque chose de groovy et plaisant. Que du mauvais pour WASP rockeux. Que de mépris, non seulement pour les origines du mouvement electro mais également pour tous les styles non représentés (acid-jazz, soul, hip-hop ou speed garage). Une telle structure pour un piètre résultat nous cloitre dans le VIP Area à ronger notre dégoût. Lorsqu'un responsable de l'organisation s'avance en arborant fierement un t-shirt logoté "Violaine Didier, programmatrice (de cette fumisterie et ringardise, ndlr)", nous lui coupons les talons d'un "l'an prochain, la salle Rameau sera idéale pour vos trucs". Au petit matin, Anne LS tente le stop pour un retour en ville. Je bloque une voiture : "Vous pourriez nous ramener aux Terreaux ?" demande-je à un de ses passagers. "Tu as des stups, du shit sur toi ? Non ? Beh, on ne t'emmène pas" répond un flic de la BAC. Clignez des paupières. Samedi, à la piscine du Rhône et face à un état de fatigue voyant, Patrice Béghain croit apercevoir, dans mon allure, "le saint François de Zurbaran exposé au palais Saint-Pierre". La redynamique du Sonar Club nous expédie dans une danse aérienne où Perrine Lacroix, Emmanuel B et Claudius chorégraphient une house tarée. Clignez des paupières. De retour à la Sucrière, nous tombons dans le body-rotor infligé par Chateau Flight et l'extraordinaire mix de Josh Wink qui me fait hurler : "Il va me tuer". Nous chutons à la pointe du Confluent, aux Siestes Sonores, sur des transats ventés. Je m'endors, cligne des paupières pour les réouvrir à La Tour Rose, dimanche, dans un final dépravé soumis à un trop plein de champagne. Super Pénélope en fixette sur les vidéos de L'électrographe, Philippe Chavent sautillant, Catherine A. hors-dignité et les djs K&K qui essorent nos derniers soupirs de bienheureux. Fermez les paupières lorsque Vincent Carry m'embrasse deux fois, "une deuxième, parce que j'ai l'impression que la première ne t'a pas touché."

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MERCREDI 02 JUIN 2004 _ #279
 

Se faire le Bel dément

"Tonight / tonight / the world is full of light / with suns and moons all over the place", grandiloquent Maria et Tony en fond sonore. Le public de la Maison de la Danse, plongé dans l'obscurité pendant toute la durée de cet hymne mièvre et merveilleux, commet ces "chutt !" habituels qui imposent, à tous, le silence, l'obligé respectueux d'un levé rideau oecuménique. Or, mercredi, rien ne se passe comme le bon consommant culturel l'attend. Sur scène, rien. Autour, tout. Jérôme Bel place sa troupe sous les projecteurs de la non-chorégraphie, des danseurs qui vous matent habilement sans bouger et s'amusent de votre embarras devant le soit-voyant vide artistique. Alors, certains râlent pendant que la plupart glisse savoureusement vers l'action, la prise en corps de leur propre chorégraphie : nous dansons, sifflons, chantons, allumons des briquets et finissons par crier notre admiration dans une standing ovation évidente. Aux performances verbeuses et inabouties que l'on subit presque toujours, le chorégraphe travaille la provocation (bustée au millimètre près et surlignée par des tubes populaires) et nous interroge en multicouches : Que faisons-nous face au vide ? En a-t-on peur ? Comment le remplir ? Quel rapport entretenons-nous à une création artistique ? Plus légère, la culture pop mérite-t-elle le mépris des "cultureux" ? Clignez des paupières avec une pensée à tous ceux qui n'auront pas expérimenté cette machine impressionnante d'intelligence. "Qui ne dit mot consent à la chair/comme ces couverts offerts dans les stations Shell/Et plus je les caresse et plus je me dis que/tu es comme beaucoup de messieurs", swinguent Valérie Lemercier et The Divine Comedy. Jeudi, la ritournelle pluggée par Julien-Justin sur l'I-mac couvre les tablées d'apériteurs au Ding Dang Dong de l'Escalier (8, rue de la Platière, quartier Terreaux). Le comptoir reçoit les coudées rigolantes de visiteurs bavards, de Michel Essertier en pleine fraîcheur et que la nightlife locale ne voit plus guère a contrario de Dj 'Superstar' Poulet et Vincent Carry en décompression post Nuits Sonores. Le coordinateur général du festival pique, provoque un "faites gaffe à ne pas trop institutionnaliser cet apéritif", lorsque Patrice Béghain s'assoie tel un gamin timoré devant des enceintes crachant un son métallique pourri. Anne LS, toujours sous le choc du Show Must Go On offert par Jérôme Bel, dresse la charte officielle de la "youli-attitude" : "Nous pourrons décliner le qualificatif en et éditer des badges imprimés et afin de distinguer les vrais amusants des ennuyeux". Clignez des paupières. Ce soir, les premiers primés seront Perrine Lacroix et Claudius. Ce dernier prend en main la programmation musicale du bar et impose quelques tubes housy à un Luc excédé par tant de fracas. Au Get Real acidifié de Paul Rutherford, le fan du groovy se souvient : "C'était le mec des Frankie Goes to Hollywood qui se déhanchait en version SM". Lorsque Le Petit Poucet fluorise le portable pour nous rejoindre, Z2 est déjà en partance pour la Sucrière. Clignez des paupières. Une vidéo sur grand écran amorce un zapping sur la légende du hip hop attendu. Grandmaster Flash, icône old school, entreprend une passe-passe party médiocre et laissant l'impression du seigneur fatigué assis sur son coffre-fort. Peu importe, Nicolas Stifter s'épuise dans un upliftin énergique sur une série de morceaux noirs par Michael Jackson. Jean-Pierre Bouchard me recharge contre l'idée de faire un bus itinérant lors de la prochaine Fête de la musique. Je le provoque sans méchanceté d'un : "Tu préfères un groupe de vieux rock sur une place de quartier ?" Mariska et Antoine S. stationnent au bar. "Tu te souviens de nos quatorze ans et des émissions de Sidney sur TF1 ? ", questionne Antoine. Trop bien. Je smurfais comme une anguille dans des boums d'ados à la Duchère. Aujourd'hui, je suis grippé. Mes seuls efforts physiques sont la danse et la baise. Clignez des paupières. à La Jungle, je m'étale sur un canapé. La télévision écarte des gros plans sur un sodomisé hurleur. Un serial fucker, assis sur l'accoudoir, me masse la queue. Et la machinerie repart. Fermez les paupières.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Vendredi 4, les "scratch papiers" bousculeront La Chapelle pour le premier anniversaire de leur Trublyon. Samedi 5, l'Opéra de Lyon débordera de son coeur noir endômé pour s'étendre sur la place de la Comédie et la cour de l'hôtel de ville : concerts, ateliers, performances et braderie placeront l'institution dans un grand foutoir ultra-vital. l'an dernier, il faisait disjoncter la Villa Gillet avec Frigos, son adaptation perso et mémorable de Copi. Pour les Intranquilles, et dans le même lieu, du 7 au 10 juin, Gilles Pastor vantera un coming out dans Fermez vos yeux Monsieur Pastor. Au petit delirium intergalactique, introduction de cette pièce, présenté lors de la réouverture des Subsistances, autant réserver tout de suite au 04 78 20 02 48.

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MERCREDI 09 JUIN 2004 _ #280
 

Ça va beaucoup trop loin

À plat ventre sur le lit, les battants de la fenêtre qui jouent aux castagnettes avec les courants d'air, je relève ma sale gueule de l'époque. Je dois me reposer, manger à des heures fixes, profiter du soleil qui arrive et du temps qui compte sans m'attendre. Je fume trop. Je bois trop. Je ne dors pas clair. Mes os sortent de la chair. En ce moment, je ne supporte plus ce corps éprouvé. Je vis dans les joies de cet obscur dont les ombres curieuses tendent à s'effacer devant mon goinfrage de sorties. Bien décidé à souffler et vivre sain. Clignez des paupières. Mais la faiblesse me cabre et, mercredi, Samuel m'invite pour un souper en terrasse de la Table d'Hippolyte. Notre discussion privée se travestit en une assemblée de crocheteurs prompts à nous faire pétiller les yeux : Patrice Armengau n'a pas le temps de me convier à pousser de la voix cendreuse dans l'amphithéâtre de l'Opéra que Nassaboy scelle un futur duo d'interprètes dans une trinque emballée avec Mister Chocolate, ragaillardi par ses multishots dans le bordel d'à côté. Florent surveille les échauffés en table, promet de venir voir l'affaire chantante et cligne des paupières. "C'est à Lyon et dans la région que tout se passe. Pas à Paris", continue Cyrille Bonin au milieu de l'autoroute tracée jusqu'à Grenoble. Je me rappelle mes premières rencontres avec le music-dealer (le plus raffiné des professionnels de l'électro local), cette époque où il fourvoyait les premiers Underworld reçus à Indépendance Records et où j'étais un trainspotter gourmand. Au Vertigo, assise les genoux en ventouse comme une première communiante, Miss Kittin touche en plein coeur : "C'est parce que tu as été trainspotter que tu apprécies la musique par l'amusement aujourd'hui." En cercle clos et squatteur d'un carré de canapés rouges, le team Goodlife descend les bouteilles et supervise un club furieux et peuplé de kids en essorage sur un mix calibré "rave-action" de l'icône mondiale, la petite fille "from Grenoble". Clignez des paupières. Cyrille s'amuse de la mèche new-wave bien peignée de The Hacker. Alexandre Reynaud me promet l'envoi d'un cliché sur lequel "tu vois Adrien et Pacadis, ronds faits". Le dancefloor continue de hurler et me rétine dans une atmosphère proche de celle d'un An-fer dijonnais : basic clubbers, sans frime, venant se défoncer par la musique dans une disco sans autre prétention que de donner du plaisir qualitatif. Clignez des paupières. Vendredi, nous forçons le portail de La Chapelle pour l'anniversaire de Trublyon. Un pichet de whisky-coke à la bouche, Ty Von Dickxit râle : "Ils m'ont enfermé dans la cabine du dj sans une goutte d'alcool et me regardaient comme une bête." La suite ne s'amorce pas mieux. Si le lieu est paradisiaque, le service et la direction du club miment l'attitude des bouseux branchés, soit un simulacre de ces bars pour pigeons du quartier Bastille où on vous fait comprendre qu'il vous faut déjà être heureux d'avoir été accepté en ce lieu "trop à la mode". Pour oubli, nous nous défoulons sur ce pauvre blaireau qui jadis organisait des soirées hip hop au Fish, puis électro dans un hangar communiste, puisS on ne sait plus. Z2 swingue sous la terrasse, armé d'une pancarte publicitaire dénoyautée du visage de son modèle lisse. Nous effectuons une série de photojets où Helena Roche passera une demi-tête dans le cadre à pose, Marin tentera de loucher et Pierrick trompera l'oeil. Clignez les paupières sur des borderliners chauds mais placés dans un lieu à fuir. Après une journée de répétition, nous participons, samedi, à l'atelier lyrique organisé par l'Opéra dans le cadre de sa journée porte ouverte et vavavoum. Nassaboy s'empare du micro et, accompagnés par une pianiste, nous postulons au prix d'interprétation du plus tocard des "black trombones" à faire sortir Gainsbourg de sa tombe. Si cela pouvait être possible, nous aurions chanté faux. Clignez des paupières. Dans la cour de l'hôtel de ville, "ça va beaucoup trop loin." La braderie des costumes de la maison d'en face donne lieu à une série d'essayages qui provoquera l'hilarité d'Anne LS et Super Pénélope. Nous enfilerons un montage de tenues loufoques qui décoincera tous les chiffonniers d'un jour venus faire des affaires. Guillaume Tanhia se travelotera en lépreuse de Ben-Hur dans une toge à capuche en satin vert. Catherine A. jouera la retenue dans une robe stylée Chantal Thomas. Serge Dorny attendra "qu'il n'y ait plus personne pour essayer le string léopard". Marie-Stéphane Guy revisitera l'imagerie de La petite maison dans la prairie. Et d'autres commettront le pire, l'indescriptible. Fermez les paupières sur un après-midi mémorable et magique.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Jeudi 10, Ding Dang Dong se paiera une place au soleil de L'Escalier (8, rue de la Platière, quartier Terreaux). Samedi 12, Clash, meilleure soirée lyonnaise, reviendra au DV1 faire du bien aux club-kids. Vital.

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INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

 

 

 Avant   Après 

 

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