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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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MERCREDI 25 FEVRIER
2004 _ #265 |
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Enjoy this trip and disappear
Déjà la petite famille lyonnaise
de la musique trépigne du gobelet en plastique dans un Ninkasi
Kao en plein remplissage. Jeudi,
la grande affaire du moment, The Rapture, est attendue de pied ferme
par ces âmes sensibles et critiques. Thierry Prat refait surface
avec sa tignasse de rocker fanatique et cette envie de partage festif.
Thierry Pilat négocie peut-être un futur plan
pour les prochaines Nuits de Fourvière avec Marc Cardonnel,
jeune et joli executive director. Patrick
de tapiole.com fixe la nuque massive d'un gaillard
vavavoum tout en questionnant le regard de Marc : "Comment
fait-il pour avoir des sourcils aussi fins et dessinés ?"
Clignez des paupières. Nous débitons plusieurs verres
en fond de salle en compagnie de Cyrille Bonin. Le grand
chef de Kubik avance la nouvelle orientation de sa structure
: "On arrête la distribution de disques mais pas la production".
Je voue une admiration sans limite à cet homme, flaireur
inégalable de bons sons et avec lequel nous partageons régulièrement
l'histoire de la musique et son traitement par des médias
frileux et aseptisés. Anne et Caroline Alt s'installent
au balcon à l'image de ces grandes dames au spectacle. Clignez
des paupières. En moins de dix minutes, Luke Jenner (photo)
se retrouve, micro en filature, au milieu de la foule. Le New-Yorkais
s'amuse, sourit et se laisse toucher comme le dieu d'un soir. Une
jeune fille grimpe les lèvres jusqu' à ses oreilles
en extase. Le groupe punky-funky aligne ses morceaux avec l'habileté
et la grâce que certains ne croyaient possibles que sur un
disque bien gravé et hissé au sommet de la hype mondiale.
Rien de décevant. Presque la première classe. En avant-rappel,
le public se soulève sur un house of jealous lovers en extension
survitaminée. Marc Renau se laisse chambouler par
le mouvement unique avant de voir passer le chanteur au-dessus de
sa tête dans une virée finale. Clignez des paupières.
Au 10, l'excitation rapturique ne redescend pas et nous collectionnons
les visées d'amants hypothétiques. Jacques Haffner
droppe les invités de sa Carte blanche salace à l'Opéra
de Lyon, annoncée le 20 mars prochain : "Gaïa
sera l'animatrice de la soirée. Il y aura Black Box, Chantal
Goya, Patrick Hernandez et des gogos pailletés de partout".
Clignez des paupières. Vendredi,
Le Petit Poucet ne veut pas de verre vide. Pour son trentième
anniversaire au 10, il s'entoure de journalistes drunky et aimables
: Nadjette Maouche se bat avec deux cintres translucides et me garantit
que je peux encore l'admirer en rediffusion sur France 3, tous les
matins vers 6 heures. Paul Satis campe au sol, tel un yogiste
en lotus incomplet. Damien Nicolini charge un "casteur
de Réservoir Prod qui est d'une aigreur pas possible".
Nous testons la méchanceté de l'accusé sans
obtenir grande bataille sémantique. Je questionne Damien
: "Il a pris des acides dans son jeune âge pour être
aussi déconnecté du réel ?" Clignez des
paupières. Après un bref passage au Medley
où le TLM crew me laissera le temps d'embarquer un petit
Suédois et Christian d'Aubarède insistera pour que
"(je) reparle de (sa) grosse queue. Cela me fait une publicité
énorme lorsque tu l'écris dans Nuits mobiles",
l'Ambassade s'orchestre Paradise Garage. Rue Stella, je mange la
bouche de Daniel dans le pur respect d'une "jurisprudence Madonna"
en vogue (soit baiser avec des amants de dix ans son cadet au minimum)
tout en lui promettant le mariage pour qu'il obtienne la nationalité
française. Nous clignons des paupières, surplombés
par Le Petit Poucet et Mustapha Kessous en pleine chorégraphie
discoïdale sur un podium. 200 personnes feront bloc, samedi,
aux portes de l'Hotel de Ville pour se réveiller contre l'homophobie
rampante et pousser les promesses électoralistes sans lendemain
du gouvernement à une réalité. Hormis Michel
Chomarat et Sylvie Guillaume, aucune autre personnalité politique
n'a rejoint le petit groupe. Sommet du dégagement, les limonadiers
gays ont oublié la cause qui engraisse leur tiroir-caisse
: nous n'apercevons qu'un seul patron de bar homo et quelques passants
compatissants. Clignez des paupières. La nuit humide initie
Mariana et Peggy-Laure Allard à se travestir en diseuses
de bonnes aventure à la crémaillère "gitane"
d'Emmanuel B. à l'écroulé, sur un canapé
de bulles, un invité confesse : "Je ne peux plus faire
semblant de m'amuser. Si je m'emmerde, il faut que j'invente immédiatement
quelque chose. " Emmanuel se fait galucher par son harem féminin
et toise des Bel Ami borderliners. Clignez des paupières,
coiffés d'un chapeau de truand. Au DV1, Clash s'impose
comme la plus belle réussite de Lionel Maublanc mais surtout
comme la soirée la plus hype et dégénérée
de Lyon. Mark Moore, icône intouchable de la House Nation,
se déshydrate et essore les kids-clubbers et lolita-fashionista
en un décoffrage magique de l'électro-pop et techno
high energy actuelle. l'Eardrum crew et la décoratrice Pénélope
scintillent devant un Dj Arnie en extase. Primabella
me sert des "tu es trop snob" tout en montrant
la cicatrice qui lui lame le corps : "Avec ça, je
ne peux plus baiser". Fermez les paupières.
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MERCREDI 03 MARS
2004 _ #266 |
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Las,
sans corps
Ralentir et se sentir las, sans corps. Je
m'essaie à la "petite semaine" avec pour
unique objectif : le repos. Mais je rate le coche et me prends quelques
chocs. Mardi, j'attrape la tête
d'un maçon trapu qui me branle de sa bouche dans le souterrain
de La Jungle. Clignez des paupières. Je me demande
l'intérêt d'un tel coup fourré. Je ne me masturbe
plus depuis que mon accoutumance aux bordels donne forme à
n'importe quelle envie, aussitôt assouvie. Il faudrait arrêter
ces pratiques qui abîment la légèreté et la
font glisser vers un automatisme de prédateur cynique où
la puissance de séduction n'est plus qu'un leurre. Le bordel,
c'est une sorte de casino pour petits joueurs du samedi soir : vous
arrivez avec votre gobelet en plastique rempli de monnaie. Vous
vous installez aux manettes d'une machine qui avale deux pièces
pour ne vous en rendre qu'une, après roulement de tambour
et un banco de rêve scintillant. Vous récupérez
le maigre butin puis relancez l'affaire. Tout cela dans l'ennui
et la médiocrité. Je garde l'image de ces vieilles
dames assises sur les tabourets du Casino de Biarritz : les pièces
de cinq francs fondaient avec ce geste mécanique et désabusé
de femmes seules et fortunées qui attendent que quelque chose
leur tombe aux pieds. Et pas seulement le jackpot qui force la jalousie
de toute une salle lorsque le flot d'argent clinque dans la caisse
en ferraille. En secret, rêvent-elles de jouer un bout d'existence
borderline dans une salle enfumée autour de jeux beaucoup
plus cérébraux et dangereux ? Peut-être. Mais
elles sont faibles et craintives comme je peux l'être dans
un bordel. Clignez des paupières. Mercredi,
à l'Escalier, Anne incruste "Hélas,
aujourd'hui, aucune action ne peut être faite sans lui donner
un sens. Tout ce que tu entreprends doit être symbolique et
justifié." Nous nous accordons sur l'utilité
des flashmobs, passées et à venir, où l'urbain
s'adonne à une action déconnectée de toute
revendication politique ou artistique (infos : www.beadoa.org).
Clignez des paupières dans la comptine lymphatique du Mummies
composée par Zongamin. "Comment vieillit-on ?"
se pose, jeudi, en table avec
Estelle et Kelly Star au Baryton (rue de l'Arbre-Sec, quartier
Opéra). Je suis un adolescent attardé. Celui qui voudrait
être encore pur, à la mi-temps entre l'enfant innocent
et l'homme mûr, sage et manard virtuose de cette réalité
pas très jolie. J'ai toujours besoin de me tromper, de jouer
le prétentieux qui se contredit après avoir un peu
plus vécu. Cela ne me gêne en rien d'affirmer, de garantir
ou de m'engager pour une cause pas perdue. Et si je suis dans le
faux ? Il se présentera toujours un instant où je
dirai : "j'ai eu tort deS". Par exemple, est-ce
une bonne idée de surlevrer ma bouche d'une moustache ? Oui,
parce que la mode le dicte. Non, parce que je ne suis pas convaincu
de l'esthétisme de l'affaire à poil. Mais je le fais
comme l'ado qui a besoin de crâner et devancer ses copains.
Pourquoi ne suis-je pas très gentil avec certains confrères
journaleux ou quelques "personnalités" locales
? Parce que je ne les ai pas encore rejoints dans la salle du bal
des ambitieux contents d'eux et qui tentent de vendre leur petite
entreprise spécialisée en reconnaissance publique.
Mais ne nous méprenons pas. Un jour viendra où je
danserai la roublardise avec eux, où je saurai être
pute et conciliant, où je voudrai faire fortune de mon talent,
existant ou pas. Clignez des paupières. "Finir seul"
: voil à ma hantise. Même si la solitude est une amie,
l'idée que le temps m'isole n'est pas chose simple à
appréhender. Il est évident que mes proches prennent
des chemins que je n'ai ni l'envie ni la possibilité d'emprunter.
Je suis pédé et ne peux pas, et surtout ne veux pas,
former un couple à longue durée usable. Il me faut
inventer des histoires peu répertoriées dans les clichés
de la vie en pesanteur. Il faudra pourtant que je me sécurise.
Le temps et la vieillesse du corps alourdissent notre capacité
à rencontrer de nouveaux autres en même temps que les
"déjà connu(e)s" s'échappent dans
un ailleurs étranger. Clignez des paupières sous l'enceinte
d'un taré You prefer Cocaïne par Vitalic.
Vendredi, la lenteur me capte
et je ne rejoindrai pas Caroline Alt, Anne et Z2 à
l'anniversaire d'Hubert-Julien Lafferière dans un
entrepôt du quartier Guillotière. J'attends mes retrouvailles
avec Mon Épouse, samedi,
lors de la surprise-party orchestrée par Lady Wonder. Clignez
des paupières. Dans le couloir, elle sourit. Son ventre a
gardé les traces de sa jeune maternité. Il y a maladresse
à se revoir après ces semaines de distance. Mais je
suis heureux de revoir la future mère des enfants que je
n'aurais pasS avec elle. Entre deux petites danses, j'enlace Mon
Épouse mais ne sais pas encore comment reprendre l'histoire.
Clignez des paupières. à 4h du matin, Marie-Stéphane
Guy et Super-Pénélope se précipitent dans
la voiture pour "aller faire des pâtes". Z2 s'accroche
au guidon de son Motobécane et disparaît sur la Saône.
Je ferme les paupières en pleine glace et mes veines coulent
dans l'alcool à bien-être.
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MERCREDI 10 MARS
2004 _ #267 |
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Heartbeats
Certains prennent appui sur les grilles
gelées et étirent leurs muscles brûlants. d'autres
courent et expirent de la vapeur d'eau, tels de bons bourrins poussés
à bout par le cavalier de La Saine Forme. Mardi,
sur le tracé qui nous téléguide vers l'Orangerie
du parc de la Tête d'Or, Super Pénélope
mate les ombres généreuses de sportifs nocturnes.
Nous envisageons déj à une chasse à l'homme
en ces lieux, "mais sans courir, et lorsque le printemps
viendra". Clignez des paupières. Sous la cathédrale
à fruits, Pierre David vernit son Abécédaire,
accouplement de lettres précieuses et feuilles d'arbres peintes
à l'or fin. Françoise Rey feint l'ingénue
: "Comment a-t-il peint les lignes de ses feuilles ?".
Patrice Armengau sourit à la voluptueuse et douce
: "Imaginez que l'on vous allonge sur un tableau et que
l'on fasse un aplat en or de votre corps". Nous suivons
l'accrochage de ce canevas bourgeois et classique jusqu' à
la nappe blanche du cocktail. Guy Walter se décoiffe
d'un bonnet "qui vient de Houston". Le directeur
des Subsistances rayonne de ses meilleures nouvelles :
"Demain, j'ai une séance photo pour Le Monde"
puis : "Vous avez vu mon fils en photo dans la rubrique d'Éric
Dahan ? Il y a un buzz énorme autour de son duo Sex In
Dallas (binôme electro à découvrir sur www.kitty-yo.com,
ndlr)". Nous nous amusons avec affection de son trop plein
de vantardises avant de cligner des paupières. Sur une table
de ping-pong, mis en chair par des globules blancs à jouer,
un homme se déballe, allongé et à demi-mort.
La membrane de son coeur pulse au son d'un match imaginaire. Mercredi,
Le Gentil Garçon ouvre ainsi l'exposition, "l'Aventure
Intérieure", au Rez d'Art contemporain de Meyzieu.
l'artiste, en charge du visuel des prochaines Nuits sonores, réussit
encore et toujours à nous asseoir sur un balancier ludique
et remuant : alternance d'envolées grisantes et retombées
sur un sol qui maltraite la légèreté. Clignez
des paupières. En trinque, éric me reproche de ne
pas avoir compris l'installation de Daniel Firman à la Galerie
Néon. Je persiste dans ma mauvaise appréciation de
cette voiture couchée sans intérêt mais promets
de visiter la nouvelle pièce du plasticien, Immobilis, au
musée des Moulages. Clignez des paupières. Super
Pénélope et Marie-Stéphane Guy tentent
de mimer les croqueuses d'amants au Dancing Line du Studio 1. En
escort boys bienveillants, Frédéric Sicre et
Mister Chocolate suivent les excès des deux pestes au milieu
de cette grande cantine qui gondole de rires et déhanchements
libres sur musiques ringardes. Nous essayons de reprendre notre
sérieux de gens bien élevés et crâneurs
mondains avant de céder à l'appel de cette soirée
régressive et drôle. Jean-Luc Very transpire
du pull en cachemire. Nathalie Veuillet s'enivre au bar, protégée
par un Wilfried Haberey vavavoum. Philippe Moncorgé
cherche un open bar hypothétique avant de cligner des paupières.
Vendredi, au musée d'Art
contemporain, le surnombre de visiteurs nous piège dans le
parcours sommaire et intranquille d'un double événement
: le vernissage de Derrière le monde flottant par
Mathieu Briand et l'ouverture de la biennale Musiques en scène.
Z2 déprime à l'idée que son quartier (Saint-Jean,
ndlr) soit bientôt envahi par la vidéosurveillance
municipale. Patrice Béghain et Richard Lagrange, nouveau
directeur de la DRAC, essayent de le convaincre du bien fondé
de l'expansion de notre traçabilité permanente : "Vous
êtes déj à filmé dans les magasins, les
parkings ou ici-même. Votre carte bleue et portable vous pistent
à chaque instant. En quoi des caméras porteront-elles
plus atteinte à votre vie privée ?" Peu convaincus
par ce discours officiel, nous flashgordons vers le Studio 24. La
fin d'un concert passablement égotriqué ouvre un buffet
pour invités ennuyeux et aussi amusants que Sylvie Tellier
devant le prompteur de TLM. "Tu imaginais peut-être
que le Grame forme une bande de délurés : ils sont
chiants à mourir", claque un invité. Clignez
des paupières. Pour oubli, nous effectuons une rigolothérapie
sur le lit du 10. Nos peaux se caressent et nos yeux se fatiguent
dans l'alcool. Au bar, Catherine A. se pend à ma moustache
: "Allez, je veux voir si elle est vraie". Guillaume
Tanhia et Stéphane s'échappent à l'United
Café pour cligner des paupières au milieu de pimpos
en sueur. Samedi, je me lèverai
à 19h, adossé au toucher délicat d'un gentilhomme
nu sous les draps. Ce bonheur calme et isolant de la grisaille du
jour nous lancera dans la première rave du Cercle Rouge,
association marseillaise invitée par Mathieu Briand au MAC.
Si l'affluence moyenne de la soirée déçoit
un peu, nous partagerons rapidement les beats vicieux et captivants
d'une techno bien frappée. Isabelle Bertolotti bat les montées
musicales d'un doigt vers le ciel. Z2 machinalise les bras en jeune
raveur. Julien Micro P. teste sa virilité au bar.
Christian Jeulin sautille en rythme et photoclique le hall
du musée en fête totale. Nous fermons les paupières
le coeur palpitant et la transpiration au front avec promesse de
revivre encore mieux les deux prochaines nuits, programmées
les 27 mars et 24 avril.
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MERCREDI 17 MARS
2004 _ #268 |
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Le
corbeau et les dommages
Même si manger des émotions
et la chair qui les emballent (sans que les unes et l'autre soient
férocement liées) me nourrit au quotidien, le début
de la semaine me végétatise. Passer jour et nuit à
saluer, écouter, rire, boire, baiser, se défendre
ou attaquer finit bien par provoquer une overdose. Jusqu' à
jeudi, ma tête se vide. J'expulse ces rencontres récentes,
trop riches en sollicitations d'opinions, d'éjaculations
et petits arrangements avec ma bonne ou mauvaise réputation.
Un grand soir, Lulu, du feu et regretté Vertubleu,
me décryptait dans son bar mythique de la rue Mercière
: "Tu es comme un corbeau sur une branche : tu regardes
le fromage sur la table d'en dessous. Tu le piques avant de remonter
sur ton arbre. " C'était il y a quelques années
et j'appréciai modérément cette analyse charogne
qui semblait qualifier quelqu'un de voyeur et ne prenant aucun risque.
Aujourd'hui, le corbeau se sent parfois englué dans une fondue
au vin blanc, les plumes prisonnières dans le chaud d'un
crémage qui tue. La fierté et la ré-assurance
que j'éprouve dans la multitude de belles personnes fréquentées
n'évitent pas le claquage de cerveau. J'aime mes proches
à l'excessif ou me moque des médiocres avec l'aigreur
du mec qui pense ne rien pouvoir faire de sa vie. Prendre. Donner.
Prendre. Donner. Et puis mourir. Clignez des paupières. Jeudi,
nous piquons le champagne de la boutique Puma au milieu d'invités
vaguement dans la mode, plus sûrement dans le wanabee. Z2
me présente Vikash Dhorasoo que je bâche maladroitement
: "Mais, il est tout petit". Clignez des paupières.
Kelly Star sort sa bite et mord sa carte bleue. Au 10,
la soirée se vend Hot et cabre des gogos et une blonde lipoplastifiée
sur le comptoir. Ils se tripotent la peau pour assoiffer les pores
mais ne nous touchent guère. Il y a dans le bar de Jacques
Haffner un truc vulgaire, très 1980 et contre-daté,
qui ne m'amuse pas mais donne au lieu ce côté unique,
dans le mauvais genre du bordel bourgeois pour quadra rétro.
Gilles Pastor sort de sa coquille. Paul Satis ne décoince
pas malgré "les affiches sur tous les abribus de la
ville" qui le pose en star d'une radio locale. Samuel descend
les verres de whisky en discours idéaliste : "Je
suis un anarchiste. Je pense que la démocratie est dangereuse.
Pourquoi nos vies sont-elles liées à des hommes politiques
élus par des beaufs ?" Le gentilhomme poursuit un
débat intelligent et radical sur la République avant
de partager, avec Catherine A et Claudius, une charge pour Guillaume
Tanhia et Jean-Bernard. "Vous êtes des légalistes.
On vous verra faire la danse du ventre lorsque Perben sera à
l'hôtel de ville", politise-je sans sérieux
à l'endroit des deux sus-visés. Clignez des paupières.
La soif grandit à l'UC lorsque Claudius bondit du torse en
se touchant un sein et Guillaume entreprend une expédition
"dans les fonds des dancefloors". Nous dépassons
les limites de la bonne tenue dans un jeu de folasses hystériques
et branchons de jolis pimpos sans importance. Clignez des paupières
sur Francis, jeune danseur vavavoum dans les pupilles. Diable d'auto-promo,
vendredi, à Freaks dans un Modern Art Café
surblindé. En tant que co-organisateur de la chose au sein
de l'association peu lucrative Beadoa, cette nuit tendue par l'acid-house
de A Jackin Phreak (soit Dj Arnie) regroupe quelques-unes
des plus belles créatures de la ville. Le bar piétine
au son illustre, mais trop bas pour danser, d'une TB303 à
la mode. Peggy Laure Allard graphe un coeur sur la vitre blanchie.
Cricri et le Petit Poucet annoncent leur futur boulot
d'apprentis-deejays au Buldo. Barbara Prost se drunkise à
proximité de Helena et Gregoire Roche.
Mikael et Patrick de tapiole.com matent les
enculades de deux apollons masqués par des papillons agiles
en projection sur le mur. Le low-porno de Gael Cobert attaque Christophe
Boum avant d'allonger Z2 et Hubert-Julien Lafferière
sur le canapé. Anne prévoit : "Pour la prochaine
Freaks, on loue la Halle Tony Garnier". Clignez des paupières.
Catherine A, Frédéric Sicre et Claudius m'embarquent
au Medley. Entre deux coupes, Catherine prouve qu'elle "sait
rester digne". Emmanuel B. me taille dans son corps doux
et définit "l'amour éternel" qu'il se sent
incapable de frôler. Au regard de ma montre, Catherine frappe
: "Arrête de jouer l'horloge parlante", puis nous
clignons des paupières. "Il va être le jambon
et je serais son petit pain", se vante Christophe Boum,
samedi. Le bel-ami maltraite Steevy (qui apprécie) à
la Clash du DV1 pendant qu'un idiot sous cocaïne trépigne
au bar : "Je veux un whisky orange. Dépêche-toi,
c'est pour Laurent Ruquier. " l'équipe de l'humoriste
attire quelques "blond inside" autour de sa table tandis
que nous essayons de danser sur la hardhouse monotone de Tasty Tim.
Peu importe le son, la fièvre "Clash" nous chauffe
à bloc et mélange sexy et body music dans un pur esprit
clubby. Fermez les paupières sur ce qui est la meilleure
soirée lyonnaise du moment.
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MERCREDI 24 MARS
2004 _ #269 |
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Ne
plus revoir le Périgord vert
Le
colosse ne bougeait pas de son fauteuil. Il regardait sa femme trop
parler pour deux. Ses sept enfants déposaient, pour les vacances
ou un après-midi, les rejetons qui couraient dans la salle
à manger avec la limite d'excès fixée par ce
cerbère magnifique, à l'oeil d'un bleu céleste
et aux joues rouges du bon paysan. Il levait, sans rien dire, sa
taille d'ogre nourricier et partait pour les champs. Je ne l'ai
jamais entendu prononcer plus de trois phrases. Le jour de l'enterrement
de ma mère, de sa fille, il me prit par l'épaule et
m'invita à une promenade. Sous le noyer du pré, le
vieil homme stoppa son corps lourd puis me fit face. Des larmes
pinçaient son nez. "Tu es tout seul maintenant. Tu
ne peux pas rester ainsi. Avec ta grand-mère, nous sommes
trop vieux pour ton avenir. Il te faut trouver une femme",
décoinça sa gorge. Sa maladresse me tordit. Sa douleur
ouverte me tronçonna les jambes. Le patriarche si solide
s'effondrait devant un petit-fils à peine sorti de l'adolescence.
Nous nous enlaçâmes, pour la seule et unique fois,
avec la tendresse de ces êtres qui débordent de souffrances
et se soutiennent de leurs poitrails mis en ébullition par
une centrifugeuse détraquée. Clignez des paupières.
Samedi, je débranche
le téléphone sous le péristyle de l'Opéra.
Une soufflerie bande des manches colorées depuis l'amphithéâtre.
Christian d'Aubarède feint la bonne tenue d'un "pipoul"
bien cadré : "Hier, je vous ai vu endormi sur un canapé
de la Jungle. Ce n'était pas très glorieux".
J'assume pleinement mes fins de nuit d'homme fatigué qui
s'étale là où son sommeil trouve siège.
Et puis, Alain Pacadis finissait bien ivre mort au milieu
des poubelles du Palace. Clignez des paupières. Jacques
Haffner reconfigure l'Opéra en discothèque seventies,
fourrure blanche sur colonnes et bonbons plein de sucre au comptoir.
Sa "Carte Blanche" était vendue comme "kitsch
et sexy". Elle sera déconnante et impossible à
relater. Les fluomobiles de Pénélope survolent des
danseurs en préchauffe sur un dancefloor mis en arène.
Claire Carthonnet descend le grand escalier, enrobée
d'une création de Nicolas Fafiotte. En Petit Chaperon Rouge
vicieux, paré, la belle toise les invités d'un air
désabusé et allumeur. Kelly Star mate le fessier
d'un gogo boy avant de saluer Jean-René accompagné
d'un homme discret, petit gabarit à investir. Serge Dorny
me questionne : "Saviez-vous que Guy Walter a eu
un accident à New York ? Je pars prendre de ses nouvelles."
Quelques minutes plus tard, le plus délicat des non-Lyonnais
rassure : "Il a été bavard, signe qu'il va s'en
sortir". Clignez des paupières. Lorsque Black Box débute
son play-back d'I Don't Know Anybody Else, Fred D. a déjà
descendu quelques verres et se prend d'affection pour Lionel. En
master of ceremony, Gaïa glisse son jupon princier au milieu d'un
couple relooké disco-chico, choucroute crêpée
et vestes pailletées en pleine peau. Sur scène, Chantal
Goya déchaîne des passions indescriptibles. Gilles Pastor
hurle : "Le lapin ! le lapin ! le lapin !", avant de se
calmer d'une justesse : "Ils en ont oublié un morceau.
Elle est toute petite Chantal." Claire s'agenouille près
de la star et se prostre en chanson : "Becassaille-neuS is
my cousaille-neu". D'autres se livreront à des chorégraphies
dont je tairai le caractère régressif afin de m'éviter
un procès pour révélations. Guillaume Tanhia
balance des poignées de guimauves sur un public fier de vivre
ce grand instant de n'importe quoi. Au Born To Be Alive mimé
par Patrick Hernandez, Philippe Chavent duetisent un rock ample
et brouillon au bras de Nadine Gelas. "Mais il va
la casser", m'inquiète-je de l'avenir de Madame
Mode auprès de Patrice Béghain. L'adjoint se
réjouit : "Ce n'est plus l'opéra. C'est un
ailleurs." J'aurais aimé maltraiter Gérard
Angel ou Laurence Renaudin mais l'ivresse me coiffe d'une perruque
verte offerte par, suppliée à, Serge puis nous clignons
des paupières sur une soirée en course pour rester
mémorable. Vendredi,
je débranche le portable sous le péristyle de l'opéra.
Mon grand-père est mort. On l'enfoncera dans la terre juste
à côté de ma mère. Je ne suis pas trop
en peine. Sa fin ne fait qu'agiter la série de cercueils
mal alignés qui bougent encore dans mon coffre. Ne plus revoir
le Périgord vert. Fermez les paupières.
Courts-lettrages
pour nuits vitales. Petits rappels de là où il
faudra bien vivre. Samedi 27 mars, Ampek joue sa deuxième
phase au musée d'Art contemporain. Mathieu vavavoum Briand
et le Cercle Rouge invitent Flore, Loan 5, Dj Daisy et 69 dB pour
une fête forcément vitale au souvenir du bon esprit
qui marqua la première édition, il y a quinze jours.
Plus loin et en auto-promotion, beadoa et tapiole. com inaugurent,
le jeudi 1er avril, une saison d'apéritifs à L'Escalier
(rue de la Platière). L'affaire sonnante, stupidement nommée
ding dang dong, se jouera un jeudi sur deux dans le délicieux
bar. Plus d'infos sur www.beadoa.org.
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MERCREDI 31 MARS
2004 _ #270 |
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Can
u take control of me ?
Mercredi, nos chaussons en papier rebondissent
sur le tapis volant, lainage gigantesque de Wang Du étalé
au Rectangle. Ce maillage d'une couverture du Times qui éternise
le péril de la navette Columbia active les sensations : le
bleu du ciel abîmé par l'étoile américaine
en feu, ce rêve d'espace déchu, est mis à terre,
voire se reflète dans l'eau avant de se diluer dans un océan
vaguement calme. La marge rouge communiste encadrant la Une enchiffre
une conquête médiatique universelle à coups
misérables des petits cours de vente du magazine. Les visiteurs
"empattés" des protège-oeuvre blancs sautent
sur le tapis tels des Armstrong en pleine apesanteur lunaire et
piétinent sans précaution l'image d'une navette cramée.
Clignez des paupières sur une si forte maîtresse-pièce.
Nous dînons cours Gambetta chez Christophe Boum et Primabella
sur fond de Valérie Lemercier : "Ô mon
cheval. Ô mon cheval en savon. Il sentait si bon. Il sentait
si bon le savon." Super Pénélope lance
un appel au secours sur le portable afin de la tirer du mortel ennui
enduré à l'after vernissage donné par Laurent
Godin à La Marquise. Sur la passerelle de la péniche,
nous nous réassurons de l'emmerde systématique que
suscite un regroupement arty. Il n'y a pas plus tristes, mal prétentieux
et bouches de suceur grandes ouvertes que deux artistes et un bataillon
de beauzardeux autour de trois chips salées. Clignez des
paupières. Au 10, Jacques Haffner nous présente
un revendeur de gros cierges, alors que Reine Claude distribue
des bougies rouge cardinal aux filles avec un mode d'emploi :
"Faites-vous du bien. Si elles ne vous semblent pas assez grosses
pour assouvir vos envies, enfoncez-vous-en plusieurs."
Nous testons le bord sexuel du négociant en breloques chrétiennes
tout en nous excitant à la nouvelle révélée
par Super Pénélope : "Les pompiers de la caserne
Saint-Louis préparent un 14 juillet encore plus fameux que
l'an dernier : il y aura encore plus de pyrotechnies et de bars
à thème." Clignez des paupières. Jeudi,
Anne sort d'un enchantement "proche de celui créé
par Caro et Jeunet dans leurs films". Pour Tricodex,
Philippe Decouflé empile les balcons d'applaudissements à
l'Opéra. Si Décodex concentrait, dans une pièce
courte et liante, un voyage imaginaire et la féerie bancale
d'un monde de forains merveilleux, le troisième volet du
faiseur de spectacles effiloche des scènes pas toujours heureuses
sur deux heures que l'on ne voit certes pas passer mais qui ne procurent
aucune échappée sensorielle. Clignez des paupières
au Café 203 où nous matons avec insistance
un Lionel total-vavavoum avant que Manu Cédat nous
invite à visiter les toiles d'araignée de sa cave.
Chez Marie-Stéphane Guy, samedi,
la cheminée du salon chauffe les fesses de Frédéric
Michalak en pleine mêlée sur la pelouse télévisuelle.
Z2 décrète que le vert est la couleur en vogue de
ce printemps. Les filles acquiescent et accessoirisent leurs tenues
de soirée d'une touche de la couleur diktat. Au Studio 1,
la mode est à la standing provocation devant le cuisinier
du hangar. Le reste de la salle est une reconstitution hyperréaliste
d'une fête de fin d'année au collège de Lamure-sur-Azergues
ou d'un village voisin. Un petit défilé sur la longueur
du bar au bras de Marie-Stéphane, quelques rires en compagnie
de Christophe Montfort et Christian Yohan Bégaut puis nous
flashgordons au Musée d'Art contemporain. Pour leur deuxième
rave, Cercle Rouge et Mathieu Briand actionnent la machine infernale
d'une techno hardcore captivante pour teen-ravers. Lady Wonder
chorégraphie une montée au ciel. Les Kanardo sautillent
sans répit. Je promets à Isabelle Bertolotti
un avenir certain dans une Spirale Tribe nomade avant de pleurer
à l'artiste marseillais un plongeon dans la piscine de son
Derrière le monde flottant. Z2 se compromet dans un bref
échange avec un blaireau du Rouge Rouge. Clignez des paupières.
Dimanche, les verres de rouge
volent à l'annonce de la raclée prise par la droite
aux élections régionales. Sur petit écran,
nous commentons la veste glitter d'un Douste-Blazy toujours aussi
idiot. Patrick P. et Christophe Boum investissent le grand
salon de la préfecture. René Lambert me suspecte de
ne pas savoir ce que signifie le discours "off". Petit
Poucet trône sur un fauteuil entre deux caméras
abandonnées. Fermez les paupières dans une course
festive au Ninkasi puis un matraquage de Get Perrier au comptoir
du 10.
Courts-lettrages
pour nuits vitales. Petits rappels de là où il
faudra bien vivre. Ce vendredi 2 avril, aux alentours du premier
festival hip hop Original 84-04, les "bouge-la-tête"
se regrouperont au Transbordeur pour le concert de Raekwon
(Wu-Tang Klan). Vital. Le lendemain, samedi 3, dj The Visitor s'invitera
à une nouvelle Clash renversante au DV1. La nomenklatura
locale aura, un peu plus tôt, siroté l'eau bleue de
la Piscine du Rhône lors de la Party sélective organisée
par l'Ensemble Noao (infos : 04 72 71 98 15).
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MERCREDI 07 AVRIL
2004 _ #271 |
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L'odeur
des fauves
"Tu
n'aurais pas un vieux titre de Duran Duran ?",
se colle un ex-fan des eighties à la souris du juke-box informatique.
Jeudi, beadoa.org et tapiole.com
commutent L'Escalier (8, rue de la Platière) dans
un mélange des genres joyeux et une surenchère en
musiques variées. Ding Dang Dong, nouvel apéritif
bimensuel, croise Halleluyah des Happy Mondays pour arty
dévergondés en fond de bar, un Girls dangereux
de Run DMC vs Beastie Boys pour alcooliques mondains ou le Blue
Monday sous acide progressif de New-Order qui force la
salle à un abus de sourires et bouches en sifflets. Carla
offre une de ses créations à Z2 : un fessier de plâtre
blanc cambré sur des membres inférieurs rouge vif
et agenouillé en pieuse soumission. Le doigt sur la machine
à son, je suis coincé devant le listing musical déroulé
par l'ordinateur alors que Caroline Alt et Hubert-Julien
Lafferière se font serrer au comptoir par le trop plein de
bienheureux. Patrick P. descend les verres sans attendre
que les glaçons aient le temps de se noyer. Primabella
veut baiser. Jérôme d'Art Canut se retrouve
plaqué par un Christophe Boum violent qui hurle en
clôture : "Ding ! Dang ! Dong ! Ding ! Dang ! Dong
!" Clignez des paupières lorsque Peggy-Laure
Allard me bise un "merci pour ce bel apéro".
Nous retrouvons la belle architecte, vendredi,
devant la porte du Transbordeur. Le festival Original
84-04 affiche complet pour son concert du soir. Je mate les
bonnes gueules de petites frappes en survêtement et m'interdis
toute tentative de drague sauvage sous peine de me retrouver aux
urgences. Sur scène, Triptik déverse son flow à
connotations sociales sur une foule sage et en roulement de joints
odorants. Nous décrochons de ces gesticulations bavardes
et siégeons au bar en compagnie de Jean-Pierre Bouchard
et Alexandre Dufresne. Le duo, en charge des nouvelles musicales
pour la municipalité, converse sur ce que devient la techno
ou le hip hop dans la ville. Je sers mon verset critique sur l'esprit
électro actuel : le jeune blanc européen a confisqué
le mouvement "house-techno" dont la source est, à
son grand regret, noire et gay. Il a longtemps considéré
que cette musique lui appartenait et, en élitiste underground,
l'a cloisonné dans un petit milieu sectaire et stérile.
Des raves originelles où se mixaient travelos, blacks, vieux
hippies et punks, les blancs n'ont laissé qu'un résidu
de travellers junkés et petits bourgeois en crise d'adolescence
dans des free-parties sales et végétatives. Lorsque
je rejoins la communion des doigts en V tendus devant les dandinements
daisy age du Wu Tang Clan, je baigne dans l'humanité et le
partage que les minorités colorées défendent
chèrement à contrario du visage pale et prétentieux
qui veut être suprême et surtout moderne. Clignez des
paupières. En route pour le Motor Men Bar, Z2 assure
: "Il y avait une odeur de fauves terrible au milieu de
la salle. ça change des concerts pop où l'on transpire
plutôt l'eau de Cologne". Dans la cave ouverte du
bordel, quatre serial fuckers manipulent un jeune drunky mis nu
et perdu entre deux queues et des torses flasques. Je m'assois et
observe ce manège triste et peu engageant. Clignez des paupières.
Des voilages légers enveloppent le grand hall de la Piscine
du Rhône. La fraîcheur du fleuve recouvre de lainages bleus
des convives allongées sur les transats alignés sous
les branchages en béton de la terrasse. Samedi,
l'Ensemble Noao donne sa Party dans le centre nautique et piège
ses invités dans une fête douce, flottante et enivrante.
Marie Rigaud questionne : "Comment faire pour qu'une
histoire d'amour dure ?" Sans réponse. Cooki roule
des petites bites voraces en décalcomanie sur ses pupilles
dans l'attente d'un jackpot libidinal. Michel Essertier chausse
une paire de lunettes jaunes avant de couler dans un bain de champagne.
Marie-Stéphane Guy annonce à Pierre Obrecht
qu'elle a sa place réservée auprès de Dieu
après avoir pris en stop un homme "pas sexy du tout
dont le 4x4 fut volé à l'entrée de son hôtel.
Je l'ai déposé à la gare de Grenoble et lui
ai payé son billet de train pour Lausanne". Anne
LS, Emma et Pierrick, de Trublyon, jouent les vaporeux sur dancefloor
lorsque Frédéric Sicre se coiffe de mon chapeau
du Tyrol et mime une star des années trente. Lady Wonder
materne Raphaël Hermano avant de nous lâcher au milieu
d'un DV1 en extase. La soirée Clash absorbe nos corps
sur le mix parfait de The Visitor. Raphaël sourit, se fait
draguer par un gym queen. Z2, debout sur un podium, lâche
son dernier souffle avant de fermer les paupières sur une
nuit magnifique.
Courts-lettrages
pour nuits vitales. Petits rappels de là où il
faudra bien vivre. Dimanche 11, Ellen Allien, Green Velvet et Scan'x
seront les vedettes d'une nouvelle session d'Hypnotik, grosse rave
sous le dome central d'Eurexpo. Infos 06 61 78 23 23. Vital. Lundi
12, Peaches, une des gentillettes sensations rocky actuelles réinventera
la rébellion au Ninkasi Kao.
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MERCREDI 14 AVRIL
2004 _ #272 |
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Les neurones dans la prise
Face au couloir, il se vante d'être
"un con, mais pas un gros con". Mardi,
j'enfonce les neurones dans la prise et le circuit interne surchauffe
jusqu'à accumulation néfaste aux portes de mes tempes
maltraitées. Rarement, je disjoncte ainsi. Rarement, mes
pensées s'envoient à une telle altitude de désespoir
que je crains pour ma santé mentale. J'ai la prétention
d'être un homme faible mais flexible. Qui se penche jusqu'à
se mettre la gueule dans un sol poisseux puis se redresse, fier
comme un dieu. Rarement, je me suis fait aussi peur. Il y a cette
obsession d'un père qui se balance au bout d'une corde. Il
y a la crainte d'un testament génétique suicidaire
qui me ferait partir de l'autre côté de la vie sans
que j'ai eu le temps de contrôler, éviter, la mauvaise
passe. Clignez des paupières. Dans la cabine, le "con"
se met à nu et répète : "Tu me fais
triper. Tu me fais triper". Je veux en finir avec cette
chair à canon, le sauter et dormir. Je charge une capote
au fusil. Il me l'ôte et vend un "tu peux y aller,
je ne crains rien". Je lui bute la tête. Il cherche
ma queue. Je n'ai pas envie du coup mortel, de ce "gros con"
qui rêve qu'on lui éjacule un venin dans le cul. Clignez
des paupières. Trop réfléchir tue l'action.
La formule définitive écrite, je corrige lors de la
soirée offerte par le Petit Bulletin, à La Marquise,
mercredi. Super Pénélope
bise un Christian vavavoum Jeulin lorsque Jean-Luc
Very électrise un de ses pulls en cachemire à
force de jouer la promiscuité dans la cale blindée
de la péniche. Cricri confirme sa pleine adhésion
au re-gendering pour avoir retaillé à merveille une
barbe fine. Il faudra expliquer aux apprentis branchés que
la mode n'est pas au metrosexual, concept marketing de l'hétérosexuel
qui se comporte comme une tapette sensible, mais bel et bandant
au re-gendering soit la reprise assumée des attributs cliché
pour chaque sexe. Marie-Stéphane Guy envoie une série
de textos qui nous affligent dans son insistance forcenée
à vouloir jouer la femme rooty. La belle, en partance pour
la Laponie, prévoit "de pêcher du poisson dans
la glace et tuer des phoques" alors qu'elle devrait plutôt
"manger du caviar, protégée par une peau de
bête, sur un traîneau tiré par quatre rennes haletants",
dans le pur respect du retour au genre ultraféminin. Irrécupérable.
Fatigué par mon claquage cérébral de la veille,
je bise sans bavardage Peggy-Laure Allard, Vincent Carry
et le Petit Poucet avant de cligner des paupières.
Le catalogue des insomniaques en quête de sexe défile
sur l'écran de l'i-mac. En deux clics, je partage une nuit
fraternelle et tendre avec un accro des rencontres discrètes
sur Internet. Nous jouons tel deux gamins qui découvrent
leurs corps sans détournement facile et mécanique
vers un plan cul convenu. Plaisant et calme. Clignez des paupières.
Je dois partir au vert avant Pâques et m'infliger de besogneuses
visites familiales. Mais la ville m'enferme. Certains pleurent que
Lyon est un coeur mort alors que les manifestations de son dynamisme
sont permanentes. Tous les soirs, pour peu que l'on veuille ouvrir
les yeux, la grosse bourgeoise ouvre ses bars, spectacles ou expos
dans lesquels exultent des personnalités terrifiantes, magnifiques
et nourrissantes. Jeudi, après
un riche souper à la Koutoubia, Kelly Star tente
de draguer Florent au guichet de sa Table d'Hippolyte. Nous glaçons
nos drinks d'un Breathe évident par Télépopmusik,
poussé en rotation massive dans le restaurant précieux.
Fred D. nous assure que "les porcins sont toujours vivants"
au 10. Dans la ferme de Jacques Haffner, quatre gorets se
tapissent dans la paille et supportent difficilement la musique
rétro du bar. J'attrape une des bêtes afin de la saigner
en vue d'un grand méchoui. Catherine A. me décourage
de la grillade sous prétexte "qu'il faut préparer
un feu au moins 24h à l'avance. Si tu veux le faire place
Bellecour, il te faudra faire un trou pour le brasier".
Je lâche le porc, chevauche un tracteur pour enfant et pédale
jusqu'au dancefloor en fin d'énergie. Marc annonce son transfert
au bar Le Passage après avoir squatté un bar à
peine fréquentable. Clignez des paupières. Au petit
jour, j'ordonne un pimpo à se déshabiller totalement
dans un recoin de la Jungle. Il se touche le bas ventre. Je ne le
toucherai pas. Fermez les paupières.
Courts-lettrages
pour nuits vitales. Petits rappels de là où il
faudra bien vivre. Jeudi 15, après un premier test intensif
et insensé, ding dang dong refrappe L'Escalier (8, rue de
la Platière, quartier Terreaux) d'un apéritif sonnant
et trébuchant. L'affaire débute à 19h pour
finir dans le décor vers minuit. Infos : www.tapiole.com
ou www.beadoa.org. Vital. Jeudi toujours, La Ruche fête ses
10 ans de bons et gays services. Dimanche 18, le Buldo ouvrira ses
tables sur une toile pixelisée par les Projectivers et sonorisée
par l'indomptable Ty Von Dickxit.
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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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