INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 
MERCREDI 25 FEVRIER 2004 _ #265
 

Enjoy this trip and disappear

Déjà la petite famille lyonnaise de la musique trépigne du gobelet en plastique dans un Ninkasi Kao en plein remplissage. Jeudi, la grande affaire du moment, The Rapture, est attendue de pied ferme par ces âmes sensibles et critiques. Thierry Prat refait surface avec sa tignasse de rocker fanatique et cette envie de partage festif. Thierry Pilat négocie peut-être un futur plan pour les prochaines Nuits de Fourvière avec Marc Cardonnel, jeune et joli executive director. Patrick de tapiole.com fixe la nuque massive d'un gaillard vavavoum tout en questionnant le regard de Marc : "Comment fait-il pour avoir des sourcils aussi fins et dessinés ?" Clignez des paupières. Nous débitons plusieurs verres en fond de salle en compagnie de Cyrille Bonin. Le grand chef de Kubik avance la nouvelle orientation de sa structure : "On arrête la distribution de disques mais pas la production". Je voue une admiration sans limite à cet homme, flaireur inégalable de bons sons et avec lequel nous partageons régulièrement l'histoire de la musique et son traitement par des médias frileux et aseptisés. Anne et Caroline Alt s'installent au balcon à l'image de ces grandes dames au spectacle. Clignez des paupières. En moins de dix minutes, Luke Jenner (photo) se retrouve, micro en filature, au milieu de la foule. Le New-Yorkais s'amuse, sourit et se laisse toucher comme le dieu d'un soir. Une jeune fille grimpe les lèvres jusqu' à ses oreilles en extase. Le groupe punky-funky aligne ses morceaux avec l'habileté et la grâce que certains ne croyaient possibles que sur un disque bien gravé et hissé au sommet de la hype mondiale. Rien de décevant. Presque la première classe. En avant-rappel, le public se soulève sur un house of jealous lovers en extension survitaminée. Marc Renau se laisse chambouler par le mouvement unique avant de voir passer le chanteur au-dessus de sa tête dans une virée finale. Clignez des paupières. Au 10, l'excitation rapturique ne redescend pas et nous collectionnons les visées d'amants hypothétiques. Jacques Haffner droppe les invités de sa Carte blanche salace à l'Opéra de Lyon, annoncée le 20 mars prochain : "Gaïa sera l'animatrice de la soirée. Il y aura Black Box, Chantal Goya, Patrick Hernandez et des gogos pailletés de partout". Clignez des paupières. Vendredi, Le Petit Poucet ne veut pas de verre vide. Pour son trentième anniversaire au 10, il s'entoure de journalistes drunky et aimables : Nadjette Maouche se bat avec deux cintres translucides et me garantit que je peux encore l'admirer en rediffusion sur France 3, tous les matins vers 6 heures. Paul Satis campe au sol, tel un yogiste en lotus incomplet. Damien Nicolini charge un "casteur de Réservoir Prod qui est d'une aigreur pas possible". Nous testons la méchanceté de l'accusé sans obtenir grande bataille sémantique. Je questionne Damien : "Il a pris des acides dans son jeune âge pour être aussi déconnecté du réel ?" Clignez des paupières. Après un bref passage au Medley où le TLM crew me laissera le temps d'embarquer un petit Suédois et Christian d'Aubarède insistera pour que "(je) reparle de (sa) grosse queue. Cela me fait une publicité énorme lorsque tu l'écris dans Nuits mobiles", l'Ambassade s'orchestre Paradise Garage. Rue Stella, je mange la bouche de Daniel dans le pur respect d'une "jurisprudence Madonna" en vogue (soit baiser avec des amants de dix ans son cadet au minimum) tout en lui promettant le mariage pour qu'il obtienne la nationalité française. Nous clignons des paupières, surplombés par Le Petit Poucet et Mustapha Kessous en pleine chorégraphie discoïdale sur un podium. 200 personnes feront bloc, samedi, aux portes de l'Hotel de Ville pour se réveiller contre l'homophobie rampante et pousser les promesses électoralistes sans lendemain du gouvernement à une réalité. Hormis Michel Chomarat et Sylvie Guillaume, aucune autre personnalité politique n'a rejoint le petit groupe. Sommet du dégagement, les limonadiers gays ont oublié la cause qui engraisse leur tiroir-caisse : nous n'apercevons qu'un seul patron de bar homo et quelques passants compatissants. Clignez des paupières. La nuit humide initie Mariana et Peggy-Laure Allard à se travestir en diseuses de bonnes aventure à la crémaillère "gitane" d'Emmanuel B. à l'écroulé, sur un canapé de bulles, un invité confesse : "Je ne peux plus faire semblant de m'amuser. Si je m'emmerde, il faut que j'invente immédiatement quelque chose. " Emmanuel se fait galucher par son harem féminin et toise des Bel Ami borderliners. Clignez des paupières, coiffés d'un chapeau de truand. Au DV1, Clash s'impose comme la plus belle réussite de Lionel Maublanc mais surtout comme la soirée la plus hype et dégénérée de Lyon. Mark Moore, icône intouchable de la House Nation, se déshydrate et essore les kids-clubbers et lolita-fashionista en un décoffrage magique de l'électro-pop et techno high energy actuelle. l'Eardrum crew et la décoratrice Pénélope scintillent devant un Dj Arnie en extase. Primabella me sert des "tu es trop snob" tout en montrant la cicatrice qui lui lame le corps : "Avec ça, je ne peux plus baiser". Fermez les paupières.

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MERCREDI 03 MARS 2004 _ #266
 

Las, sans corps

Ralentir et se sentir las, sans corps. Je m'essaie à la "petite semaine" avec pour unique objectif : le repos. Mais je rate le coche et me prends quelques chocs. Mardi, j'attrape la tête d'un maçon trapu qui me branle de sa bouche dans le souterrain de La Jungle. Clignez des paupières. Je me demande l'intérêt d'un tel coup fourré. Je ne me masturbe plus depuis que mon accoutumance aux bordels donne forme à n'importe quelle envie, aussitôt assouvie. Il faudrait arrêter ces pratiques qui abîment la légèreté et la font glisser vers un automatisme de prédateur cynique où la puissance de séduction n'est plus qu'un leurre. Le bordel, c'est une sorte de casino pour petits joueurs du samedi soir : vous arrivez avec votre gobelet en plastique rempli de monnaie. Vous vous installez aux manettes d'une machine qui avale deux pièces pour ne vous en rendre qu'une, après roulement de tambour et un banco de rêve scintillant. Vous récupérez le maigre butin puis relancez l'affaire. Tout cela dans l'ennui et la médiocrité. Je garde l'image de ces vieilles dames assises sur les tabourets du Casino de Biarritz : les pièces de cinq francs fondaient avec ce geste mécanique et désabusé de femmes seules et fortunées qui attendent que quelque chose leur tombe aux pieds. Et pas seulement le jackpot qui force la jalousie de toute une salle lorsque le flot d'argent clinque dans la caisse en ferraille. En secret, rêvent-elles de jouer un bout d'existence borderline dans une salle enfumée autour de jeux beaucoup plus cérébraux et dangereux ? Peut-être. Mais elles sont faibles et craintives comme je peux l'être dans un bordel. Clignez des paupières. Mercredi, à l'Escalier, Anne incruste "Hélas, aujourd'hui, aucune action ne peut être faite sans lui donner un sens. Tout ce que tu entreprends doit être symbolique et justifié." Nous nous accordons sur l'utilité des flashmobs, passées et à venir, où l'urbain s'adonne à une action déconnectée de toute revendication politique ou artistique (infos  : www.beadoa.org). Clignez des paupières dans la comptine lymphatique du Mummies composée par Zongamin. "Comment vieillit-on ?" se pose, jeudi, en table avec Estelle et Kelly Star au Baryton (rue de l'Arbre-Sec, quartier Opéra). Je suis un adolescent attardé. Celui qui voudrait être encore pur, à la mi-temps entre l'enfant innocent et l'homme mûr, sage et manard virtuose de cette réalité pas très jolie. J'ai toujours besoin de me tromper, de jouer le prétentieux qui se contredit après avoir un peu plus vécu. Cela ne me gêne en rien d'affirmer, de garantir ou de m'engager pour une cause pas perdue. Et si je suis dans le faux ? Il se présentera toujours un instant où je dirai : "j'ai eu tort deS". Par exemple, est-ce une bonne idée de surlevrer ma bouche d'une moustache ? Oui, parce que la mode le dicte. Non, parce que je ne suis pas convaincu de l'esthétisme de l'affaire à poil. Mais je le fais comme l'ado qui a besoin de crâner et devancer ses copains. Pourquoi ne suis-je pas très gentil avec certains confrères journaleux ou quelques "personnalités" locales ? Parce que je ne les ai pas encore rejoints dans la salle du bal des ambitieux contents d'eux et qui tentent de vendre leur petite entreprise spécialisée en reconnaissance publique. Mais ne nous méprenons pas. Un jour viendra où je danserai la roublardise avec eux, où je saurai être pute et conciliant, où je voudrai faire fortune de mon talent, existant ou pas. Clignez des paupières. "Finir seul" : voil à ma hantise. Même si la solitude est une amie, l'idée que le temps m'isole n'est pas chose simple à appréhender. Il est évident que mes proches prennent des chemins que je n'ai ni l'envie ni la possibilité d'emprunter. Je suis pédé et ne peux pas, et surtout ne veux pas, former un couple à longue durée usable. Il me faut inventer des histoires peu répertoriées dans les clichés de la vie en pesanteur. Il faudra pourtant que je me sécurise. Le temps et la vieillesse du corps alourdissent notre capacité à rencontrer de nouveaux autres en même temps que les "déjà connu(e)s" s'échappent dans un ailleurs étranger. Clignez des paupières sous l'enceinte d'un taré You prefer Cocaïne par Vitalic. Vendredi, la lenteur me capte et je ne rejoindrai pas Caroline Alt, Anne et Z2 à l'anniversaire d'Hubert-Julien Lafferière dans un entrepôt du quartier Guillotière. J'attends mes retrouvailles avec Mon Épouse, samedi, lors de la surprise-party orchestrée par Lady Wonder. Clignez des paupières. Dans le couloir, elle sourit. Son ventre a gardé les traces de sa jeune maternité. Il y a maladresse à se revoir après ces semaines de distance. Mais je suis heureux de revoir la future mère des enfants que je n'aurais pasS avec elle. Entre deux petites danses, j'enlace Mon Épouse mais ne sais pas encore comment reprendre l'histoire. Clignez des paupières. à 4h du matin, Marie-Stéphane Guy et Super-Pénélope se précipitent dans la voiture pour "aller faire des pâtes". Z2 s'accroche au guidon de son Motobécane et disparaît sur la Saône. Je ferme les paupières en pleine glace et mes veines coulent dans l'alcool à bien-être.

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MERCREDI 10 MARS 2004 _ #267
 

Heartbeats

Certains prennent appui sur les grilles gelées et étirent leurs muscles brûlants. d'autres courent et expirent de la vapeur d'eau, tels de bons bourrins poussés à bout par le cavalier de La Saine Forme. Mardi, sur le tracé qui nous téléguide vers l'Orangerie du parc de la Tête d'Or, Super Pénélope mate les ombres généreuses de sportifs nocturnes. Nous envisageons déj à une chasse à l'homme en ces lieux, "mais sans courir, et lorsque le printemps viendra". Clignez des paupières. Sous la cathédrale à fruits, Pierre David vernit son Abécédaire, accouplement de lettres précieuses et feuilles d'arbres peintes à l'or fin. Françoise Rey feint l'ingénue : "Comment a-t-il peint les lignes de ses feuilles ?". Patrice Armengau sourit à la voluptueuse et douce : "Imaginez que l'on vous allonge sur un tableau et que l'on fasse un aplat en or de votre corps". Nous suivons l'accrochage de ce canevas bourgeois et classique jusqu' à la nappe blanche du cocktail. Guy Walter se décoiffe d'un bonnet "qui vient de Houston". Le directeur des Subsistances rayonne de ses meilleures nouvelles : "Demain, j'ai une séance photo pour Le Monde" puis : "Vous avez vu mon fils en photo dans la rubrique d'Éric Dahan ? Il y a un buzz énorme autour de son duo Sex In Dallas (binôme electro à découvrir sur www.kitty-yo.com, ndlr)". Nous nous amusons avec affection de son trop plein de vantardises avant de cligner des paupières. Sur une table de ping-pong, mis en chair par des globules blancs à jouer, un homme se déballe, allongé et à demi-mort. La membrane de son coeur pulse au son d'un match imaginaire. Mercredi, Le Gentil Garçon ouvre ainsi l'exposition, "l'Aventure Intérieure", au Rez d'Art contemporain de Meyzieu. l'artiste, en charge du visuel des prochaines Nuits sonores, réussit encore et toujours à nous asseoir sur un balancier ludique et remuant : alternance d'envolées grisantes et retombées sur un sol qui maltraite la légèreté. Clignez des paupières. En trinque, éric me reproche de ne pas avoir compris l'installation de Daniel Firman à la Galerie Néon. Je persiste dans ma mauvaise appréciation de cette voiture couchée sans intérêt mais promets de visiter la nouvelle pièce du plasticien, Immobilis, au musée des Moulages. Clignez des paupières. Super Pénélope et Marie-Stéphane Guy tentent de mimer les croqueuses d'amants au Dancing Line du Studio 1. En escort boys bienveillants, Frédéric Sicre et Mister Chocolate suivent les excès des deux pestes au milieu de cette grande cantine qui gondole de rires et déhanchements libres sur musiques ringardes. Nous essayons de reprendre notre sérieux de gens bien élevés et crâneurs mondains avant de céder à l'appel de cette soirée régressive et drôle. Jean-Luc Very transpire du pull en cachemire. Nathalie Veuillet s'enivre au bar, protégée par un Wilfried Haberey vavavoum. Philippe Moncorgé cherche un open bar hypothétique avant de cligner des paupières. Vendredi, au musée d'Art contemporain, le surnombre de visiteurs nous piège dans le parcours sommaire et intranquille d'un double événement : le vernissage de Derrière le monde flottant par Mathieu Briand et l'ouverture de la biennale Musiques en scène. Z2 déprime à l'idée que son quartier (Saint-Jean, ndlr) soit bientôt envahi par la vidéosurveillance municipale. Patrice Béghain et Richard Lagrange, nouveau directeur de la DRAC, essayent de le convaincre du bien fondé de l'expansion de notre traçabilité permanente : "Vous êtes déj à filmé dans les magasins, les parkings ou ici-même. Votre carte bleue et portable vous pistent à chaque instant. En quoi des caméras porteront-elles plus atteinte à votre vie privée ?" Peu convaincus par ce discours officiel, nous flashgordons vers le Studio 24. La fin d'un concert passablement égotriqué ouvre un buffet pour invités ennuyeux et aussi amusants que Sylvie Tellier devant le prompteur de TLM. "Tu imaginais peut-être que le Grame forme une bande de délurés : ils sont chiants à mourir", claque un invité. Clignez des paupières. Pour oubli, nous effectuons une rigolothérapie sur le lit du 10. Nos peaux se caressent et nos yeux se fatiguent dans l'alcool. Au bar, Catherine A. se pend à ma moustache : "Allez, je veux voir si elle est vraie". Guillaume Tanhia et Stéphane s'échappent à l'United Café pour cligner des paupières au milieu de pimpos en sueur. Samedi, je me lèverai à 19h, adossé au toucher délicat d'un gentilhomme nu sous les draps. Ce bonheur calme et isolant de la grisaille du jour nous lancera dans la première rave du Cercle Rouge, association marseillaise invitée par Mathieu Briand au MAC. Si l'affluence moyenne de la soirée déçoit un peu, nous partagerons rapidement les beats vicieux et captivants d'une techno bien frappée. Isabelle Bertolotti bat les montées musicales d'un doigt vers le ciel. Z2 machinalise les bras en jeune raveur. Julien Micro P. teste sa virilité au bar. Christian Jeulin sautille en rythme et photoclique le hall du musée en fête totale. Nous fermons les paupières le coeur palpitant et la transpiration au front avec promesse de revivre encore mieux les deux prochaines nuits, programmées les 27 mars et 24 avril.

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MERCREDI 17 MARS 2004 _ #268
 

Le corbeau et les dommages

Même si manger des émotions et la chair qui les emballent (sans que les unes et l'autre soient férocement liées) me nourrit au quotidien, le début de la semaine me végétatise. Passer jour et nuit à saluer, écouter, rire, boire, baiser, se défendre ou attaquer finit bien par provoquer une overdose. Jusqu' à jeudi, ma tête se vide. J'expulse ces rencontres récentes, trop riches en sollicitations d'opinions, d'éjaculations et petits arrangements avec ma bonne ou mauvaise réputation. Un grand soir, Lulu, du feu et regretté Vertubleu, me décryptait dans son bar mythique de la rue Mercière : "Tu es comme un corbeau sur une branche : tu regardes le fromage sur la table d'en dessous. Tu le piques avant de remonter sur ton arbre. " C'était il y a quelques années et j'appréciai modérément cette analyse charogne qui semblait qualifier quelqu'un de voyeur et ne prenant aucun risque. Aujourd'hui, le corbeau se sent parfois englué dans une fondue au vin blanc, les plumes prisonnières dans le chaud d'un crémage qui tue. La fierté et la ré-assurance que j'éprouve dans la multitude de belles personnes fréquentées n'évitent pas le claquage de cerveau. J'aime mes proches à l'excessif ou me moque des médiocres avec l'aigreur du mec qui pense ne rien pouvoir faire de sa vie. Prendre. Donner. Prendre. Donner. Et puis mourir. Clignez des paupières. Jeudi, nous piquons le champagne de la boutique Puma au milieu d'invités vaguement dans la mode, plus sûrement dans le wanabee. Z2 me présente Vikash Dhorasoo que je bâche maladroitement : "Mais, il est tout petit". Clignez des paupières. Kelly Star sort sa bite et mord sa carte bleue. Au 10, la soirée se vend Hot et cabre des gogos et une blonde lipoplastifiée sur le comptoir. Ils se tripotent la peau pour assoiffer les pores mais ne nous touchent guère. Il y a dans le bar de Jacques Haffner un truc vulgaire, très 1980 et contre-daté, qui ne m'amuse pas mais donne au lieu ce côté unique, dans le mauvais genre du bordel bourgeois pour quadra rétro. Gilles Pastor sort de sa coquille. Paul Satis ne décoince pas malgré "les affiches sur tous les abribus de la ville" qui le pose en star d'une radio locale. Samuel descend les verres de whisky en discours idéaliste : "Je suis un anarchiste. Je pense que la démocratie est dangereuse. Pourquoi nos vies sont-elles liées à des hommes politiques élus par des beaufs ?" Le gentilhomme poursuit un débat intelligent et radical sur la République avant de partager, avec Catherine A et Claudius, une charge pour Guillaume Tanhia et Jean-Bernard. "Vous êtes des légalistes. On vous verra faire la danse du ventre lorsque Perben sera à l'hôtel de ville", politise-je sans sérieux à l'endroit des deux sus-visés. Clignez des paupières. La soif grandit à l'UC lorsque Claudius bondit du torse en se touchant un sein et Guillaume entreprend une expédition "dans les fonds des dancefloors". Nous dépassons les limites de la bonne tenue dans un jeu de folasses hystériques et branchons de jolis pimpos sans importance. Clignez des paupières sur Francis, jeune danseur vavavoum dans les pupilles. Diable d'auto-promo, vendredi, à Freaks dans un Modern Art Café surblindé. En tant que co-organisateur de la chose au sein de l'association peu lucrative Beadoa, cette nuit tendue par l'acid-house de A Jackin Phreak (soit Dj Arnie) regroupe quelques-unes des plus belles créatures de la ville. Le bar piétine au son illustre, mais trop bas pour danser, d'une TB303 à la mode. Peggy Laure Allard graphe un coeur sur la vitre blanchie. Cricri et le Petit Poucet annoncent leur futur boulot d'apprentis-deejays au Buldo. Barbara Prost se drunkise à proximité de Helena et Gregoire Roche. Mikael et Patrick de tapiole.com matent les enculades de deux apollons masqués par des papillons agiles en projection sur le mur. Le low-porno de Gael Cobert attaque Christophe Boum avant d'allonger Z2 et Hubert-Julien Lafferière sur le canapé. Anne prévoit : "Pour la prochaine Freaks, on loue la Halle Tony Garnier". Clignez des paupières. Catherine A, Frédéric Sicre et Claudius m'embarquent au Medley. Entre deux coupes, Catherine prouve qu'elle "sait rester digne". Emmanuel B. me taille dans son corps doux et définit "l'amour éternel" qu'il se sent incapable de frôler. Au regard de ma montre, Catherine frappe : "Arrête de jouer l'horloge parlante", puis nous clignons des paupières. "Il va être le jambon et je serais son petit pain", se vante Christophe Boum, samedi. Le bel-ami maltraite Steevy (qui apprécie) à la Clash du DV1 pendant qu'un idiot sous cocaïne trépigne au bar : "Je veux un whisky orange. Dépêche-toi, c'est pour Laurent Ruquier. " l'équipe de l'humoriste attire quelques "blond inside" autour de sa table tandis que nous essayons de danser sur la hardhouse monotone de Tasty Tim. Peu importe le son, la fièvre "Clash" nous chauffe à bloc et mélange sexy et body music dans un pur esprit clubby. Fermez les paupières sur ce qui est la meilleure soirée lyonnaise du moment.

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MERCREDI 24 MARS 2004 _ #269
 

Ne plus revoir le Périgord vert

Le colosse ne bougeait pas de son fauteuil. Il regardait sa femme trop parler pour deux. Ses sept enfants déposaient, pour les vacances ou un après-midi, les rejetons qui couraient dans la salle à manger avec la limite d'excès fixée par ce cerbère magnifique, à l'oeil d'un bleu céleste et aux joues rouges du bon paysan. Il levait, sans rien dire, sa taille d'ogre nourricier et partait pour les champs. Je ne l'ai jamais entendu prononcer plus de trois phrases. Le jour de l'enterrement de ma mère, de sa fille, il me prit par l'épaule et m'invita à une promenade. Sous le noyer du pré, le vieil homme stoppa son corps lourd puis me fit face. Des larmes pinçaient son nez. "Tu es tout seul maintenant. Tu ne peux pas rester ainsi. Avec ta grand-mère, nous sommes trop vieux pour ton avenir. Il te faut trouver une femme", décoinça sa gorge. Sa maladresse me tordit. Sa douleur ouverte me tronçonna les jambes. Le patriarche si solide s'effondrait devant un petit-fils à peine sorti de l'adolescence. Nous nous enlaçâmes, pour la seule et unique fois, avec la tendresse de ces êtres qui débordent de souffrances et se soutiennent de leurs poitrails mis en ébullition par une centrifugeuse détraquée. Clignez des paupières. Samedi, je débranche le téléphone sous le péristyle de l'Opéra. Une soufflerie bande des manches colorées depuis l'amphithéâtre. Christian d'Aubarède feint la bonne tenue d'un "pipoul" bien cadré : "Hier, je vous ai vu endormi sur un canapé de la Jungle. Ce n'était pas très glorieux". J'assume pleinement mes fins de nuit d'homme fatigué qui s'étale là où son sommeil trouve siège. Et puis, Alain Pacadis finissait bien ivre mort au milieu des poubelles du Palace. Clignez des paupières. Jacques Haffner reconfigure l'Opéra en discothèque seventies, fourrure blanche sur colonnes et bonbons plein de sucre au comptoir. Sa "Carte Blanche" était vendue comme "kitsch et sexy". Elle sera déconnante et impossible à relater. Les fluomobiles de Pénélope survolent des danseurs en préchauffe sur un dancefloor mis en arène. Claire Carthonnet descend le grand escalier, enrobée d'une création de Nicolas Fafiotte. En Petit Chaperon Rouge vicieux, paré, la belle toise les invités d'un air désabusé et allumeur. Kelly Star mate le fessier d'un gogo boy avant de saluer Jean-René accompagné d'un homme discret, petit gabarit à investir. Serge Dorny me questionne : "Saviez-vous que Guy Walter a eu un accident à New York ? Je pars prendre de ses nouvelles." Quelques minutes plus tard, le plus délicat des non-Lyonnais rassure : "Il a été bavard, signe qu'il va s'en sortir". Clignez des paupières. Lorsque Black Box débute son play-back d'I Don't Know Anybody Else, Fred D. a déjà descendu quelques verres et se prend d'affection pour Lionel. En master of ceremony, Gaïa glisse son jupon princier au milieu d'un couple relooké disco-chico, choucroute crêpée et vestes pailletées en pleine peau. Sur scène, Chantal Goya déchaîne des passions indescriptibles. Gilles Pastor hurle : "Le lapin ! le lapin ! le lapin !", avant de se calmer d'une justesse : "Ils en ont oublié un morceau. Elle est toute petite Chantal." Claire s'agenouille près de la star et se prostre en chanson : "Becassaille-neuS is my cousaille-neu". D'autres se livreront à des chorégraphies dont je tairai le caractère régressif afin de m'éviter un procès pour révélations. Guillaume Tanhia balance des poignées de guimauves sur un public fier de vivre ce grand instant de n'importe quoi. Au Born To Be Alive mimé par Patrick Hernandez, Philippe Chavent duetisent un rock ample et brouillon au bras de Nadine Gelas. "Mais il va la casser", m'inquiète-je de l'avenir de Madame Mode auprès de Patrice Béghain. L'adjoint se réjouit : "Ce n'est plus l'opéra. C'est un ailleurs." J'aurais aimé maltraiter Gérard Angel ou Laurence Renaudin mais l'ivresse me coiffe d'une perruque verte offerte par, suppliée à, Serge puis nous clignons des paupières sur une soirée en course pour rester mémorable. Vendredi, je débranche le portable sous le péristyle de l'opéra. Mon grand-père est mort. On l'enfoncera dans la terre juste à côté de ma mère. Je ne suis pas trop en peine. Sa fin ne fait qu'agiter la série de cercueils mal alignés qui bougent encore dans mon coffre. Ne plus revoir le Périgord vert. Fermez les paupières.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Samedi 27 mars, Ampek joue sa deuxième phase au musée d'Art contemporain. Mathieu vavavoum Briand et le Cercle Rouge invitent Flore, Loan 5, Dj Daisy et 69 dB pour une fête forcément vitale au souvenir du bon esprit qui marqua la première édition, il y a quinze jours. Plus loin et en auto-promotion, beadoa et tapiole. com inaugurent, le jeudi 1er avril, une saison d'apéritifs à L'Escalier (rue de la Platière). L'affaire sonnante, stupidement nommée ding dang dong, se jouera un jeudi sur deux dans le délicieux bar. Plus d'infos sur www.beadoa.org.

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MERCREDI 31 MARS 2004 _ #270
 

Can u take control of me ?

Mercredi, nos chaussons en papier rebondissent sur le tapis volant, lainage gigantesque de Wang Du étalé au Rectangle. Ce maillage d'une couverture du Times qui éternise le péril de la navette Columbia active les sensations : le bleu du ciel abîmé par l'étoile américaine en feu, ce rêve d'espace déchu, est mis à terre, voire se reflète dans l'eau avant de se diluer dans un océan vaguement calme. La marge rouge communiste encadrant la Une enchiffre une conquête médiatique universelle à coups misérables des petits cours de vente du magazine. Les visiteurs "empattés" des protège-oeuvre blancs sautent sur le tapis tels des Armstrong en pleine apesanteur lunaire et piétinent sans précaution l'image d'une navette cramée. Clignez des paupières sur une si forte maîtresse-pièce. Nous dînons cours Gambetta chez Christophe Boum et Primabella sur fond de Valérie Lemercier : "Ô mon cheval. Ô mon cheval en savon. Il sentait si bon. Il sentait si bon le savon." Super Pénélope lance un appel au secours sur le portable afin de la tirer du mortel ennui enduré à l'after vernissage donné par Laurent Godin à La Marquise. Sur la passerelle de la péniche, nous nous réassurons de l'emmerde systématique que suscite un regroupement arty. Il n'y a pas plus tristes, mal prétentieux et bouches de suceur grandes ouvertes que deux artistes et un bataillon de beauzardeux autour de trois chips salées. Clignez des paupières. Au 10, Jacques Haffner nous présente un revendeur de gros cierges, alors que Reine Claude distribue des bougies rouge cardinal aux filles avec un mode d'emploi : "Faites-vous du bien. Si elles ne vous semblent pas assez grosses pour assouvir vos envies, enfoncez-vous-en plusieurs." Nous testons le bord sexuel du négociant en breloques chrétiennes tout en nous excitant à la nouvelle révélée par Super Pénélope : "Les pompiers de la caserne Saint-Louis préparent un 14 juillet encore plus fameux que l'an dernier : il y aura encore plus de pyrotechnies et de bars à thème." Clignez des paupières. Jeudi, Anne sort d'un enchantement "proche de celui créé par Caro et Jeunet dans leurs films". Pour Tricodex, Philippe Decouflé empile les balcons d'applaudissements à l'Opéra. Si Décodex concentrait, dans une pièce courte et liante, un voyage imaginaire et la féerie bancale d'un monde de forains merveilleux, le troisième volet du faiseur de spectacles effiloche des scènes pas toujours heureuses sur deux heures que l'on ne voit certes pas passer mais qui ne procurent aucune échappée sensorielle. Clignez des paupières au Café 203 où nous matons avec insistance un Lionel total-vavavoum avant que Manu Cédat nous invite à visiter les toiles d'araignée de sa cave. Chez Marie-Stéphane Guy, samedi, la cheminée du salon chauffe les fesses de Frédéric Michalak en pleine mêlée sur la pelouse télévisuelle. Z2 décrète que le vert est la couleur en vogue de ce printemps. Les filles acquiescent et accessoirisent leurs tenues de soirée d'une touche de la couleur diktat. Au Studio 1, la mode est à la standing provocation devant le cuisinier du hangar. Le reste de la salle est une reconstitution hyperréaliste d'une fête de fin d'année au collège de Lamure-sur-Azergues ou d'un village voisin. Un petit défilé sur la longueur du bar au bras de Marie-Stéphane, quelques rires en compagnie de Christophe Montfort et Christian Yohan Bégaut puis nous flashgordons au Musée d'Art contemporain. Pour leur deuxième rave, Cercle Rouge et Mathieu Briand actionnent la machine infernale d'une techno hardcore captivante pour teen-ravers. Lady Wonder chorégraphie une montée au ciel. Les Kanardo sautillent sans répit. Je promets à Isabelle Bertolotti un avenir certain dans une Spirale Tribe nomade avant de pleurer à l'artiste marseillais un plongeon dans la piscine de son Derrière le monde flottant. Z2 se compromet dans un bref échange avec un blaireau du Rouge Rouge. Clignez des paupières. Dimanche, les verres de rouge volent à l'annonce de la raclée prise par la droite aux élections régionales. Sur petit écran, nous commentons la veste glitter d'un Douste-Blazy toujours aussi idiot. Patrick P. et Christophe Boum investissent le grand salon de la préfecture. René Lambert me suspecte de ne pas savoir ce que signifie le discours "off". Petit Poucet trône sur un fauteuil entre deux caméras abandonnées. Fermez les paupières dans une course festive au Ninkasi puis un matraquage de Get Perrier au comptoir du 10.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Ce vendredi 2 avril, aux alentours du premier festival hip hop Original 84-04, les "bouge-la-tête" se regrouperont au Transbordeur pour le concert de Raekwon (Wu-Tang Klan). Vital. Le lendemain, samedi 3, dj The Visitor s'invitera à une nouvelle Clash renversante au DV1. La nomenklatura locale aura, un peu plus tôt, siroté l'eau bleue de la Piscine du Rhône lors de la Party sélective organisée par l'Ensemble Noao (infos : 04 72 71 98 15).

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MERCREDI 07 AVRIL 2004 _ #271
 

L'odeur des fauves

"Tu n'aurais pas un vieux titre de Duran Duran ?", se colle un ex-fan des eighties à la souris du juke-box informatique. Jeudi, beadoa.org et tapiole.com commutent L'Escalier (8, rue de la Platière) dans un mélange des genres joyeux et une surenchère en musiques variées. Ding Dang Dong, nouvel apéritif bimensuel, croise Halleluyah des Happy Mondays pour arty dévergondés en fond de bar, un Girls dangereux de Run DMC vs Beastie Boys pour alcooliques mondains ou le Blue Monday sous acide progressif de New-Order qui force la salle à un abus de sourires et bouches en sifflets. Carla offre une de ses créations à Z2 : un fessier de plâtre blanc cambré sur des membres inférieurs rouge vif et agenouillé en pieuse soumission. Le doigt sur la machine à son, je suis coincé devant le listing musical déroulé par l'ordinateur alors que Caroline Alt et Hubert-Julien Lafferière se font serrer au comptoir par le trop plein de bienheureux. Patrick P. descend les verres sans attendre que les glaçons aient le temps de se noyer. Primabella veut baiser. Jérôme d'Art Canut se retrouve plaqué par un Christophe Boum violent qui hurle en clôture : "Ding ! Dang ! Dong ! Ding ! Dang ! Dong !" Clignez des paupières lorsque Peggy-Laure Allard me bise un "merci pour ce bel apéro". Nous retrouvons la belle architecte, vendredi, devant la porte du Transbordeur. Le festival Original 84-04 affiche complet pour son concert du soir. Je mate les bonnes gueules de petites frappes en survêtement et m'interdis toute tentative de drague sauvage sous peine de me retrouver aux urgences. Sur scène, Triptik déverse son flow à connotations sociales sur une foule sage et en roulement de joints odorants. Nous décrochons de ces gesticulations bavardes et siégeons au bar en compagnie de Jean-Pierre Bouchard et Alexandre Dufresne. Le duo, en charge des nouvelles musicales pour la municipalité, converse sur ce que devient la techno ou le hip hop dans la ville. Je sers mon verset critique sur l'esprit électro actuel : le jeune blanc européen a confisqué le mouvement "house-techno" dont la source est, à son grand regret, noire et gay. Il a longtemps considéré que cette musique lui appartenait et, en élitiste underground, l'a cloisonné dans un petit milieu sectaire et stérile. Des raves originelles où se mixaient travelos, blacks, vieux hippies et punks, les blancs n'ont laissé qu'un résidu de travellers junkés et petits bourgeois en crise d'adolescence dans des free-parties sales et végétatives. Lorsque je rejoins la communion des doigts en V tendus devant les dandinements daisy age du Wu Tang Clan, je baigne dans l'humanité et le partage que les minorités colorées défendent chèrement à contrario du visage pale et prétentieux qui veut être suprême et surtout moderne. Clignez des paupières. En route pour le Motor Men Bar, Z2 assure : "Il y avait une odeur de fauves terrible au milieu de la salle. ça change des concerts pop où l'on transpire plutôt l'eau de Cologne". Dans la cave ouverte du bordel, quatre serial fuckers manipulent un jeune drunky mis nu et perdu entre deux queues et des torses flasques. Je m'assois et observe ce manège triste et peu engageant. Clignez des paupières. Des voilages légers enveloppent le grand hall de la Piscine du Rhône. La fraîcheur du fleuve recouvre de lainages bleus des convives allongées sur les transats alignés sous les branchages en béton de la terrasse. Samedi, l'Ensemble Noao donne sa Party dans le centre nautique et piège ses invités dans une fête douce, flottante et enivrante. Marie Rigaud questionne : "Comment faire pour qu'une histoire d'amour dure ?" Sans réponse. Cooki roule des petites bites voraces en décalcomanie sur ses pupilles dans l'attente d'un jackpot libidinal. Michel Essertier chausse une paire de lunettes jaunes avant de couler dans un bain de champagne. Marie-Stéphane Guy annonce à Pierre Obrecht qu'elle a sa place réservée auprès de Dieu après avoir pris en stop un homme "pas sexy du tout dont le 4x4 fut volé à l'entrée de son hôtel. Je l'ai déposé à la gare de Grenoble et lui ai payé son billet de train pour Lausanne". Anne LS, Emma et Pierrick, de Trublyon, jouent les vaporeux sur dancefloor lorsque Frédéric Sicre se coiffe de mon chapeau du Tyrol et mime une star des années trente. Lady Wonder materne Raphaël Hermano avant de nous lâcher au milieu d'un DV1 en extase. La soirée Clash absorbe nos corps sur le mix parfait de The Visitor. Raphaël sourit, se fait draguer par un gym queen. Z2, debout sur un podium, lâche son dernier souffle avant de fermer les paupières sur une nuit magnifique.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Dimanche 11, Ellen Allien, Green Velvet et Scan'x seront les vedettes d'une nouvelle session d'Hypnotik, grosse rave sous le dome central d'Eurexpo. Infos 06 61 78 23 23. Vital. Lundi 12, Peaches, une des gentillettes sensations rocky actuelles réinventera la rébellion au Ninkasi Kao.

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MERCREDI 14 AVRIL 2004 _ #272
 

Les neurones dans la prise

Face au couloir, il se vante d'être "un con, mais pas un gros con". Mardi, j'enfonce les neurones dans la prise et le circuit interne surchauffe jusqu'à accumulation néfaste aux portes de mes tempes maltraitées. Rarement, je disjoncte ainsi. Rarement, mes pensées s'envoient à une telle altitude de désespoir que je crains pour ma santé mentale. J'ai la prétention d'être un homme faible mais flexible. Qui se penche jusqu'à se mettre la gueule dans un sol poisseux puis se redresse, fier comme un dieu. Rarement, je me suis fait aussi peur. Il y a cette obsession d'un père qui se balance au bout d'une corde. Il y a la crainte d'un testament génétique suicidaire qui me ferait partir de l'autre côté de la vie sans que j'ai eu le temps de contrôler, éviter, la mauvaise passe. Clignez des paupières. Dans la cabine, le "con" se met à nu et répète : "Tu me fais triper. Tu me fais triper". Je veux en finir avec cette chair à canon, le sauter et dormir. Je charge une capote au fusil. Il me l'ôte et vend un "tu peux y aller, je ne crains rien". Je lui bute la tête. Il cherche ma queue. Je n'ai pas envie du coup mortel, de ce "gros con" qui rêve qu'on lui éjacule un venin dans le cul. Clignez des paupières. Trop réfléchir tue l'action. La formule définitive écrite, je corrige lors de la soirée offerte par le Petit Bulletin, à La Marquise, mercredi. Super Pénélope bise un Christian vavavoum Jeulin lorsque Jean-Luc Very électrise un de ses pulls en cachemire à force de jouer la promiscuité dans la cale blindée de la péniche. Cricri confirme sa pleine adhésion au re-gendering pour avoir retaillé à merveille une barbe fine. Il faudra expliquer aux apprentis branchés que la mode n'est pas au metrosexual, concept marketing de l'hétérosexuel qui se comporte comme une tapette sensible, mais bel et bandant au re-gendering soit la reprise assumée des attributs cliché pour chaque sexe. Marie-Stéphane Guy envoie une série de textos qui nous affligent dans son insistance forcenée à vouloir jouer la femme rooty. La belle, en partance pour la Laponie, prévoit "de pêcher du poisson dans la glace et tuer des phoques" alors qu'elle devrait plutôt "manger du caviar, protégée par une peau de bête, sur un traîneau tiré par quatre rennes haletants", dans le pur respect du retour au genre ultraféminin. Irrécupérable. Fatigué par mon claquage cérébral de la veille, je bise sans bavardage Peggy-Laure Allard, Vincent Carry et le Petit Poucet avant de cligner des paupières. Le catalogue des insomniaques en quête de sexe défile sur l'écran de l'i-mac. En deux clics, je partage une nuit fraternelle et tendre avec un accro des rencontres discrètes sur Internet. Nous jouons tel deux gamins qui découvrent leurs corps sans détournement facile et mécanique vers un plan cul convenu. Plaisant et calme. Clignez des paupières. Je dois partir au vert avant Pâques et m'infliger de besogneuses visites familiales. Mais la ville m'enferme. Certains pleurent que Lyon est un coeur mort alors que les manifestations de son dynamisme sont permanentes. Tous les soirs, pour peu que l'on veuille ouvrir les yeux, la grosse bourgeoise ouvre ses bars, spectacles ou expos dans lesquels exultent des personnalités terrifiantes, magnifiques et nourrissantes. Jeudi, après un riche souper à la Koutoubia, Kelly Star tente de draguer Florent au guichet de sa Table d'Hippolyte. Nous glaçons nos drinks d'un Breathe évident par Télépopmusik, poussé en rotation massive dans le restaurant précieux. Fred D. nous assure que "les porcins sont toujours vivants" au 10. Dans la ferme de Jacques Haffner, quatre gorets se tapissent dans la paille et supportent difficilement la musique rétro du bar. J'attrape une des bêtes afin de la saigner en vue d'un grand méchoui. Catherine A. me décourage de la grillade sous prétexte "qu'il faut préparer un feu au moins 24h à l'avance. Si tu veux le faire place Bellecour, il te faudra faire un trou pour le brasier". Je lâche le porc, chevauche un tracteur pour enfant et pédale jusqu'au dancefloor en fin d'énergie. Marc annonce son transfert au bar Le Passage après avoir squatté un bar à peine fréquentable. Clignez des paupières. Au petit jour, j'ordonne un pimpo à se déshabiller totalement dans un recoin de la Jungle. Il se touche le bas ventre. Je ne le toucherai pas. Fermez les paupières.

Courts-lettrages pour nuits vitales. Petits rappels de là où il faudra bien vivre. Jeudi 15, après un premier test intensif et insensé, ding dang dong refrappe L'Escalier (8, rue de la Platière, quartier Terreaux) d'un apéritif sonnant et trébuchant. L'affaire débute à 19h pour finir dans le décor vers minuit. Infos : www.tapiole.com ou www.beadoa.org. Vital. Jeudi toujours, La Ruche fête ses 10 ans de bons et gays services. Dimanche 18, le Buldo ouvrira ses tables sur une toile pixelisée par les Projectivers et sonorisée par l'indomptable Ty Von Dickxit.

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INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

 

 

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