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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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MERCREDI 16 OCTOBRE 2002 _ #197
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Dans
la peau de Basil
"Certaine que tu vas me casser et
dire que mon installation est dépassée, trop années
80. Non ?", précautionne Estelle Desplaces,
au vernissage, mercredi, de
ses lettrages en relief sur les murs du Modern Art Café.
Une série de slogans se chaînent et ceinturent le bar
de "connecting people", "just do it"
ou "parce qu'elle le valait bien". Sous les pas discuteurs
de Peggy-Laure, Raph, Nassaboy, David Cantéra
et Ange, s'isole du parquet un "dire je t'aime", parcelle
d'une phrase blanche incrustée en diagonale. Très
80s certainement mais malin et accrocheur : à ses idiomes
ultra-lisibles, le regard se perd rapidement pour une échappée
dans le non-espace textuel à la recherche d'un mot sauvage,
d'une faute de sens. En terrasse, Duchesse, Mon Épouse,
Cruz Poutre et Joël revisitent les séries
télés ricaines. Duchesse entonne le générique
de Dynastie à la perfection jusqu'au "je ne
me souviens plus de la chute", alors que Cruz Poutre défend
Miami Vice, pour nous convaincre qu'à moitié.
Puis reconnaît : "Le problème de Miami
Vice est que c'est trop daté pour devenir culte".
Un long moment en compagnie de Gaelle Communal couvre mes
yeux de brillantine et me renvoie, devant la beauté et la
douceur de la danseuse, vers le trop facile "pourquoi ne
suis-je pas hétéro ?" Clignez des paupières.
Vendredi, un déjeuner avec Aurélie Habérey
au Café Jules me balance cette même impression
de "c'est con que je ne sois pas hétéro :
la femme est plus sensible et raffinée qu'un mec". Aurélie
propose une collaboration privée pour un travail photographique
sur les petits bonheurs nocturnes avec une telle clairvoyance dans
son argumentation (notre course vers l'ordre moral ; le travail
gouvernemental sur la peur par la sécurité ou la censure
qui masque tout ce qui est encore heureux ; la délation
et le repli sur soi) que je suis conquis. Clignez des paupières.
À La Marquise, Dj Rocket pousse une techno ultra-basse
et se paume dans une drum'n bass pour post-pubères. Olivier,
jeune pousse de compositeur - "je m'essaie dans le downtempo
du style Warp, Autechre et ce genre de musique", capte
mes pulsions. Je récite ma vision électro en vieux
con, donneur de leçons : "Les free parties sont
devenues des cages à défonces pour blancs-becs en
mal de rébellion La house nation s'est volontairement laissée
bouffer par le marketing très rock des majors (album, interviews
et tournées) Le hip-hop est la musique dominante car il a
appris comment se servir du système". Cette dernière
affirmation me laisse digresser dans le rapport que chacun de nous
peut avoir avec le pouvoir, la reconnaissance dans son environnement :
il y a les Puristes, dans l'ombre d'un sous-sol, qui rejettent notre
système commercialisé soit par crainte d'affirmer
au monde leur présumé talent, soit parce qu'ils n'ont
aucun talent et que se vanter d'être dans la marge les arrange
bien. Il y a les Courageux-mais-pas-téméraires qui
s'insèrent dans "un milieu" afin de s'y faire accepter
par petites compromissions et qui, une fois "des nôtres",
tentent d'y greffer leurs propres empreintes. Parfois, ils oublient
et se font broyer à en perdre toute personnalité.
Il y a les Arrivistes qui sucent plus que je pourrais le faire dans
une cabine d'un bordel, ne défendent rien d'autre que leur
envie de pouvoir. Ces prostituées sociales grimpent très
vite pour se faire (rejeter ?), le jour où meilleurs
apprentis qu'eux les éjectent. Il y a les Vicieux-malins
qui observent, ont un pied dans l'eau du bain et l'autre solidement
planté au sol. Avec persévérance et patience,
"dedans mais en dehors" de leur milieu, talentueux
mais sans plus, ils obtiennent respect (et crainte) des leurs. Et
puis, il y a les génies. Ceux-là n'ont rien à
faire d'autre que d'être. Où me situe-je ? Entre
Courageux-mais-pas-téméraires et Vicieux-malin. Peut-être.
Clignez des paupières après des baisers affectueux
à Antoine et Julien Micro P. Au Medley, Catherine
et Guillaume vampirisent la piste pour des orientaleries sans manières
et à rire. Line joue de son sourire (mais pas de sa générosité
en boissons) pour vendre son lieu : "Chéri,
toi qui bosse à France Dimanche, annonces les 15 ans de nuit
de Richelieu. C'est dimanche 20". Sans problème
le plan vital de la semaine prochaine. À La Jungle,
le pantalon baissé, je m'endors après avoir subi les
assauts bucoliques d'un César agile. Clignement de paupières
honteux. Je passe la nuit de samedi avec une semi-érection
douloureuse, d'homme fatigué, avant qu'un ASSA ne s'endorme
une oreille à l'écoute de mon nombril sous un drap
chaud. Dimanche coulera le long de la Saône, au Confluent,
pour un déjeuner spécial et ensoleillé au secret
d'un lieu méconnu de Gérard Collomb :
Géraldine, Sylvie Perret, Sandrine B, Sophie Descroix (trop
jolie), Kevin, Imbert, Agostino, Caroline et Anthony Hawkins, Vincent
Carry et autres invités tranquilles pour "sauvons
Francis". Fermez les paupières.
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MERCREDI 23 OCTOBRE 2002 _ #198
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Lorsque
Hemingway libéra le Ritz
Mes pensées font dominos, parfois
mikados. Elles se répondent avec lucidité présumée
ou désordre fatigué, voire se planquent dans un sas
clos de mon cerveau à rendre ma réalité suspecte.
A un été d'ombres succède un automne où
la réflexion se laisse manger par épreuves physiques
: je laisse mon esprit divaguer, manque d'attention, consomme les
amants et jette les ennuyeux avec cette fausse méchanceté
qui tourne si bien. Une routine qui m'amuse. "Une forme
de misère" présume Jacques Haffner,
lundi, en souper Chez Albert.
Presque simple. Est-ce misérable d'expérimenter les
travers de la vie ? Faut-il, pour se croire heureux, être
à deux et n'aimer qu'au strict singulier ? Je ne vis pas
dans le défaut "misérable". L'autre, les
autres m'excitent non "par défaut" mais par curiosités
et expérimentations. Monter amoureux me manque sans imagination
et sans entrain pour cette soi-vivante assurance d'un quotidien
d'accompagné. Clignez des paupières. A La Ruche,
les yeux en sourire d'un jeune portugais, lové contre un
type basique, nous incite à une drague par offrandes de fleurs
piquées d'une triste composition. Reine Claude s'oppose
à ce pousse-à-la-rupture d'un "ils sont en couple
: allez chasser ailleurs !" avant de me flageller du bouquet
à en inonder le carrelage du bar d'un mélange de pétales,
eau, feuilles et mégots. A l'United Café, Jacques
me souffle des horreurs puis tente de dater le pull noir strié
beige et marron de Guillaume : "C'est à ton grand-père
?". 5h, je textote au jet-setter : "thanx 4 this
nite. Kyzz". Clignez des paupières. Mardi,
l'agence Editing vernit son expo Jours de France, de la passion
à l'abstention à la Fnac Bellecour. Regard vide, je
baise Mon Épouse et K-line puis oublie le parcours
photographique de ce post 21 avril traumatisant. "Vous infectez
le tabac" me claque Patrice Béghain. "Vous
étiez à la messe de Saint Paul dimanche dernier ?"
tente-je de riposter, sans énergie et comme devenu habitué
de ce rapport "griffer-panser" instauré par l'adjoint.
C'est ce qui le rend attachant (plus que sa parenté collombiste).
Clignez des paupières. Mercredi,
le Cargo de Jour... comme de Nuit (7, rue Pailleron - Lyon
4) ouvre une table à l'invitation de Mathieu. Assiettes de
poissons correctes sur discussion mange-tête. Clignez des
paupières, un vieil album d'Everything But The Girl sous
les oreilles. Vendredi, au Théâtre des Ateliers,
la première de Push Up monte, pour mieux descendre, les frustrations
sexuelles et amoureuses qui nous projettent souvent dans ce palliatif
d'une compensation par quête de pouvoir et petites sauvageries
professionnelles. Devant l'ascenseur d'une world compagny, deux
femmes s'affrontent au sommet de leur gloire au dernier étage
du building. Etage ultime des puissants, celui au dessus duquel
le plein vide donne le vertige. Elles partagent ce vide de femmes
sans sexe à portée de vie et le déséquilibre
du non-amour. Quelques étages en dessous, deux jeunes loups
se font les crocs. Ils ont baisé comme ils se battent dans
leur boulot, avec violence. Ils pourraient s'aimer mais refusent
de s'embrasser par peur de se mordre. Toujours plus bas, deux hommes,
manutentionnaires du manque à baiser et de la peur de la
dégradation physique, duelisent avec l'arme du mensonge.
Témoins récurrents de tous ces tarés, un couple
d'agents de sécurité ouvrent et ferment les portes
de la scène. Le décor d'un blanc clinique nous renvoie
à une pièce de malades mentaux internés et
observés par des spectateurs "médecins".
Une vraie réussite d'affrontements d'acteurs et de mise en
scène. Lors du pot qui suit cette représentation vitale,
Carla se place derrière Renaud Deshesdin (joli comédien
aux yeux en "Smarties" à croquer et bref amant
de Morjane Kjäck Faraoun dans la pièce) pour diaboliser
son sourire. Je draguote le beau gosse avant de clignez des paupières.
Gaelle Communal sert une coupe de champagne Veuve Cliquot
(1995) et un gâteau au chocolat vavavoum dans son appartement
sous les toits. Z2 se lance dans une analyse de la standardisation
du mobilier par Ikéa. Un invité prétend que
"les magasins Ikéa sont tellement étudiés
et dirigistes que cela me fait penser à une entreprise de
fachos". La mensuelle Hot Cargo de La Marquise est devenue
le rendez-vous des kids clubbers pour cette rentrée. Nous
partons tester la péniche en transformation disco-techouse.
"C'est une classe de première année IUT Mécanique
qui vient faire la fête" chorégraphie Z2 devant
des brailleurs "Biactolisés". Jérôme
d'Art Canut et Ange ne décrochent pas du comptoir. Gaelle
se fait pister par un pimpo ("Il n'est pas mal s'il savait
se taire") et Antoine de Lady Soul me refuse un french
kiss. En sortie du Medley, Madog ouvre la portière
de sa voiture et file sous le pont Morand. J'allonge mon siège
et le gourmand s'active sur ma queue pendant que deux mecs se branlent
à nos fenêtres. Fermez des paupières épuisées
et brûlantes.
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MERCREDI 30 OCTOBRE 2002 _ #199
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Vanishing
point
"Ma banque m'a donné un vrai
code de blonde" digivalide Le Bimb sur le lecteur
CB, lundi, au Café 203. Je retrouve mon dernier
amour avec cet effet de la petite madeleine que l'on ne veut plus
tremper dans des "je t'aime" refroidis et douloureux.
Je regarde, trois ans après notre féroce rupture,
le jeune parisien me relater ses descentes au Dépôt
("je n'y vais pas pour le bordel mais parce que la musique
est parfaite"), sa branchitude à fréquenter
les Duplex, Tango, Chez Carmen et KABP
ou sa fashion-attitude victimisée à m'offrir un cd
remix du Closer de Mr Fingers. J'aime toujours,
j'aimerai toujours, Le Bimb avec l'agacement de s'être
planté sur le casting et cette lucidité que l'on
ne choisit pas de qui on monte amoureux, que l'on épouse
rarement le profil type attendu. Clignez des paupières. Nous
nous duotisons, mercredi, pour un dîner au Chats Siamois
(4, petite rue des Feuillants) avec cette nostalgie souriante
d'un vieux couple silencieux qui s'extasie dans l'assiette. Trop
longtemps conseillé, trop souvent évité, le
restaurant thaïlandais agite épices et goûts à
l'en faire devenir ma future cantine. Parfait. Clignez des paupières,
en courbe sur le flanc droit et les lèvres ventousées
sur la nuque du Bimb en sommeil : plus de sexe mais encore
de l'affection. Jeudi, sur le même lit, Duchesse et
K-line font bedtimes TV devant la finale de Pop Stars : "Toi
ma fille, si tu gagnes, la prod' t'a prévu un rendez-vous
direct chez le dentiste. Elle a vraiment une sale peau. All I Want
is you ! tinlin ! tinlin !" double Duchesse
moqueuse et addictée au real-show. Clignez des paupières.
Mon aversion pour le real-journalism qui consiste à décortiquer
ce qui se passe dans une rédaction (la stagiaire qui amène
le café, l'attaché de presse en liaison webcam sur
l'Imac) et conjointement à masquer la vacuité du contenu
et gonfler l'égo du "journaleu" devrait m'interdire
de parler de l'anniversaire de Lyon Capitale au Cube, vendredi.
Pourtant, la soirée tourne borderline avec des corps dénudés
proches de la partouze généralisée, des confidences
sous perfusions de pom'ka et grimpe vers un sommet de débauche
(Kévin, c'était comment les urgences ? Prompt
rétablissement). Jérôme d'Art Canut me
bascule dans un souk insoutenable avant que nous flashgordions à
L'Ambassade. Les yeux de fous, nous naviguons sur le set
de dj Karisma et tapons du pied pour que tout s'accélère
et que le champagne coule au fond du gosier. Clignez des paupières.
Pour l'anniversaire de Laconque à La Luz, samedi,
j'avance une mine de défaite. Christophe Boum et Primabella
s'échappent. Super Pénélope et Julien
Micro P. partent au Chats Siamois. Le "reviens
y" est trop fort. Carla et Z2 font place sur table pour
une soupe au concombre et mon éveil. "The président
Off thee USA" tourne Z2 à nous faire rire par l'absurde.
Carla s'attarde sur les avant-bras du restaurateur avant de se lancer
dans une bataille de ballons à l'inauguration du Scandal
(16, rue René-Leynaud - quartier Pentes). Clignez des paupières
à La Jungle où mes mains sentent la peau odorante
d'un Youssef, beau mâle amourable. Plus l'énergie.
Dimanche, Sandrine B. déguste
un sorbet pomme-framboise chez les jeunes mariés de Félicie,
le dimanche aussi. Sylvie clique son Polaroïd ("Barbie,
espècediconnasse") fluoré sur nos mines réjouies
et Jean-Marc fait tourner un Earth Wind & Fire
de sa Compilation de l'Amour. "Jeunes et déjà
vieux" pourrait-on qualifier les Quartiers d'octobre visités
en fin d'après-midi aux Subsistances. L'emploi du
site est calibré de telle manière que l'on se balade
plus sur les pavés que dans les spectacles proposés.
Des représentations de 45 minutes se succèdent à
capacités limitées et ouvrent la curiosité
de "On fait quoi maintenant ? Là-bas, c'est
plein Ici, ça a déjà commençé".
Avec patience, nous atteignons le navrant : Label Cedana se
goulotte dans un abri plastifié blanc ouvert de fenêtres
translucides pour matage de contorsions sur composition technoïdale.
Cet exercice poussif, au carbone 14 relevé "an 1988",
se veut peut-être moderne. Il est ringard par sa volonté
affichée de faire electro-disjoncté. Ce qui était
valable lors de l'avènement de la culture "techno"
ne l'est plus 20 ans après : tout juste majeure, on
attend plus des artistes, qui l'utilisent dans leur "uvre",
une maltraitance, un viol et non ce bruitage chorégraphique
lisse et insipide. La suite n'est pas mieux. Le Théâtre
Komma aligne les spectateurs sur des rangées de chaises,
façon salle d'attente d'un hall de gare, pour rien. Sans
propos compréhensibles, sans émois remuants, les comédiens
tournent autour de nous à faire les malins. On voudrait quitter
la salle mais nos sièges en enfilades ne permettent pas la
discrétion. Alors, on regarde par les fenêtres ceux
qui n'ont pas pu assister à cet ennui et scrutent l'inaction,
l'inattention, la fermeture des paupières.
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MERCREDI 06 NOVEMBRE 2002 _ #200
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Special
numero 400
Que faire pour ce quatre centième
numéro de Lypn Capitale ? Me lancer dans une semaine de travail
thérapeutique sur mon rapport à l'écrit ; au
journal qui m'offre ce espace unique ? Rappeler à mon directeur,
Jean-Olivier Arfeuillière, que malgré toute l'affection
infinie que je lui porte, "non, je ne suis pas un vieux dinosaure
de la nuit" ? En un clin d'oeil, je lâche l'idée
périlleuse : demander aux "names dropped" (les
pseudonymes cités dans cette rubrique) de répondre
à la question suivante :"Quel est le mobile du nocturne
?". Voici les Nuits Mobiles 400 par les autres. Bon anniversaire.
Baptiste Jacquet.
"Décembre 86, dans le bus qui m'emmène au lycée,
j'apprends avec consternation dans Libération, la
mort d'Alain Pacadis. Etranglé par son amant. C'était
la fin d'un rêve, d'un monde imaginaire dans lequel j'étais
convié chaque jour en lisant sa chronique de nuit dans les
colonnes du journal. Du fond de ma campagne, à mille lieux
de tout ce monde interlope des nuits parisiennes, je m'évadais
vers un eldorado inconnu, qui suintait l'alcool, la défonce
et la misère sexuelle. Les silhouettes qui animaient ce petit
théatre glauque et impénétrable m'attiraient,
me parlaient d'un ailleurs possible. Pacadis est mort, le courrier
des lecteurs de Libé avec. Merci Baptiste de m'accueillir
dans ton bordel, dans lequel il ne s'y passe et ne s'y dit rien
d'aussi essentiel que la liberté d'exister et d'aimer".
Super Pénélope
"Ainsi, non content de nous infliger chaque semaine ses humeurs
d'inspiration médiocrement narcissique et agrémentées
d'horripilants gimmicks, voici que B.J. invite son aimable clientèle
à lui donner le plaisant rôle d'arroseur arrosé.
Nul doute que l'ego névrotique et surdimensionné du
garçon en concevra d'intenses satisfactions. Nul doute non
plus que les Duchesse, Mon Epouse, K-Line et autre Super-Pénélope,
dont les enfantillages les plus consternants font le droit commun
de la navrante chronique, auront eu à coeur, par quelques
puérilités codées dont elles partagent le secret,
de lui témoigner leur pathétique dévotion.
Soyons sérieux : B.J. est le seul à se montrer digne
du prétendu "Journal des esprits libres", où
ni esprit ni liberté n'ont jamais été observés
par quiconque. Dont acte, et ne fermez plus les paupières".
Maître XXY
"Mon Baille Naite. Tout a commencé dans la nuit avec
une petite culotte rouge, et un chapeau melon. Je me suis retrouvée
dans le cadre doré à tout dévoiler, ma joie,
ma belle gueule, mon enthousiasme, mes envies, et même mes
faiblesses. Cela a continué avec une vodka qui parlait portugais sur
une station de radio russe... Et puis, soudain, ça s'est
arreté quand mon réveil a sonné. Je n'avais
jamais revé truc pareil, j'aimerais que cette histoire m'arrive.
A tous ceux à qui je pense et que j'aime Laurent, Catherine,
Carole, Lionel, La Grossette, Vincent, Laurence, Mes parents et
Chantal, Iris, Valérie, Baptiste, José, Patricia,
Wilhelm, Alain, Guillen, Helena, Jérome, Jean-Yves, Marc,
Maxime, Pierre, Mikael".
Carla
"Bäptist Jackêt - Elément de dérangement
mobile et nocturne. 1m85 x 12 kg x 11 cm (rétractable). Non
convertible. Poss. monté sur roulette pour faciliter déplacement.
Vendu avec moquette poitrinaire, dorsale et faciale (option nez
et oreilles). Habillage personnalisable et chatoyant (du tweed gris
au velours kaki). Entretien : acide borique. Ne se repasse pas.
Fonctionne, avec ou sans piles, de 20 heures au bout de la nuit,
mais inutilisable en matinée. Conserve la chaleur, pas les
indiscrétions. Uniquement en modèle surrendetté
(modèle éco inexistant). Prix imbattable : 20 Euros
le feuillet !!! Ni repris, ni échangé. Vente interdite
aux mineurs de moins de 16 ans. Le fabricant décline par
ailleurs toute responsabilité pour le retard inéluctablement
constaté de livraison".
Le Tiercé + (K-line, Duchesse, Mon Epouse)
"C'est l'histoire d'une paire de pieds Nike-lés, bien
trop blanche sur le sol carrelé d'un Monde à l'envers.
Un jour, Collé-Serré sur la trot' de son pote, elle
se met à voyager. De Paso-Dobler au milieu d'une vertu bleue,
au soute d'une péniche à danser le naufrage, en passant
par des huis clos entourés de bars Ferré. A force
de courir le palpitant derrière le superficiel, à
emboîter le pas de sa clique vers des nuits où tous
les mensonges sont vrais, elle était devenue zoliment patinée.
Elle avait pigé qu'elle n'était qu'une enveloppe,
pour des êtres qui dans la tragédie de leur survie,
ont besoin de bulles sombres pour se sentir vivant, le temps d'un
instant. A rire et à chanter, à lever les bras aux
facettes de leurs boules écarlates, à aimer et à
enlacer à s'en user les semelles".
Z2
"Paupière [popjer] n. fém. du XIVème
; palpere 1120 ; bas lat. palpetra, class. Palpebra. Chacune des
parties mobiles (voiles musculo-membraneux) qui recouvrent et protègent
la partie antèrieure de l'oeil. "Clignez des paupières"
(Baptiste Jacquet, in "Nuits Mobiles").
Conclusion : le mobile du nocturne, c'est la paupière."
Petit Poucet
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MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002 _ #201
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Overdose
éphémère
Vernissage, jeudi, au Rectangle,
pour l'exposition "Actualités" dont on ne saisira
guère le propos et encore moins l'unité "actuelle".
Des pièces "intéressantes" (comme on dit
lorsque l'on ne trouve pas de mots pour qualifier notre insensibilité
aux objets accrochés). Clignez des paupières. Pure
action caritative à se montrer au concert marketing London
Live Gig du Diesel Store (29, rue Édouard-Herriot).
Je ne devrais jamais oublier le chic de Claire qui a toujours refusé
de fréquenter ces opérations commerciales orchestrées
par des boutiquiers. La soirée se veut punky londonienne,
certes animée par des bobbies bandants et un groupe pop-rock
gentillet, mais je me sens à côté de la plaque
branchée. Une nuée de punky-kids au sommet de la hype
d'il y a deux ans. Je suis toujours surpris par la forte réactivité
des jeunes gamins face aux modes (jeux ou vêtements) et affligé
par cette lenteur des post-ados à épouser une nouvelle
hype ; pire, leur incapacité à l'inventer. Disons
que ni les boutiquiers et encore moins les établissements
nocturnes lyonnais ne dévoilent un bout d'avant-garde. Je
lève les yeux vers un ciel où les nuages seraient
pixélisés de couleurs flashy, où des beaux
gosses porteraient des t-shirts courts en couche sur des manches
longues et banderaient leurs torses logotés d'un smiley jaune
clinquant, où le vent soufflerait des rythmiques acides.
La fin de cette mode électro-punk 80's sonnera à Lyon
dans quelques mois pendant que l'acid-house fait son retour dans
les autres métropoles : Lyon, toujours petite provinciale
de petits notables conservateurs. Clignez des paupières.
Le portable accumule appels et messages. La pluie rend le sol glissant.
Je n'ai plus soif. Je ne veux presque plus baiser. Mes anciens amours
se manifestent tous au même moment. J'ai le souffle coupant.
Le sommeil m'appelle. Le silence et la solitude m'accueillent. Rien.
Besoin de presque rien. Overdose éphémère d'agir
sur mes nuits. Je n'ai jamais considéré le coucher
du soleil comme le commencement d'heures tendres ou superficielles.
La nuit est violente. Pas de cette violence sociale diurne qu'il
nous faudra bien accepter (puisque nous refusons de remettre en
cause ce système capitaliste et charognard) et que les hommes
sarkotiques voudraient faire disparaître par quelques coups
de matraques électoralistes. Elle est violente dans ce qu'elle
offre, à nous tous, un défouloir en ombres pour nos
peurs physiques, nos désirs sexués, nos névroses
ingérables et nos frustrations. Si je sors sans envie et
peu solide, je me fais broyer par la faune nocturne. Un peu à
l'image de ces matins hideux où, lorsque les portes des voitures
de métro s'ouvrent, vous décidez de ne pas vous conglomérer
à la fourmilière unidirectionnelle et de la couper
à la perpendiculaire : si vous n'êtes pas ferme
et décidé, vous vous cognez aux pas conditionnés
de ces gens matinaux. Dans ma fréquentation de bars, bordels
et discos, je suis prédateur déterminé :
durcir mon corps pour intimider l'autre à ne pas me bousculer
de son ivresse et ouvrir les yeux sur une proie excitante et amicale.
Ce blindage ne maquille pas mes faiblesses mais me décolle
de la victimisation. "L'inconnu qui se tire après
deux heures de baise, je le vis très mal : je suis encore
plus frustrée", lors d'un dîner. "Ils
sont tous cons. Comment veux-tu que je trouve quelqu'un ?",
sur un sofa de disco. "Mais tu ne peux pas faire l'amour à
quelqu'un que tu ne connais pas : c'est de la pure consommation
sexuelle", en aparté. Que de victimes d'illusions, d'amour
absolu, du carcan "pas de chair sans complicité intelligible".
À jeu de prédateurs égal, échanges riches
en sensualités et plaisirs. Ordonner à un mec de se
mettre à quatre pattes m'amuse non par sadisme mais parce
que l'autre est soit mon égal partenaire, soit une victime
qui n'a pas encore compris que la douleur n'est pas la seule composante
de sa consistance, de son existence. De 11 à 22 ans, mon
être se tordait de la dé-pendaison du père.
De 22 à 25, mon corps se crispait de la découpe de
la mère. Et alors ? Ces souffrances, cette culpabilité
stupide et ce rôle de "pauvre petit" me rendaient-ils
plus vif ? Peut-être plus borderliner qu'une moyenne
inconnue mais certainement plus réel, plus concret, moins
dans la lune. Je touche l'autre par besoin animal. Je bois pour
le cancer. Je prends quelques stupéfiants pour tester mon
cerveau. Je baise pour me sentir léger et souriant, les couilles
vides. Je danse avec la musique, seule composition aérienne
à procurer du plaisir. J'écris ici non pas, et surtout
pas, pour le lecteur potentiel ou habituel mais pour un essai maladroit
d'un autrement. Écrire de l'émotion et fermez les
paupières.
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MERCREDI 20 NOVEMBRE 2002 _ #202
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So
quickly
Bill Viola et Dumb Type nous
installent, mercredi, dans des scènes à frissons
au Musée d'Art Contemporain : l'Américain dans
une chambre noire placardée d'humains en stroboscopes et
piquée de poussières vidéos blanches ;
les Japonais sur un faisceau lumineux et marchand de sable nerveux
pour des êtres coffrés dans des lits en écrans
de verre plat. Ces deux installations notables nous amènent,
au dernier étage du musée, à vernir le Rendez-Vous,
exposition de jeunes artistes internationaux. La série de
tableaux d'anges ailés de poumons ou les corps anatomisés
à coeur ouvert et aux veines décharnées de
Mathilde Rozier me plaque à ces petites pièces désirables.
Les sept minutes du montage vidéo de Yael Bartana débobinent
un plan serré sur une autoroute où les voitures se
figent, dégoulinent sur le bitume en double fond. Les automobilistes
descendent de leur voiture à l'arrêt tels des résistants
à ce flux continu, crade et haché. Un dernier plan
accélère des bolides dont s'échappent des drapeaux
israéliens. Troublant et vraie réussite de l'expo.
Clignez des paupières. Au post-event organisé à
La Marquise, Mon Épouse, en pleine addiction
aux Miss de Mesdames De Fontenay et Michon, expose à K-Line
quelques détails du concours Miss France 2003 dont la finale
lyonnaise offrira certainement un instant de glamour à Gérard
Collomb. À quelques verres de trop sur la péniche,
nous switchons d'un Mushi-Mushi restructuré (pour
lequel nous nous accordons sur la faute de couleur commise lorsque
la mezzanine fut aveuglée d'un vert anis peu flatteur pour
Kamel) et un final explosé au Voxx. Ange souffle son anniversaire
aux platines du bar pendant que Cruz Poutre relate la perle entendue
dans les mouvements de corps en fête : "Les filles
s'inspirent de la féminité de Leika (le chien de Kamel)."
Clignez des paupières sur un début de semaine où,
déjà, les minutes s'étirent à me faire
croire qu'une journée dépasse ses vingt-quatre heures
imposées. Jeudi, quelques centaines de mètres
séparent les tonnes de Beaujolais nouveau en partance pour
le monde depuis Saint-Exupéry et le vernissage champagnisé
des clichés du dernier défilé de la Biennale
de la Danse, réalisés par Bruno Ansellem, Michel
Cavalca et Laurent Cerino, et exposés à l'Imprimerie
FOT. Les mousquetaires de la photo nous accueillent avec cliquetis
de coupes moussantes et petits fours à tous les plateaux.
Françoise Rey avance une mine de femme heureuse, amoureuse.
Sandrine B. fait sensation "vavavoum" coiffée
d'un chapeau princier en plis bleus électriques. Jean-Paul
Brunet arrive du Café des Négociants où
se tient l'anniversaire des Scoops du Grand Lyon de Gérard
Angel : "Tout le monde était là. Le maire
arrivait lorsque je me suis éclipsé", trinque
le doux jeune homme. Nous clignons des paupières sur ce mix
d'encravatés et femmes d'une autre époque qui m'amuse
une partie de la soirée puis finit par me faire bailler.
Réveil à l'United Café pour une coulée
de verres lâchés par Laurent Radix et Florent de la
Table d'Hyppolite. Les deux excessifs s'activent dans des chorégraphies
discotiques à se débrayer et me faire cligner des
paupières, paisible. "Allez, nous n'avons pas que ça
à faire ! Prêtez serment et puis au cocktail à
l'étage !" décrit, fraîchement diplômée
architecte, Peggy-Laure Allard (Agence Ost'in) au Café
203, vendredi. "Avez-vous vu le bâtiment de
la Région ? Je jure que je ne ferais jamais un truc
aussi moche", continue Peggy devant Mon Épouse,
Mathieu et Sébastien Érom. Il y a quelques semaines,
Sébastien semblait assuré de figurer parmi les droppés
de "Nuits Mobiles" sous le doux pseudo de P..S.. grâce
au charme évident dont son collaborateur-de-chauffard-pour-un-grand-quotidien
pensait pouvoir abuser. Le pari tenu et perdu, le journaliste nous
textote la confirmation d'une table de dix pour un dîner gargantuesque.
À respecter. Clignez des paupières. Marc, ex-amour
et toujours trouble-tête, m'assoit aux Chats Siamois pour
un défilé de merveilles piquantes et un innocent jeu
de massacre sur le serveur, "joli mais manchot". Clignez
des paupières. A La Ruche, Mathieu qualifie l'accent
du Sud-Ouest souri par mon amour comme "ne faisant pas très
sérieux Vous, dans le Sud, vous ne travaillez pas beaucoup".
Les provocations faites, le méthodique se flagelle du terme :
"Je suis zérosexuel ou autosexuel : c'est à
votre convenance". Les basses de spiritual house glissent
de la feutrine d'un Dj Deep inspiré sur Carla, en drague
à tout va, David Cantéra et Willem, le visage
en brillantine. L'Ambassade s'enivre et ma langue redessine
les lèvres de Marc avec cette hyperfragilité retransmise
à mon échine qui, par un seul touché, la tord
de plaisir. Fermez les paupières devant Mathieu et Julien-Justin
en rapprochement au Medley.
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MERCREDI 27 NOVEMBRE 2002 _ #203
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Si
loin, tout proche
Elle est seule et tout ne fonctionne pas
très bien. Christiane Cohendy rode son personnage en première
de Et puis quand le jour s'est levé, je me suis endormie,
au Théâtre des Ateliers, mardi. Le texte
de Serge Valletti est pourtant ciselé d'absurdités
risibles, de répétitions à en perdre la tête.
Les jeux avec les mots pouvaient prétendre à nous
labyrinther adroitement dans des songes peu réalistes. Manqué.
La comédienne n'arrive qu'à donner un rythme monocorde
à la pièce, malgré les multi-personnages qu'elle
mime avec âme, mais sans chair. Simple question de rodage
et ajustements à venir ? Peut-être. Clignez des
paupières. Cela fait un an tout juste que nos coeurs se sont
rencontrés même si notre entente paraît plus
lointaine. Mercredi, Super Pénélope
replante l'heureux événement, là même
où tout a commencé : au Sofitel lors la présentation
du beaujolais nouveau. À chaque lancement du vin-qui-fait-mal-au-ventre,
le patio de l'hôtel se peuple des Lyonnais les plus notables
ou en apprentissage. C'est le cas de Laurent "Wannabee Boyer"
Natale avec lequel je m'entretiens pour la première fois.
Le micro-producteur de TLM me parle en se regardant avant de se/me
questionner : "Vous avez une haute estime de vous-même.
Non ?". Un long coup de rouge silencieux à regarder
l'ego du Monsieur gonflé. "Vous ne vous prenez pas
pour une merde ?" décode-t-il pour me faire
réagir. Il est préférable d'avoir une certaine
estime de soi pour tenter de faire de belles choses, d'espérer
se sentir utile. Alors "oui, je ne me prends pas pour une
merde". Laurent Natale sur l'écran me paraît
beaucoup plus agréable qu'en chair et sans os : sa "haute
estime de lui-même" reste cadrée et contenue
par la taille de nos ustensiles de visionnage. Et un format de 20 cm
suffit largement pour regarder ses non-émissions. "Je
ne dirais pas de mal de vous : personne ne vous connaît.
Dommage !" tourne des talons Wannabee Boyer. Super
Pénélope est déjà loin lorsque Julien
Berthet tente, en vain, de me présenter sa madone, Anne-Marie
Comparini. Marie-Charlotte et Julien-Justin se drunkisent
auprès de Forrest UMP et millonniste, Ours Fort, et
d'un Serge Tonioni en sourire et à redécouvrir.
Le regard attendrissant et l'allure "gendre parfait" de
Paul Satis force un salut affectueux au journaliste. Pierre
Budimir parle nouveau travail et "as-tu des nouvelles
de Claire ?" avant que Marie-Charlotte n'annonce que
j'ai été victime d'une tentative d'attentat au chewing-gum :
"Ne bouges pas : tu as un chewing gum collé
dans le dos. C'est horrible". Nous fuyons en cuisine à
la quête d'un glaçon, d'un éventuel garçon
conciliant, pour nettoyer mon Prince de Galles en pestant "C'est
un coup de Laurent Natale Il nous faut des glaçons",
sous les regards enjoués de grands-mères en gourmettes
dorées et en pleine digestion de charcutaille. Marie-Charlotte
chevauche mon dos cassé sur un accoudoir de fauteuil afin
de faire durcir l'objet disgracieux par frottis gelant sur ma colonne
vertébrale. "Partons maintenant", suggère
Julien-Justin. Le temps de chaparder quelques fleurs en grimpant
sur les tables pour atteindre d'immenses pétales odorants
et nous nous flashgordons à Tombé du Ciel.
Philippe Moncorgé se détorse et se collerette
d'un tablier de "bojoleur" pendant que sa "gouvernante"
insiste pour me faire un american kiss (le baiser où l'on
garde sa boisson en bouche afin de l'expulser dans celle de l'autre
à s'en rendre vulgaire par jets sur son entourage). Clignez
des paupières dans une fin de nuit joyeuse à La
Ruche et l'United Café à en oublier le
pourtant attirant Maternelle Process organisé par la Compagnie
Là Hors De, nuit de débat autour de l'avenir des Subsistances.
Jeudi, le Carré d'Or se retrouve au Modern Bar
(rue Thomassin, quartier République) pour des tours de rouge
champêtres. Duchesse me fait présent d'un crayon laser
qui projette deux coeurs rouges cupidonnés. Sandrine B. tente
de convaincre Primabella d'un strip-tease spontané.
Babby voudrait basculer Bruno Ansellem ("Il est mignon,
gay ?"). À l'Euro-Shop d'à-côté,
Julien Micro P. parcoure le sex-shop, un double gode
tenu fermement en main. Au portable pour sa Super Pénélope :
"La vaginette à 100 euros me tente bien". K-Line :
"Je vais vomir" puis "C'est quoi ça ?"
en direction d'une dînette de godes multi-tailles. Sandrine
B. : "Une ceinture double-queue". Mon Épouse
trépigne pour aller danser au Medley. En sous-sol
de la disco, tout n'est que jeux sur musique emballante : Cruz
Poutre se gratte la tête en bascule avec sa coupe de champagne ;
Super Pénélope chorégraphie En rouge
et Noir, de Jeanne Mas, à nous convaincre d'une pré-répétiton
intensive obligée. Christophe Boum est drunky et beau.
Sandrine B. s'imagine danseuse de ballet et me coince le bassin,
son corps durci en équerre. Tous s'attendrissent et ferment
les paupières sur de l'insaisissable, du mémorable,
du bonheur.
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MERCREDI 04 DECEMBRE 2002 _ #204
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Se
lécher comme des poneys
Mathieu accentue son dandinement robotique
de jeune homme mathématique au cerveau analytique. Mercredi,
les genoux coincés dans l'orchestre de la Maison de la
Danse, il grince ses remarques ennuyeuses lors de la présentation
du Dance Célébration ! par son initiateur, Guy
Darmet. Entre le juste "C'est une grande première
ce soir : un spectacle de danse en direct sur une grande chaîne
de télévision, Arte. Programmé, non pas à
2 h du matin, mais à 20h30", le cabotinage "Notre
maison (de la Danse) est un petit théâtre de province",
et sa défense des intermittents du spectacle (sic !),
le directeur de la plus importante et heureuse manifestation culturelle
lyonnaise en fait trop. Un trop qui énerve Mathieu, intenable
à en vouloir photojeter tout ce qui bouge. Un trop qui me
plaît. Sur scène défilent huit compagnies internationales :
José Montalvo et Dominique Hervieu ouvrent la captation télévisuelle
d'un sautillant "Babelle Heureuse", crossgender
réussi et blagueur du hip hop et du classique. Plus tard,
le One Of A Kind de Jiri Kylian avance un couple en
accrochage amoureux sous apesanteur : les bras presque toujours
tendus se brisent pour faire aimanter deux corps en douces torsions.
Classieux. En post-event, nous harponnons quelques belles gueules
dont un Mathieu 2, danseur d'un extrait glamoureux de
la compagnie de Karole Armitage pendant que Gratte-pellicule,
habitué des cocktails, se jette devant l'objectif du photojet.
Stéphane Lebard et son escort-boy nous entraînent pour
un dernier verre à la Tour Rose. Géraldine et Kevin
se roulent des yeux devant un Philippe Chavent en sourire. Clignez
des paupières. L'accordéoniste gémit à
l'intérieur d'un cube de Faraday en aluminium glacé.
Assis, dos au public, Christophe penche son corps sur le clavier
de l'orge avant des "Elle dit, elle dit". Sophie 'vavavoum'
Descroix (M6), Mon Épouse, Vincent Lindon, Paul
Satis, Cricri, en pleine crise ado-réac, et tout
le gotha culturel et médiatique local va se presser au théâtre
de la Croix-Rousse pour assister à l'un des trois concerts
du chanteur aux santiags. Jeudi, Patrice Béghain
m'invite à ses côtés pour la première :
"Si le fait que l'on nous voit ensemble vous dérange,
disons que j'ai gagné à un tirage au sort parmi les
abonnés de votre journal pour passer une soirée avec
un de ses rédacteurs". Peu importe. Clignez des
paupières. J'ai souvenir de Christophe, vêtu d'une
chemise à carreaux bleue, d'un jeans neige et de ses bites-aux-pieds
vulgaires. Sa moustache de tombeur pour midinettes des champs fredonnait
des bluettes mièvres sur des nappes Bontempi. Et puis, il
y a eu la hype autour de son dernier album qui le consacrait mieux-chantant-du-moment.
Rien de plus énervant que l'unanimité des Libération-Inrockuptibles-Télérama
autour du culturellement bien consommé et goûteux.
Tous ces préjugés ne me plaçaient guère
dans un pré-enthousiaste pour l'événement.
En début de concert, les "Sur ma Vespa, je me prends
pour Ben-hur" et autres basse voltiges poétiques auraient
pu me faire rire. Je suis monté sur le charme d'un récital
kitsch et maniéré, lunaire, au raz du plancher, une
voix qui se déchire puis se rassure, des orchestrations néo-variétés
ou technoïdes, des interludes surréalistes ("L'Escabeau,
c'est beau le succès fou, c'est les chaussures, la coiffure.
Ne pas confondre une autotamponante et une chaussure..")
et l'ultra-sensibilité du quinquagénaire qui vous
explose au coeur. Un spectacle totalement humain et émotionnel
à métamorphoser Patrice Béghain et Philippe
Faure en fanatiques dans la loge du chanteur. Tout le staff du théâtre
mouille sa culotte devant tant de chic et je ne comprends pas la
brillantine dans les yeux d'une jeune exécutive devant le
faux charisme d'un Valéry Zeitoun prêt à arracher
à coup d'euros le lustre art déco de la salle. Clignez
des paupières. Au Modern Bar, vendredi, Christophe
Boum se drunkize avant d'attaquer Mon Epouse, K-Line, Super
Pénélope et Julien Micro P. Ce dernier
flâne toujours dans le souvenir d'un Medley où,
"avec Cruz Poutre, on se lèchaient comme des poneys".
Clignez des paupières. Il y a peu, en sortie d'une cabine,
un trentenaire me propose de le baiser dans le bain à remous
du Double Side. Sans protection ? "Mon cul est
propre", affirme le sex-addicted en faux innocent. Dans
la pénombre de la Jungle, un agité du cul à
qui je demande s'il a des capotes pense me bluffer : "Tant
que tu n'éjacules pas, il n'y a pas de risques. Fais-moi
confiance, je suis anesthésiste". J'ai fait mien
le suicide impulsif, ce moment où, un jour, je déciderai
de filer dans le cercueil comme on allume une cigarette. Je refuse
le suicide programmé où l'on chope la mort par négligence
et où la souffrance nous décompose. À chacun
ses choix. Samedi, place Bellecour, les Journées de
lutte mondiale contre le sida n'attirent que deux cents manifestants.
Peu de monde pour un retour de flamme qui menace nos corps, nos
amours. Fermez les paupières.
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MERCREDI 11 DECEMBRE 2002 _ #205
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Lenteur
imposée
Le lightstick trace un rail rouge à
travers un nuage de fumée tabagique. Mercredi, Sébastien
Érome crache une flamme rouge irréelle sur l'écran
liquide du Coolpix lorsque Peggy-Laure Allard découvre
son nouveau crâne rasé et s'attable au Mushi-Mushi.
Sophie et Jean-Marie abusent de superlatifs pour qualifier le travail
photographique de Sébastien puis se remémorent leur
visite à la Biennale du design de Saint-Étienne :
"Le fait d'exposer tous les designers, quelque soit leur nationalité
et leur talent, dans un seul espace et sur le même principe
du stand nu peut sembler égalitaire. En fait, on voit bien
qu'entre un designer belge et un centrafricain, l'attention accordée
à l'agencement de leurs oeuvres est loin d'être égalitaire".
Mon Épouse, qui s'enfuira dans un état drunky
vertigineux, relance Nasser sur son futur concours international
de Uno. "Ce sera pour mars prochain mais je ne souhaite pas
en dire plus", sourit le deejay alors que Cruz Poutre exige
un copyright à chaque utilisation du déjà-culte
"Se lécher comme des poneys" (©cruz
poutre). Kamel arrose le comptoir d'un dernier verre. Clignez des
paupières devant la fontaine Bartholdi noircie, les chevaux
enlacés de cordes blanches lumineuses. Jeudi, la Fête
des lumières s'ouvre sur 4 jours à se cacher et à
se replier dans une lenteur imposée. Les masses badaudes
qui entêtent les rues de la Presqu'île m'oppressent.
J'ai peur. J'ai peur de leurs poussettes, des gosses, de cette foule
au sol sans motivation autre que de lever les yeux au ciel, expérience
qu'ils ont peut-être oublié depuis longtemps. Le 8 décembre
est devenu une fête populaire réussie mais elle ne
me regarde pas. Clignez des paupières. Nous trouvons refuge
chaleureux à l'inauguration des nouveaux Enfants Gâtés.
Le glacier du 3, place Sathonay s'agrandit pour nous réchauffer
le gosier d'un salon de thé hivernal : chocolats, pâtisseries
et brunchs dominicaux. L'entrée en matière s'initie
au goûter pour enfants sages et jus de fruit avant de s'agiter
sur liquides alcoolisés et sucreries fondantes. Stéphane
L. se fait traiter de gosse pourri lorsqu'il nous explique
sa stratégie de séduction : "Je prends mon
amant comme un jouet en vitrine. Je le veux tout de suite. Oui,
je suis un enfant gâté". Roland, maître
sexy de la maison, m'intimide et me rend gauche. L'accrochage viendra
peut-être un jour prochain. Clignez des paupières.
À l'approche de l'élection de Miss France au Palais
des Sports, les 48 prétendantes au titre de potiche nationale
rougissent sur la patinoire de la place Bellecour, vendredi.
Le public rigole et l'enthousiasme se gèle. Gérard
Collomb doit certainement faire la tournée des boutiques
afin de trouver le costume digne de cette grande soirée de
branchitude kitsch, samedi 14 décembre. Clignez des
paupières. Samedi, un homme tenaille mes jambes sous
l'eau en bulles du Double Side. Dans le même fluide
sexué, ma main javellisée branle un voisin de baise.
Agréable sensation que ces touchers anonymes et multiples.
Doux abandon aux massages libidineux. L'étage de la Jungle
déroute des hommes ivres, deux queues bandées hors
de glory-holes et aspirées par un minet aveuglé et
en prière, des chasseurs télécommandés
par l'envie. Tout me paraît rude et crade. Tout n'est qu'échappée
belle à l'ennui du sommeil. Clignez des paupières.
Dimanche, à l'approche de la fermeture de son Modern
Bar (ce samedi 14), Babby reçoit au comptoir. En
transit, Christian Johan Bégaud nous invite au vernissage
des peintures de David Morel dans sa boutique de la place Bellecour,
jeudi 12, dès 20h. Le jeune artiste stéphanois,
non satisfait de son physique de prince blond, s'entoile sur des
grands formats terrifiants de finesse. Exposition vitale. Laconque
sort de son internement amoureux avec quelques kilos superflus,
accompagnée par L'Ange Brun. Carla se fait pousser
par un ivrogne rondouillard. Mon Épouse superpose
le style collégienne sur une veste militaire de travelleuse.
Puis, la futur mère de mes enfants impose l'alcool à
K-Line en crypto-Brigitte Bardot devant les chiens allongés
sur le carrelage. Babby déforme ses joues avec sa langue
pour me décrire comme "le meilleur suceur de la ville.
Tu as des talents de société reconnus". Mensonge.
Je ne suis pas un très bon fellateur. Clignez des paupières.
Christophe Boum nous glisse des assiettes d'huitres et Sandrine
B. espère toujours convertir Primabella à
l'hétérosexualité. "Merci de m'avoir traité
d'aristo fin de race. Vous vous êtes vu avec votre look de
louveteau catho", charge Primabella en direction de Marie-Charlotte.
Au Marais, Julien Micro P. se fait harponner par une
danseuse orientale. Super Pénélope perd toute
gestion de son homme qui testera ses baisers à tour-de-lèvres
sous les voutes de L'United Café. Philippe Moncorgé
se défroque pour nous laisser tater son caleçon long
moule-bite pendant que Julien-Justin vouvoie quelques pimpos
afin de décrocher un french kiss lessiveur. Brian, danseur
écossais en gavroche toqué, ferme mes paupières
d'un furtif attouchement.
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MERCREDI 18 DECEMBRE 2002 _ #206
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Les
yeux pleins de sucres
"Ils ont bien chauffé pour nous
faire rentrer mais, là, c'est glacial" grelottera
Pierre le Magnifique, mercredi, sous la verrière des
Subsistances. L'émission Des Racines et des Ailes
aligne, parmi son public ventilé d'une fraîche brise,
quelques notables locaux. A table, Regis Neyret, Monsieur vieilles-pierres-forever,
débute son historique de la luxueuse friche artistique à
un Patrick De Carolis en pose d'écoute, la main collée
au menton. On se dit qu'il va bientôt dropper Denis Trouxe,
fondateur de ce pataquès municipal, lorsque courent sur les
pavés Vincent Bady et une troupe d'intermittents du spectacle
(sic !) appâtés par des caméras prime-time.
En plein cadre derrière le présentateur fardé
de France 3, les manifestants se font couper l'antenne par
un premier reportage. De Carolis arrache son micro et quitte le
plateau en star. Certaines langues de vipère, prêtes
à mordre un Klaus Hersche déjà moribond dans
le microcosme culturel, auraient entendu un "Vous me le
payerez !" du journaliste au directeur des Subsistances.
Voilà pour le seul moment passionnant de cette interminable
soirée : l'ex-adjoint à la Culture sans sa minute
de gloire et le petit Suisse se tapant la honte dans la sécurité
de son lieu vide et sa gêne devant les intermittents. Au drink
organisé au Cosmo, Super Pénélope s'excuse
de m'avoir choisi comme escort-boy dans ce triste endroit. Émmanuel
Merieu me donne la chair de coq, ce ressentiment animalier où
vous détestez quelqu'un sans même l'avoir salué.
Le metteur en scène sent l'intellectualisme juteux et l'usage
du faux révolté. Clignez des paupières. Jeudi
au vernissage de David Morel, Christian Yohan Bégot ouvre
sa boutique de la place Bellecour à de jeunes beaux-hardeux,
des amis esthètes, Nicolas Stifter et Madame pour
une exposition haute-sensibilité de fins tableaux détaillés
de bizzareries discrètes. Après un plateau fromage
au Bastringue en compagnie d'Elodie Bouesnard et son Lolosodo d'architecte,
je me retrouve plaqué contre une paroi obscure à la
Jungle par un pimpo impatient. Mes mains se lassent et mon partenaire
me quitte d'un "On ne va pas passer 15 minutes à se
tripoter comme ça sans baiser". Tant pis, tant mieux.
Clignez des paupières. Dire que la Nuit Lumière à
La Sucrière est une pure merveille pourrait sembler abusif
dans cette rubrique, étant entendu que Lyon Capitale en est
un des principaux organisateurs et que je pourrais être taxé
d'autopromotion. Pourtant, vendredi, les sourires se plissent
en coeur, le Tout Lyon se mixe sous le béton magique de l'Entrepôt
des sucres. K-Line acquiesce : "Il y a un mélange de
people impressionnant. Un vrai tour de force". Mon Épouse,
Jean-Paul Brunet, Philippe Chavent, Helena et Gregoire Roche, Michel Essertier et Marie-Pierre, Hubert Lafférière,
Cruz Poutre, Carla, Jean-Pierre Bouchard, Joël, Paul
Satis, Duchesse et Maître XXY s'invitent à cette
folie douce. Ours Fort s'imagine à la cérémonie
des oscars devant les caméras de TLM, le corps raide, un
pied en avant, une main dans la poche, l'autre au bras d'une escort-girl.
La belle rigole de sa prestation de potiche : "Je viens de
finir un tournage avec Marc Dorcel et j'avais besoin d'argent".
Plus loin, Jean-Luc Estournel propose à Jacques Haffner
de poser nu en ma compagnie afin d'illustrer le signe des Gémeaux
dans son calendrier people bientôt en vente au profit d'Étudiants
contre le Sida : "Le contraste entre toi, en sortie
d'Auschwitz, et Jacques peut être intéressant".
Oui, si je cache mes cotes saillantes en posant derrière
le real jet-setter. François Verdet se lance dans le piquage
de badges Kanardo sur les vestes d'élus. Patrice Beghain
se voit remettre officiellement ce médaillon de canard pixélisé
avant de nous faire photojeter en James Bond boys, dos à
dos et tirant des balles de nos doigts. Nous tentons d'approcher
Gérard Collomb afin de lui remettre une distinction
"kanardo" mais le maire joue son Bertrand Delanoë
à retardement, poursuivi par les caméras drivées
par Guillaume. Ce même maire, en pleine éloge des mesures
sarkotiques, ne tentera pas de jouer le Petit Nicolas lorsque Claire
Carthonet viendra l'interpeler sur les figures scandaleuses et imposées
aux prostituées lyonnaises : Monsieur Collomb tourne rapidement
les talons sans discussion. Clignez des paupières. Z2, coiffé
d'un bonnet de Père Noël inonde le ciel de petits pétards
serpentins devant un Alain Turgeon, néo-dandy en écharpe
écossaise. Mon Épouse propose de charger Laurent
'wanabee Boyer' Natale, en pleine captation ("Il garde la DV
chez lui pour se filmer sous tous les angles", se moquera un
invité), du titre suprême : "Le Frédéric
Taddéï lyonnais". Julien Micro P. se libidine
à grande vitesse lorsque je cligne des paupières.
Dans les Pentes, la fête Lunettes bordélise bouteilles
dans tous les coins de l'atelier, Antoine en pleine chorégraphie
progressive ("Dis-moi que je suis le meilleur danseur du Monde"),
Grande Cécile en crise ("J'ai perdu mon pull Agnès
B. et mes clés d'appart") et toute une faune survitaminée
incouchage. Fermez les paupières, samedi, à
la fermeture définitive du Modern Bar. Que l'âme
du comptoir de Babby vive encore et dans pleins d'ailleurs.
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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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