INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

MERCREDI 16 OCTOBRE 2002 _ #197

 

Dans la peau de Basil

"Certaine que tu vas me casser et dire que mon installation est dépassée, trop années 80. Non ?", précautionne Estelle Desplaces, au vernissage, mercredi, de ses lettrages en relief sur les murs du Modern Art Café. Une série de slogans se chaînent et ceinturent le bar de "connecting people", "just do it" ou "parce qu'elle le valait bien". Sous les pas discuteurs de Peggy-Laure, Raph, Nassaboy, David Cantéra et Ange, s'isole du parquet un "dire je t'aime", parcelle d'une phrase blanche incrustée en diagonale. Très 80s certainement mais malin et accrocheur : à ses idiomes ultra-lisibles, le regard se perd rapidement pour une échappée dans le non-espace textuel à la recherche d'un mot sauvage, d'une faute de sens. En terrasse, Duchesse, Mon Épouse, Cruz Poutre et Joël revisitent les séries télés ricaines. Duchesse entonne le générique de Dynastie à la perfection jusqu'au "je ne me souviens plus de la chute", alors que Cruz Poutre défend Miami Vice, pour nous convaincre qu'à moitié. Puis reconnaît : "Le problème de Miami Vice est que c'est trop daté pour devenir culte". Un long moment en compagnie de Gaelle Communal couvre mes yeux de brillantine et me renvoie, devant la beauté et la douceur de la danseuse, vers le trop facile "pourquoi ne suis-je pas hétéro ?" Clignez des paupières. Vendredi, un déjeuner avec Aurélie Habérey au Café Jules me balance cette même impression de "c'est con que je ne sois pas hétéro : la femme est plus sensible et raffinée qu'un mec". Aurélie propose une collaboration privée pour un travail photographique sur les petits bonheurs nocturnes avec une telle clairvoyance dans son argumentation (notre course vers l'ordre moral ; le travail gouvernemental sur la peur par la sécurité ou la censure qui masque tout ce qui est encore heureux ; la délation et le repli sur soi) que je suis conquis. Clignez des paupières. À La Marquise, Dj Rocket pousse une techno ultra-basse et se paume dans une drum'n bass pour post-pubères. Olivier, jeune pousse de compositeur - "je m'essaie dans le downtempo du style Warp, Autechre et ce genre de musique", capte mes pulsions. Je récite ma vision électro en vieux con, donneur de leçons : "Les free parties sont devenues des cages à défonces pour blancs-becs en mal de rébellion La house nation s'est volontairement laissée bouffer par le marketing très rock des majors (album, interviews et tournées) Le hip-hop est la musique dominante car il a appris comment se servir du système". Cette dernière affirmation me laisse digresser dans le rapport que chacun de nous peut avoir avec le pouvoir, la reconnaissance dans son environnement : il y a les Puristes, dans l'ombre d'un sous-sol, qui rejettent notre système commercialisé soit par crainte d'affirmer au monde leur présumé talent, soit parce qu'ils n'ont aucun talent et que se vanter d'être dans la marge les arrange bien. Il y a les Courageux-mais-pas-téméraires qui s'insèrent dans "un milieu" afin de s'y faire accepter par petites compromissions et qui, une fois "des nôtres", tentent d'y greffer leurs propres empreintes. Parfois, ils oublient et se font broyer à en perdre toute personnalité. Il y a les Arrivistes qui sucent plus que je pourrais le faire dans une cabine d'un bordel, ne défendent rien d'autre que leur envie de pouvoir. Ces prostituées sociales grimpent très vite pour se faire (rejeter ?), le jour où meilleurs apprentis qu'eux les éjectent. Il y a les Vicieux-malins qui observent, ont un pied dans l'eau du bain et l'autre solidement planté au sol. Avec persévérance et patience, "dedans mais en dehors" de leur milieu, talentueux mais sans plus, ils obtiennent respect (et crainte) des leurs. Et puis, il y a les génies. Ceux-là n'ont rien à faire d'autre que d'être. Où me situe-je ? Entre Courageux-mais-pas-téméraires et Vicieux-malin. Peut-être. Clignez des paupières après des baisers affectueux à Antoine et Julien Micro P. Au Medley, Catherine et Guillaume vampirisent la piste pour des orientaleries sans manières et à rire. Line joue de son sourire (mais pas de sa générosité en boissons) pour vendre son lieu : "Chéri, toi qui bosse à France Dimanche, annonces les 15 ans de nuit de Richelieu. C'est dimanche 20". Sans problème le plan vital de la semaine prochaine. À La Jungle, le pantalon baissé, je m'endors après avoir subi les assauts bucoliques d'un César agile. Clignement de paupières honteux. Je passe la nuit de samedi avec une semi-érection douloureuse, d'homme fatigué, avant qu'un ASSA ne s'endorme une oreille à l'écoute de mon nombril sous un drap chaud. Dimanche coulera le long de la Saône, au Confluent, pour un déjeuner spécial et ensoleillé au secret d'un lieu méconnu de Gérard Collomb : Géraldine, Sylvie Perret, Sandrine B, Sophie Descroix (trop jolie), Kevin, Imbert, Agostino, Caroline et Anthony Hawkins, Vincent Carry et autres invités tranquilles pour "sauvons Francis". Fermez les paupières.

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MERCREDI 23 OCTOBRE 2002 _ #198

 

Lorsque Hemingway libéra le Ritz

Mes pensées font dominos, parfois mikados. Elles se répondent avec lucidité présumée ou désordre fatigué, voire se planquent dans un sas clos de mon cerveau à rendre ma réalité suspecte. A un été d'ombres succède un automne où la réflexion se laisse manger par épreuves physiques : je laisse mon esprit divaguer, manque d'attention, consomme les amants et jette les ennuyeux avec cette fausse méchanceté qui tourne si bien. Une routine qui m'amuse. "Une forme de misère" présume Jacques Haffner, lundi, en souper Chez Albert. Presque simple. Est-ce misérable d'expérimenter les travers de la vie ? Faut-il, pour se croire heureux, être à deux et n'aimer qu'au strict singulier ? Je ne vis pas dans le défaut "misérable". L'autre, les autres m'excitent non "par défaut" mais par curiosités et expérimentations. Monter amoureux me manque sans imagination et sans entrain pour cette soi-vivante assurance d'un quotidien d'accompagné. Clignez des paupières. A La Ruche, les yeux en sourire d'un jeune portugais, lové contre un type basique, nous incite à une drague par offrandes de fleurs piquées d'une triste composition. Reine Claude s'oppose à ce pousse-à-la-rupture d'un "ils sont en couple : allez chasser ailleurs !" avant de me flageller du bouquet à en inonder le carrelage du bar d'un mélange de pétales, eau, feuilles et mégots. A l'United Café, Jacques me souffle des horreurs puis tente de dater le pull noir strié beige et marron de Guillaume : "C'est à ton grand-père ?". 5h, je textote au jet-setter : "thanx 4 this nite. Kyzz". Clignez des paupières. Mardi, l'agence Editing vernit son expo Jours de France, de la passion à l'abstention à la Fnac Bellecour. Regard vide, je baise Mon Épouse et K-line puis oublie le parcours photographique de ce post 21 avril traumatisant. "Vous infectez le tabac" me claque Patrice Béghain. "Vous étiez à la messe de Saint Paul dimanche dernier ?" tente-je de riposter, sans énergie et comme devenu habitué de ce rapport "griffer-panser" instauré par l'adjoint. C'est ce qui le rend attachant (plus que sa parenté collombiste). Clignez des paupières. Mercredi, le Cargo de Jour... comme de Nuit (7, rue Pailleron - Lyon 4) ouvre une table à l'invitation de Mathieu. Assiettes de poissons correctes sur discussion mange-tête. Clignez des paupières, un vieil album d'Everything But The Girl sous les oreilles. Vendredi, au Théâtre des Ateliers, la première de Push Up monte, pour mieux descendre, les frustrations sexuelles et amoureuses qui nous projettent souvent dans ce palliatif d'une compensation par quête de pouvoir et petites sauvageries professionnelles. Devant l'ascenseur d'une world compagny, deux femmes s'affrontent au sommet de leur gloire au dernier étage du building. Etage ultime des puissants, celui au dessus duquel le plein vide donne le vertige. Elles partagent ce vide de femmes sans sexe à portée de vie et le déséquilibre du non-amour. Quelques étages en dessous, deux jeunes loups se font les crocs. Ils ont baisé comme ils se battent dans leur boulot, avec violence. Ils pourraient s'aimer mais refusent de s'embrasser par peur de se mordre. Toujours plus bas, deux hommes, manutentionnaires du manque à baiser et de la peur de la dégradation physique, duelisent avec l'arme du mensonge. Témoins récurrents de tous ces tarés, un couple d'agents de sécurité ouvrent et ferment les portes de la scène. Le décor d'un blanc clinique nous renvoie à une pièce de malades mentaux internés et observés par des spectateurs "médecins". Une vraie réussite d'affrontements d'acteurs et de mise en scène. Lors du pot qui suit cette représentation vitale, Carla se place derrière Renaud Deshesdin (joli comédien aux yeux en "Smarties" à croquer et bref amant de Morjane Kjäck Faraoun dans la pièce) pour diaboliser son sourire. Je draguote le beau gosse avant de clignez des paupières. Gaelle Communal sert une coupe de champagne Veuve Cliquot (1995) et un gâteau au chocolat vavavoum dans son appartement sous les toits. Z2 se lance dans une analyse de la standardisation du mobilier par Ikéa. Un invité prétend que "les magasins Ikéa sont tellement étudiés et dirigistes que cela me fait penser à une entreprise de fachos". La mensuelle Hot Cargo de La Marquise est devenue le rendez-vous des kids clubbers pour cette rentrée. Nous partons tester la péniche en transformation disco-techouse. "C'est une classe de première année IUT Mécanique qui vient faire la fête" chorégraphie Z2 devant des brailleurs "Biactolisés". Jérôme d'Art Canut et Ange ne décrochent pas du comptoir. Gaelle se fait pister par un pimpo ("Il n'est pas mal s'il savait se taire") et Antoine de Lady Soul me refuse un french kiss. En sortie du Medley, Madog ouvre la portière de sa voiture et file sous le pont Morand. J'allonge mon siège et le gourmand s'active sur ma queue pendant que deux mecs se branlent à nos fenêtres. Fermez des paupières épuisées et brûlantes.

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MERCREDI 30 OCTOBRE 2002 _ #199

 

Vanishing point

"Ma banque m'a donné un vrai code de blonde" digivalide Le Bimb sur le lecteur CB, lundi, au Café 203. Je retrouve mon dernier amour avec cet effet de la petite madeleine que l'on ne veut plus tremper dans des "je t'aime" refroidis et douloureux. Je regarde, trois ans après notre féroce rupture, le jeune parisien me relater ses descentes au Dépôt ("je n'y vais pas pour le bordel mais parce que la musique est parfaite"), sa branchitude à fréquenter les Duplex, Tango, Chez Carmen et KABP ou sa fashion-attitude victimisée à m'offrir un cd remix du Closer de Mr Fingers. J'aime toujours, j'aimerai toujours, Le Bimb avec l'agacement de s'être planté sur le casting et cette lucidité que l'on ne choisit pas de qui on monte amoureux, que l'on épouse rarement le profil type attendu. Clignez des paupières. Nous nous duotisons, mercredi, pour un dîner au Chats Siamois (4, petite rue des Feuillants) avec cette nostalgie souriante d'un vieux couple silencieux qui s'extasie dans l'assiette. Trop longtemps conseillé, trop souvent évité, le restaurant thaïlandais agite épices et goûts à l'en faire devenir ma future cantine. Parfait. Clignez des paupières, en courbe sur le flanc droit et les lèvres ventousées sur la nuque du Bimb en sommeil : plus de sexe mais encore de l'affection. Jeudi, sur le même lit, Duchesse et K-line font bedtimes TV devant la finale de Pop Stars : "Toi ma fille, si tu gagnes, la prod' t'a prévu un rendez-vous direct chez le dentiste. Elle a vraiment une sale peau. All I Want is you ! tinlin ! tinlin !" double Duchesse moqueuse et addictée au real-show. Clignez des paupières. Mon aversion pour le real-journalism qui consiste à décortiquer ce qui se passe dans une rédaction (la stagiaire qui amène le café, l'attaché de presse en liaison webcam sur l'Imac) et conjointement à masquer la vacuité du contenu et gonfler l'égo du "journaleu" devrait m'interdire de parler de l'anniversaire de Lyon Capitale au Cube, vendredi. Pourtant, la soirée tourne borderline avec des corps dénudés proches de la partouze généralisée, des confidences sous perfusions de pom'ka et grimpe vers un sommet de débauche (Kévin, c'était comment les urgences ? Prompt rétablissement). Jérôme d'Art Canut me bascule dans un souk insoutenable avant que nous flashgordions à L'Ambassade. Les yeux de fous, nous naviguons sur le set de dj Karisma et tapons du pied pour que tout s'accélère et que le champagne coule au fond du gosier. Clignez des paupières. Pour l'anniversaire de Laconque à La Luz, samedi, j'avance une mine de défaite. Christophe Boum et Primabella s'échappent. Super Pénélope et Julien Micro P. partent au Chats Siamois. Le "reviens y" est trop fort. Carla et Z2 font place sur table pour une soupe au concombre et mon éveil. "The président Off thee USA" tourne Z2 à nous faire rire par l'absurde. Carla s'attarde sur les avant-bras du restaurateur avant de se lancer dans une bataille de ballons à l'inauguration du Scandal (16, rue René-Leynaud - quartier Pentes). Clignez des paupières à La Jungle où mes mains sentent la peau odorante d'un Youssef, beau mâle amourable. Plus l'énergie. Dimanche, Sandrine B. déguste un sorbet pomme-framboise chez les jeunes mariés de Félicie, le dimanche aussi. Sylvie clique son Polaroïd ("Barbie, espècediconnasse") fluoré sur nos mines réjouies et Jean-Marc fait tourner un Earth Wind & Fire de sa Compilation de l'Amour. "Jeunes et déjà vieux" pourrait-on qualifier les Quartiers d'octobre visités en fin d'après-midi aux Subsistances. L'emploi du site est calibré de telle manière que l'on se balade plus sur les pavés que dans les spectacles proposés. Des représentations de 45 minutes se succèdent à capacités limitées et ouvrent la curiosité de "On fait quoi maintenant ? Là-bas, c'est plein Ici, ça a déjà commençé". Avec patience, nous atteignons le navrant : Label Cedana se goulotte dans un abri plastifié blanc ouvert de fenêtres translucides pour matage de contorsions sur composition technoïdale. Cet exercice poussif, au carbone 14 relevé "an 1988", se veut peut-être moderne. Il est ringard par sa volonté affichée de faire electro-disjoncté. Ce qui était valable lors de l'avènement de la culture "techno" ne l'est plus 20 ans après : tout juste majeure, on attend plus des artistes, qui l'utilisent dans leur "uvre", une maltraitance, un viol et non ce bruitage chorégraphique lisse et insipide. La suite n'est pas mieux. Le Théâtre Komma aligne les spectateurs sur des rangées de chaises, façon salle d'attente d'un hall de gare, pour rien. Sans propos compréhensibles, sans émois remuants, les comédiens tournent autour de nous à faire les malins. On voudrait quitter la salle mais nos sièges en enfilades ne permettent pas la discrétion. Alors, on regarde par les fenêtres ceux qui n'ont pas pu assister à cet ennui et scrutent l'inaction, l'inattention, la fermeture des paupières.

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MERCREDI 06 NOVEMBRE 2002 _ #200

 

Special numero 400

Que faire pour ce quatre centième numéro de Lypn Capitale ? Me lancer dans une semaine de travail thérapeutique sur mon rapport à l'écrit ; au journal qui m'offre ce espace unique ? Rappeler à mon directeur, Jean-Olivier Arfeuillière, que malgré toute l'affection infinie que je lui porte, "non, je ne suis pas un vieux dinosaure de la nuit" ? En un clin d'oeil, je lâche l'idée périlleuse : demander aux "names dropped" (les pseudonymes cités dans cette rubrique) de répondre à la question suivante :"Quel est le mobile du nocturne ?". Voici les Nuits Mobiles 400 par les autres. Bon anniversaire. Baptiste Jacquet.

"Décembre 86, dans le bus qui m'emmène au lycée, j'apprends avec consternation dans Libération, la mort d'Alain Pacadis. Etranglé par son amant. C'était la fin d'un rêve, d'un monde imaginaire dans lequel j'étais convié chaque jour en lisant sa chronique de nuit dans les colonnes du journal. Du fond de ma campagne, à mille lieux de tout ce monde interlope des nuits parisiennes, je m'évadais vers un eldorado inconnu, qui suintait l'alcool, la défonce et la misère sexuelle. Les silhouettes qui animaient ce petit théatre glauque et impénétrable m'attiraient, me parlaient d'un ailleurs possible. Pacadis est mort, le courrier des lecteurs de Libé avec. Merci Baptiste de m'accueillir dans ton bordel, dans lequel il ne s'y passe et ne s'y dit rien d'aussi essentiel que la liberté d'exister et d'aimer".
Super Pénélope

"Ainsi, non content de nous infliger chaque semaine ses humeurs d'inspiration médiocrement narcissique et agrémentées d'horripilants gimmicks, voici que B.J. invite son aimable clientèle à lui donner le plaisant rôle d'arroseur arrosé. Nul doute que l'ego névrotique et surdimensionné du garçon en concevra d'intenses satisfactions. Nul doute non plus que les Duchesse, Mon Epouse, K-Line et autre Super-Pénélope, dont les enfantillages les plus consternants font le droit commun de la navrante chronique, auront eu à coeur, par quelques puérilités codées dont elles partagent le secret, de lui témoigner leur pathétique dévotion. Soyons sérieux : B.J. est le seul à se montrer digne du prétendu "Journal des esprits libres", où ni esprit ni liberté n'ont jamais été observés par quiconque. Dont acte, et ne fermez plus les paupières".
Maître XXY

"Mon Baille Naite. Tout a commencé dans la nuit avec une petite culotte rouge, et un chapeau melon. Je me suis retrouvée dans le cadre doré à tout dévoiler, ma joie, ma belle gueule, mon enthousiasme, mes envies, et même mes faiblesses. Cela a continué avec une vodka qui parlait portugais sur une station de radio russe... Et puis, soudain, ça s'est arreté quand mon réveil a sonné. Je n'avais jamais revé truc pareil, j'aimerais que cette histoire m'arrive. A tous ceux à qui je pense et que j'aime Laurent, Catherine, Carole, Lionel, La Grossette, Vincent, Laurence, Mes parents et Chantal, Iris, Valérie, Baptiste, José, Patricia, Wilhelm, Alain, Guillen, Helena, Jérome, Jean-Yves, Marc, Maxime, Pierre, Mikael".
Carla

"Bäptist Jackêt - Elément de dérangement mobile et nocturne. 1m85 x 12 kg x 11 cm (rétractable). Non convertible. Poss. monté sur roulette pour faciliter déplacement. Vendu avec moquette poitrinaire, dorsale et faciale (option nez et oreilles). Habillage personnalisable et chatoyant (du tweed gris au velours kaki). Entretien : acide borique. Ne se repasse pas. Fonctionne, avec ou sans piles, de 20 heures au bout de la nuit, mais inutilisable en matinée. Conserve la chaleur, pas les indiscrétions. Uniquement en modèle surrendetté (modèle éco inexistant). Prix imbattable : 20 Euros le feuillet !!! Ni repris, ni échangé. Vente interdite aux mineurs de moins de 16 ans. Le fabricant décline par ailleurs toute responsabilité pour le retard inéluctablement constaté de livraison".
Le Tiercé + (K-line, Duchesse, Mon Epouse)

"C'est l'histoire d'une paire de pieds Nike-lés, bien trop blanche sur le sol carrelé d'un Monde à l'envers. Un jour, Collé-Serré sur la trot' de son pote, elle se met à voyager. De Paso-Dobler au milieu d'une vertu bleue, au soute d'une péniche à danser le naufrage, en passant par des huis clos entourés de bars Ferré. A force de courir le palpitant derrière le superficiel, à emboîter le pas de sa clique vers des nuits où tous les mensonges sont vrais, elle était devenue zoliment patinée. Elle avait pigé qu'elle n'était qu'une enveloppe, pour des êtres qui dans la tragédie de leur survie, ont besoin de bulles sombres pour se sentir vivant, le temps d'un instant. A rire et à chanter, à lever les bras aux facettes de leurs boules écarlates, à aimer et à enlacer à s'en user les semelles".
Z2

"Paupière [popjer] n. fém. du XIVème ; palpere 1120 ; bas lat. palpetra, class. Palpebra. Chacune des parties mobiles (voiles musculo-membraneux) qui recouvrent et protègent la partie antèrieure de l'oeil. "Clignez des paupières" (Baptiste Jacquet, in "Nuits Mobiles").
Conclusion : le mobile du nocturne, c'est la paupière."
Petit Poucet

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MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002 _ #201

 

Overdose éphémère

Vernissage, jeudi, au Rectangle, pour l'exposition "Actualités" dont on ne saisira guère le propos et encore moins l'unité "actuelle". Des pièces "intéressantes" (comme on dit lorsque l'on ne trouve pas de mots pour qualifier notre insensibilité aux objets accrochés). Clignez des paupières. Pure action caritative à se montrer au concert marketing London Live Gig du Diesel Store (29, rue Édouard-Herriot). Je ne devrais jamais oublier le chic de Claire qui a toujours refusé de fréquenter ces opérations commerciales orchestrées par des boutiquiers. La soirée se veut punky londonienne, certes animée par des bobbies bandants et un groupe pop-rock gentillet, mais je me sens à côté de la plaque branchée. Une nuée de punky-kids au sommet de la hype d'il y a deux ans. Je suis toujours surpris par la forte réactivité des jeunes gamins face aux modes (jeux ou vêtements) et affligé par cette lenteur des post-ados à épouser une nouvelle hype ; pire, leur incapacité à l'inventer. Disons que ni les boutiquiers et encore moins les établissements nocturnes lyonnais ne dévoilent un bout d'avant-garde. Je lève les yeux vers un ciel où les nuages seraient pixélisés de couleurs flashy, où des beaux gosses porteraient des t-shirts courts en couche sur des manches longues et banderaient leurs torses logotés d'un smiley jaune clinquant, où le vent soufflerait des rythmiques acides. La fin de cette mode électro-punk 80's sonnera à Lyon dans quelques mois pendant que l'acid-house fait son retour dans les autres métropoles : Lyon, toujours petite provinciale de petits notables conservateurs. Clignez des paupières. Le portable accumule appels et messages. La pluie rend le sol glissant. Je n'ai plus soif. Je ne veux presque plus baiser. Mes anciens amours se manifestent tous au même moment. J'ai le souffle coupant. Le sommeil m'appelle. Le silence et la solitude m'accueillent. Rien. Besoin de presque rien. Overdose éphémère d'agir sur mes nuits. Je n'ai jamais considéré le coucher du soleil comme le commencement d'heures tendres ou superficielles. La nuit est violente. Pas de cette violence sociale diurne qu'il nous faudra bien accepter (puisque nous refusons de remettre en cause ce système capitaliste et charognard) et que les hommes sarkotiques voudraient faire disparaître par quelques coups de matraques électoralistes. Elle est violente dans ce qu'elle offre, à nous tous, un défouloir en ombres pour nos peurs physiques, nos désirs sexués, nos névroses ingérables et nos frustrations. Si je sors sans envie et peu solide, je me fais broyer par la faune nocturne. Un peu à l'image de ces matins hideux où, lorsque les portes des voitures de métro s'ouvrent, vous décidez de ne pas vous conglomérer à la fourmilière unidirectionnelle et de la couper à la perpendiculaire : si vous n'êtes pas ferme et décidé, vous vous cognez aux pas conditionnés de ces gens matinaux. Dans ma fréquentation de bars, bordels et discos, je suis prédateur déterminé : durcir mon corps pour intimider l'autre à ne pas me bousculer de son ivresse et ouvrir les yeux sur une proie excitante et amicale. Ce blindage ne maquille pas mes faiblesses mais me décolle de la victimisation. "L'inconnu qui se tire après deux heures de baise, je le vis très mal : je suis encore plus frustrée", lors d'un dîner. "Ils sont tous cons. Comment veux-tu que je trouve quelqu'un ?", sur un sofa de disco. "Mais tu ne peux pas faire l'amour à quelqu'un que tu ne connais pas : c'est de la pure consommation sexuelle", en aparté. Que de victimes d'illusions, d'amour absolu, du carcan "pas de chair sans complicité intelligible". À jeu de prédateurs égal, échanges riches en sensualités et plaisirs. Ordonner à un mec de se mettre à quatre pattes m'amuse non par sadisme mais parce que l'autre est soit mon égal partenaire, soit une victime qui n'a pas encore compris que la douleur n'est pas la seule composante de sa consistance, de son existence. De 11 à 22 ans, mon être se tordait de la dé-pendaison du père. De 22 à 25, mon corps se crispait de la découpe de la mère. Et alors ? Ces souffrances, cette culpabilité stupide et ce rôle de "pauvre petit" me rendaient-ils plus vif ? Peut-être plus borderliner qu'une moyenne inconnue mais certainement plus réel, plus concret, moins dans la lune. Je touche l'autre par besoin animal. Je bois pour le cancer. Je prends quelques stupéfiants pour tester mon cerveau. Je baise pour me sentir léger et souriant, les couilles vides. Je danse avec la musique, seule composition aérienne à procurer du plaisir. J'écris ici non pas, et surtout pas, pour le lecteur potentiel ou habituel mais pour un essai maladroit d'un autrement. Écrire de l'émotion et fermez les paupières.

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MERCREDI 20 NOVEMBRE 2002 _ #202

 

So quickly

Bill Viola et Dumb Type nous installent, mercredi, dans des scènes à frissons au Musée d'Art Contemporain : l'Américain dans une chambre noire placardée d'humains en stroboscopes et piquée de poussières vidéos blanches ; les Japonais sur un faisceau lumineux et marchand de sable nerveux pour des êtres coffrés dans des lits en écrans de verre plat. Ces deux installations notables nous amènent, au dernier étage du musée, à vernir le Rendez-Vous, exposition de jeunes artistes internationaux. La série de tableaux d'anges ailés de poumons ou les corps anatomisés à coeur ouvert et aux veines décharnées de Mathilde Rozier me plaque à ces petites pièces désirables. Les sept minutes du montage vidéo de Yael Bartana débobinent un plan serré sur une autoroute où les voitures se figent, dégoulinent sur le bitume en double fond. Les automobilistes descendent de leur voiture à l'arrêt tels des résistants à ce flux continu, crade et haché. Un dernier plan accélère des bolides dont s'échappent des drapeaux israéliens. Troublant et vraie réussite de l'expo. Clignez des paupières. Au post-event organisé à La Marquise, Mon Épouse, en pleine addiction aux Miss de Mesdames De Fontenay et Michon, expose à K-Line quelques détails du concours Miss France 2003 dont la finale lyonnaise offrira certainement un instant de glamour à Gérard Collomb. À quelques verres de trop sur la péniche, nous switchons d'un Mushi-Mushi restructuré (pour lequel nous nous accordons sur la faute de couleur commise lorsque la mezzanine fut aveuglée d'un vert anis peu flatteur pour Kamel) et un final explosé au Voxx. Ange souffle son anniversaire aux platines du bar pendant que Cruz Poutre relate la perle entendue dans les mouvements de corps en fête : "Les filles s'inspirent de la féminité de Leika (le chien de Kamel)." Clignez des paupières sur un début de semaine où, déjà, les minutes s'étirent à me faire croire qu'une journée dépasse ses vingt-quatre heures imposées. Jeudi, quelques centaines de mètres séparent les tonnes de Beaujolais nouveau en partance pour le monde depuis Saint-Exupéry et le vernissage champagnisé des clichés du dernier défilé de la Biennale de la Danse, réalisés par Bruno Ansellem, Michel Cavalca et Laurent Cerino, et exposés à l'Imprimerie FOT. Les mousquetaires de la photo nous accueillent avec cliquetis de coupes moussantes et petits fours à tous les plateaux. Françoise Rey avance une mine de femme heureuse, amoureuse. Sandrine B. fait sensation "vavavoum" coiffée d'un chapeau princier en plis bleus électriques. Jean-Paul Brunet arrive du Café des Négociants où se tient l'anniversaire des Scoops du Grand Lyon de Gérard Angel : "Tout le monde était là. Le maire arrivait lorsque je me suis éclipsé", trinque le doux jeune homme. Nous clignons des paupières sur ce mix d'encravatés et femmes d'une autre époque qui m'amuse une partie de la soirée puis finit par me faire bailler. Réveil à l'United Café pour une coulée de verres lâchés par Laurent Radix et Florent de la Table d'Hyppolite. Les deux excessifs s'activent dans des chorégraphies discotiques à se débrayer et me faire cligner des paupières, paisible. "Allez, nous n'avons pas que ça à faire ! Prêtez serment et puis au cocktail à l'étage !" décrit, fraîchement diplômée architecte, Peggy-Laure Allard (Agence Ost'in) au Café 203, vendredi. "Avez-vous vu le bâtiment de la Région ? Je jure que je ne ferais jamais un truc aussi moche", continue Peggy devant Mon Épouse, Mathieu et Sébastien Érom. Il y a quelques semaines, Sébastien semblait assuré de figurer parmi les droppés de "Nuits Mobiles" sous le doux pseudo de P..S.. grâce au charme évident dont son collaborateur-de-chauffard-pour-un-grand-quotidien pensait pouvoir abuser. Le pari tenu et perdu, le journaliste nous textote la confirmation d'une table de dix pour un dîner gargantuesque. À respecter. Clignez des paupières. Marc, ex-amour et toujours trouble-tête, m'assoit aux Chats Siamois pour un défilé de merveilles piquantes et un innocent jeu de massacre sur le serveur, "joli mais manchot". Clignez des paupières. A La Ruche, Mathieu qualifie l'accent du Sud-Ouest souri par mon amour comme "ne faisant pas très sérieux Vous, dans le Sud, vous ne travaillez pas beaucoup". Les provocations faites, le méthodique se flagelle du terme : "Je suis zérosexuel ou autosexuel : c'est à votre convenance". Les basses de spiritual house glissent de la feutrine d'un Dj Deep inspiré sur Carla, en drague à tout va, David Cantéra et Willem, le visage en brillantine. L'Ambassade s'enivre et ma langue redessine les lèvres de Marc avec cette hyperfragilité retransmise à mon échine qui, par un seul touché, la tord de plaisir. Fermez les paupières devant Mathieu et Julien-Justin en rapprochement au Medley.

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MERCREDI 27 NOVEMBRE 2002 _ #203

 

Si loin, tout proche

Elle est seule et tout ne fonctionne pas très bien. Christiane Cohendy rode son personnage en première de Et puis quand le jour s'est levé, je me suis endormie, au Théâtre des Ateliers, mardi. Le texte de Serge Valletti est pourtant ciselé d'absurdités risibles, de répétitions à en perdre la tête. Les jeux avec les mots pouvaient prétendre à nous labyrinther adroitement dans des songes peu réalistes. Manqué. La comédienne n'arrive qu'à donner un rythme monocorde à la pièce, malgré les multi-personnages qu'elle mime avec âme, mais sans chair. Simple question de rodage et ajustements à venir ? Peut-être. Clignez des paupières. Cela fait un an tout juste que nos coeurs se sont rencontrés même si notre entente paraît plus lointaine. Mercredi, Super Pénélope replante l'heureux événement, là même où tout a commencé : au Sofitel lors la présentation du beaujolais nouveau. À chaque lancement du vin-qui-fait-mal-au-ventre, le patio de l'hôtel se peuple des Lyonnais les plus notables ou en apprentissage. C'est le cas de Laurent "Wannabee Boyer" Natale avec lequel je m'entretiens pour la première fois. Le micro-producteur de TLM me parle en se regardant avant de se/me questionner : "Vous avez une haute estime de vous-même. Non ?". Un long coup de rouge silencieux à regarder l'ego du Monsieur gonflé. "Vous ne vous prenez pas pour une merde ?" décode-t-il pour me faire réagir. Il est préférable d'avoir une certaine estime de soi pour tenter de faire de belles choses, d'espérer se sentir utile. Alors "oui, je ne me prends pas pour une merde". Laurent Natale sur l'écran me paraît beaucoup plus agréable qu'en chair et sans os : sa "haute estime de lui-même" reste cadrée et contenue par la taille de nos ustensiles de visionnage. Et un format de 20 cm suffit largement pour regarder ses non-émissions. "Je ne dirais pas de mal de vous : personne ne vous connaît. Dommage !" tourne des talons Wannabee Boyer. Super Pénélope est déjà loin lorsque Julien Berthet tente, en vain, de me présenter sa madone, Anne-Marie Comparini. Marie-Charlotte et Julien-Justin se drunkisent auprès de Forrest UMP et millonniste, Ours Fort, et d'un Serge Tonioni en sourire et à redécouvrir. Le regard attendrissant et l'allure "gendre parfait" de Paul Satis force un salut affectueux au journaliste. Pierre Budimir parle nouveau travail et "as-tu des nouvelles de Claire ?" avant que Marie-Charlotte n'annonce que j'ai été victime d'une tentative d'attentat au chewing-gum : "Ne bouges pas : tu as un chewing gum collé dans le dos. C'est horrible". Nous fuyons en cuisine à la quête d'un glaçon, d'un éventuel garçon conciliant, pour nettoyer mon Prince de Galles en pestant "C'est un coup de Laurent Natale Il nous faut des glaçons", sous les regards enjoués de grands-mères en gourmettes dorées et en pleine digestion de charcutaille. Marie-Charlotte chevauche mon dos cassé sur un accoudoir de fauteuil afin de faire durcir l'objet disgracieux par frottis gelant sur ma colonne vertébrale. "Partons maintenant", suggère Julien-Justin. Le temps de chaparder quelques fleurs en grimpant sur les tables pour atteindre d'immenses pétales odorants et nous nous flashgordons à Tombé du Ciel. Philippe Moncorgé se détorse et se collerette d'un tablier de "bojoleur" pendant que sa "gouvernante" insiste pour me faire un american kiss (le baiser où l'on garde sa boisson en bouche afin de l'expulser dans celle de l'autre à s'en rendre vulgaire par jets sur son entourage). Clignez des paupières dans une fin de nuit joyeuse à La Ruche et l'United Café à en oublier le pourtant attirant Maternelle Process organisé par la Compagnie Là Hors De, nuit de débat autour de l'avenir des Subsistances. Jeudi, le Carré d'Or se retrouve au Modern Bar (rue Thomassin, quartier République) pour des tours de rouge champêtres. Duchesse me fait présent d'un crayon laser qui projette deux coeurs rouges cupidonnés. Sandrine B. tente de convaincre Primabella d'un strip-tease spontané. Babby voudrait basculer Bruno Ansellem ("Il est mignon, gay ?"). À l'Euro-Shop d'à-côté, Julien Micro P. parcoure le sex-shop, un double gode tenu fermement en main. Au portable pour sa Super Pénélope : "La vaginette à 100 euros me tente bien". K-Line : "Je vais vomir" puis "C'est quoi ça ?" en direction d'une dînette de godes multi-tailles. Sandrine B. : "Une ceinture double-queue". Mon Épouse trépigne pour aller danser au Medley. En sous-sol de la disco, tout n'est que jeux sur musique emballante : Cruz Poutre se gratte la tête en bascule avec sa coupe de champagne ; Super Pénélope chorégraphie En rouge et Noir, de Jeanne Mas, à nous convaincre d'une pré-répétiton intensive obligée. Christophe Boum est drunky et beau. Sandrine B. s'imagine danseuse de ballet et me coince le bassin, son corps durci en équerre. Tous s'attendrissent et ferment les paupières sur de l'insaisissable, du mémorable, du bonheur.

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MERCREDI 04 DECEMBRE 2002 _ #204

 

Se lécher comme des poneys

Mathieu accentue son dandinement robotique de jeune homme mathématique au cerveau analytique. Mercredi, les genoux coincés dans l'orchestre de la Maison de la Danse, il grince ses remarques ennuyeuses lors de la présentation du Dance Célébration ! par son initiateur, Guy Darmet. Entre le juste "C'est une grande première ce soir : un spectacle de danse en direct sur une grande chaîne de télévision, Arte. Programmé, non pas à 2 h du matin, mais à 20h30", le cabotinage "Notre maison (de la Danse) est un petit théâtre de province", et sa défense des intermittents du spectacle (sic !), le directeur de la plus importante et heureuse manifestation culturelle lyonnaise en fait trop. Un trop qui énerve Mathieu, intenable à en vouloir photojeter tout ce qui bouge. Un trop qui me plaît. Sur scène défilent huit compagnies internationales : José Montalvo et Dominique Hervieu ouvrent la captation télévisuelle d'un sautillant "Babelle Heureuse", crossgender réussi et blagueur du hip hop et du classique. Plus tard, le One Of A Kind de Jiri Kylian avance un couple en accrochage amoureux sous apesanteur : les bras presque toujours tendus se brisent pour faire aimanter deux corps en douces torsions. Classieux. En post-event, nous harponnons quelques belles gueules dont un Mathieu 2, danseur d'un extrait glamoureux de la compagnie de Karole Armitage pendant que Gratte-pellicule, habitué des cocktails, se jette devant l'objectif du photojet. Stéphane Lebard et son escort-boy nous entraînent pour un dernier verre à la Tour Rose. Géraldine et Kevin se roulent des yeux devant un Philippe Chavent en sourire. Clignez des paupières. L'accordéoniste gémit à l'intérieur d'un cube de Faraday en aluminium glacé. Assis, dos au public, Christophe penche son corps sur le clavier de l'orge avant des "Elle dit, elle dit". Sophie 'vavavoum' Descroix (M6), Mon Épouse, Vincent Lindon, Paul Satis, Cricri, en pleine crise ado-réac, et tout le gotha culturel et médiatique local va se presser au théâtre de la Croix-Rousse pour assister à l'un des trois concerts du chanteur aux santiags. Jeudi, Patrice Béghain m'invite à ses côtés pour la première : "Si le fait que l'on nous voit ensemble vous dérange, disons que j'ai gagné à un tirage au sort parmi les abonnés de votre journal pour passer une soirée avec un de ses rédacteurs". Peu importe. Clignez des paupières. J'ai souvenir de Christophe, vêtu d'une chemise à carreaux bleue, d'un jeans neige et de ses bites-aux-pieds vulgaires. Sa moustache de tombeur pour midinettes des champs fredonnait des bluettes mièvres sur des nappes Bontempi. Et puis, il y a eu la hype autour de son dernier album qui le consacrait mieux-chantant-du-moment. Rien de plus énervant que l'unanimité des Libération-Inrockuptibles-Télérama autour du culturellement bien consommé et goûteux. Tous ces préjugés ne me plaçaient guère dans un pré-enthousiaste pour l'événement. En début de concert, les "Sur ma Vespa, je me prends pour Ben-hur" et autres basse voltiges poétiques auraient pu me faire rire. Je suis monté sur le charme d'un récital kitsch et maniéré, lunaire, au raz du plancher, une voix qui se déchire puis se rassure, des orchestrations néo-variétés ou technoïdes, des interludes surréalistes ("L'Escabeau, c'est beau le succès fou, c'est les chaussures, la coiffure. Ne pas confondre une autotamponante et une chaussure..") et l'ultra-sensibilité du quinquagénaire qui vous explose au coeur. Un spectacle totalement humain et émotionnel à métamorphoser Patrice Béghain et Philippe Faure en fanatiques dans la loge du chanteur. Tout le staff du théâtre mouille sa culotte devant tant de chic et je ne comprends pas la brillantine dans les yeux d'une jeune exécutive devant le faux charisme d'un Valéry Zeitoun prêt à arracher à coup d'euros le lustre art déco de la salle. Clignez des paupières. Au Modern Bar, vendredi, Christophe Boum se drunkize avant d'attaquer Mon Epouse, K-Line, Super Pénélope et Julien Micro P. Ce dernier flâne toujours dans le souvenir d'un Medley où, "avec Cruz Poutre, on se lèchaient comme des poneys". Clignez des paupières. Il y a peu, en sortie d'une cabine, un trentenaire me propose de le baiser dans le bain à remous du Double Side. Sans protection ? "Mon cul est propre", affirme le sex-addicted en faux innocent. Dans la pénombre de la Jungle, un agité du cul à qui je demande s'il a des capotes pense me bluffer : "Tant que tu n'éjacules pas, il n'y a pas de risques. Fais-moi confiance, je suis anesthésiste". J'ai fait mien le suicide impulsif, ce moment où, un jour, je déciderai de filer dans le cercueil comme on allume une cigarette. Je refuse le suicide programmé où l'on chope la mort par négligence et où la souffrance nous décompose. À chacun ses choix. Samedi, place Bellecour, les Journées de lutte mondiale contre le sida n'attirent que deux cents manifestants. Peu de monde pour un retour de flamme qui menace nos corps, nos amours. Fermez les paupières.

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MERCREDI 11 DECEMBRE 2002 _ #205

 

Lenteur imposée

Le lightstick trace un rail rouge à travers un nuage de fumée tabagique. Mercredi, Sébastien Érome crache une flamme rouge irréelle sur l'écran liquide du Coolpix lorsque Peggy-Laure Allard découvre son nouveau crâne rasé et s'attable au Mushi-Mushi. Sophie et Jean-Marie abusent de superlatifs pour qualifier le travail photographique de Sébastien puis se remémorent leur visite à la Biennale du design de Saint-Étienne : "Le fait d'exposer tous les designers, quelque soit leur nationalité et leur talent, dans un seul espace et sur le même principe du stand nu peut sembler égalitaire. En fait, on voit bien qu'entre un designer belge et un centrafricain, l'attention accordée à l'agencement de leurs oeuvres est loin d'être égalitaire". Mon Épouse, qui s'enfuira dans un état drunky vertigineux, relance Nasser sur son futur concours international de Uno. "Ce sera pour mars prochain mais je ne souhaite pas en dire plus", sourit le deejay alors que Cruz Poutre exige un copyright à chaque utilisation du déjà-culte "Se lécher comme des poneys" (©cruz poutre). Kamel arrose le comptoir d'un dernier verre. Clignez des paupières devant la fontaine Bartholdi noircie, les chevaux enlacés de cordes blanches lumineuses. Jeudi, la Fête des lumières s'ouvre sur 4 jours à se cacher et à se replier dans une lenteur imposée. Les masses badaudes qui entêtent les rues de la Presqu'île m'oppressent. J'ai peur. J'ai peur de leurs poussettes, des gosses, de cette foule au sol sans motivation autre que de lever les yeux au ciel, expérience qu'ils ont peut-être oublié depuis longtemps. Le 8 décembre est devenu une fête populaire réussie mais elle ne me regarde pas. Clignez des paupières. Nous trouvons refuge chaleureux à l'inauguration des nouveaux Enfants Gâtés. Le glacier du 3,  place Sathonay s'agrandit pour nous réchauffer le gosier d'un salon de thé hivernal : chocolats, pâtisseries et brunchs dominicaux. L'entrée en matière s'initie au goûter pour enfants sages et jus de fruit avant de s'agiter sur liquides alcoolisés et sucreries fondantes. Stéphane L. se fait traiter de gosse pourri lorsqu'il nous explique sa stratégie de séduction : "Je prends mon amant comme un jouet en vitrine. Je le veux tout de suite. Oui, je suis un enfant gâté". Roland, maître sexy de la maison, m'intimide et me rend gauche. L'accrochage viendra peut-être un jour prochain. Clignez des paupières. À l'approche de l'élection de Miss France au Palais des Sports, les 48 prétendantes au titre de potiche nationale rougissent sur la patinoire de la place Bellecour, vendredi. Le public rigole et l'enthousiasme se gèle. Gérard Collomb doit certainement faire la tournée des boutiques afin de trouver le costume digne de cette grande soirée de branchitude kitsch, samedi 14 décembre. Clignez des paupières. Samedi, un homme tenaille mes jambes sous l'eau en bulles du Double Side. Dans le même fluide sexué, ma main javellisée branle un voisin de baise. Agréable sensation que ces touchers anonymes et multiples. Doux abandon aux massages libidineux. L'étage de la Jungle déroute des hommes ivres, deux queues bandées hors de glory-holes et aspirées par un minet aveuglé et en prière, des chasseurs télécommandés par l'envie. Tout me paraît rude et crade. Tout n'est qu'échappée belle à l'ennui du sommeil. Clignez des paupières. Dimanche, à l'approche de la fermeture de son Modern Bar (ce samedi 14), Babby reçoit au comptoir. En transit, Christian Johan Bégaud nous invite au vernissage des peintures de David Morel dans sa boutique de la place Bellecour, jeudi 12, dès 20h. Le jeune artiste stéphanois, non satisfait de son physique de prince blond, s'entoile sur des grands formats terrifiants de finesse. Exposition vitale. Laconque sort de son internement amoureux avec quelques kilos superflus, accompagnée par L'Ange Brun. Carla se fait pousser par un ivrogne rondouillard. Mon Épouse superpose le style collégienne sur une veste militaire de travelleuse. Puis, la futur mère de mes enfants impose l'alcool à K-Line en crypto-Brigitte Bardot devant les chiens allongés sur le carrelage. Babby déforme ses joues avec sa langue pour me décrire comme "le meilleur suceur de la ville. Tu as des talents de société reconnus". Mensonge. Je ne suis pas un très bon fellateur. Clignez des paupières. Christophe Boum nous glisse des assiettes d'huitres et Sandrine B. espère toujours convertir Primabella à l'hétérosexualité. "Merci de m'avoir traité d'aristo fin de race. Vous vous êtes vu avec votre look de louveteau catho", charge Primabella en direction de Marie-Charlotte. Au Marais, Julien Micro P. se fait harponner par une danseuse orientale. Super Pénélope perd toute gestion de son homme qui testera ses baisers à tour-de-lèvres sous les voutes de L'United Café. Philippe Moncorgé se défroque pour nous laisser tater son caleçon long moule-bite pendant que Julien-Justin vouvoie quelques pimpos afin de décrocher un french kiss lessiveur. Brian, danseur écossais en gavroche toqué, ferme mes paupières d'un furtif attouchement.

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MERCREDI 18 DECEMBRE 2002 _ #206

 

Les yeux pleins de sucres

"Ils ont bien chauffé pour nous faire rentrer mais, là, c'est glacial" grelottera Pierre le Magnifique, mercredi, sous la verrière des Subsistances. L'émission Des Racines et des Ailes aligne, parmi son public ventilé d'une fraîche brise, quelques notables locaux. A table, Regis Neyret, Monsieur vieilles-pierres-forever, débute son historique de la luxueuse friche artistique à un Patrick De Carolis en pose d'écoute, la main collée au menton. On se dit qu'il va bientôt dropper Denis Trouxe, fondateur de ce pataquès municipal, lorsque courent sur les pavés Vincent Bady et une troupe d'intermittents du spectacle (sic !) appâtés par des caméras prime-time. En plein cadre derrière le présentateur fardé de France 3, les manifestants se font couper l'antenne par un premier reportage. De Carolis arrache son micro et quitte le plateau en star. Certaines langues de vipère, prêtes à mordre un Klaus Hersche déjà moribond dans le microcosme culturel, auraient entendu un "Vous me le payerez !" du journaliste au directeur des Subsistances. Voilà pour le seul moment passionnant de cette interminable soirée : l'ex-adjoint à la Culture sans sa minute de gloire et le petit Suisse se tapant la honte dans la sécurité de son lieu vide et sa gêne devant les intermittents. Au drink organisé au Cosmo, Super Pénélope s'excuse de m'avoir choisi comme escort-boy dans ce triste endroit. Émmanuel Merieu me donne la chair de coq, ce ressentiment animalier où vous détestez quelqu'un sans même l'avoir salué. Le metteur en scène sent l'intellectualisme juteux et l'usage du faux révolté. Clignez des paupières. Jeudi au vernissage de David Morel, Christian Yohan Bégot ouvre sa boutique de la place Bellecour à de jeunes beaux-hardeux, des amis esthètes, Nicolas Stifter et Madame pour une exposition haute-sensibilité de fins tableaux détaillés de bizzareries discrètes. Après un plateau fromage au Bastringue en compagnie d'Elodie Bouesnard et son Lolosodo d'architecte, je me retrouve plaqué contre une paroi obscure à la Jungle par un pimpo impatient. Mes mains se lassent et mon partenaire me quitte d'un "On ne va pas passer 15 minutes à se tripoter comme ça sans baiser". Tant pis, tant mieux. Clignez des paupières. Dire que la Nuit Lumière à La Sucrière est une pure merveille pourrait sembler abusif dans cette rubrique, étant entendu que Lyon Capitale en est un des principaux organisateurs et que je pourrais être taxé d'autopromotion. Pourtant, vendredi, les sourires se plissent en coeur, le Tout Lyon se mixe sous le béton magique de l'Entrepôt des sucres. K-Line acquiesce : "Il y a un mélange de people impressionnant. Un vrai tour de force". Mon Épouse, Jean-Paul Brunet, Philippe Chavent, Helena et Gregoire Roche, Michel Essertier et Marie-Pierre, Hubert Lafférière, Cruz Poutre, Carla, Jean-Pierre Bouchard, Joël, Paul Satis, Duchesse et Maître XXY s'invitent à cette folie douce. Ours Fort s'imagine à la cérémonie des oscars devant les caméras de TLM, le corps raide, un pied en avant, une main dans la poche, l'autre au bras d'une escort-girl. La belle rigole de sa prestation de potiche : "Je viens de finir un tournage avec Marc Dorcel et j'avais besoin d'argent". Plus loin, Jean-Luc Estournel propose à Jacques Haffner de poser nu en ma compagnie afin d'illustrer le signe des Gémeaux dans son calendrier people bientôt en vente au profit d'Étudiants contre le Sida : "Le contraste entre toi, en sortie d'Auschwitz, et Jacques peut être intéressant". Oui, si je cache mes cotes saillantes en posant derrière le real jet-setter. François Verdet se lance dans le piquage de badges Kanardo sur les vestes d'élus. Patrice Beghain se voit remettre officiellement ce médaillon de canard pixélisé avant de nous faire photojeter en James Bond boys, dos à dos et tirant des balles de nos doigts. Nous tentons d'approcher Gérard Collomb afin de lui remettre une distinction "kanardo" mais le maire joue son Bertrand Delanoë à retardement, poursuivi par les caméras drivées par Guillaume. Ce même maire, en pleine éloge des mesures sarkotiques, ne tentera pas de jouer le Petit Nicolas lorsque Claire Carthonet viendra l'interpeler sur les figures scandaleuses et imposées aux prostituées lyonnaises : Monsieur Collomb tourne rapidement les talons sans discussion. Clignez des paupières. Z2, coiffé d'un bonnet de Père Noël inonde le ciel de petits pétards serpentins devant un Alain Turgeon, néo-dandy en écharpe écossaise. Mon Épouse propose de charger Laurent 'wanabee Boyer' Natale, en pleine captation ("Il garde la DV chez lui pour se filmer sous tous les angles", se moquera un invité), du titre suprême : "Le Frédéric Taddéï lyonnais". Julien Micro P. se libidine à grande vitesse lorsque je cligne des paupières. Dans les Pentes, la fête Lunettes bordélise bouteilles dans tous les coins de l'atelier, Antoine en pleine chorégraphie progressive ("Dis-moi que je suis le meilleur danseur du Monde"), Grande Cécile en crise ("J'ai perdu mon pull Agnès B. et mes clés d'appart") et toute une faune survitaminée incouchage. Fermez les paupières, samedi, à la fermeture définitive du Modern Bar. Que l'âme du comptoir de Babby vive encore et dans pleins d'ailleurs.

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INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

 

 

 Avant   Après 

 

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