INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 
MERCREDI 31 JUILLET 2002 _ #187
 

Human Bastard

La comédie de la comédie sur pellicule dark et "dogmée" : Strass se déroule, mardi, en avant-première au Ciné Cité. Géraldine invite son Kévin, Mon Épouse, Marie-Eve et Sandrine à la projection du film belge, estampé "Grand Prix" au premier Festival Nouvelle Génération du film numérique. Faux-reportage sur un professeur tyrannique, plus que paumé, qui lustre sa folie, pas très douce, dans des cours de théatre extrême. Les jeunes comédiens panurgent vers un firmament de notoriété borderline et se laissent planter par un Pierre castrateur. Le même Pierre Lekeux, acteur et producteur de ce film sympathique et drôle à 10.000 euros, et son réalisateur, Vincent Lannoo nous rejoignent en post-event pour un souper sur péniche où le rosé huile le cirage noir du Rhône ; le cinéaste belge imagine l'entente et l'harmonie du groupe comme un "Friends entre journalistes". Clignez des paupières sur l'inusable de l'année, "Geogaddi" de Boards Of Canada, en intégral sur le tourne-cd. Un éléphant trompe évidemment. Fred de B. trompe toujours. jeudi, à L'Escalier, le peintre-écrivain se frotte pour la première fois à Mon Épouse : "Montre-moi tes seins" s'enchaîne à "Tu as déjà été sodomisée ?" pour se crocheter avec un répétitif "J'ai envie de te bouffer le cul". La future mère de mes enfants (enfin, presque) esquive avec classe les assauts de l'Éléphant gauche qui "à force de (se) frotter, (a) la queue toute irritée". Super Pénélope s'acclimate à doses de petit jaune à cette langueur estivale, période de dépressurisation où esprit et corps se délestent des obligations mondaines et des public relations. Mathieu T. l'arrose de son "coup de mistral" en Avignon : "Je la vois assise dans un magasin complètement cassée et elle me sort : "Je ne pas supporte pas le mistral"". Chez Carlino, dans un tour de table sur la zoophilie, Mon Epouse s'insurge : "La zoophilie, c'est comme la pizza, je refuse". Clignez des paupières en connivence moqueuse devant les yeux pétillants d'ivresse de Julien Micro P au Funambule. "La moitié du milieu te déteste" décide Olivier Screenluv à la terrasse du Cap Opéra, vendredi. Pourquoi donc les pédés me détestent-ils ? "Ta façon d'aborder les mecs en leur mettant la main au cul... Tu es trop direct" affirme l'idéaliste amoureux. J'acquiesce ma maladresse. Je ne suis pas un dragueur né. Je ne sais comment aborder l'autre hors du champ de la banalité. Il fut un temps où la fréquentation assidue de commerces de proximité (boulangerie, tabac du quartier) me valait les familiarités typées "comment allez-vous ?" ou "Il ne fait pas très beau aujourd'hui ?". Je m'efforçais de répondre avec ce sentiment coupable que mon double susurrait à l'épaule de la Question : "Regarde, sa réponse est creuse. Il ne croit en rien à ce qu'il te raconte". Oui, je n'arrivais pas à la simplicité sans importance d'un échange sans importance. Aujourd'hui, je suis capable du basique "Ca va. Et toi ?" avec l'assurance de l'interrogé touché. Le rebond du "Et toi ?" n'étant que politesse et maîtrise du faux. Pour la drague, je ne peux pas. Je ne peux pas faire croire à l'autre que son être m'intéresse alors que mon attirance est avant tout sensuelle, charnelle, sexuelle. Baisons et nous verrons. Ab de Tapiole. com brainstorme : "On va lancer un sondage sur le site pour savoir si tous les gays te détestent ?" Clignez des paupières. Au Cinéma Opéra, Madame Joy se tape un rail de coke avant un dîner "familial" pendant que des laborantins en blouses roses théorisent sur les trous noirs tout en se testant l'anus en arrière-cour. Tara, transsexuelle bedonnante, voit la vie "amour, gloire et beauté" en version mauve fleurie et L'Attaque de la Moussaka Géante consterne d'hilarité la salle obscure. Mauvais trucages où un morceau de moussaka, surdimensionné par quatre bimbos extra-terrestres en platforms-shoes pailletées, se gondole dans les rues d'Athènes et tue des figurants qui en font toujours trop. Complètement gay-oriented et malgré les scènes de massacres à la béchamel très diluée, totalement underground et cinglé. Clignez des paupières. Kanardo motha & fatha accompagnent Robert V. et Paolo jusqu'au sas du Medley dans un roulis de considérations politiques. Robert V. augure : "Lyon est en passe de redevenir une ville de sous-préfecture... ", puis, cynique : "Les électeurs de gauche lyonnais n'existent plus : ils se sont tous suicidés." La mode de l'été semble, dangereusement, consacrer Gérard Collomb comme le maire le plus ringard que Lyon n'est jamais eu. "Un ghetto Dance Machine de beaufs au Confluent et une savane africaine au Parc de La Tête d'Or... ce n'est pas très reluisant comme grand projet", déchargent le quatuor. Dans la fournaise de la rue Childebert et en rythmes cassés sur "L'amour à la plage" de Niagara, Robert V. ferme les paupières : "Pour être en permanence dans l'avant-garde, je change mes pas de danse toutes les 20 secondes".

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MERCREDI 07 AOUT 2002 _ #188
 

Le Super-flux

"Tu pars ?" sur toutes les lèvres. Partir. Partir pour remplacer les "Tu fais quoi ce soir ?" de l'année. Comme si le "partir" figeait tout "faire". Depuis deux ans, chaque été, mon compte bancaire clignote dans le rouge vif pour me rappeler à la réalité matérielle et menacer ma légèreté avec le mot "budget". L'argent a de l'importance lorsqu'il n'y en a plus. Le reste du temps, c'est une monnaie de singe qui tombe sur le comptoir, se chiffonne au fond des poches ou roule sous les doigts. Non, je ne pars pas. Avec ce maigre regret : ne pas goûter au bienfait de l'océan. L'Atlantique est mon exfoliant, un retour à l'innocence dans le fracas de vagues en pleine gueule et un soleil américain qui boit la tasse derrière des plagistes de sable. Clignez des paupières. Claire, dans le luxe de palaces à Cannes, Carla à Lisbonne, Dj Arnie à Barcelone, Fred à Bali, Mathieu au Mexique, Christophe Boum et Primabella en Grèce et moi la tête dans les rouleaux régressifs d'une plage de Saint-Jean-de-Luz, à faire le petit joueur au casino de Biarritz pour finir grillé et grisé au Caveau. Voilà l'envie que je n'assouvirai pas. mercredi, au Bistrot de la Pêcherie, Violaine fait un voyage éclair depuis Barcelone pour s'attirer les baisers d'une ancienne nightcrowd locale. "J'ai viré Philip, trop chiant : Il ne voulait pas sucer mes deux autres colocataires" entrecoupe la jeune femme entre deux trinques. Après un dîner trop arrosé chez Dj Arnie, je zappe le dj-set du Troublemaker à La Marquise et cligne des paupières sous le tranquillisant "Music For Babies" d'Howie B. À l'United Café, jeudi, Marie et Vincent bullent de coupes de champagne à s'étourdir au milieu de jeunes Steevy maniérés et peu farouches. Je prends la bouche d'un homme facile à la tête de choux gainsbourienne et sexy et fais courir mes mains sur son torse. Clignez des paupières. samedi, Le Medley se dérègle sous la chaleur. Yann s'agite sur tout ce que grésillent les boomers de rétro-tempos et un Olivier, sage et magnifique étudiant, me colle son genou et avance doucement : "Je n'ai jamais été amoureux. Je m'accroche vite puis me lasse en moins de 5 jours... Tu es là pour quoi ? Ah bon ? même pas des bisous". Libido à zéro. Le gosse se lève et me donne un baiser prude. Il s'enfuit troublé par son audace. Clignez des paupières, les lèvres mouillées par cet instant de pureté. dimanche, Stéphane B. me textote un "tu fé koi ? On va à Gerland ?". Une assiette au Café 203 pour se fourchetter de nos propres contradictions : "Je n'ai pas encore trouvé le juste milieu entre vivre seul, être ouvert sur les autres, m'amuser, bref, être libre. Et se mettre en couple pour se replier sur quelques amis, sortir de temps en temps en se faisant cloisonner par le regard de celui qu'on est sensé aimé... Chacun d'entre nous recherche l'affection permanente" vise, en plein mille, Stéphane. Ces réflexions raisonnent dans ma caisse centrale, superposées à mes convictions toutes ébranlables : si je ne suis pas monté amoureux depuis trois ans, je ne cherche probablement pas cette stabilité toute relative du couple établi. Si baiser à tour de queue, provoquer l'Inconnu sous les nightlights, jouer l'Arlequin mondain au milieu d'un bal vénitien permanent ou tendre à tout vivre suffit à me nourrir, je ne goûterai pas à ce paradis artificiel du duo amoureux présumé intemporel. Tout ce que je crois connaître me déstabilise un jour ou une autre nuit. Tout ce que je ne connais pas s'ouvre à moi. Un lendemain, je changerai d'avis. Clignez des paupières. "Je t'imaginais moins beau. Plutôt gros et graisseux pour écrire des méchancetés pareilles" s'amuse Florence au comptoir de La Ruche. La dame me reproche un article soi-disant assassin sur Tombé du Ciel et son patron Dominique. Sans souvenance de la dite charge, je pirouette en coupable : "Je fais heureusement des erreurs et essuie des échecs. La vie ressemblerait à quoi sans ces deux-là ?" Clignez des paupières. Des ombres penchent sur la terre battue à chaque plein phare de voitures en chasse sur le bitume extérieur. Contre un arbre, deux pantalons-aux-genoux se font pomper par un affamé. Le plexi des bancs de touches miroite des grains d'étoiles sur les ébats clandestins dans les bosquets. Gerland, la nuit. Stéphane sort du terrain d'entraînement : "Un mec me proposait d'aller le plugger dans un fourré... À part ça, on n'y voit rien là-dedans". Nous flagellons Quentin, gendarme de son état, sur sa "follitude" cachée, son machisme de "honteuse". L'observation du garçon tend à me confirmer que les gays flics, CRS ou gendarmes déjà mis à quatre pattes appartiennent à un corps de métier sévèrement hétérordonné. Je n'ai pas envie de baiser et ferme les paupières lorsque les portières de la voiture me ceinturent du "Where You At ?" de Derrick Carter dans un aller-retour acid bumpé : "... All things must end / except the need of faith / and the spirituals things..." roque le vocoder-mate.

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MERCREDI 21 AOUT 2002 _ #189
 

Crash Peste

Un sexagénaire sort son chien à 5 heures du matin en robe fleurie et perruque blonde sur la rue Paul-Chenavard. Celui que je peux encore aimer m'annonce qu'il visite une fois par mois un homme esseulé moyennant un chèque de 100 euros. Un jeune étudiant en médecine, attrapé sur un réseau télématique, voue avenir à sa vie rangée de futur chirurgien, richement marié, et corps au secret d'enculades clandestines. Le sang pisse sur le volant. David, ange blond et bel-ardeux, conquiert l'oeil de Christian-Johan Bégaud pour une future expo à CJB. Je salue un politicien gay qui mériterait de se faire "outer" au regard de la politique moraliste et sécuritaire mise en place ici et ailleurs dont il est activement complice. Le Hell de Lolita Pille est de ces nouveaux romans de gare où le vagin traumatisé et les narines ensanglantées par les rails de la blanche dérangent autant qu'un Arlequin mièvreux. À côté de la pédale d'accélération, les pieds mercurisés par les fuites de la batterie. Jacques Haffner annonce l'ouverture de son club pour le 5 septembre... "dans une caravane". Clignez des paupières. À La Jungle, bordel incorrect, un "butch" s'agenouille dans une cabine et se laisse insulter, la bouche en va-et-vient sur ma queue gaulée et incapable d'éjaculer pour avoir été trop alcoolisée. "Tu n'inventes pas ta chronique : tu détournes "juste un peu "la réalité" (Marie-Êve). La mousse ouverte du siège avant se teinte du rouge d'un bras déchiré. Alors que l'opération Paris-Plage ouvre un bout des quais de Seine au rêve citadin, l'opération Lyon-Trottoir envoie l'avenir "radieux" des tapins hors du centre ville. La gauche lyonnaise est toujours au sommet de l'inventif et du social. Je prépare mon déménagement et revisite le passé par tri d'archives presse et photos perso : les Unes de Libération, jaunies des morts de Mitterrand et Lady Di, l'élection de Chirac-pas-encore-Monsieur 82 % en 1995, le 11 septembre... La mémoire ne garderait-elle que les moments les plus tragiques de l'histoire ? Peut-être pas. Sur les photos en pack, ma vie d'enfant toujours accompagnée d'un chien différent (mes parents les récupéraient à la SPA et ils claquaient tous de maladies), une série de clichés "période ado" où je jouais le minet avant de me travestir en rebel. Des bougies soufflées, des buildings sans tête, le pont Saint-Charles à Prague, les frissons lors de la traversée du Grand Canal de Venise, Piccadaly Square en néons publicitaires, des dîners entre amis, des beautés dans la nuit. Si on se sédentarise trop, un appartement peut vite se transformer en petit musée de ses propres uvres, heureuses ou pas. Je jette donc quelques sacs poubelles d'objets trop longtemps conservés. Clignez des paupières. À la sortie de La Ruche, Christian s'interroge : "De Mike Brant ou Joe Dassin, qui avait le plus de poils et de chaînes d'or sur le torse ?". Ceux qui justifient la fermeture du Riad du dégoûtant "ce n'est pas la licence IV qu'ils n'avaient pas transférée au bar mais la licence Coke qu'ils n'ont pas su garder" ne sont vraiment pas gentils. La tête baissée devant un pare-brise en miettes de verre. De retour du Mexique, Mathieu clone un aventurier de Koh-Lanta avec son visage grillé et une barbe naissante. Jean-Albert en pleine punky attitude s'accorde avec le faux baroudeur au comptoir de l'United Café pendant que Laconque descend des vodka-pomme au bras de son presque amour. Comment un vendeur de béton et de téléphones peut-il également informer le citoyen ? Vendredi 16 août, LCI (groupe TFN-Bouygues) lance un sujet annexe au Teknival du Col de Larche en ces termes : "Regardons maintenant la réglementation française en vigueur pour lutter contre les free parties". Lutte contre le cancer, le sida, la toxicomanie... et l'amusement. Le lendemain, la même chaîne désinfo : "Les jeunes se sont installés du côté italien de la frontière. L'Italie n'a PAS ENCORE pris de mesures restrictives contre ces fêtes illégales". Notre pays est évidemment un modèle législatif et pro-jeunes. Clignez des paupières. "Tu as des nouvelles de Claire ?" (Kevin). Temps pourri. Au premier rayon, Mon Épouse nous guide vers un déjeuner hors norme et paisible quelque part en bord de Saône, à deux pas de Bellecour. Rosé au frais, parasol au vent, taboulé vert et plat "bon comme à la maison" étirent le bien-être jusqu'à l'oubli du temps. Le coeur ne bat plus. Les yeux ne bougent plus. Une tôle cabossée sur un lit de débris sera son cercueil transitoire. Un cher est mort. Fermez ses paupières.

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MERCREDI 28 AOUT 2002 _ #190
 

La conjuration

Sexe et mort. Qu'est-ce qui motive notre corps si ce n'est se faire plaisir et éviter la fin de ces mêmes plaisirs jamais complètement assouvis. Étrange période où les deux fondamentaux qui font courir et fuir se pourchassent dans ma chair. Mort. Mardi matin, je tourne de l'oeil devant la place du village silencieuse où se raidit une foule en attente du mort devant l'église, peut-être même en attente de la souffrance des proches. "Corps-billard" et mère en pleurs, shootée au Tranxène 50 pour tenir l'insupportable. La mort du fils, du même sang qui alimente la machine à vivre. Résonance évidente sur un vécu encore présent. Guillaume avait 22 ans. Mort violente. Obsèques violentes. Au deuxième rang, je caresse la nuque de cette mère endeuillée et seule au monde. Elle me serre la main. Elle vacille de douleur. Le corps en boîte est à moins d'un mètre. Un jeune homme beau et fantaisiste s'est crashé sur la voie publique dans une de ces charrettes motorisées, symbole de puissance, de statut social et de mort subite. Infinissable. Messe au Dieu infinissable. Conneries célestes. Je pleure. Je pleure Guillaume. Je pleure la douleur de sa mère. J'essaie d'échapper à ce sinistre moment. Les yeux rouges, la gorge en torsion lorsque vient le rituel de la bénédiction du corps où défile toute l'église devant une caisse en bois. Je me lève, baise ma main et pose mes empreintes de lèvres sur la plaque cuivré "Guillaume P. - 1980 - 2002". Je fais le tour du corps sans me signer en glissant mes doigts sur le bois verni. Assis, je ne peux soutenir le regard de ces inconnus qui saluent ce corps devant mon regard défait. Je fixe le cercueil et aperçois des torses passés. Machinalement, je ne relève les yeux que sur les endeuillés qui touchent le cercueil, se frottent ainsi à la mort, à leur futur mort. Il y a dans ce cérémonial une chose effrayante : la conjuration de sa propre fin. Dans la "crétinté", on jette de l'eau bénite sur un mort mais on ne le touche surtout pas, de peur d'être soi-même contaminé. Et les moins fervents du Bon Dieu, souvent les plus jeunes et les plus proches du défunt, y vont d'une petite tape ou d'une dernière caresse sur le caisson funèbre. Au milieu de la vigne bordelaise, l'épreuve s'achève dans un petit cimetière sur un trou ouvert. "À bientôt" et j'effrite une poignée de terre argileuse sur le corps avant de cligner des paupières sur des yeux vitreux et des cils brûlés par le sel des larmes. Sexe. vendredi, en crocodile dans le bain à remous du Double Side, des hommes au bronzage poncé par un sable estival tentent de m'enfermer dans une cabine à baise en faisant couler leur main le long de mes cuisses jusqu'à empoigner mon sexe. Pas envie. Mais les caresses fluides me plaisent et je joue avec trois mecs aux plaisirs tactiles javellisés. Clignez des paupières. Bisexe. samedi, Christophe Boum et Primabella me laissent à La Ruche en compagnie de Mathieu. "Mon dernier coup était un mec. Avant, c'était une fille après un mec. A San-Fransisco, un mec en après-midi et ma logeuse en soirée qui sentait une odeur sur ma peau qui ne m'appartenait pas", se trouble le scientifique. La bisexualité devrait être commune. Mais j'ai du mal à apprécier l'état d'esprit de mes bi-connaissances : sexe libre comme Stéphane B. ? Expérimentations corporelles ? Homosexualité refoulée ? Hétérosexualité refoulée ? Clignez des paupières. L'United Café danse encore sur les mêmes tubes cheesy pour pouffiasses portemanteaux mais le night-club est chaud et drôle. Rachid m'attend au Medley : "Je savais que je te trouverai ici. Je t'aime beaucoup. Je te jure" m'enlace l'homme aux yeux noirs. "Arrête de jurer, s'il te plaît" l'embrasse-je. Mathieu en-taille une jeune fille venue s'asseoir sur lui : "Je crois que je suis plus un coussin pour elle qu'un amant possible". Clignez des paupières sous le "Funky Friday" de Blueboy en vaporisateur sonore. dimanche, après un apéritif à La RucheReine Claude prend sous son aile Lynx, nous rejoignons Mireille et Denis chez Carlino. Chacun avance ses projets pour la rentrée. Je questionne Mireille et Christophe Boum, bibles du clubbing 70's-80's, sur les lieux nocturnes mythiques lyonnais en vue d'une série mensuelle, dans cette rubrique (jugée semble-t-il trop impudique), sur ces bars et clubs qui laissent des traces : West Side, Palais d'Hiver, Onze, Hypnotik, Factory, Zoo, Ambassade, Divine Comédie ou Pez Ner. Clignez des paupières. "TEL MOI" fluorise le portable à la sortie de la pizzeria. Un ASSA (Amant Sans Suite Amoureuse) arrive dans l'appartement pour un coup d'une heure. Joli homme qui m'attaque la braguette directement. "Je suis policier au Centre de Commandement. Tu peux tomber sur moi lorsque tu composes le 17" se socialise le gourmand. Je compose le "suce-moi" et joue un moment avec nos matraques. Mes amants flics ont toujours été de bons suceurs. Celui-ci ne déroge pas. Fermez les paupières.

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MERCREDI 04 SEPTEMBRE 2002 _ #191
 

Global incomes - Local startin season (Part 1)

Global incomes. Dans quelques semaines, les terrasses laisseront place au bitume de large trottoir et les lumières de la ville ouvriront l'obscurité de nuits à rencontres, musiques, boissons et spectacles chiants ou troublants. Avant une tournée des ouvertures, fermetures, nouvelles soirées et potins diffamants (ici-même la semaine prochaine), "faites la Madame Irma de ce qui sera dans le vent cette année. Si vous vous plantez, on ne vous en voudra pas : la seule chose qui intéresse vos lecteurs est de savoir s'ils sont cités dans votre rubrique", se fait couper la liaison du portable Claire, dans un TGV entre Cannes et Lyon. Alors tentons le futur. Une fois que le jean "vintage" et le hypra-plouc jean, en toute vulgarité, délavés, rejoindront les tongs "pieds de porc" en plastique fluo au Secours Populaire, que pourra-t-on porter pour sortir ? Quand la hype-bimbo aura oublié que, pour être chienne, il ne suffit pas de se hausser de talons aiguilles, sac Christian Dior de pute et lunettes panoramiques mauves, quel serait le dernier chic pour se faire entretenir pour un gros porteur de carte Am Ex (qui, lui, ne se pose pas la question de l'habit en nouant toujours son Ralph Lauren autour du cou) ? Du look "années 1980" semble attaquer les lieux nocturnes en vogue. La période néo-baba et Disco Fever est à mettre dans les cartons pour la prochaine vague de recyclage qui moulera certainement nos progénitures dans vingt ans. Deux tendances seront portables cette saison : le punky (déjà un peu daté) et le total look Dallas closer from Dynastie. Dans le détail : de la mini-vague dans les cheveux pour atteindre le crépage permanenté de la ménagère yankee en sortie dans un centre commercial en Gotham City préfabriqué. Les Converse hautes, sur collant, et du frou-frou vaporeux autour du corps. Les corsages serrés par des lacets sur des poitrines volumineuses (ou pas) et un sac à main "mémère" sous le bras. Vous trouvez ça trop vulgaire ? L'autre alternative consiste à se la jouer trash-junkies. Fini la délicatesse. Les jeunes clubbeuses frisent l'attitude gothique avec de longues robes froissées, des chemises jabots, des épingles à nourrice sur les manches et un maquillage outrageusement "dark" : "j'ai pris de l'héro par le nez et je veux que l'autre remarque que je suis une rebelle" serait le maître à habiller de ces jeunes femmes. Toujours dans l'air du temps et définitivement indémodable : porter des lunettes de soleil le matin et cela quelle que soit la météo. Un must et un mépris de ceux qui se couvrent de ridicule les yeux, la nuit tombée. Le fêtard mâle devra être Jacno et puis c'est tout. Quoique les gays puissent le pervertir en lui faisant opter pour une tenue B. Boy avec portable autour du coup et porte-clés sangle en pendaison le long du pantalon. Clignez des paupières. Do you wanna dance ? L'electro pré-house n'a toujours pas envie de Lyon alors qu'elle fait hurler nos voisins de grandes métropoles. Ici, les rotules s'usent toujours sur de la hard-house, du lounge kilométrique ou du r'n'b FM. "Terrifiant. Jennifer mélangeait du rock, de l'acid, de la new-wave" s'extasiait un expatrié à son retour d'Enjoy à Montpellier. Au Fish, on fera encore le fier avec la disco filtrée d'un mauvais Bob Sinclar. Si l'on suit les sources d'inspiration des producteurs de musiques électroniques à danser, qui samplent le passé à tour de platines, il est fort probable qu'après le côté roots latino, soul et funky et la longue période de french-touch en source directe sur le disco, la mode electro-punk devrait rapidement muer. Disco, fin 1970. Punk et new-wave en amont de l'avènement de la House Nation, début 1980. En toute logique, une remontée d'acid-house devrait faire planer les danseurs. À moins que les djs ne sautent directement sur la période "Madchester" et que L'Hacienda rouvre ses portes. Je m'égare et oublie que Lyon est une paresseuse. La ville a découvert le djing, il y a 6 ans et que depuis, les dancefloors sont rarement chauffés à blanc. "J'ai envie d'un bon dj. De la musique très forte et des hommes torse nu, transpirants" se met à fantasmer Christophe Boum dans la voiture branchée sur de vieilles cassettes audios carbonées en 1988. Fermez les paupières.

Wanted "Dancetaria Mythology". Dans le cadre d'une série mensuelle sur les lieux qui ont marqué la vie nocturne lyonnaise, attente de vos bars et clubs regrettés, témoignages et photos sur bapjac-a-free.fr. Sont déjà cités : West Side, Palais d'hiver, Onze Club, La Petite Taverne, Hypnotik, Zoo Club, VertuBleu Comptoir, L'Ambassade, Divine Comédie, Pez-Ner.

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MERCREDI 11 SEPTEMBRE 2002 _ #192
 

Global incomes - Local startin season (Part 2)

Local Startin Season. "Si tu trouves de la nouveauté pour cette rentrée, appelle-moi" désespère Manoo, dj résident à L'Ambassade. "Le calme total. C'est une catastrophe" renchérit Nicolas Stifter, ex D.A. de La Marquise. "Nous, on a Miss France qui déjeune régulièrement ici. Tu peux faire un article sympathique sur Le Café du Pond ?" déconne Fabrice du café de la place Lyautey. Is Lyon sleeping ? Oui, comme toutes les autres villes. Paris compris. Le début des années 1990, sous la double impulsion de l'explosion des musiques électroniques et de la visibilité gay naissante, a totalement reconfiguré le clubbing avec mixer-bars, boîtes "gay friendly" et concepts "Art fooding". Pour ce début des années 00, les dancefloors semblent perdre de leurs éclats et les bars ronronner sur des bases déjà ancestrales : djs exploiteurs de vieux styles et bars proprement décorés. Ainsi, les quelques nouveautés de cette rentrée peinent à apporter un côté "vavavoum" à la fête. Si l'on ajoute au tableau, la tendance sécuritaire et anti-jeunes du moment telles les interdictions de free-parties et autres contrôles de police dont les établissements sont de plus en plus victimes à Lyon, la rentrée 2002-2003 frise la débandade. Clignez des paupières. Quoi de neuf chez les limonadiers ? Beaucoup de transactions et de quadruples zéros sur l'euro-chèquier. Le First VIP a été l'un des champs de bataille de l'été pour la reprise du bail de ce club installé dans la gare des Brotteaux. À l'origine, Marc Chabert et Associés, locataires du lieu, semblaient réticents à continuer de verser plus de 25 000 euros mensuels pour amuser la "haute bourgeoisie" lyonnaise. Au même moment, Jacques Haffner et Associés, prétendants à la succession dans ce même lieu, posaient un paquet d'euros sur le comptoir pour en devenir directement propriétaires. Après un pataquès de procédures (selon l'ex-fleuriste), Marc Chabert et Associés ont gardé Le First, sont en voie d'acheter les murs et repoussent l'arrivée du club "chic et amusant" de Jacques à plus tard. Autre transaction et passage de relais : Le Tactika (feu Duplex-Odéon), quai Gillet, a fait baver plusieurs propriétaires d'établissements pour "le coup de fusil qu'il y avait à faire" au regard du prix "très raisonnable" auquel a été vendu le lieu. La destinée du club semblerait coller à la vogue actuelle du resto-disco à l'instar des àKGB ou Le Cube. Ce même Cube (115, boulevard Stalingrad, Villeurbanne) devrait corriger son concept "pipoul" en optant pour la formule, lancée par les Guetta au Platinium-Paris, du night-cabaret avec serveuses en tenues sexy pour gros machos à bouteilles. Clignez des paupières. Toujours dans les réajustements, Le Funambule, fliqué depuis toujours par la municipalité alors qu'il est une de ses valeurs les plus conviviales et sûres, va reculer l'horloge en faveur d'apéros forcément adorables. Gérard Collomb va-t-il arriver à nous faire coucher avant minuit dans l'attente des charters nocturnes pour le tellement glamoureux GGDC (Gégé Dance Complex) promis sur le quai Rambaud ? Clignez des paupières. Il y a dégraissage dans les établissements gays : à chaque changement de propriétaire, le rainbow flag communautaire se fait descendre au profit d'une enseigne plus consensuelle et estampée du simple "gay-friendly". Ainsi, le restaurant L'un Sans L'Autre est remplacé par Le Yucatan, cuisine mexicaine "open minded". Même mixité revendiquée pour One Night (38, rue de l'Arbre-Sec). L'ex-club lesbien devrait rouvrir dès ce week-end pour une clientèle de borderliners. Après son plantage magistral en suite d'une fermeture administrative et à une politique commerciale déplorable (entrée payante et prix des consommations surévaluées), le Dark's Klub serait toujours à vendre "comme tous les établissements de Lyon" glisserait n'importe quel responsable de lieux nocturnes. Dans la série "du neuf avec du vieux" et après un relookage estival complet, le Bus Café rouvre ce jeudi. Le Mi Mots Arts (11, rue Lanterne), restaurant fétiche, attend toujours que Tartine et Jean-Marc veuillent bien sortir de leur break qui ne cesse de durer. Alors, c'est pour quand la liqueur de châtaignes à 1h du mat ? Clignez des paupières. L'Indice 203 (rue de la Bourse) était attendu pour ce mois de juin. L'ouverture du quatrième lieu des frères Cédat sera effective à la fin du mois sur la base d'un bar à vin, fromages, charcutailles et petits plats à emporter. Le chantier avance et dévoile boiserie "à la 203" et comptoir rouge pour primo-alcooliques. À ce jour, deux autres "vraies" ouvertures devraient agrandir la ville. Peu d'informations à ce jour, si ce n'est que l'une inaugurera un restaurant labelisé "bio" près du Ninkasi Kao à Gerland et que l'autre ambitionnera d'allier restaurant et salle de spectacle dans la banlieue Sud. Rumeurs non vérifiées. Fermez les paupières.

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MERCREDI 18 SEPTEMBRE 2002 _ #193
 

Cinq jours après ma mort

Une veuve noire déambule avec la légèreté d'un feu follet vaporeux sur les tombes d'un cimetière. Elle plonge, tête curieuse, dans le porche d'un tombeau, petite niche à morts. Ainsi, mercredi, s'ouvre en préface vidéo, Cancion de los ninos muertos, de la Compagnie Dramo Dramaturgia del Movimiento, en scène dans l'amphithéâtre de l'Opéra de Lyon. Les danseurs ombrent leurs corps vivants de lumignons rouges derrières la toile de fond et expulsent en avant des tableaux baroques : imageries d'un jardin d'Eden bancal, éternité encastrée dans la beauté d'un marbre virginal, féminité maltraitée qui se contredit toujours entre le désir de romantisme et le machisme brutal. Ce vagabondage post-mortem bataille avec nos petites joies et grosses cruautés pour s'ouvrir sur une fin de vie heureuse. Les bizarreries et contre-styles des danseurs ne convainquent guère Gaelle Communal, en garçonne excitante, gominée et enfin retrouvée. Si, effectivement, les gestuels de la compagnie vénézuélienne se cassent en abrupt, les mains lascives qui coulent sur la nuque des danseurs surlignent cet abandon tendre et doux qui nous manque parfois. Clignez des paupières. jeudi, Mathieu m'offre une table chez Félicie, Le Dimanche Aussi, nouvelle histoire gastronomique de Sylvie et Jean-Marc, après leur fabuleuse expérience du Mi Mots Arts. À quelques heures de mes 32 ans, j'expose au mathématicien mon trouble "arithmétique" : "Mon père est mort à l'âge de 32 ans et j'ai l'impression que mon corps veut me lâcher comme certain qu'il ne passera pas le cap du je serais plus vieux que mon père". C'est, raisonnablement, stupide. Physiquement, ma charpente se contracte et le malaise est bien là. Clignez des paupières. "Nous sortons du Pulps et partons voir les pédés à l'UC avant un verre à L'Ambassade. Le Pulps ? Vas voir, tu me diras", se moque Jacques Haffner au portable. Nous ouvrons Le Pulps, nouveau club au 38 rue de l'Arbre-Sec, par une bière en bouteille à 5 euros avant de s'ennuyer sur des banquettes "Léopardisées". L'euro-house déboosté ne provoque aucune "bisexual émotions" et nous flashgordons vers l'United Café. J'y demande un baiser à Gaétan : "Soit tu me prends pour un con. Soit tu es très con" me gifle le bel homme. Jacques m'agrippe l'oreille avant d'y souffler une de ses propositions sexuelles à censurer ici. Clignez des paupières. vendredi, Duchesse et Maître XXY croustillent une pizza en terrasse du Modern Art Café. Après un premier apéritif, il y a quelques semaines, où Maître XXY récitait "Nuits Mobiles" sur le bout des doigts, pendant que sa main tentait de mesurer mon membre à travers le pantalon, cette nouvelle brassée en public donne, à nouveau, dans le registre sodo-rasage : "J'ai toujours les couilles rasées J'adore raser les anus Je veux t'accompagner à la Jungle pour me faire sucer en moins de deux minutes", veut me convaincre le provocateur. David Cantéra me livre baiser d'anniversaire et T-shirt du bar en cadeau. Cricri prend table au coude de sa nouvelle girlfriend. Thierry Pras nous annonce la relance d'Infoconcert.com : "Christophe Mahé nous a apporté l'aide financière et la synergie avec son groupe qui nous faisaient défauts auparavant. Je suis confiant". Puis, en vieux Muppet viewers, nous remontons le temps où les musiques généraient un mode de vie anticonformiste. Le rock, le punk et, à moindre effet, la house nation ont tous révolutionné les mentalités avant de crever ou se vider de sens pour ne devenir que des niches à rebellion post-pubère où tout réside dans le look et la défonce d'un concert ou d'un week-end. Ensuite, tous rentrent bouffer des pixels sur TF1 et chier un costume-cravate dans les rayons d'un Carroufe, sans même fredonner le "Lost in a supermarket", des Clash. Clignez des paupières. L'étage à baise n'est qu'ombres de mâles qui se maquent, ferment les portes de cabines grises, se pipent dans une salle obscure. Autour le silence. Au milieu, Fabrice et Pascal me laissent brailler mes exigences : "Je cherche un suceur, plutôt bien foutu et qui ait des yeux innocents. Enfin, l'innocence, je n'y crois pas trop". Nous explosons La Jungle de harcèlements verbaux et mains basses sur des hommes tristes. Je ne sais pas ce que je fais dans ce bordel. Peut-être faire violence aux corps au mien, à ceux des autres. Clignez des paupières. "Je suis d'Avignon et vais vendanger en Bourgogne" sirote, samedi, Marc au comptoir de Tombé du Ciel devant Dominique en pleine frappe de cocktails chics et le corps en vogue sur un Daniel Balavoine. Le jeune étudiant se drunkize à en vomir dans toutes les chiottes des clubs visités : au Medley, Line accroche Marc d'un "Chéri, touche-moi" alors qu'un militaire l'intrigue. Hétéro incrédule : "T'es gendarme pédé ?". À L'ambassade, il se plaque tel un raveur contre les enceintes alors que Manoo égrène des perles house et Marie lève sa coupe de champagne et baise ma joue de ses lèvres sucrées. Fermez les paupières.

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MERCREDI 25 SEPTEMBRE 2002 _ #194
 

Se crocheter la nuque

"Je serais à Lyon samedi après-midi. Une sieste ?" s'éclaire le portable, mardi, alors que Mathieu roule vers le Tobbogan. L'ASSA (Amant Sans Suite Amoureuse) souhaite me "pomper 3h non-stop. J'aime votre queue". Il fantasme plus qu'autre chose et samedi est encore loin. À Décines, Balé De Rua agite une troupe d'anciens ouvriers brésiliens en pleines figures hip-hopantes et haute-chorégraphie à revisionner dans les clips R'n'B de MTV. Survitaminé, surprenant mais une demi-heure aurait suffi pour s'exotiser l'esprit. Je décroche sur une représentation qui emballe le public mais ne nourrit pas mon envie d'émotions, de délicates visions. Clignez des paupières. Le corps en sommeil perturbé se blottit contre l'oreiller. Puis la tête s'assourdit par glissade sous le poids plume. Marcela Escobar se relève, crispée, et entame un solo avec ce lourd sac anthracite. jeudi, sur la scène de la Salle Gérard Philippe, la chorégraphe et interprète se fait violence, les muscles tendus sur un poids dont elle ne séparera jamais. Les premières minutes du duo, original, entre une danseuse et un sac de sable aiguise la curiosité. Ensuite, on regarde sa montre plus que les contorsions de la jeune chilienne. "Le lieu du désir" de la Compagnie Pe Mellado Danza, qui suivra cette figure sur la symbolique du poids, dérange : deux couples en scène pour, a priori, deux conceptions de la vie à deux. L'un, passionné, violent et pratiquant du "j'ai besoin de toi pour avancer" ou du "je ne sais pas trop ce que je veux, ni qui je suis donc je m'accroche à toi". L'autre, joueur et provoquant, qui manie l'égoïsme cynique à faire sourire. Les corps se bousculent, se balancent contre les murs, se cassent au sol et se trompent sur une musique low-tech. À se demander si ces histoires d'amours contrariés ne sont pas issues d'une névrose de jeunes gens sous dopes hallucinogènes. Ingénieux et dynamique, la compagnie nous sort de la salle songeurs mais satisfaits. Dans le hall d'entrée, Peggy-Laure veille au doux Ange, le bras bandé après son crash (finalement heureux), et nous annonce la mise en orbite de O'stin, agence d'architecte. Frédéric Sicre m'invite pour un souper à Koutoubia avant un digestif au Mushi-Mushi. Kamel hausse de la voix : "le commissariat du premier devient insupportable : nous subissons des contrôles tous les soirs. C'est la même chose partout dans le quartier. Il faut faire quelque chose". Peut-être demander à Monsieur le Maire, qui se vante d'être à l'écoute des jeunes et fait la promo de son GGDC (Gégé Dance Complex) au Confluent, d'être un peu crédible : dire aux jeunes "je pense à vous avec mon Plouc Land" tout en corsant le travail des bars en centre ville, est-ce bien sérieux ? Plus tôt, une taupe nous ragotait que ce même Gérard Collomb "est en train de se faire torpiller par une bonne partie de ses adjoints. C'est assez folklo à la Mairie Centrale : la gauche "descend" plus que l'opposition". Clignez des paupières. La merveille qui nous fait sentir vivant et heureux de l'être, apparaît vendredi, au Théâtre de la Croix-Rousse : Quasar conjugue quatre femmes et quatre hommes dans des tableaux à sentir son corps traversé d'émerveillements et d'excitations. De longs silences se déchirent de discussions et chansons enregistrées (avec les souffles du direct) et entraînent les danseurs dans des scènettes asymétriques où prouesses physiques "bluffantes" et cabotinages dilatent les pupilles du spectateur. Des couples se crochètent la nuque pour se balancer à terre. D'autres se penchent dans une ligne rouge de lumière pour s'y diaboliser ou languir. Il y a dans la scénographie comme un effet "mime Judoka" qui verrait le danseur se préparer, observer son adversaire en longeant le tamis et finir par mesurer non pas sa force mais sa capacité à épater par le Beau. Plus que positivant, sublime. Je textote à Chatte Rouge et Robert V. mon désir de rencontrer et "faire n'importe quoi" avec l'un des danseurs, brun poilu qui magnétise à tout va dès que sa mine virile aux yeux sourires s'agiter sur la scène du théâtre. Sans réponse. Plus loin, je me fais un "69" dans une cabine du Double Side avec un David, professeur de français sensuel. Nous dormons queue dans la main sous la couette après s'être enlacés au petit matin sur l'esplanade de la place Antonin-Poncet, le Rhône tranquille à nos pieds. Clignez des paupières. Les clichés bancals de La Cebra, samedi au Transbordeur seront devancés par un relevé de Mathieu : "c'est une ambiance pré-United Café". Frédéric Sicre résume le spectacle : "un truc de travelos que tu vois dans un club homo de province". Nous dansons rapidement un petit tango au Bal Noir de l'Hotêl des Ventes des Brotteaux entre danseurs joliment costumés, sérieux dans leurs pas glissés et nous immergeant dans l'old fashion. Frédérique Mille m'éblouit et je file fermer les paupières, plaqué contre un mur de La Jungle, la tête d'un inconnu plaqué sur mon entre-jambe sans entrain.

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MERCREDI 02 OCTOBRE 2002 _ #195
 

Là où les hommes n'ont plus de noms

La Biennale de la Danse tire bientôt le rideau final et nous aurons, encore, entendu toutes les critiques : mise en pois forcée des rues de la ville, amateurisme de certaines compagnies, bals chèrement élitistes, lieux culturels monopolisés ou tableaux du défilé trop engagés. Ces grincements intellectuels amuseraient si cette manifestation culturelle d'envergure n'était pas la seule heureuse et réussie de Lyon intra-muros. À voir les expositions proches de la nullité de la précédente Biennale d'Art contemporain ou les niaiseries de la Fête des Lumières, Terra Latina nous sauve du naufrage en eaux de petite bourgade de province. À quelques déceptions près. mardi, j'imagine un semblant de Drawing by Numbers, en scène au Théâtre de la Croix-Rousse : danseurs accros au reflet de la lune, déboussolés par le soleil et plus en marche qu'en cadence. La compagnie Paula Nestorow approche la poésie sans jamais nous la faire toucher. Ce n'est pas le jeu de lumières sous parapluie ou les ombres basculées et chaleureuses, encore moins le seul pas de danse rabâché du "je tape dans mes mains, remue du popotin et claque des pieds" qui nous relèvera d'une heure trente à patienter pour l'applaudi-poli. Super Pénélope me remonte le moral : "Quasar est programmé à la Maison de la Danse cette saison. Tu vas y être tous les soirs pour baver devant ton danseur". Évidemment. En course pour un digestif au Modern Art Café, Mon Épouse refuse d'être "la future mère" de mes enfants si je persiste à vouloir rouler en Volvo : "Non, nous aurons un monospace du genre Picasso ou Espace". À débattre. En maître du bar, David Cantéra ouvre ses yeux noircis par une nuit à Ibiza sur un sourire en coin fatigué mais cajoleur. Trois heures plus loin, je cligne des paupières au comptoir du Voxx à réinventer notre vie d'urbain avec Nassaboy et Kamel. mercredi, Philippe Chareyron se moque de ma ferveur sur les gradins du Stade de Gerland lors du match OL-Rosenborg. Profil bas et clignement de paupières. jeudi, des boules lumineuses rotulent au pied de la fontaine Bartholdi et rougissent les chevaux en fougue, les sabots au galop dans un bassin bleu électrique. La place des Terreaux suit les cours de latino-dances alors que Claire offre son bras pour un dîner chez Géraldine et Kévin. Ma princesse relate ses allers-retours incessants entre Paris, Bruxelles et Cannes avant de nous narrer un certain 19 juillet, jour d'un de ses nouveaux agissements follement "borderline". Suite à cet éclat, je lâche mon verre et me retrouve tout penaud. Personne ne peut rivaliser avec Claire dans ce raffinement à conjuguer snobisme, intelligence et actes désarmants voire jeux enfantins. Une des raisons qui m'aimante à elle. Clignez des paupières. vendredi, OLB retient Mon Épouse en apéritif au Café 203. "Tu n'es pas très gentil avec notre bon Maire depuis quelques temps" maline le motard coiffé d'une casquette de syndicaliste et dont j'avais oublié le sex-appeal "vavavoum". Au Théâtre des Celestins, Astrid Hadad fait défiler sa garde-robe sur un ton féministe et drôle lors d'un concert qui aurait pu être mémorable sans les ennuis de voix qui agaçaient visiblement la Brésilienne "frapadingue". Sur le parvis du théâtre, Julien Micro P. se qualifie, en sus de son légendaire TBB (Très Bien Boursé), de TBM (Très Bien Monté). Clignez des paupières. Les bureaux de Michèle Neyret Culture se transforment à l'occasion d'un nouvel âge pour Robert V. en LE rendez-vous du week-end : Petit Poucet commet l'erreur d'un "vos textes sur la mort ont donné de la force à votre rubrique". Marie Rigaud semble ailleurs. Sandrine B. questionne : "Pourquoi les mecs bien sont-ils tous gays ce soir ?". François Kanardo, en sortie du bouclage pour Le Petit Paumé, attire tous les regards avec son look de pompiste ricain mal rasé et casquette au front. Guy Darmet épuise son stock de chemises rouges "biennales". Patrice Béghain gratte son nouveau bouc sur ma barbe de cinq jours avant de me bâcher : "Demain matin, nous entamons un séminaire avec Gérard Collomb. Je ne manquerai pas de faire part au Maire des critiques de Baptiste Jacquet". J'engage une drague maladroite et sans issue sur Roland des Enfants Gâtés lorsque Z2 lève les bras au ciel : "Je viens de croiser Patrice qui m'a conseillé de vous rejoindre". Le sous-sol danse un "Demoiselle de Rochefort" maniéré et speedé avant de cligner des paupières. samedi, l'anniversaire du Ninkasi et le Bal Blanc attendront : l'appel du sexe me cloisonne dans l'obscurité de lieux où les hommes n'ont plus de noms. Au Double Side, un jeune étudiant multi-baises me bonifie : "tu es mon meilleur coup de la journée". Dans l'uproom de La Jungle, j'éjacule sur un fauteuil pendant que mon pompeur anonyme tente de "se finir". Sa jouissance n'est plus mon problème. Fermez les paupières sur un "Adagio for Strings" de Barber actif et en souvenir du prochain mariage de Sylvie et Jean Marc, samedi 5, à 10 heures, en mairie du 1er.

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MERCREDI 09 OCTOBRE 2002 _ #196
 

Des coeurs sur le feu

jeudi, la soirée Tapis Rouge de la rue Auguste-Comte ouvre les galeries pour une déambulation entre uvres d'arts, petits fours et coupes de champagne. "Prends l'adjoint mais, prends l'adjoint !" me retourne sur le duo ragoteur de Lyonpoupoule.com (mèrage). Le photographe numérise Monsieur et Madame Collomb pour une mise en galerie sur le site de basse-cour. Si mon inimitié pour le dot.com reste intacte, j'avoue avoir un faible pour la chronique hebdomadaire de Justin Calixte. D'abord parce que la photo signature du monsieur le représente un barreau de chaise en bouche (ce qui peut être une preuve de snobisme) mais surtout, parce qu'il voit des homos partout (ce qui me donne une sacrée marge de manoeuvre pour mes coucheries futures). Justin Calixte ne peut pourtant pas être taxé de prosélyte gay à la lecture de ses potins : il fantasme les pédés comme des membres actifs d'un vilain "lobby" et regrette que la municipalité parraine la gay pride. "Patience Justin. Le Petit Nicolas, après les putes et les jeunes, réglera ce délicat problème du lobby homosexuel". Clignez des paupières. Robert V. plaint les mannequins en robes de mariées qui mendient leur bague au doigt sur le tapis de rue : "Les pauvres filles. En arriver là, toutes seules au milieu de tous ces badauds à attendre des maris impossibles. En ce qui me concerne, je vais essayer de trouver un mari antiquaire : je les ai trop longtemps négligés". S'ensuit une chasse à l'homme riche et raffiné par matages devant des vitrines, derrière des masques africains chez Archaïa, en ronde autour d'un canapé Arrivetz. Clignez des paupières. Le premier anniversaire des apéritifs Savoir-Faire au Grand Café Des Négociants se souffle écrémé du gratin médiatico-boutiquier local : l'open bar amuse un moment le toujours jeune premier, Jean-Paul Brunet, et Marie Rigaud, en tenue patchwork trashy en vogue. Je ne sais toujours pas sur quel langage parler avec Jean-Alain Fonlup de Lyon Poche. Hubert Lafférière ne cède pas à ma tentative de mesurer son flux sentimental : "Oui, je pense fortement à quelqu'un", ferme l'adjoint. Les autres habitués de ce genre d'événement pour posing prétentieux m'exaspèrent : Carole Dufour (Porte-t-elle un corset Thermolactyl ?), Christian D'Aubarède (Il paraît qu'il a une grosse queue. Bon, sa coupe de cheveux est d'inspiration "banlieusard en sortie au César Palace" mais il a l'air gentil pour un animateur de radio FM) ou l'ami des comètes, Laurent wanna be Boyer' Natale (Heureusement que TLM fait plus dans le TF1 cheap que dans Paris Première sinon). J'appelle Jacques Haffner au sauvetage de la vacuité ambiante. "Je suis chez moi. Tu vas à l'inauguration de l'Octopussy, anciennement Dark's Klub ? Moi, non plus Oui, on se retrouve plus tard", cligne des paupières le jet setter. Super Pénélope, Carla et Julien Micro P. m'éjectent de cette soirée sympathique mais pas plus. Au nouveau Ninkasi Ferrandière, Vincent cède les clés de son 4x4 avant de me rattraper devant l'engin en crise de clignotement et l'alarme hurlante. "Tu n'es pas en état de conduire et tu as appuyé deux fois sur l'alarme" me stoppe Julien MP en fin technicien d'objets roulants motorisés. Nous traversons la rue Mercière par vol à l'emporté d'une chaise, d'une table de terrasse que Super Pénélope me suppliera d'abandonner en bout de chemin. Carla plaque son visage sur des feux tricolores dont le plein rouge, transformé en coeur par des autocollants pochoirs, l'illumine : "Regarde des coeurs sur le feu". À l'United Café, ASSA 45 glisse ma main sur sa queue mise à l'air contre le comptoir pendant que Carla se voit offrir des bibelots et autres cadeaux inutiles. Clignez des paupières pour un sommeil caressant et sexuel. vendredi, un souper semi-américain dans le Carré d'Or (1) aboutit à une série de clichés photo "crêpage de perruques" sur Duchesse, Mathieu et Joël. ASSA 45 nous attend à l'U.C. pour une brève coudée mousseuse. L'envie d'un vrai son et d'une musique "upliftin" nous flashgordent à L'Ambassade. Mathieu se lâche dans des chorégraphies surprenantes sous haute perfection d'un mix sensible de Rico. Peggy-Laure, Caroline, Ange, David Cantéra et Jérôme d'Art Canut redorent le club en ce qu'il a de magique : une intimité exagérée, un luxe souriant et une musique bienheureuse. Je ramasse ASSA 45 dans la rue et nous fermons les paupières. Demain, samedi, je ne rejoindrai pas Christelle et François Kanardo à leur première KABP à la Boule Noire - Paris et regretterai de ne pas assister au mariage de Sylvie et Jean-Marc du Félicie, le dimanche aussi. Félicitations.

(1) Carré d'or : alentours de la rue René-Leynaud qui concentrent les habitations de Mon Épouse, Duchesse, Carla, Super Pénélope, Cruz Poutre, Julien Micro P., Joël et OLB.

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INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

 

 

 Avant   Après 

 

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