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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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MERCREDI 31 JUILLET
2002 _ #187 |
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Human
Bastard
La comédie de la comédie sur
pellicule dark et "dogmée" : Strass se déroule,
mardi, en avant-première au Ciné Cité.
Géraldine invite son Kévin, Mon Épouse,
Marie-Eve et Sandrine à la projection du film belge, estampé
"Grand Prix" au premier Festival Nouvelle Génération
du film numérique. Faux-reportage sur un professeur tyrannique,
plus que paumé, qui lustre sa folie, pas très douce,
dans des cours de théatre extrême. Les jeunes comédiens
panurgent vers un firmament de notoriété borderline
et se laissent planter par un Pierre castrateur. Le même Pierre
Lekeux, acteur et producteur de ce film sympathique et drôle
à 10.000 euros, et son réalisateur, Vincent Lannoo
nous rejoignent en post-event pour un souper sur péniche
où le rosé huile le cirage noir du Rhône ;
le cinéaste belge imagine l'entente et l'harmonie du groupe
comme un "Friends entre journalistes". Clignez
des paupières sur l'inusable de l'année, "Geogaddi"
de Boards Of Canada, en intégral sur le tourne-cd.
Un éléphant trompe évidemment. Fred de B. trompe
toujours. jeudi, à L'Escalier, le peintre-écrivain
se frotte pour la première fois à Mon Épouse :
"Montre-moi tes seins" s'enchaîne à
"Tu as déjà été sodomisée ?"
pour se crocheter avec un répétitif "J'ai
envie de te bouffer le cul". La future mère de mes
enfants (enfin, presque) esquive avec classe les assauts de l'Éléphant
gauche qui "à force de (se) frotter, (a) la queue toute
irritée". Super Pénélope s'acclimate
à doses de petit jaune à cette langueur estivale,
période de dépressurisation où esprit et corps
se délestent des obligations mondaines et des public relations.
Mathieu T. l'arrose de son "coup de mistral" en Avignon :
"Je la vois assise dans un magasin complètement cassée
et elle me sort : "Je ne pas supporte pas le mistral"".
Chez Carlino, dans un tour de table sur la zoophilie, Mon Epouse
s'insurge : "La zoophilie, c'est comme la pizza, je refuse".
Clignez des paupières en connivence moqueuse devant les yeux
pétillants d'ivresse de Julien Micro P au Funambule.
"La moitié du milieu te déteste" décide
Olivier Screenluv à la terrasse du Cap Opéra,
vendredi. Pourquoi donc les pédés me détestent-ils ?
"Ta façon d'aborder les mecs en leur mettant la main
au cul... Tu es trop direct" affirme l'idéaliste amoureux.
J'acquiesce ma maladresse. Je ne suis pas un dragueur né.
Je ne sais comment aborder l'autre hors du champ de la banalité.
Il fut un temps où la fréquentation assidue de commerces
de proximité (boulangerie, tabac du quartier) me valait les
familiarités typées "comment allez-vous ?"
ou "Il ne fait pas très beau aujourd'hui ?".
Je m'efforçais de répondre avec ce sentiment coupable
que mon double susurrait à l'épaule de la Question :
"Regarde, sa réponse est creuse. Il ne croit en rien
à ce qu'il te raconte". Oui, je n'arrivais pas à
la simplicité sans importance d'un échange sans importance.
Aujourd'hui, je suis capable du basique "Ca va. Et toi ?"
avec l'assurance de l'interrogé touché. Le rebond
du "Et toi ?" n'étant que politesse et maîtrise
du faux. Pour la drague, je ne peux pas. Je ne peux pas faire croire
à l'autre que son être m'intéresse alors que
mon attirance est avant tout sensuelle, charnelle, sexuelle. Baisons
et nous verrons. Ab de Tapiole. com brainstorme : "On
va lancer un sondage sur le site pour savoir si tous les gays te
détestent ?" Clignez des paupières.
Au Cinéma Opéra, Madame Joy se tape un rail de coke
avant un dîner "familial" pendant que des laborantins
en blouses roses théorisent sur les trous noirs tout en se
testant l'anus en arrière-cour. Tara, transsexuelle bedonnante,
voit la vie "amour, gloire et beauté" en version
mauve fleurie et L'Attaque de la Moussaka Géante consterne
d'hilarité la salle obscure. Mauvais trucages où un
morceau de moussaka, surdimensionné par quatre bimbos extra-terrestres
en platforms-shoes pailletées, se gondole dans les rues d'Athènes
et tue des figurants qui en font toujours trop. Complètement
gay-oriented et malgré les scènes de massacres à
la béchamel très diluée, totalement underground
et cinglé. Clignez des paupières. Kanardo motha &
fatha accompagnent Robert V. et Paolo jusqu'au sas du Medley
dans un roulis de considérations politiques. Robert V. augure :
"Lyon est en passe de redevenir une ville de sous-préfecture...
", puis, cynique : "Les électeurs de
gauche lyonnais n'existent plus : ils se sont tous suicidés."
La mode de l'été semble, dangereusement, consacrer
Gérard Collomb comme le maire le plus ringard que
Lyon n'est jamais eu. "Un ghetto Dance Machine de beaufs
au Confluent et une savane africaine au Parc de La Tête d'Or...
ce n'est pas très reluisant comme grand projet",
déchargent le quatuor. Dans la fournaise de la rue Childebert
et en rythmes cassés sur "L'amour à la plage"
de Niagara, Robert V. ferme les paupières : "Pour
être en permanence dans l'avant-garde, je change mes pas de
danse toutes les 20 secondes".
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MERCREDI 07 AOUT
2002 _ #188 |
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Le
Super-flux
"Tu
pars ?" sur toutes les lèvres. Partir. Partir pour
remplacer les "Tu fais quoi ce soir ?" de l'année.
Comme si le "partir" figeait tout "faire". Depuis
deux ans, chaque été, mon compte bancaire clignote
dans le rouge vif pour me rappeler à la réalité
matérielle et menacer ma légèreté avec
le mot "budget". L'argent a de l'importance lorsqu'il
n'y en a plus. Le reste du temps, c'est une monnaie de singe qui
tombe sur le comptoir, se chiffonne au fond des poches ou roule
sous les doigts. Non, je ne pars pas. Avec ce maigre regret :
ne pas goûter au bienfait de l'océan. L'Atlantique
est mon exfoliant, un retour à l'innocence dans le fracas
de vagues en pleine gueule et un soleil américain qui boit
la tasse derrière des plagistes de sable. Clignez des paupières.
Claire, dans le luxe de palaces à Cannes, Carla à
Lisbonne, Dj Arnie à Barcelone, Fred à Bali,
Mathieu au Mexique, Christophe Boum et Primabella
en Grèce et moi la tête dans les rouleaux régressifs
d'une plage de Saint-Jean-de-Luz, à faire le petit joueur
au casino de Biarritz pour finir grillé et grisé au
Caveau. Voilà l'envie que je n'assouvirai pas. mercredi,
au Bistrot de la Pêcherie, Violaine fait un voyage éclair
depuis Barcelone pour s'attirer les baisers d'une ancienne nightcrowd
locale. "J'ai viré Philip, trop chiant : Il ne
voulait pas sucer mes deux autres colocataires" entrecoupe
la jeune femme entre deux trinques. Après un dîner
trop arrosé chez Dj Arnie, je zappe le dj-set du Troublemaker
à La Marquise et cligne des paupières sous
le tranquillisant "Music For Babies" d'Howie B. À
l'United Café, jeudi,
Marie et Vincent bullent de coupes de champagne à s'étourdir
au milieu de jeunes Steevy maniérés et peu farouches.
Je prends la bouche d'un homme facile à la tête de
choux gainsbourienne et sexy et fais courir mes mains sur son torse.
Clignez des paupières. samedi,
Le Medley se dérègle sous la chaleur. Yann
s'agite sur tout ce que grésillent les boomers de rétro-tempos
et un Olivier, sage et magnifique étudiant, me colle son
genou et avance doucement : "Je n'ai jamais été
amoureux. Je m'accroche vite puis me lasse en moins de 5 jours...
Tu es là pour quoi ? Ah bon ? même pas des
bisous". Libido à zéro. Le gosse se lève
et me donne un baiser prude. Il s'enfuit troublé par son
audace. Clignez des paupières, les lèvres mouillées
par cet instant de pureté. dimanche,
Stéphane B. me textote un "tu fé koi ?
On va à Gerland ?". Une assiette au Café
203 pour se fourchetter de nos propres contradictions :
"Je n'ai pas encore trouvé le juste milieu entre vivre
seul, être ouvert sur les autres, m'amuser, bref, être
libre. Et se mettre en couple pour se replier sur quelques amis,
sortir de temps en temps en se faisant cloisonner par le regard
de celui qu'on est sensé aimé... Chacun d'entre nous
recherche l'affection permanente" vise, en plein mille, Stéphane.
Ces réflexions raisonnent dans ma caisse centrale, superposées
à mes convictions toutes ébranlables : si je
ne suis pas monté amoureux depuis trois ans, je ne cherche
probablement pas cette stabilité toute relative du couple
établi. Si baiser à tour de queue, provoquer l'Inconnu
sous les nightlights, jouer l'Arlequin mondain au milieu d'un bal
vénitien permanent ou tendre à tout vivre suffit à
me nourrir, je ne goûterai pas à ce paradis artificiel
du duo amoureux présumé intemporel. Tout ce que je
crois connaître me déstabilise un jour ou une autre
nuit. Tout ce que je ne connais pas s'ouvre à moi. Un lendemain,
je changerai d'avis. Clignez des paupières. "Je t'imaginais
moins beau. Plutôt gros et graisseux pour écrire des
méchancetés pareilles" s'amuse Florence au
comptoir de La Ruche. La dame me reproche un article soi-disant
assassin sur Tombé du Ciel et son patron Dominique.
Sans souvenance de la dite charge, je pirouette en coupable :
"Je fais heureusement des erreurs et essuie des échecs.
La vie ressemblerait à quoi sans ces deux-là ?"
Clignez des paupières. Des ombres penchent sur la terre battue
à chaque plein phare de voitures en chasse sur le bitume
extérieur. Contre un arbre, deux pantalons-aux-genoux se
font pomper par un affamé. Le plexi des bancs de touches
miroite des grains d'étoiles sur les ébats clandestins
dans les bosquets. Gerland, la nuit. Stéphane sort du terrain
d'entraînement : "Un mec me proposait d'aller
le plugger dans un fourré... À part ça, on
n'y voit rien là-dedans". Nous flagellons Quentin,
gendarme de son état, sur sa "follitude" cachée,
son machisme de "honteuse". L'observation du garçon
tend à me confirmer que les gays flics, CRS ou gendarmes
déjà mis à quatre pattes appartiennent à
un corps de métier sévèrement hétérordonné.
Je n'ai pas envie de baiser et ferme les paupières lorsque
les portières de la voiture me ceinturent du "Where
You At ?" de Derrick Carter dans un aller-retour
acid bumpé : "... All things must end / except
the need of faith / and the spirituals things..." roque le
vocoder-mate.
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MERCREDI 21 AOUT
2002 _ #189 |
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Crash
Peste
Un
sexagénaire sort son chien à 5 heures du matin
en robe fleurie et perruque blonde sur la rue Paul-Chenavard. Celui
que je peux encore aimer m'annonce qu'il visite une fois par mois
un homme esseulé moyennant un chèque de 100 euros.
Un jeune étudiant en médecine, attrapé sur
un réseau télématique, voue avenir à
sa vie rangée de futur chirurgien, richement marié,
et corps au secret d'enculades clandestines. Le sang pisse sur le
volant. David, ange blond et bel-ardeux, conquiert l'oeil de Christian-Johan
Bégaud pour une future expo à CJB. Je salue un politicien
gay qui mériterait de se faire "outer" au regard
de la politique moraliste et sécuritaire mise en place ici
et ailleurs dont il est activement complice. Le Hell de Lolita Pille
est de ces nouveaux romans de gare où le vagin traumatisé
et les narines ensanglantées par les rails de la blanche
dérangent autant qu'un Arlequin mièvreux. À
côté de la pédale d'accélération,
les pieds mercurisés par les fuites de la batterie. Jacques
Haffner annonce l'ouverture de son club pour le 5 septembre...
"dans une caravane". Clignez des paupières. À
La Jungle, bordel incorrect, un "butch" s'agenouille
dans une cabine et se laisse insulter, la bouche en va-et-vient
sur ma queue gaulée et incapable d'éjaculer pour avoir
été trop alcoolisée. "Tu n'inventes pas
ta chronique : tu détournes "juste un peu "la
réalité" (Marie-Êve). La mousse
ouverte du siège avant se teinte du rouge d'un bras déchiré.
Alors que l'opération Paris-Plage ouvre un bout des quais
de Seine au rêve citadin, l'opération Lyon-Trottoir
envoie l'avenir "radieux" des tapins hors du centre ville.
La gauche lyonnaise est toujours au sommet de l'inventif et du social.
Je prépare mon déménagement et revisite le
passé par tri d'archives presse et photos perso : les
Unes de Libération, jaunies des morts de Mitterrand
et Lady Di, l'élection de Chirac-pas-encore-Monsieur 82 %
en 1995, le 11 septembre... La mémoire ne garderait-elle
que les moments les plus tragiques de l'histoire ? Peut-être
pas. Sur les photos en pack, ma vie d'enfant toujours accompagnée
d'un chien différent (mes parents les récupéraient
à la SPA et ils claquaient tous de maladies), une série
de clichés "période ado" où je jouais
le minet avant de me travestir en rebel. Des bougies soufflées,
des buildings sans tête, le pont Saint-Charles à Prague,
les frissons lors de la traversée du Grand Canal de Venise,
Piccadaly Square en néons publicitaires, des dîners
entre amis, des beautés dans la nuit. Si on se sédentarise
trop, un appartement peut vite se transformer en petit musée
de ses propres uvres, heureuses ou pas. Je jette donc quelques sacs
poubelles d'objets trop longtemps conservés. Clignez des
paupières. À la sortie de La Ruche, Christian
s'interroge : "De Mike Brant ou Joe Dassin, qui avait
le plus de poils et de chaînes d'or sur le torse ?".
Ceux qui justifient la fermeture du Riad du dégoûtant
"ce n'est pas la licence IV qu'ils n'avaient pas transférée
au bar mais la licence Coke qu'ils n'ont pas su garder" ne
sont vraiment pas gentils. La tête baissée devant un
pare-brise en miettes de verre. De retour du Mexique, Mathieu clone
un aventurier de Koh-Lanta avec son visage grillé et une
barbe naissante. Jean-Albert en pleine punky attitude s'accorde
avec le faux baroudeur au comptoir de l'United Café
pendant que Laconque descend des vodka-pomme au bras de son
presque amour. Comment un vendeur de béton et de téléphones
peut-il également informer le citoyen ? Vendredi
16 août,
LCI (groupe TFN-Bouygues) lance un sujet annexe au Teknival du Col
de Larche en ces termes : "Regardons maintenant la réglementation
française en vigueur pour lutter contre les free parties".
Lutte contre le cancer, le sida, la toxicomanie... et l'amusement.
Le lendemain, la même chaîne désinfo : "Les
jeunes se sont installés du côté italien de
la frontière. L'Italie n'a PAS ENCORE pris de mesures restrictives
contre ces fêtes illégales". Notre pays est
évidemment un modèle législatif et pro-jeunes.
Clignez des paupières. "Tu as des nouvelles de Claire ?"
(Kevin). Temps pourri. Au premier rayon, Mon Épouse
nous guide vers un déjeuner hors norme et paisible quelque
part en bord de Saône, à deux pas de Bellecour. Rosé
au frais, parasol au vent, taboulé vert et plat "bon
comme à la maison" étirent le bien-être
jusqu'à l'oubli du temps. Le coeur ne bat plus. Les yeux
ne bougent plus. Une tôle cabossée sur un lit de débris
sera son cercueil transitoire. Un cher est mort. Fermez ses paupières.
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MERCREDI 28 AOUT
2002 _ #190 |
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La
conjuration
Sexe
et mort. Qu'est-ce qui motive notre corps si ce n'est se faire plaisir
et éviter la fin de ces mêmes plaisirs jamais complètement
assouvis. Étrange période où les deux fondamentaux
qui font courir et fuir se pourchassent dans ma chair. Mort. Mardi
matin, je tourne de l'oeil devant la place du village silencieuse
où se raidit une foule en attente du mort devant l'église,
peut-être même en attente de la souffrance des proches.
"Corps-billard" et mère en pleurs, shootée
au Tranxène 50 pour tenir l'insupportable. La mort du fils,
du même sang qui alimente la machine à vivre. Résonance
évidente sur un vécu encore présent. Guillaume
avait 22 ans. Mort violente. Obsèques violentes. Au deuxième
rang, je caresse la nuque de cette mère endeuillée
et seule au monde. Elle me serre la main. Elle vacille de douleur.
Le corps en boîte est à moins d'un mètre. Un
jeune homme beau et fantaisiste s'est crashé sur la voie
publique dans une de ces charrettes motorisées, symbole de
puissance, de statut social et de mort subite. Infinissable. Messe
au Dieu infinissable. Conneries célestes. Je pleure. Je pleure
Guillaume. Je pleure la douleur de sa mère. J'essaie d'échapper
à ce sinistre moment. Les yeux rouges, la gorge en torsion
lorsque vient le rituel de la bénédiction du corps
où défile toute l'église devant une caisse
en bois. Je me lève, baise ma main et pose mes empreintes
de lèvres sur la plaque cuivré "Guillaume P. -
1980 - 2002". Je fais le tour du corps sans me signer en glissant
mes doigts sur le bois verni. Assis, je ne peux soutenir le regard
de ces inconnus qui saluent ce corps devant mon regard défait.
Je fixe le cercueil et aperçois des torses passés.
Machinalement, je ne relève les yeux que sur les endeuillés
qui touchent le cercueil, se frottent ainsi à la mort, à
leur futur mort. Il y a dans ce cérémonial une chose
effrayante : la conjuration de sa propre fin. Dans la "crétinté",
on jette de l'eau bénite sur un mort mais on ne le touche
surtout pas, de peur d'être soi-même contaminé.
Et les moins fervents du Bon Dieu, souvent les plus jeunes et les
plus proches du défunt, y vont d'une petite tape ou d'une
dernière caresse sur le caisson funèbre. Au milieu
de la vigne bordelaise, l'épreuve s'achève dans un
petit cimetière sur un trou ouvert. "À bientôt"
et j'effrite une poignée de terre argileuse sur le corps
avant de cligner des paupières sur des yeux vitreux et des
cils brûlés par le sel des larmes. Sexe. vendredi,
en crocodile dans le bain à remous du Double Side,
des hommes au bronzage poncé par un sable estival tentent
de m'enfermer dans une cabine à baise en faisant couler leur
main le long de mes cuisses jusqu'à empoigner mon sexe. Pas
envie. Mais les caresses fluides me plaisent et je joue avec trois
mecs aux plaisirs tactiles javellisés. Clignez des paupières.
Bisexe. samedi,
Christophe Boum et Primabella me laissent à
La Ruche en compagnie de Mathieu. "Mon dernier coup
était un mec. Avant, c'était une fille après
un mec. A San-Fransisco, un mec en après-midi et ma logeuse
en soirée qui sentait une odeur sur ma peau qui ne m'appartenait
pas", se trouble le scientifique. La bisexualité
devrait être commune. Mais j'ai du mal à apprécier
l'état d'esprit de mes bi-connaissances : sexe libre
comme Stéphane B. ? Expérimentations corporelles ?
Homosexualité refoulée ? Hétérosexualité
refoulée ? Clignez des paupières. L'United
Café danse encore sur les mêmes tubes cheesy pour
pouffiasses portemanteaux mais le night-club est chaud et drôle.
Rachid m'attend au Medley : "Je savais que je te
trouverai ici. Je t'aime beaucoup. Je te jure" m'enlace l'homme
aux yeux noirs. "Arrête de jurer, s'il te plaît"
l'embrasse-je. Mathieu en-taille une jeune fille venue s'asseoir
sur lui : "Je crois que je suis plus un coussin pour elle
qu'un amant possible". Clignez des paupières sous le
"Funky Friday" de Blueboy en vaporisateur sonore. dimanche,
après un apéritif à La Ruche où
Reine Claude prend sous son aile Lynx, nous rejoignons
Mireille et Denis chez Carlino. Chacun avance ses projets pour la
rentrée. Je questionne Mireille et Christophe Boum,
bibles du clubbing 70's-80's, sur les lieux nocturnes mythiques
lyonnais en vue d'une série mensuelle, dans cette rubrique
(jugée semble-t-il trop impudique), sur ces bars et clubs
qui laissent des traces : West Side, Palais d'Hiver, Onze,
Hypnotik, Factory, Zoo, Ambassade, Divine Comédie ou Pez
Ner. Clignez des paupières. "TEL MOI"
fluorise le portable à la sortie de la pizzeria. Un ASSA
(Amant Sans Suite Amoureuse) arrive dans l'appartement pour un coup
d'une heure. Joli homme qui m'attaque la braguette directement.
"Je suis policier au Centre de Commandement. Tu peux tomber
sur moi lorsque tu composes le 17" se socialise le gourmand.
Je compose le "suce-moi" et joue un moment avec nos matraques.
Mes amants flics ont toujours été de bons suceurs.
Celui-ci ne déroge pas. Fermez les paupières.
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MERCREDI 04 SEPTEMBRE
2002 _ #191 |
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Global
incomes - Local startin season (Part 1)
Global
incomes. Dans
quelques semaines, les terrasses laisseront place au bitume de large
trottoir et les lumières de la ville ouvriront l'obscurité
de nuits à rencontres, musiques, boissons et spectacles chiants
ou troublants. Avant une tournée des ouvertures, fermetures,
nouvelles soirées et potins diffamants (ici-même la
semaine prochaine), "faites la Madame Irma de ce qui sera
dans le vent cette année. Si vous vous plantez, on ne vous
en voudra pas : la seule chose qui intéresse vos lecteurs
est de savoir s'ils sont cités dans votre rubrique",
se fait couper la liaison du portable Claire, dans un TGV entre
Cannes et Lyon. Alors tentons le futur. Une fois que le jean "vintage"
et le hypra-plouc jean, en toute vulgarité, délavés,
rejoindront les tongs "pieds de porc" en plastique fluo
au Secours Populaire, que pourra-t-on porter pour sortir ?
Quand la hype-bimbo aura oublié que, pour être chienne,
il ne suffit pas de se hausser de talons aiguilles, sac Christian
Dior de pute et lunettes panoramiques mauves, quel serait le
dernier chic pour se faire entretenir pour un gros porteur de carte
Am Ex (qui, lui, ne se pose pas la question de l'habit en nouant
toujours son Ralph Lauren autour du cou) ? Du look "années
1980" semble attaquer les lieux nocturnes en vogue. La période
néo-baba et Disco Fever est à mettre dans les cartons
pour la prochaine vague de recyclage qui moulera certainement nos
progénitures dans vingt ans. Deux tendances seront portables
cette saison : le punky (déjà un peu daté)
et le total look Dallas closer from Dynastie. Dans le détail :
de la mini-vague dans les cheveux pour atteindre le crépage
permanenté de la ménagère yankee en sortie
dans un centre commercial en Gotham City préfabriqué.
Les Converse hautes, sur collant, et du frou-frou vaporeux autour
du corps. Les corsages serrés par des lacets sur des poitrines
volumineuses (ou pas) et un sac à main "mémère"
sous le bras. Vous trouvez ça trop vulgaire ? L'autre
alternative consiste à se la jouer trash-junkies. Fini la
délicatesse. Les jeunes clubbeuses frisent l'attitude gothique
avec de longues robes froissées, des chemises jabots, des
épingles à nourrice sur les manches et un maquillage
outrageusement "dark" : "j'ai pris de l'héro
par le nez et je veux que l'autre remarque que je suis une rebelle"
serait le maître à habiller de ces jeunes femmes. Toujours
dans l'air du temps et définitivement indémodable :
porter des lunettes de soleil le matin et cela quelle que soit la
météo. Un must et un mépris de ceux qui se
couvrent de ridicule les yeux, la nuit tombée. Le fêtard
mâle devra être Jacno et puis c'est tout. Quoique les
gays puissent le pervertir en lui faisant opter pour une tenue B. Boy
avec portable autour du coup et porte-clés sangle en pendaison
le long du pantalon. Clignez des paupières. Do you wanna
dance ? L'electro pré-house n'a toujours pas envie de
Lyon alors qu'elle fait hurler nos voisins de grandes métropoles.
Ici, les rotules s'usent toujours sur de la hard-house, du lounge
kilométrique ou du r'n'b FM. "Terrifiant. Jennifer mélangeait
du rock, de l'acid, de la new-wave" s'extasiait un expatrié
à son retour d'Enjoy à Montpellier. Au Fish, on fera
encore le fier avec la disco filtrée d'un mauvais Bob Sinclar.
Si l'on suit les sources d'inspiration des producteurs de musiques
électroniques à danser, qui samplent le passé
à tour de platines, il est fort probable qu'après
le côté roots latino, soul et funky et la longue période
de french-touch en source directe sur le disco, la mode electro-punk
devrait rapidement muer. Disco, fin 1970. Punk et new-wave en amont
de l'avènement de la House Nation, début 1980. En
toute logique, une remontée d'acid-house devrait faire planer
les danseurs. À moins que les djs ne sautent directement
sur la période "Madchester" et que L'Hacienda rouvre
ses portes. Je m'égare et oublie que Lyon est une paresseuse.
La ville a découvert le djing, il y a 6 ans et que depuis,
les dancefloors sont rarement chauffés à blanc. "J'ai
envie d'un bon dj. De la musique très forte et des hommes
torse nu, transpirants" se met à fantasmer Christophe
Boum dans la voiture branchée sur de vieilles cassettes
audios carbonées en 1988. Fermez les paupières.
Wanted "Dancetaria
Mythology". Dans le cadre d'une série mensuelle
sur les lieux qui ont marqué la vie nocturne lyonnaise, attente
de vos bars et clubs regrettés, témoignages et photos
sur bapjac-a-free.fr. Sont déjà cités :
West Side, Palais d'hiver, Onze Club, La Petite Taverne, Hypnotik,
Zoo Club, VertuBleu Comptoir, L'Ambassade, Divine
Comédie, Pez-Ner.
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MERCREDI 11 SEPTEMBRE
2002 _ #192 |
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Global
incomes - Local startin season (Part 2)
Local
Startin Season.
"Si tu trouves de la nouveauté pour cette rentrée,
appelle-moi" désespère Manoo, dj résident
à L'Ambassade. "Le calme total. C'est une
catastrophe" renchérit Nicolas Stifter, ex
D.A. de La Marquise. "Nous, on a Miss France qui
déjeune régulièrement ici. Tu peux faire un
article sympathique sur Le Café du Pond ?"
déconne Fabrice du café de la place Lyautey. Is Lyon
sleeping ? Oui, comme toutes les autres villes. Paris compris.
Le début des années 1990, sous la double impulsion
de l'explosion des musiques électroniques et de la visibilité
gay naissante, a totalement reconfiguré le clubbing avec
mixer-bars, boîtes "gay friendly" et concepts "Art
fooding". Pour ce début des années 00, les dancefloors
semblent perdre de leurs éclats et les bars ronronner sur
des bases déjà ancestrales : djs exploiteurs
de vieux styles et bars proprement décorés. Ainsi,
les quelques nouveautés de cette rentrée peinent à
apporter un côté "vavavoum" à la fête.
Si l'on ajoute au tableau, la tendance sécuritaire et anti-jeunes
du moment telles les interdictions de free-parties et autres contrôles
de police dont les établissements sont de plus en plus victimes
à Lyon, la rentrée 2002-2003 frise la débandade.
Clignez des paupières. Quoi de neuf chez les limonadiers ?
Beaucoup de transactions et de quadruples zéros sur l'euro-chèquier.
Le First VIP a été l'un des champs de bataille de
l'été pour la reprise du bail de ce club installé
dans la gare des Brotteaux. À l'origine, Marc Chabert
et Associés, locataires du lieu, semblaient réticents
à continuer de verser plus de 25 000 euros mensuels
pour amuser la "haute bourgeoisie" lyonnaise. Au même
moment, Jacques Haffner et Associés, prétendants
à la succession dans ce même lieu, posaient un paquet
d'euros sur le comptoir pour en devenir directement propriétaires.
Après un pataquès de procédures (selon l'ex-fleuriste),
Marc Chabert et Associés ont gardé Le First,
sont en voie d'acheter les murs et repoussent l'arrivée du
club "chic et amusant" de Jacques à plus tard.
Autre transaction et passage de relais : Le Tactika (feu Duplex-Odéon),
quai Gillet, a fait baver plusieurs propriétaires d'établissements
pour "le coup de fusil qu'il y avait à faire" au
regard du prix "très raisonnable" auquel a été
vendu le lieu. La destinée du club semblerait coller à
la vogue actuelle du resto-disco à l'instar des àKGB
ou Le Cube. Ce même Cube (115, boulevard Stalingrad, Villeurbanne)
devrait corriger son concept "pipoul" en optant pour la
formule, lancée par les Guetta au Platinium-Paris, du night-cabaret
avec serveuses en tenues sexy pour gros machos à bouteilles.
Clignez des paupières. Toujours dans les réajustements,
Le Funambule, fliqué depuis toujours par la municipalité
alors qu'il est une de ses valeurs les plus conviviales et sûres,
va reculer l'horloge en faveur d'apéros forcément
adorables. Gérard Collomb va-t-il arriver à
nous faire coucher avant minuit dans l'attente des charters nocturnes
pour le tellement glamoureux GGDC (Gégé Dance Complex)
promis sur le quai Rambaud ? Clignez des paupières.
Il y a dégraissage dans les établissements gays :
à chaque changement de propriétaire, le rainbow flag
communautaire se fait descendre au profit d'une enseigne plus consensuelle
et estampée du simple "gay-friendly". Ainsi, le
restaurant L'un Sans L'Autre est remplacé par Le Yucatan,
cuisine mexicaine "open minded". Même mixité
revendiquée pour One Night (38, rue de l'Arbre-Sec). L'ex-club
lesbien devrait rouvrir dès ce week-end pour une clientèle
de borderliners. Après son plantage magistral en suite d'une
fermeture administrative et à une politique commerciale déplorable
(entrée payante et prix des consommations surévaluées),
le Dark's Klub serait toujours à vendre "comme
tous les établissements de Lyon" glisserait n'importe
quel responsable de lieux nocturnes. Dans la série "du
neuf avec du vieux" et après un relookage estival complet,
le Bus Café rouvre ce jeudi. Le Mi Mots Arts (11,
rue Lanterne), restaurant fétiche, attend toujours que Tartine
et Jean-Marc veuillent bien sortir de leur break qui ne cesse de
durer. Alors, c'est pour quand la liqueur de châtaignes à
1h du mat ? Clignez des paupières. L'Indice 203
(rue de la Bourse) était attendu pour ce mois de juin. L'ouverture
du quatrième lieu des frères Cédat sera effective
à la fin du mois sur la base d'un bar à vin, fromages,
charcutailles et petits plats à emporter. Le chantier avance
et dévoile boiserie "à la 203" et
comptoir rouge pour primo-alcooliques. À ce jour, deux autres
"vraies" ouvertures devraient agrandir la ville.
Peu d'informations à ce jour, si ce n'est que l'une inaugurera
un restaurant labelisé "bio" près
du Ninkasi Kao à Gerland et que l'autre ambitionnera
d'allier restaurant et salle de spectacle dans la banlieue Sud.
Rumeurs non vérifiées. Fermez les paupières.
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MERCREDI 18 SEPTEMBRE
2002 _ #193 |
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Cinq
jours après ma mort
Une
veuve noire déambule avec la légèreté
d'un feu follet vaporeux sur les tombes d'un cimetière. Elle
plonge, tête curieuse, dans le porche d'un tombeau, petite
niche à morts. Ainsi, mercredi,
s'ouvre en préface vidéo, Cancion de los ninos
muertos, de la Compagnie Dramo Dramaturgia del Movimiento,
en scène dans l'amphithéâtre de l'Opéra
de Lyon. Les danseurs ombrent leurs corps vivants de lumignons rouges
derrières la toile de fond et expulsent en avant des tableaux
baroques : imageries d'un jardin d'Eden bancal, éternité
encastrée dans la beauté d'un marbre virginal, féminité
maltraitée qui se contredit toujours entre le désir
de romantisme et le machisme brutal. Ce vagabondage post-mortem
bataille avec nos petites joies et grosses cruautés pour
s'ouvrir sur une fin de vie heureuse. Les bizarreries et contre-styles
des danseurs ne convainquent guère Gaelle Communal,
en garçonne excitante, gominée et enfin retrouvée.
Si, effectivement, les gestuels de la compagnie vénézuélienne
se cassent en abrupt, les mains lascives qui coulent sur la nuque
des danseurs surlignent cet abandon tendre et doux qui nous manque
parfois. Clignez des paupières. jeudi,
Mathieu m'offre une table chez Félicie, Le Dimanche Aussi,
nouvelle histoire gastronomique de Sylvie et Jean-Marc, après
leur fabuleuse expérience du Mi Mots Arts. À
quelques heures de mes 32 ans, j'expose au mathématicien
mon trouble "arithmétique" : "Mon
père est mort à l'âge de 32 ans et j'ai l'impression
que mon corps veut me lâcher comme certain qu'il ne passera
pas le cap du je serais plus vieux que mon père".
C'est, raisonnablement, stupide. Physiquement, ma charpente se contracte
et le malaise est bien là. Clignez des paupières.
"Nous sortons du Pulps et partons voir les pédés
à l'UC avant un verre à L'Ambassade. Le Pulps ?
Vas voir, tu me diras", se moque Jacques Haffner
au portable. Nous ouvrons Le Pulps, nouveau club au 38 rue de l'Arbre-Sec,
par une bière en bouteille à 5 euros avant de s'ennuyer
sur des banquettes "Léopardisées". L'euro-house
déboosté ne provoque aucune "bisexual émotions"
et nous flashgordons vers l'United Café. J'y demande
un baiser à Gaétan : "Soit tu me prends
pour un con. Soit tu es très con" me gifle le bel
homme. Jacques m'agrippe l'oreille avant d'y souffler une de ses
propositions sexuelles à censurer ici. Clignez des paupières.
vendredi,
Duchesse et Maître XXY croustillent une pizza en terrasse
du Modern Art Café. Après un premier apéritif,
il y a quelques semaines, où Maître XXY récitait
"Nuits Mobiles" sur le bout des doigts, pendant que sa
main tentait de mesurer mon membre à travers le pantalon,
cette nouvelle brassée en public donne, à nouveau,
dans le registre sodo-rasage : "J'ai toujours les couilles
rasées J'adore raser les anus Je veux t'accompagner à
la Jungle pour me faire sucer en moins de deux minutes",
veut me convaincre le provocateur. David Cantéra me
livre baiser d'anniversaire et T-shirt du bar en cadeau. Cricri
prend table au coude de sa nouvelle girlfriend. Thierry Pras nous
annonce la relance d'Infoconcert.com : "Christophe
Mahé nous a apporté l'aide financière et
la synergie avec son groupe qui nous faisaient défauts auparavant.
Je suis confiant". Puis, en vieux Muppet viewers, nous
remontons le temps où les musiques généraient
un mode de vie anticonformiste. Le rock, le punk et, à moindre
effet, la house nation ont tous révolutionné les mentalités
avant de crever ou se vider de sens pour ne devenir que des niches
à rebellion post-pubère où tout réside
dans le look et la défonce d'un concert ou d'un week-end.
Ensuite, tous rentrent bouffer des pixels sur TF1 et chier un costume-cravate
dans les rayons d'un Carroufe, sans même fredonner le "Lost
in a supermarket", des Clash. Clignez des paupières.
L'étage à baise n'est qu'ombres de mâles qui
se maquent, ferment les portes de cabines grises, se pipent dans
une salle obscure. Autour le silence. Au milieu, Fabrice et Pascal
me laissent brailler mes exigences : "Je cherche un suceur,
plutôt bien foutu et qui ait des yeux innocents. Enfin, l'innocence,
je n'y crois pas trop". Nous explosons La Jungle de
harcèlements verbaux et mains basses sur des hommes tristes.
Je ne sais pas ce que je fais dans ce bordel. Peut-être faire
violence aux corps au mien, à ceux des autres. Clignez des
paupières. "Je suis d'Avignon et vais vendanger en Bourgogne"
sirote, samedi,
Marc au comptoir de Tombé du Ciel devant Dominique
en pleine frappe de cocktails chics et le corps en vogue sur un
Daniel Balavoine. Le jeune étudiant se drunkize à
en vomir dans toutes les chiottes des clubs visités :
au Medley, Line accroche Marc d'un "Chéri,
touche-moi" alors qu'un militaire l'intrigue. Hétéro
incrédule : "T'es gendarme pédé ?".
À L'ambassade, il se plaque tel un raveur contre les enceintes
alors que Manoo égrène des perles house et Marie lève
sa coupe de champagne et baise ma joue de ses lèvres sucrées.
Fermez les paupières.
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MERCREDI 25 SEPTEMBRE
2002 _ #194 |
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Se
crocheter la nuque
"Je
serais à Lyon samedi après-midi. Une sieste ?"
s'éclaire le portable, mardi,
alors que Mathieu roule vers le Tobbogan. L'ASSA (Amant Sans Suite
Amoureuse) souhaite me "pomper 3h non-stop. J'aime votre queue".
Il fantasme plus qu'autre chose et samedi est encore loin. À
Décines, Balé De Rua agite une troupe d'anciens ouvriers
brésiliens en pleines figures hip-hopantes et haute-chorégraphie
à revisionner dans les clips R'n'B de MTV. Survitaminé,
surprenant mais une demi-heure aurait suffi pour s'exotiser l'esprit.
Je décroche sur une représentation qui emballe le
public mais ne nourrit pas mon envie d'émotions, de délicates
visions. Clignez des paupières. Le corps en sommeil perturbé
se blottit contre l'oreiller. Puis la tête s'assourdit par
glissade sous le poids plume. Marcela Escobar se relève,
crispée, et entame un solo avec ce lourd sac anthracite.
jeudi,
sur la scène de la Salle Gérard Philippe, la
chorégraphe et interprète se fait violence, les muscles
tendus sur un poids dont elle ne séparera jamais. Les premières
minutes du duo, original, entre une danseuse et un sac de sable
aiguise la curiosité. Ensuite, on regarde sa montre plus
que les contorsions de la jeune chilienne. "Le lieu du désir"
de la Compagnie Pe Mellado Danza, qui suivra cette figure sur la
symbolique du poids, dérange : deux couples en scène
pour, a priori, deux conceptions de la vie à deux. L'un,
passionné, violent et pratiquant du "j'ai besoin de
toi pour avancer" ou du "je ne sais pas trop ce que
je veux, ni qui je suis donc je m'accroche à toi".
L'autre, joueur et provoquant, qui manie l'égoïsme cynique
à faire sourire. Les corps se bousculent, se balancent contre
les murs, se cassent au sol et se trompent sur une musique low-tech.
À se demander si ces histoires d'amours contrariés
ne sont pas issues d'une névrose de jeunes gens sous dopes
hallucinogènes. Ingénieux et dynamique, la compagnie
nous sort de la salle songeurs mais satisfaits. Dans le hall d'entrée,
Peggy-Laure veille au doux Ange, le bras bandé après
son crash (finalement heureux), et nous annonce la mise en orbite
de O'stin, agence d'architecte. Frédéric Sicre m'invite
pour un souper à Koutoubia avant un digestif au Mushi-Mushi.
Kamel hausse de la voix : "le commissariat du premier
devient insupportable : nous subissons des contrôles
tous les soirs. C'est la même chose partout dans le quartier.
Il faut faire quelque chose". Peut-être demander
à Monsieur le Maire, qui se vante d'être à l'écoute
des jeunes et fait la promo de son GGDC (Gégé Dance
Complex) au Confluent, d'être un peu crédible :
dire aux jeunes "je pense à vous avec mon Plouc Land"
tout en corsant le travail des bars en centre ville, est-ce bien
sérieux ? Plus tôt, une taupe nous ragotait que
ce même Gérard Collomb "est en train de
se faire torpiller par une bonne partie de ses adjoints. C'est assez
folklo à la Mairie Centrale : la gauche "descend"
plus que l'opposition". Clignez des paupières. La merveille
qui nous fait sentir vivant et heureux de l'être, apparaît
vendredi,
au Théâtre de la Croix-Rousse : Quasar
conjugue quatre femmes et quatre hommes dans des tableaux à
sentir son corps traversé d'émerveillements et d'excitations.
De longs silences se déchirent de discussions et chansons
enregistrées (avec les souffles du direct) et entraînent
les danseurs dans des scènettes asymétriques où
prouesses physiques "bluffantes" et cabotinages dilatent
les pupilles du spectateur. Des couples se crochètent la
nuque pour se balancer à terre. D'autres se penchent dans
une ligne rouge de lumière pour s'y diaboliser ou languir.
Il y a dans la scénographie comme un effet "mime Judoka"
qui verrait le danseur se préparer, observer son adversaire
en longeant le tamis et finir par mesurer non pas sa force mais
sa capacité à épater par le Beau. Plus que
positivant, sublime. Je textote à Chatte Rouge et Robert
V. mon désir de rencontrer et "faire n'importe
quoi" avec l'un des danseurs, brun poilu qui magnétise
à tout va dès que sa mine virile aux yeux sourires
s'agiter sur la scène du théâtre. Sans réponse.
Plus loin, je me fais un "69" dans une cabine du Double
Side avec un David, professeur de français sensuel. Nous
dormons queue dans la main sous la couette après s'être
enlacés au petit matin sur l'esplanade de la place Antonin-Poncet,
le Rhône tranquille à nos pieds. Clignez des paupières.
Les clichés bancals de La Cebra, samedi
au Transbordeur seront devancés par un relevé
de Mathieu : "c'est une ambiance pré-United
Café". Frédéric Sicre résume
le spectacle : "un truc de travelos que tu vois dans
un club homo de province". Nous dansons rapidement un petit
tango au Bal Noir de l'Hotêl des Ventes des Brotteaux entre
danseurs joliment costumés, sérieux dans leurs pas
glissés et nous immergeant dans l'old fashion. Frédérique
Mille m'éblouit et je file fermer les paupières, plaqué
contre un mur de La Jungle, la tête d'un inconnu plaqué
sur mon entre-jambe sans entrain.
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MERCREDI 02 OCTOBRE
2002 _ #195 |
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Là
où les hommes n'ont plus de noms
La
Biennale de la Danse tire bientôt le rideau final et nous
aurons, encore, entendu toutes les critiques : mise en pois
forcée des rues de la ville, amateurisme de certaines compagnies,
bals chèrement élitistes, lieux culturels monopolisés
ou tableaux du défilé trop engagés. Ces grincements
intellectuels amuseraient si cette manifestation culturelle d'envergure
n'était pas la seule heureuse et réussie de Lyon intra-muros.
À voir les expositions proches de la nullité de la
précédente Biennale d'Art contemporain ou les niaiseries
de la Fête des Lumières, Terra Latina nous sauve du
naufrage en eaux de petite bourgade de province. À quelques
déceptions près. mardi,
j'imagine un semblant de Drawing by Numbers, en scène
au Théâtre de la Croix-Rousse : danseurs
accros au reflet de la lune, déboussolés par le soleil
et plus en marche qu'en cadence. La compagnie Paula Nestorow approche
la poésie sans jamais nous la faire toucher. Ce n'est pas
le jeu de lumières sous parapluie ou les ombres basculées
et chaleureuses, encore moins le seul pas de danse rabâché
du "je tape dans mes mains, remue du popotin et claque des
pieds" qui nous relèvera d'une heure trente à
patienter pour l'applaudi-poli. Super Pénélope
me remonte le moral : "Quasar est programmé à
la Maison de la Danse cette saison. Tu vas y être tous
les soirs pour baver devant ton danseur". Évidemment.
En course pour un digestif au Modern Art Café, Mon
Épouse refuse d'être "la future mère"
de mes enfants si je persiste à vouloir rouler en Volvo :
"Non, nous aurons un monospace du genre Picasso ou Espace".
À débattre. En maître du bar, David Cantéra
ouvre ses yeux noircis par une nuit à Ibiza sur un sourire
en coin fatigué mais cajoleur. Trois heures plus loin, je
cligne des paupières au comptoir du Voxx à réinventer
notre vie d'urbain avec Nassaboy et Kamel. mercredi,
Philippe Chareyron se moque de ma ferveur sur les gradins
du Stade de Gerland lors du match OL-Rosenborg. Profil bas et clignement
de paupières. jeudi,
des boules lumineuses rotulent au pied de la fontaine Bartholdi
et rougissent les chevaux en fougue, les sabots au galop dans un
bassin bleu électrique. La place des Terreaux suit les cours
de latino-dances alors que Claire offre son bras pour un dîner
chez Géraldine et Kévin. Ma princesse relate ses allers-retours
incessants entre Paris, Bruxelles et Cannes avant de nous narrer
un certain 19 juillet, jour d'un de ses nouveaux agissements
follement "borderline". Suite à cet éclat,
je lâche mon verre et me retrouve tout penaud. Personne ne
peut rivaliser avec Claire dans ce raffinement à conjuguer
snobisme, intelligence et actes désarmants voire jeux enfantins.
Une des raisons qui m'aimante à elle. Clignez des paupières.
vendredi,
OLB retient Mon Épouse en apéritif au Café
203. "Tu n'es pas très gentil avec notre bon Maire
depuis quelques temps" maline le motard coiffé d'une
casquette de syndicaliste et dont j'avais oublié le sex-appeal
"vavavoum". Au Théâtre des Celestins, Astrid
Hadad fait défiler sa garde-robe sur un ton féministe
et drôle lors d'un concert qui aurait pu être mémorable
sans les ennuis de voix qui agaçaient visiblement la Brésilienne
"frapadingue". Sur le parvis du théâtre,
Julien Micro P. se qualifie, en sus de son légendaire TBB
(Très Bien Boursé), de TBM (Très Bien Monté).
Clignez des paupières. Les bureaux de Michèle Neyret
Culture se transforment à l'occasion d'un nouvel âge
pour Robert V. en LE rendez-vous du week-end : Petit
Poucet commet l'erreur d'un "vos textes sur la mort
ont donné de la force à votre rubrique".
Marie Rigaud semble ailleurs. Sandrine B. questionne :
"Pourquoi les mecs bien sont-ils tous gays ce soir ?".
François Kanardo, en sortie du bouclage pour Le Petit Paumé,
attire tous les regards avec son look de pompiste ricain mal rasé
et casquette au front. Guy Darmet épuise son stock
de chemises rouges "biennales". Patrice Béghain
gratte son nouveau bouc sur ma barbe de cinq jours avant de me bâcher :
"Demain matin, nous entamons un séminaire avec Gérard
Collomb. Je ne manquerai pas de faire part au Maire des critiques
de Baptiste Jacquet". J'engage une drague maladroite et
sans issue sur Roland des Enfants Gâtés lorsque
Z2 lève les bras au ciel : "Je viens de croiser
Patrice qui m'a conseillé de vous rejoindre". Le sous-sol
danse un "Demoiselle de Rochefort" maniéré
et speedé avant de cligner des paupières. samedi,
l'anniversaire du Ninkasi et le Bal Blanc attendront : l'appel
du sexe me cloisonne dans l'obscurité de lieux où
les hommes n'ont plus de noms. Au Double Side, un jeune étudiant
multi-baises me bonifie : "tu es mon meilleur coup de
la journée". Dans l'uproom de La Jungle, j'éjacule
sur un fauteuil pendant que mon pompeur anonyme tente de "se
finir". Sa jouissance n'est plus mon problème. Fermez
les paupières sur un "Adagio for Strings" de Barber
actif et en souvenir du prochain mariage de Sylvie et Jean Marc,
samedi 5, à 10 heures, en mairie du 1er.
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MERCREDI 09 OCTOBRE
2002 _ #196 |
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Des coeurs sur le feu
jeudi,
la soirée Tapis Rouge de la rue Auguste-Comte ouvre les galeries
pour une déambulation entre uvres d'arts, petits fours et
coupes de champagne. "Prends l'adjoint mais, prends l'adjoint !"
me retourne sur le duo ragoteur de Lyonpoupoule.com (mèrage).
Le photographe numérise Monsieur et Madame Collomb pour une
mise en galerie sur le site de basse-cour. Si mon inimitié
pour le dot.com reste intacte, j'avoue avoir un faible pour la chronique
hebdomadaire de Justin Calixte. D'abord parce que la photo
signature du monsieur le représente un barreau de chaise
en bouche (ce qui peut être une preuve de snobisme) mais surtout,
parce qu'il voit des homos partout (ce qui me donne une sacrée
marge de manoeuvre pour mes coucheries futures). Justin Calixte
ne peut pourtant pas être taxé de prosélyte
gay à la lecture de ses potins : il fantasme les pédés
comme des membres actifs d'un vilain "lobby" et regrette
que la municipalité parraine la gay pride. "Patience
Justin. Le Petit Nicolas, après les putes et les jeunes,
réglera ce délicat problème du lobby homosexuel".
Clignez des paupières. Robert V. plaint les mannequins
en robes de mariées qui mendient leur bague au doigt sur
le tapis de rue : "Les pauvres filles. En arriver là,
toutes seules au milieu de tous ces badauds à attendre des
maris impossibles. En ce qui me concerne, je vais essayer de trouver
un mari antiquaire : je les ai trop longtemps négligés".
S'ensuit une chasse à l'homme riche et raffiné par
matages devant des vitrines, derrière des masques africains
chez Archaïa, en ronde autour d'un canapé Arrivetz.
Clignez des paupières. Le premier anniversaire des apéritifs
Savoir-Faire au Grand Café Des Négociants se
souffle écrémé du gratin médiatico-boutiquier
local : l'open bar amuse un moment le toujours jeune premier,
Jean-Paul Brunet, et Marie Rigaud, en tenue patchwork
trashy en vogue. Je ne sais toujours pas sur quel langage parler
avec Jean-Alain Fonlup de Lyon Poche. Hubert Lafférière
ne cède pas à ma tentative de mesurer son flux sentimental :
"Oui, je pense fortement à quelqu'un", ferme
l'adjoint. Les autres habitués de ce genre d'événement
pour posing prétentieux m'exaspèrent : Carole
Dufour (Porte-t-elle un corset Thermolactyl ?), Christian D'Aubarède
(Il paraît qu'il a une grosse queue. Bon, sa coupe de cheveux
est d'inspiration "banlieusard en sortie au César Palace"
mais il a l'air gentil pour un animateur de radio FM) ou l'ami des
comètes, Laurent wanna be Boyer' Natale (Heureusement que
TLM fait plus dans le TF1 cheap que dans Paris Première sinon).
J'appelle Jacques Haffner au sauvetage de la vacuité
ambiante. "Je suis chez moi. Tu vas à l'inauguration
de l'Octopussy, anciennement Dark's Klub ? Moi, non
plus Oui, on se retrouve plus tard", cligne des paupières
le jet setter. Super Pénélope, Carla et Julien
Micro P. m'éjectent de cette soirée sympathique
mais pas plus. Au nouveau Ninkasi Ferrandière, Vincent cède
les clés de son 4x4 avant de me rattraper devant l'engin
en crise de clignotement et l'alarme hurlante. "Tu n'es
pas en état de conduire et tu as appuyé deux fois
sur l'alarme" me stoppe Julien MP en fin technicien d'objets
roulants motorisés. Nous traversons la rue Mercière
par vol à l'emporté d'une chaise, d'une table de terrasse
que Super Pénélope me suppliera d'abandonner
en bout de chemin. Carla plaque son visage sur des feux tricolores
dont le plein rouge, transformé en coeur par des autocollants
pochoirs, l'illumine : "Regarde des coeurs sur le feu".
À l'United Café, ASSA 45 glisse ma main sur
sa queue mise à l'air contre le comptoir pendant que Carla
se voit offrir des bibelots et autres cadeaux inutiles. Clignez
des paupières pour un sommeil caressant et sexuel. vendredi,
un souper semi-américain dans le Carré d'Or (1) aboutit
à une série de clichés photo "crêpage
de perruques" sur Duchesse, Mathieu et Joël. ASSA
45 nous attend à l'U.C. pour une brève coudée
mousseuse. L'envie d'un vrai son et d'une musique "upliftin"
nous flashgordent à L'Ambassade. Mathieu se lâche
dans des chorégraphies surprenantes sous haute perfection
d'un mix sensible de Rico. Peggy-Laure, Caroline, Ange, David
Cantéra et Jérôme d'Art Canut redorent
le club en ce qu'il a de magique : une intimité exagérée,
un luxe souriant et une musique bienheureuse. Je ramasse ASSA 45
dans la rue et nous fermons les paupières. Demain, samedi,
je ne rejoindrai pas Christelle et François Kanardo à
leur première KABP à la Boule Noire - Paris et regretterai
de ne pas assister au mariage de Sylvie et Jean-Marc du Félicie,
le dimanche aussi. Félicitations.
(1) Carré d'or : alentours
de la rue René-Leynaud qui concentrent les habitations de
Mon Épouse, Duchesse, Carla, Super Pénélope,
Cruz Poutre, Julien Micro P., Joël et OLB.
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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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