INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 
MERCREDI 22 MAI 2002 _ #177
 

You only say you love me when you are drunk

"J'ai mis un t-shirt de la marque. C'est une soirée Gap, non ?" pousse Z2, un pied en arrière, jeudi, à la soirée Diesel dans la cour du Palais Saint-Pierre. Plus tôt, Claire refusait de m'accompagner à cette soirée promotionnelle et me matraquait : "vous n'allez pas faire une soirée de boutiquiers ?". Ma princesse, après une longue absence pour "conte de fée" avec un deuxième amant, m'embrasse affectueusement à la terrasse du pop-bar Le Dauphin (rue Confort, quartier République). Pourtant, les vidéos s'infiltrent dans les murs de la cour du musée. La fontaine centrale pleure des fleurs synthétiques sur les carrés de verdures et les invités se drunkizent à l'open bar. Beaucoup de Lyon-poupoules(.com) tristes au milieu desquels Hubert-Julien Laferrière, habitué de ces fades branchés, se charge de me trouver quelques corps à baiser : "Tu veux que je fasse le recrutement de mecs pour toi ? d'accord" s'éclipse l'adjoint. Super Pénélope et Julien Micro P. sortent du Loft ("C'est Lesly qu'ils ont sorti") et me retiennent d'une sortie de langage devant un Laurent Natale aussi plouc en nature que sur les écrans de TLM. Le dancefloor indoor n'attire que quelques non-fumeurs pendant que Patrice Béghain et Jean-Pierre Bouchard saluent Carla, toujours au firmament du vavavoum. Nous échangeons avec le chargé municipal des musiques nouvelles des propos "off" d'intimité lorsque Peggy, Ange et le monumentalement bel Antoine revivifient cette nuit faiblarde mais insolite. L'amusement entre "happy few" s'accélère avec Benoît de Free Lance en tentation de suçon à mon cou, Tornon en spectateur aux yeux brillants ou Géraldine et François MyTV couplés pour l'éternel. Clignez des paupières. Le week-end prolongé s'enlise, vendredi, dans l'inconséquence d'un Medley, toujours aussi merveilleux, où Guillaume joue avec "le magnétisme indéniable du regard de Catherine" devant un Alexis, castrateur d'amour, et Mathieu, fixé sur un pimpo poseur. Clignez des paupières. Retour au Medley, dimanche, pour rire avec Line en tenue de Lofteuse, perruque rousse crêpée et robe léopard. Lady Medley se cabre ("Je suis Leslaï, enfin sortie du Loft") avant de relever sa jupe sur un cul découvert. Gilles bonbonne en Jackson Five colorisé "bonbon rose" et Stéphane B. me frotte le torse tendrement sur un "Au pays de Candy" régressif. Le "You only say you love me when you are drunk" high-energisé des Pet Shop Boys me ferme les paupières.

In Sun City (Part I)
La saison estivale débute et les terrasses s'installent. Tour de trottoir des lieux en plein air qui en imposent, qui émergent ou qu'il vaudrait mieux éviter. Les valeurs sûres : Le Café 203 (rue du Garet) ne désemplit jamais et mélange alcoolo orphelins du Vertubleu et étudiants en toutes disciplines. Un sauvetage pour le lundi soir où tout les autres lieux sont presque vides. Le Cap Opéra retrouve sa terrasse en contre-bas de la place Louis Pradel où les débordements de verres coulent sur les escaliers d'accès. Un must. Le Mushi-Mushi métallise son trottoir en rouge. Malgré la vue directe sur les voitures en stationnement, la terrasse se noie rapidement dans un bain de rires et de cool attitude. Plus arty s'impose le Modern Art Café. Ce n'est pas la folie douce sur les transats mais les expos proposées en continu et la bande son diffusée prouve que le patron, David, est un jeune homme sensible. Les atypiques : La Buvette du Pont Wilson, La Passagère et la terrasse de La Friterie Marti (Grande rue de la Guillotière) marquent le sol de la Guillotière, quartier sous-estimé. Les émergents : Si Le Comptoir de la Bourse n'a pas totalement calé sa clientèle, qui clone parfois celle du pollué et puant Bus Café, le service en extérieur se fait avec amabilité et sourire. Au Broc Café (2, place de l'Hôpital), la terrasse s'aligne un pouce au dessus de ses voisines (L'Hostel, Le République et Mister Patate). Un bout de quartier en expansion qui ferait pousser des cris : "Messieurs Collomb et Buna, réaménagez cette place immonde, broyée par un parking et les voitures !". Le Cosmo aux Subsistances s'étale dans sa cour pour un isolement arty et paisible. En pointe. Les évitables : d'accord, c'est blindé tous les jeudis. Mais les apéros du Fish n'ont aucun autre intérêt que de pouvoir frimer avec des commerciaux de marques prestigieuses de voiture, des coiffeuses et vendeuses "parce qu'elles ne valent rien". Sinistrose sous le soleil. Dès la belle saison, Le Café de La Mairie (Place Sathonay) mue son bar de caractère et adorable en terrasse pour jeunes étudiants faux-pauvres, faux underground et vrais croix-roussiens chiants. Vivement l'automne. Le dépaysement offert par la terrasse du Palais Saint-Pierre ne saurait faire oublier le service exécrable mitonné par les lauréats de la concession du lieu (et en fin de bail). Sodexo, casses-toi !

La semaine prochaine : les bars et clubs.

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MERCREDI 29 MAI 2002 _ #178
 

In Sun City (Part II)

Après une sélection partiale des apéritifs en terrasse (lire précédente édition de Lyon Capitale), une projection sur les dancefloors de la ville pour une saison estivale excessive. Les discos qui assurent, se démarquent et déçoivent. Les valeurs sûres : si la police trouve le Funambule quelque peu bruyant et cherche des pousses de décibels dans les cheveux de son souriant patron (sic !), le disco-bar de la rue de l'Arbre-sec regroupe des deejays plus que sympathiques et une clientèle ouverte et groovy. Le plan Vital du vendredi avec Rico "in da mix". À L'Ambassade (rue Stella, quartier République), outre le brillant Dj Manoo, le petit tunnel s'agite régulièrement de soirées jazzy et high quality house. Deux bémols : il arrive de ne pas trop comprendre le mode de sélection à l'entrée et les verres ne sont pas donnés. Si la musique très "follivore" de Richelieu fait hurler certains clients ("Plus il passe des trucs cons, plus il se croit branché" titubent, chaque semaine, la paire Pascal et Laurent), les mains au panier de Line et le flux continu de borderliners qui s'atomisent crochus près des chiottes ou dans l'arrière salle donnent au Medley (rue Childebert, quartier République) ses galons de "méga-disco-du-n'importe-quoi-et-surtout-du-tout". Après un passage au vestiaire de Madame Colette, le sous-sol du bar-PMU n'attire pas par la recherche d'une finesse musicale mais par cette convivialité illimitée d'un autre clubbing, d'un autre temps. Proche du mythique malgré ce petit goût de naphtaline. Les Conquérants : ils ont déjà leurs fidèles. Ils bichonnent accueil et programmation afin de rallonger et régénérer le circuit des nuitards : Melting Pop Café (1, rue Saint- Benoît), Le Zèbre (36, quai Pierre-Scize) et La Belle Équipe (32, rue des Tables-Claudiennes) s'installent, à petits pas bien dansés, comme les nouveaux phares nocturnes. Dans les établissements gays, le DV1 (ancien Village-Club) peine à retrouver le succès de son prédécesseur. Les soirées Keum & Queer (en grossier "Mec viril et Tapette") pourraient redonner panache à cette disco bien roulée. Les Indécis : comment, un an après son ouverture, un lieu passe-t-il du statut "top-branché" et amusant à une disco obligée de ramer pour retrouver sa clientèle suite à une fermeture administrative de trois mois ? Le Dark's Klub a profité de son inactivité hivernale pour se métamorphoser en lieu toujours plus chic et joli avec, lors de la réouverture, une entrée payante et un positionnement "super-hyper-hype". Seulement, les gays lyonnais n'ont pas l'habitude de payer pour mater (et le Queen-Paris ne s'est pas fait en 9 mois). Ce cafouillage de communication n'a pas plu et la disco s'est vidée. Le retour à la gratuité et de nouveaux rendez-vous relèveront-ils le Dark's ? Autre trouble, sur les flots du Rhône, à La Marquise. La péniche a vu, ces dernières semaines, le départ de son directeur artistique, Nicolas Stifter, et de Kanardo Prod, chargée de la communication visuelle et media. Le binôme prenait la succession de Dj Spider et propulsait l'embarcation vers les sommets du clubbing national (rejoignant ainsi le carré select des clubs prestigieux formé par le Rex Club-Paris, L'Anfer-Dijon ou L'Aéronef-Lille). Aujourd'hui, programmation et identité flottent dans le vague d'une nouvelle équipe. Simple mise en place des arrivants ou politique de repli à prévoir ? L'attendu : le buzz court, peut-être plus vite que la réalité, sur l'ouverture prochaine de "zee fabulous disco of" Jacques Haffner. L'ex-fleuriste aurait trouvé son copilote financier, materait un lieu bien précis (tenu encore secret) et cible une clientèle gay et chic. La première nuit, annoncée comme "mémorable" par l'adorable, serait calée entre fin août et fin septembre. Bref, beaucoup de conditionnel et de bruits de couloir pour ce qui sera, peut-être, le Palace lyonnais des années 00. Fermez les paupières.

Nu.Mo. (Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Chantal Moulin et "La Mémoire du travail" est installée au Modern Art Café. Clap. La Compagnie Noir Clair "performera" l'Imag In (2) à L'Espace 44 (rue Burdeau, quartier Pentes) du 5 au 9 juin. Ré-actline : 04 78 39 79 71. Clap. Dans le cadre du Printemps de Pérouges, la compagnie Retouramont s'adonnera, le 7 juin, à la danse architecturale dans le hall de la gare TGV Lyon-Saint-Exupéry. Ré-actline : 04 74 34 74 35. Clap. Pendant la Gay-Pride lyonnaise du samedi 15 juin, Sonar 2002 retournera la tête des clubbers dans un déluge de djs du 13 au 15 juin à Barcelone. Net : www.sonar.es. Clap. Du 21 au 23 juin, Les Invites de Villeurbanne seront la sensation forte du début de l'été avec musiques, animations arty de rues et tutti quanti. Clap de faim.

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MERCREDI 05 JUIN 2002 _ #179
 

Cette peau qui s'accroche au corps

"Quelle place donne la Gauche à la culture aujourd'hui ?" interroge un anonyme au débat organisé, mardi, au Ninkasi Kao avec le post-baba Cohn-Bendit et le socialiste rigide Candelis. La réponse se perd entre deux arguments pro-cohabitationnistes. Et pourtant la question valait son pesant de voix à cette époque où notre présumée "exception culturelle" a déjà foutu le camp depuis le début des 90. Je me souviens du rêve Mitterrand-Lang de l'accès à la culture pour tous et des grands travaux (certes démesurés pour la période d'austérité économique de l'époque). Oui, un vrai rêve. Celui où chacun pouvait espérer accéder au savoir, à l'émerveillement, à l'échange avec les autres, à une forme d'intégration et mixité sociale. Que vaut la Culture d'aujourd'hui ? Un positionnement social indexé sur le fric. La culture est devenue branchée et se monnaye. Par abandon d'un service public culturel au profit d'une bonne tenue des comptes de la Nation et ses baisses d'impôts démagos, la culture se sous-traite auprès d'investisseurs privés. Pour se faire pardonner, les dirigeants de Gauche tendent, au pire, un "chèque culture" au moins bien lotis en fermant les yeux. Bah ! Malgré tout, n'oublions pas, dimanche, de voter. Pour ceux qui aiment Juppé, Sarkozy, Monsieur Supervoleur à 82% et le rondelet "d'en bas" Raffarin, réitérez la même connerie que le 21 avril. Clignez des paupières. "Je suis très assidu aux terrasses en ce moment" brille, d'un teint ensoleillé, Alain Turgeon à l'apéritif du Comptoir de La Bourse, mardi. Emma flirte avec la crise de nerf sous l'effet du sevrage tabagique et Z2 commente le transfert de Marc du Bar de La Tour Rose à troquet "tapis-rouge" de Fabien : "Dans moins de six moins, Marc est au nouveau bar de La Cour Des Loges. Ici, les gens s'en tapent d'avoir en face d'eux le meilleur barman de la ville". Clignez des paupières. Les draps se plissent. Nos corps s'aimantent. Ali me marque le cou de ses lèvres desséchées par l'absence d'amour. Cet ASSA 31 (Amant Sans Suite Amoureuse, 31ème) attire mes mains sur sa peau juste lisse, comme il faut. La sensation, l'excitation que procurent le touché d'un amant me relie à l'infini avec le bien-être, la tranquilité. Cependant, une peau rugueuse, aux pores ouverts, coupe aussi bien la trique que l'envie de chair. Une peau sans accroc, où la moindre goutte de sueur file hors-corps comme sur un scaphandre, rebute. Ali revêt cette peau, un peu velcro, beaucoup comestible. Clignez des paupières. "Le 5 juin, sur le Pont Wilson, nous jetons des cailloux dans le Rhône pour fêter la Plouf Économie" se pend à mon cou Philippe Moncorgé à La Ruche, jeudi. Le peintre ne cesse de me remercier pour l'avoir entrejamber (et amouracher) de la tellement vavavoum Marie-Charlotte. Clignez des paupières. vendredi, le Cap Opéra cuve son apéro indispensable tandis que le Dark's joue la surboum désertique malgrè son nouveau dj, plus qu'honorable et une backroom active. Au Funambule, Céline et Yvo se drunkisent en trender-tanks (l'une en pantalon froissé et le "popper's addicted" crispé à ses lunettes Police). "J'aime la queue. Je ne viens que pour ça" me gifle Lucianos, grand grec bandant au Medley. Pour Line, ce sont des pirouettes d'aimabilités devant Patrick Juvet en guest-VIP du kitchclub. Sautillements de paupières sur le "Lean On Me" des Masters At Work. samedi, je prends quelques lignes d'"Un Jeune Homme Chic" d'Alain Pacadis (prêt de la veille par Julien-Justin) avant de fermer les paupières, allongé dans la salle vidéo X où un jeune inconnu glisse sa main sous ma serviette et gemit en pratiquant un manu-frotti le long de ma queue.

Nu.Mo. (Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Du 7 juin au 29 juin, la Müller Factory déversera performances, chorégraphies et films en référence à l'écrivain Heiner Müller aux Subsistances. Ré-actline : 04 72 07 49 49. Les 7, 8 et 9 juin, Arlette allie fêtes et solidarité lors d'un Arlethon à Lax Bar (2 rue Coysevox, quartier Pentes). Au programme, shows et prévention contre le Sida avec sourires et gourmandises. Une tombola au profit d'ALS est organisée avec séjours et full-cadeaux au tirage. Clap. La Gay-Pride aura toujours bien lieu, le 15 juin avec soirée officielle au Transbordeur avec toute la médiocrité qu'apporteront ses djs et l'after amusera certainement plus au Medley avec Richelieu. Clap. Le 4 juillet, le gigantesque Caetano Veloso fera frisonné le théatre de Vienne lors de son festival de jazz. Ultra Vital si l'on rajoute, la même soirée, le laborantin Tom Zé et le frenchy Llorca en after. Ré-actline : 08 92 70 20 07. Clap de faim.

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MERCREDI 12 JUIN 2002 _ #180
 

Le venin parental

Mercredi autopromotion. Des produits politiques estampillés "d'origine apolitique véritable", s'emportent stérilisés du café-citoyen de Lyon Capitale au Grand Café des Négociants. Pendant que chaque "petit" candidat s'écoute parler, Claire redirige mon regard vissé sur deux jeunes étudiants vers un quadra frétillant. Plus le temps de draguer lorsque Mon Épouse et François MyTV s'attablent à nous faire boire plus loin. Au nouveau Café Mug (place Raspail, quartier Guillotière), Marie-Êve, Karine et Géraldine rebaptisent, après approbation unanime, François en Kévin tout en pratiquant une longue séance du Jeu de La raie : un "Est-ce que tu as la raie ?" est suivi par un stylo placé entre les seins des jeunes femmes afin de constater si l'objet se perd ou pointe glorieusement hors du corsage. Clignez stupidement des paupières. Jeudi, une crise d'angoisse me coince le torse dans un étau asphyxiant. Les titres du Low Life de New Order accompagnent, à la perfection, cette déprime ponctuelle. Pourquoi ? Le cul ? L'amour ? Les sens ? Le sujet circule dans mes veines, infiltre le coeur qui recrache tout en pleine tête : la mort. La date du décès de mon père approche et la pendule commémorative enfonce son aiguille qui dérègle. Je n'y pense pourtant jamais. Mon corps me le rappelle chaque année. Plus besoin de psy pour faire le deuil de l'absence, toute absence. Efforts à fournir pour répondre à la question : Comment dépasser l'âge terminal de mes parents ? J'aurais 32 ans dans quelques mois. Mon père avait cet âge dans le cercueil. C'est décidé, je vais repeindre ma chambre en rouge pute, enfin m'abonner à 20 Ans, et tout ira mieux. Clignez des paupières. "J'ai bien fait de venir apparemment. Si vous êtes là, c'est que ce vernissage était à faire" me passe une pommade ironique Pascaline au lancement, vendredi, de la Müller Factory des Subsistances. Super Pénélope et Chatte Rouge refrottent au savon mon ego abîmé : "Tu viens et tout le monde est là". Sans rire ? Je veux bien me croire important et branché étant vu et intégré que tout le manège entre journalistes, cultureux, communicants et politiques consiste à aveugler de sa brillantine son voisin de cocktail. Dans la mesure où l'on ne prend pas feu, amusons-nous à la prétention. Cricri, en sportwearin et nouvelle coupe de cheveux électrique, promet un happening au Café 203 contre la candidature de Christophe Cédat aux législatives. "Je vais brandir un panneau dans le bar" se survolte le journaliste. Clignez des paupières. "C'est pas mal ce que fait Pier Import en ce moment" s'élance Z2 sur la terrasse meublée marocain du Riad lors du lancement officiel de ce nouvel apéritif entre gens aussi "pipaul" que Laurent Natale, la DV-TLM coincée entre les seins d'une boutiquière. "Ils vont essayer de nous faire manger des kébabs" trinque Jacques Haffner avant de disserter mode : "Si le plissé revient à la mode, je vais pouvoir ressortir ma chemise Issey Myaké. Mais j'ai tellement forci que l'effet froissé..." Clignez des paupières. Dans la cour de l'école maternelle Saint-Pierre-de-Vaise, la compagnie Là Hors De s'éparpille dans la préparation de son Bocal, d'où sort un travail de création et d'improvisation entre artistes, auteurs et interprètes en balade dans le quartier. Z2 s'exalte, dans la pénombre, devant les cuvettes lilliputiennes des toilettes de l'école avant de rejoindre Alain Turgeon en répétition sur le square Feber. Un bref salut à Pierrette Augier et son époux. Un baiser à Timothy pour cligner des paupières. Au Cap Opéra, les barmen se dépoilent sur le comptoir pour fêter l'anniversaire du lieu alors que Elie et Olivier oublient leur séjour catalan dans les verres du Funambule. Z2 hésite toujours à nous rejoindre à Sonar ce week-end et L'United Café se la joue vaguement coquillages et crustacés. Clignez des paupières. Mathieu assiste à ma dernière croisade sexuelle du week-end au Medley et drague un nouvel androgyne. Je kidnappe un motard et ferme les paupières, le bas-ventre limacé de sperme et l'esprit toujours menacé par mon venin parental.

Nu.Mo. (Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. En marge du défilé, samedi, de la Gay Pride, une nuit du cinéma gay et lesbien débobinera 3 films et un court-métrage lesbien, le mardi 18 juin, à 20h, au CNP Odéon. Clap. Pour la fête de la musique, le duo groovy & soul 3 mai devrait surpasser toutes les autres manifestations de ce premier jour d'été à la Buvette du pont Wilson. Ultra Vital. Clap. Le 22 et 23 juin, Arty Party investira l'Entrepôt des Sucres (au Confluent) avec expos et deejays pointus en électronica. Clap de faim.

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MERCREDI 19 JUIN 2002 _ #181
 

Sonar BCN Makes The World Goes Round

Un couple déjeune, table de camping plantée sur le bitume d'un autopont. jeudi, en autoroute pour Sonar à Barcelone, Nicolas Stifter retrovise les carspotters : "Cela m'a toujours surpris de voir les gens regarder les voitures passer du haut d'un pont". Notent-ils les plaques minéralogiques ? Voyagent-ils par procuration ? Attendent-ils un crash en direct ? Étrange. Nous filons plein sud et partageons le volant avec David Cantéra, du Modern Art Café, Vincent et Marie. Clignez des paupières devant trois jours de fêtes à expérimenter dans la capitale catalane, capitale mondiale des musiques électroniques pour ce neuvième Sonar Festival. Au CCCB (Centre Culturel Contemporain) déjà plus de 7.000 danseurs dégustent les deejays du label Ninja Tune sur la pelouse verte synthétique ou naviguent entre mixes deep house sous un dôme futuriste et expérimentations tarées dans l'enceinte du site. Là, la performance de Christian Marclay se projette dans une obscurité religieuse sur deux écran vidéos, relais de son jeu avec disques et platines : maltraitance des acétates par scratchs bordéliques, chutes et rechutes brutales du diamant sur les sillons ou détournement en scie circulaire d'un disque roulé sur un autre. Une uvre d'art affamante. Clignez des paupières. Violaine, extra-festivalière de notre séjour espagnol, nous asseye à Sandwich & Friends afin d'attaquer, le ventre plein, le premier round nocturne à Montjuic 2. "Call the police ! There's a madman around, running down underground, to a dive bar, in a West End town... " se dandine Neil Tennand des Pet Shop Boys en nasillant West End Girl. Nicolas, Vincent et David se retournent à chaque passage de punkettes, sexy à en déchirer le corsage. Clignez des paupières dans un entre-deux salles mouché de piqûres lumineuses et rythmé par un battement cardiaque régulier. Dj Krush termine un aller sourd de breakbeat immobilisateur. Radioboy, aka Herbert, nous envoie un retour anti-mondialiste : en parfait cabotin, le dj-producteur sample un cornet de frites Mac Dégueu ©, détruit en direct un téléviseur, déchire un caleçon Gop © pour finir salué unanimement par un public conquis, le sac en papier du vêtementier enfoncé jusqu'au cou. À ciel ouvert, sur SonarPark, une électro 80 me fait tendre un verre à Alban, espagnol massif et bavard qui m'entraîne aussitôt dans les chiottes pour ouvrir son portefeuille, empoussiéré de blanc. Il sniffe la coulée de dope d'un regard heureux. Son visage en sueur retient une traînée de poudre au-dessus de la lèvre que je finis de pousser dans sa narine. Clignez des paupières. vendredi, une house américaine nous huile le corps sur la plage de l'Inertio, bar paisible et au sable tamisé par des vendeurs de bières et de chocolat frais. Le soleil retombé, dans le long tunnel de La Salsitas, les palmes des ventilateurs-plafonniers brassent une électro atmosphérique sur les pupilles dilatées de déesses (top-models internationaux) qui nonchalancent contre les feuillages blancs sculptés sur chaque pilier du bar. Marie m'indique le plus beau gosse du lieu, métis coiffé d'une casquette beige et body-looké "Harlem Chic". "All Is Ok for you ? Nice to meet you" me fixe, de ses yeux bleus marins, le jeune mafioso. Roger Sanchez ouvre Sonar By Night à des kid clubbers empotés dans un son trop lourd pour être dansable. Je perds l'équipe lyonnaise qui me retrouvera au levé du soleil, accompagnée de Snoopy, Barcelonais beau et dynamique. Clignez des paupières dans un bain chaud matinal à l'hôtel. "Tu peux m'enlever mon t-shirt ?" s'exerce (en français) un bodybuildé local après avoir étendu sa serviette à mes pieds. samedi, sur la plage de l'Inertio, nous comatons en paix et David se révélera d'une sieste, grillé par le soleil et la marque des lunettes autour des yeux. Une foule compacte lève les bras au ciel lorsque Jeff Mills commet son premier matraquage technoïde. Les Maradona (homme-visuel du festival cette année) se révèlent sur un dancefloor "stadium", envahi par de jeunes minets en t-shirts numérotés (du "DJ 00" au mythique "10") aux tignasses crêpées néo-punk et shootés tels le sportif argentin à ses heures perdues. Plus loin, Anti-Pop Consortium ennuie dans un live hip hop plat avant de faire toute la place au génie de Mr Scruff. Violaine, David, Snoopy, Pierre et Will transpirent sur California Soul de Marlena Shaw dégoupillé par un Good Life progressif d'Inner City. Un pur moment de délivrance corporelle. Clignez des paupières. "Penses à une Chupa Chups. Tu dis au mec : chupa me, por favor" m'apprend Max pour coller quelques "sex-toys". À 9h, Violaine et Will nous traînent à l'after sur un bout d'herbe près du parc d'exposition. "N'importe quoi. On dirait un after sur un rond-point" tente-je de raisonner le duo pour enfin fermer les paupières sur Sonar, toujours plus grand, toujours plus haut, toujours plus fort.

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MERCREDI 26 JUIN 2002 _ #182
 

La tyrannie de l'esprit

Mon Épouse, Géraldine, Duchesse, Marie-Êve, Dj Arnie et Kévin dégoulinent coupes de champagne sur verres de rosé dans le salon de Sandrine, mercredi. Après un "jeu de la raie" qui décide Marie-Êve à exiger un pseudo dans Nuits Mobiles ("Je n'ai jamais mis de stylo entre mes seins ! Enfin, cela suffit. Rends-moi anonyme : mon prénom est trop identifiable"), Duchesse commet le glaçon fondant de la soirée dans un nouveau jeu non avouable dans ces colonnes. Clignez des paupières. "Tu as vu comment tu parles ? Tu dis C'est quoi ça ? en regardant passer un mec" me corrige Christophe Boum, jeudi, les jambes en ciseaux sur la plage de Miribel pour un pique-nique au soleil tombant. Laconque slalome entre les fourmis rouges et joue la petite fille riche, netteté de sa nouvelle monture de lunettes typicaly "secrétaire vicieuse" : "À 10 de moyenne, mes parents me filent 1.500 euros. À 12, j'ai la Punto de ma mère". Clignez des paupières sur un verre rose sur les marches du Cap Opéra. vendredi, l'agence Principes Actifs (angle rue Royale) rebranche les ordis pour une fête de la musique où Jean-Louis découvre les liens arty de sleazenation.com et Anne-Lise (On Stage Production) ventile nos têtes de son humour à quadruple sens. Nous clignons des paupières en descendant en fond d'écran pour Marion la "pic" d'un black, la queue raidie par frottis sur un pilier en bois. Des pichets de bières se moussent sur le chrome du comptoir de la Buvette du Pont WilsonJacques Perrichon et Philippe Neumager des 3 mai massent d'un groove soulful des festivaliers loungy. Olivier baise, puis flaire, tel un vampire frustré, ma nuque échaudée. Le quai ne se réveille que tardivement. Lorsque nous secouons nos intestins sur un camion en stationnement sur le quai, Laurent doigte l'entrejambe d'un John post-pubère : "Il est chaud l'Anglais Il a une queue énorme". Mathieu secoue le dancefloor sur roues tel le gamin à la découverte des suspensions d'une 2CV. Sophie et Jean-Marie envoient des sourires au char tangueur lorsque Françoise Rey et Olivier Angel clignent des paupières. Au Medley, ma langue longe le cou en sueur d'une courtisane de Amyl Moguyl (Lyon Capitale). Nous détournons ce délice en trois langues tendues qui se rappent dans un élan amnésique de nos identifications sexuelles. À deux verres de notre jeu, Laconque gonfle le membre de Mathieu, surveiné par le remue-charnu de la belle. "Je ne peux pas finir" urine Rachid devant la cuvette des chiottes du club lorsque je me plaque contre son dos. Le jeune homme timide lève le soleil dans un touché-ensommeillé sexué sur matelas découvert. samedi, Chatte Rouge dresse l'appartement de Lyon Capitale aux Invites de Villeurbanne. Les ventilateurs sur pieds nous font souffler un bonjour à Pierre Budimir (Jazz à Vienne) et son épouse que nous rejoindrons le 4 juillet pour le concert de Caetano Veloso et un salut à "JE suis journaliste musical et cela doit se savoir", trop sérieusement prétentieux pour inciter à une quelconque attention. Clignez des paupières. Au Square de La Doua, Sebastien B. relève sa moue boudeuse devant mes enfantillages : je cours devant la Symphonie conique d'Airvag, galipe devant les détecteurs de mouvement au pied de chaque diamant blanc laiteux et laisse mes pupilles s'arrondir devant les lumières et sons-tourneurs qui irradient les structures gonflables. Clignez des paupières sur cette prairie de vers luisants, régressive et poétique. Au Confluent, dans le bunker de l'Entrepôt des Sucres, les beaux hardeux miment la sagesse devant une scène électro minimaliste granulé d'un flux vidéo, crade et surtramé. Arty Farty éjecte le long du quai, Patrick ("il a le plus beau cul que je n'ai jamais vu à Lyon" - Sebastien B.) et Z2 ("T'imagines un Mare Magnum ici ? Quel gâchis !"). Christian Johan Bégaud (CJB) m'embarque sur un flotteur amarré. Il sourit avant de cligner des paupières : "Patrice Béghain veut garder le site debout jusqu'à la prochaine Biennale d'Art contemporain". Après ? Certainement place à la destruction pour des investisseurs prêts à sortir du contenant à vendre aux prochaines élections. Marc Chabert est sur le quai, en partance pour un bizz nocturne à tuer les concurrents du centre ville. C'est ce qu'on appelle une politique municipale de gauche du Contenu et visionnaire. "Tu en es où politiquement ?" me dérange une arteuse, indoor. Après deux coulées de bières, ma trachée sort : "Je cherche à m'engager en rapport avec la mémoire. Les Français sont individuellement surprenants mais collectivement crétins. Ils se feront entuber par la droite comme ils se sont fait entuber par Juppé en 1995. 1995 et 2002, c'est la même chose. 1936 en Allemagne et le 21 avril en France, c'est effroyablement proche. Mémoire quand on te perd" La main sur le torse, je picore la bouche de Rachid au Medley. "Tu ressembles à Ruppert Evrett. Je t'assure", se colle Pascal à mon amour du week-end. "Arrête. Cela ne sert à rien" ferme les paupières Rachid. J'ôte ma capote et l'embrasse toujours : alcoolisé, le sexe bande à l'infini mais n'éjacule jamais.

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MERCREDI 03 JUILLET 2002 _ #183
 

Your World Is Flat

"C-patch", beat générateur minimaliste d'Auterche, ralentit mes pas vers Le Cap Opéra. mercredi, Super Pénélope et Jean-Paul Brunet se dénarinent de leurs verres fumés sur le grill de la terrasse du bar trendy de la saison. Tous deux rayonnent : "Avec cette chaleur, Julien Micro P. est sexuellement intenable. On n'arrête pas de faire l'amour" sourit Super Pénélope. "Demain, direction l'Amérique latine" pour l'éternel et vif ado de La Maison de La Danse. Nicolas Stifter m'arrache de la table pour un camping dans l'Atrium de l'Hôtel de Ville, un ballon de rouge en gourmette. La fanfare s'amuse d'un "Barbie Girl" relooké en musique pour guinguette et le lancement de la campagne municipale. "Tout l'monde dehors" déplie les chaises. Vachard et sourire levé, Patrice Béghain s'en prend à Noël Brunet : "Après ces législatives, vous allez devoir vous recycler". Le conseiller milloniste gonfle un "Je suis maintenant affilié UMP... On peut s'y inscrire via Internet". Oui, le gros pudding chiraquien n'est pas très regardant sur sa composition : un peu de millonistes en déconfiture ne gâchera en rien l'indigestion à venir. Clignez des paupières. Duchesse reçoit en appartement Marie-Eve, Mon Épouse, Sandrine, Géraldine, Kévin et Joël pour une deuxième semaine de champagne et un défi "off thee record" à relever. Clignez des paupières, le cachet effervescent du Only Love can break your heart de Saint-Etienne à surliquéfier le sang. À temps égal entre l'anniversaire de la mort du père et celle de la mère, ma boîte crânienne jongle, jeudi, avec les dates et les symboles. Sale période d'interrogations qu'une chute de grêlons essaie de nettoyer en chemin vers le Broc Café. Claire se gratifie d'un "vous fantasmiez de vous faire enlever et, étrangement, c'est à moi que cela arrive". Apéritif raté. Au Cube, le Club de la Presse fête ses 25 ans. Philippe Moncorgé ouvre grand la plaie : "J'ai été touché par ton article dans lequel tu évoquais la mort de tes parents. Ils te manquent ?". Non. Et re-non pour l'aspect thérapeutique à s'écorcher sous les yeux du lecteur sur sa vie privée. L'exposé brutal et intime n'a rien d'une analyse psy ou, pire, d'une (in) consistance intellectuelle. Être orphelin crée la douleur puis se mue en questions universelles : la présence, l'influence ou l'absence parentale effective, comment s'enraciner là où l'on veut ? Comment pousser sous une forme libre et personnelle ? Comment s'engager dans des histoires qui finiront un jour ou l'autre, quoique l'on invente pour les maintenir dans notre envie d'habitudes ? Paul Satis, gendre idéal et journaliste plus que parfait au visionnage des "grasses maquillées" et autres Laurent "Wanabee Boyer" Natale qui infectent l'antenne de sa TLM, tend sa main pour un salut lorsque j'avance mes lèvres pour une embrassade : Ça l'embarrasse un peu tout en me faisant rire. Géraldine, natural trender, synthétise les habitués du lieu : "C'est sinistre. Ils sont tous habillés "prêt-à-porter" acheté à Eurexpo". Marie Charlotte guillotine : "De toute façon, déjà à l'époque du 115, c'était beauf". La nuit se fissure de lignes électriques bleutées lorsque The World Is Flat d'Anti-Pop Consortium annonce le déluge. Clignez de paupières. "Tu es droitier ? Sûr ? Alors, pour jouer à Buffalo, tu dois maintenant boire tous tes verres de la main gauche. Si tu te plantes, tu descends ton verre cul sec" impose Vincent, à la terrasse du Moulin Joli, vendredi. Monsieur Foster Beer noie son anniversaire à coup de petits jaunes sous glaçons. Antoine et Kamel (Mushi-Mushi) saluent l'initiative de Nasser en plein focus sur les jeux de sociétés : "Je vais organiser un championnat du monde de Uno. Tu vois le jeu de carte en couleur ?". Trop de couleurs m'enferment dans une cabine du Double Side. Je prends la nuque d'un serial fucker et plaque sa bouche sur ma queue en lui ordonnant de s'appliquer. La pure consommation sexuelle libère l'infect et anéantit l'affect. samedi, Laconque et Kamel feignent "l'aimes-moi-non-plus" au frais de la terrasse du Mushi-Mushi. Nous traçons un parcours à danser. Mon corps quémande des pulsations électroniques, un réveil rythmique. Rico au Funambule et Manoo à L'Ambassade nous donnent du corps à détordre en musique : une house sensuelle et moulée dans des dj-sets cousus aux sillons d'or. "C'est très beautiful people ici" robotise Mathieu, le corps hors tempo sur le dancefloor du tunnel de la rue Stella. Julie & Julie, Maude et Jean-Albert bronzent sous les stroboscopes dans des poses lascives puis provocantes telles des modèles déglacés des pages "mode" de The Face. Jean-Albert se tord à la Jagger, chemise ouverte sur un torse pâle et cheveux courts mais couvrant la nuque. Julie frôle le total Samantha Fox lookin' et se plaque bras au ciel contre la moquette murale alors que Julie m'entraîne dans une dirty-dance. Retour au club, ce jeudi 4, pour le set vital de Kerri Chandler après un apéritif avec 3 mai au Comptoir de la Bourse. Fermez les paupières.

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MERCREDI 10 JUILLET 2002 _ #184
 

La bouche de Caetano

Kevin remue son couvre-chef, gland peluche de cochon rose, devant Géraldine, t-shirt aux trois mascottes de la soirée et sac à main arrosoir vavavoum. Sylvie Perret prolonge ces Histoires de Cochon, mercredi, et frise le poil de sa bête, en masque de beauté porcin. Dans l'entrepôt des Usines RVI, le Jardin des Possibles grille les côtes de viande avec la braise d'expos, pièces de théâtre, concerts et projections cinéma. Un lieu d'abattage créatif qui, sans le secours de Mon Épouse, Super Pénélope, Marie-Êve, Cruz Poutre, Julien Micro P. et Joël, aurait sombré dans l'ennui. Non que la programmation manquât d'intérêt ("Un soupçon fondé sur quelque chose de gras", court-métrage parfait et issu possible d'un concours hallucinogène de fumettes et autres féeries illicites du polardeux Alexandre Astier) mais on imagine rapidement, devant la platitude ambiante de sons et mouvements, l'effet qu'auraient produit quelques néons bleus électrifiés sur l'armature métallique des hangars ou une bande sonore piquée dans un abattoir. Clignez des paupières sur l'imprimé d'étrangeté de Joël : "J'ai une copine avec qui je ne souhaite pas partager mes connaissances... et c'est réciproque". Fraises tag sur plateau d'argent et cocktails de Marc, rouge colleté d'une écume rosée, colorisent l'inauguration du Comptoir de La Bourse, jeudi. Managé par Guillaume et Stéphane, nous ne goûterons que peu de temps cet apéritif "médiatico-cultureux-friqué". Un deux-bises à Christophe Montfort (Michèle Neyret Culture), Alain Turgeon, David Cantéra (Modern Art Café) et Jean-Pierre Bouchard avant que Mathieu ne me pousse dans la voiture. Clignez des paupières. On disait le Brésilien médiocre, très décevant en concert. Pourtant, dans l'amphithéâtre de Vienne, Caetano Veloso se fait une place au creux de l'oreille, là où le transfert sensuel s'active. Les rides en étoiles, au bord de ses yeux sourire, la bouche du tropicaliste pleure, assourdit le chant, s'emballe dans les aigus, illusionne un monde douceâtre et peuplé de lèvres agiles qui nous murmureraient des chants d'amour. Je regarde le maître comme mon beau-frère, WASP bien élevé, photographie le David de Michel-Ange à Florence : béat devant une référence se révélant à mes yeux. Clignez des paupières en court-circuit de la fermeture du Comptoir de la Bourse et le début du set de Kerri Chandler à L'Ambassade. vendredi, Christophe Boum et Primabella font table pleine de rosé et vaporisent la soirée de vieux vinyles eighties. Nick Kershaw tourne en maxi 45 sur la B&O avant de faire mime-Schiffer en un posing maniéré sur le pré-acid house Tanto Tempo de Bebel Gilberto, remixé par Peter Kruder. Clignez des paupières. "Plus ta main est grande, plus tu as une grosse queue" apprend Julien Micro P., samedi, à la nuit électro de Vienne. Je corrige le prétentieux : "Non, cela pénalise les petits qui ont de petites mains mais pas forcément une petite queue. La règle, c'est plus ton bout de pouce tend à se rapprocher de la phalange de ton index, plus ton sexe est gros". L'enceinte du théâtre roupille de saxos, flûtes traversières, trompettes noyées dans des couches hermétiques de guitares et batterie à ne plus rien percevoir d'électro et encore moins de psychédélique. Seul Bugge Wesseltoft nous convainc, au coucher du soleil, à remuer de la jambe sur un beat deep et des claviers jazzy légers. Erik Truffaz gonfle. Nils Petter Molvaer nous lâche et Dj Logic ne relève plus personne. Au Club de Minuit, Z2 veut rehausser la prestation de Logic et Nicolas Stifter celle de Truffaz. Je tourne les talons pour faire deux pas dansés sur la crypto-pop toujours eighties de Dj Strangefruit. "It was a nightfligh from Houston, almost perfect visibility. You could see the light, along the little Texas town, far below..." et fermez les paupières.

Nu. Mo. (Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Quel rapport entre le gentil Yann "Amélie" Tiersen et le sexy Christophe Miossec ? Le premier est effectivement très gentil alors que le second boit beaucoup avant concert et bataille avec le public à coups de petites insultes. La preuve, ce jeudi 11, aux Nuits de Fourvière. Vendredi 12, L'Ambassade se spiritualisera avec C-Drick et Rico lors d'un Flying Night forcément "house is the feeling". Clap. Samedi 13, la tournée des bals des pompiers sera vitale pour le dépaysement nocturne, le sexy des uniformes et les femmes célibataires mises sur leur 18 et qui mouilleront leur culotte à la seule vue d'un casque d'argent. Un gros faible pour la caserne de la Madeleine, quartier Guillotière. Clap. Le 9 et 10 août, Marsatac attirera sur la plage des deejays d'importance. Au milieu du line-up : Chateau Flight, Norman Jay et Adam F devraient déchirer les cordes des espadrilles en quelques minutes. C'est à Marseille et la ré-actline : 04 91 85 29 73 et www.marsatac.com. Clap de faim.

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MERCREDI 17 JUILLET 2002 _ #185
 

À nos désordres

Jeudi, Super Pénélope et Julien Micro P. sortent d'un restaurant présumé branché du Plateau : "C'est cher pour ce que tu manges. Tu devrais y aller pour recruter de nouveaux amants quoique... il y a beaucoup de gays mais c'est le genre de mecs qui rêvent d'être des blondes pouffiasses", tacle Julien. Au Modern Art Café, David Cantéra sautille sur son parquet en passe de devenir un radeau : "Une canalisation a flinguée et l'eau remonte". Soirée encore plus technique lorsque Julien se frotte à deux amateurs de scooters et mesure, vante, compare "les pistons de modèle (truc) et le pot d'échappement du modèle (machin)". Pénélope : "Il est toujours comme ça. Il en parle des heures de ses scooters. Ce week-end, nous allons en Avignon, moi pour les spectacles et lui, dans un bled du coin, pour une réunion de fans de scooters". Clignez des paupières. L'éternel "Last Night a dj saved my life" d'Indeep transforme les pompiers, tenanciers du bar, en gogos pour fétichistes de l'uniforme "remonte-cul". samedi, à la Caserne Pierre Corneille, le hangar à camion se libère pour un bal populaire à valser, à jouer au petit train, tunnel-chenille sur dance-country et ce genre de dérapages que l'on ne trouve plus que dans un camping de campagne. Certains diront que les fausses pucelles qui lèvent leur jupe devant le torse barré de rouge, les divorcées qui espèrent un renouveau héroïque et les gays qui matent le lance-flammes coincé dans un petit pantalon qui balance bien, tout ça est top ringard. D'autres fieraceront d'un "c'est tellement décalé, donc branché". Au milieu, j'observe et souris : le bal des pompiers est effectivement branché parce qu'il s'y passe quelque chose. Un mélange des genres et une connivence générale dans l'amusement. Clignez des paupières. Au Medley, les drapeaux tricolores flottillent sur Rachid : "Je t'attends depuis minuit. Tu es avec moi ? Si tu trouves un mec mieux que moi, tu vas aller avec lui ?" questionne le bel homme aux yeux en diamants noirs. Jacques Haffner me châtie bien : "Pour une fois que tu as un mec présentable... L'autre soir, j'ai trouvé mon dj : Kerri Chandler. Il était à L'Ambassade et c'était tellement merveilleux que je le voulais. Julien m'a expliqué qu'en fait, il était peut-être un peu trop cher". Oui, à plus de 1.500 euros le dj-set. Florent (La Table d'Hyppolite) bascule dans la surexcitation pendant que Fabrice insiste pour qu'un futur apéritif à son Café du Pond. Rachid me fait cligner des paupières et se blottit dans mon corps en coquille. dimanche, les mèches flambent à la terrasse de la nouvelle Buvette du Pont Wilson (Monsieur Claude vient de lâcher la belle affaire). Mireille (Feu VertuBleu et Broc Café) s'acharne sur la foule qui recouvre les quais du Rhône : "Regarde toutes ces mouches. Mais regarde ! J'ai horreur de ça". Christophe Boum et Primabella attirent les CRS à chacun de leur lancer de pétard. "C'est déjà, la quatrième fois que vous venez..", grince Primabella. "Je vous ai déjà dit qu'avec le vent, c'était dangereux. J'espère que je n'aurais pas à vous le redire", se cabre le Bleu Marine. Nous imaginons déjà un big brother où chacun de nous aurait un flic pour lui tout seul. Je le souhaite "beau, sexuellement soumis et qui me monte mes courses". Z2 couve Carla qui me choisira comme escort-boy pour la fête de Will à venir. Rachid me tient la main, les yeux grands ouverts sur le fleuve où le feu d'artifice s'accompagne d'une bande son prise en direct sur la fm et de petits chanteurs suçant un cierge clérical. C'est tenace à Lyon, cette idée de la République encore liée à la "crétinté" : la municipalité à lâcher Fourvière pour faire siffler du gosier des culottes courtes sur les quais. Je brûle la poudre d'un rouge et un Bleu s'invite de nouveau à table. Je me défends et le jeune gardien (de son ordre), à peine 25 ans, perds assurance et écoute : "Monsieur, vous commettez un outrage en me parlant". Allons bon. Il faut peut-être que je le supplie d'excuser mon audace à lui expliquer que "si les pétards sont dangereux, la Préfecture devrait en interdire la vente pendant la fête Nationale". Le CRS appelle renfort et je me trouve plaqué contre le rideau d'un kiosque pour une palpation. Je m'y soumets calmement pensant que les Jeunes de la Paix doivent avoir besoin d'entraînement concret à effectuer sur un citoyen lambda afin de mieux réagir sur un brigand bien désordonné. Je sors mes papiers, leur tiens tête en les vouvoyant comme je l'aime (avec un certain dédain peu visible) et le corps policier part vers d'autres occupations. "Tu as aimé te faire plaquer ?" ose un pd à rollers. Cela m'a plutôt inquiété. Non sur le risque couru de me retrouver au poste mais sur les futurs "outrages" qui placeront ceux qui ont la face moins blanche que la mienne dans le panier d'une armée de flics couverts par un gouvernement sécuritaire. Fermez des paupières dans le non ordre à venir.

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MERCREDI 24 JUILLET 2002 _ #186
 

Body lite versus heavy mind

Body lite
Semaine de dîners privés et intimes. Semaine à ralentir le rythme et observer les citadins se tranquilliser à mesure que les voitures filent sur une autoroute estivale. Je suis depuis longtemps convaincu que la ville s'énerve et suit le rythme bruyant et incessant des bolides. Là, tout se calme. J'ingurgite Lyon à petits regards et mon esprit tricote. Tiens, une idiote en jeans délavé. Oui, la mode "mainstream" de l'été, le jeans bigarré tout bleu et râpé au cul et sur les cuisses. On se demande qu'est-ce que les thinkers tanks du jeans prennent pour pondre une atrocité pareille. Il faut largement remonter à l'époque du "jeans neige" pour trouver plus importable. Ce qui, in extenso, me projette à mater l'habit des moines locaux : un vrai monastère de sous-préfecture. Une bimbo au Riad qui se la joue "chienne-SM" en Christian Dior d'il y a deux ans. Au même apéritif, une cour de pimpos soit "Gino gominé" (main en gourmette dorée sur les hanches et jambes plantées écartées pour laisser pendre une hypothétique virilité), soit la TV-Touch (costumes Smalto basiques sur t-shirt très basique) qui date de... de... je vais demander à ma grand-mère, fan de Jean-Luc Delarue à ses débuts. Un pédé à l'United Café en moule-rien-du-tout et total Steevy-Fashion. Un autre body-buildé au Double Side qui se laisse fesser dans la cabine tout en aspirant mon sexe et relâche des "J'aime ta queue.. J'aime ta queue". Le nu ne trompe pas. Au final, Lyon est à la traîne du vestimentaire : l'avant-garde se résume à une poignée d'originaux, le chic sent le vieux Elle naphtaliné et le casual n'est même pas sauvé par l'arrivée de H & M sur la place. En musiques, ce n'est pas mieux. Depuis l'avènement du djing, rien d'autres à danser que de la tek-house poussive (D-troy est une offense à tout désir de body-music), de la deep-house sans âme (supporter un dj-set de Léa Lisa relève d'un crash test avec l'autoradio branché sur Radio Fourvière), de la jungle de jeunes blancs péteux, de l'acid-jazz et soul bien tenus (merci aux Spider, Nasser et June) ou de la house aux kilomètres, invariante et épuisante. La ville est passée à côté du revival électro dont personne ne chante en sueur "Emerge" de Fischerspooner's ou le tubesque " Sunglasses At Night (Tiga & Zyntherius) " des City Rockers. Le néo-punk ne court pas les rues de la Presqu'île. Ici, pas de maquillage crypto-junkies qui cerne les yeux de ténèbres chimiques et crêpe le capillaire en couleurs et rasages PIL-eux. Paris dégénère en plein rail d'Italo-dance. Le futur remontera le passé de l'acid-house et de Madchester. Lyon roupille. Clignez des paupières

Mind heavy
Lyon roupille à 6 ans de décalage, à une mandature municipale de décalage. Francisque Collomb (19xx-19xx) lâchait une ville triste et grise à Michel Noir (19xx-19xx) qui, malgré les critiques et ses déboires juridico-familiaux, agrandissait Lyon pour Raymond (19xx-19xx). Le même Raymond grossissait les traits, au national, d'une ville ouverte et, à l'international, d'une ville touristique avant que Gérard Collomb ne se lance dans le "Regardez, je ne suis pas tant de gauche que ça" et ne lise, chaque soir, quelques pages de la biographie du "sauveur" de New York et puant Rudolph Giuliani. Il y a encore, dans cette ville que j'aime et vis, comme un effet d'après-mandat exécutif. Noir a réveillé la ville et Raymond en a profité. Raymond a endormi la ville et Gérard récupère et prolonge ce long sommeil : ultra sécuritaire à le rendre jumeau du Petit Nicolas et nouvellement anti-prostitution. Tout ce qui fait tâche doit être éliminé. Que compte faire notre maire et la droite gouvernementale contre les graines du mal et de la violence qui s'enracinent ? En souterrain, la Ville, l'État, pensent-elles à la violence conjugale et aux sévices sexuels sur les enfants ? À l'esclavage (en appartement ou dans des ateliers clandestins) des immigrés ? À la prostitution télématique, économique, d'étudiants ou de rmistes ? À la discrimination raciale, sexiste et sociale ? Au harcèlement moral et/ou sexuel au sein d'une entreprise ? Au rapport de force et de management vicieusement instauré dans les bureaux ? Aux dealers en cols blancs ? Non. Ce qui compte est ce qui ce voit à l'oeil nu. Ce qui compte est l'électorat qui se réduit, se réduit. Cricri me dit, dans l'entre deux tours post 21 avril : "Plus tu simplifies, plus tu es fasciste". Juste. Trop juste. Lyon digère son coup de Barre. jeudi, Rive Gauche, la nouvelle Buvette du Pont Wilson fait terrasse pleine. La Marquise s'initie au camping. Le Fish tire son garden apéro au plomb. La Passagère remet des bières. La terrasse du Café Mug se blottit sous le feuillage d'arbres décimentés. Place du Pont, Rachid se fait contrôler papier et sacs de supermarché. L'avenir est là. Fermez les paupières.

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INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

 

 

 Avant   Après 

 

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