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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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MERCREDI 22 MAI
2002 _ #177 |
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You
only say you love me when you are drunk
"J'ai
mis un t-shirt de la marque. C'est une soirée Gap, non ?"
pousse Z2, un pied en arrière, jeudi, à
la soirée Diesel dans la cour du Palais Saint-Pierre.
Plus tôt, Claire refusait de m'accompagner à cette
soirée promotionnelle et me matraquait : "vous
n'allez pas faire une soirée de boutiquiers ?".
Ma princesse, après une longue absence pour "conte de
fée" avec un deuxième amant, m'embrasse affectueusement
à la terrasse du pop-bar Le Dauphin (rue Confort, quartier
République). Pourtant, les vidéos s'infiltrent dans
les murs de la cour du musée. La fontaine centrale pleure
des fleurs synthétiques sur les carrés de verdures
et les invités se drunkizent à l'open bar. Beaucoup
de Lyon-poupoules(.com) tristes au milieu desquels Hubert-Julien
Laferrière, habitué de ces fades branchés,
se charge de me trouver quelques corps à baiser : "Tu
veux que je fasse le recrutement de mecs pour toi ? d'accord"
s'éclipse l'adjoint. Super Pénélope
et Julien Micro P. sortent du Loft ("C'est Lesly qu'ils
ont sorti") et me retiennent d'une sortie de langage devant
un Laurent Natale aussi plouc en nature que sur les écrans
de TLM. Le dancefloor indoor n'attire que quelques non-fumeurs
pendant que Patrice Béghain et Jean-Pierre Bouchard
saluent Carla, toujours au firmament du vavavoum. Nous échangeons
avec le chargé municipal des musiques nouvelles des propos
"off" d'intimité lorsque Peggy, Ange et le monumentalement
bel Antoine revivifient cette nuit faiblarde mais insolite. L'amusement
entre "happy few" s'accélère avec Benoît
de Free Lance en tentation de suçon à mon cou, Tornon
en spectateur aux yeux brillants ou Géraldine et François
MyTV couplés pour l'éternel. Clignez des paupières.
Le week-end prolongé s'enlise, vendredi,
dans l'inconséquence d'un Medley, toujours aussi merveilleux,
où Guillaume joue avec "le magnétisme indéniable
du regard de Catherine" devant un Alexis, castrateur d'amour,
et Mathieu, fixé sur un pimpo poseur. Clignez des paupières.
Retour au Medley, dimanche,
pour rire avec Line en tenue de Lofteuse, perruque rousse crêpée
et robe léopard. Lady Medley se cabre ("Je suis
Leslaï, enfin sortie du Loft") avant de relever sa jupe
sur un cul découvert. Gilles bonbonne en Jackson Five colorisé
"bonbon rose" et Stéphane B. me frotte le torse
tendrement sur un "Au pays de Candy" régressif.
Le "You only say you love me when you are drunk" high-energisé
des Pet Shop Boys me ferme les paupières.
In
Sun City (Part I)
La saison estivale débute et les terrasses s'installent.
Tour de trottoir des lieux en plein air qui en imposent, qui émergent
ou qu'il vaudrait mieux éviter. Les valeurs sûres :
Le Café 203 (rue du Garet) ne désemplit jamais
et mélange alcoolo orphelins du Vertubleu et étudiants
en toutes disciplines. Un sauvetage pour le lundi soir où
tout les autres lieux sont presque vides. Le Cap Opéra
retrouve sa terrasse en contre-bas de la place Louis Pradel où
les débordements de verres coulent sur les escaliers d'accès.
Un must. Le Mushi-Mushi métallise son trottoir en
rouge. Malgré la vue directe sur les voitures en stationnement,
la terrasse se noie rapidement dans un bain de rires et de cool
attitude. Plus arty s'impose le Modern Art Café. Ce
n'est pas la folie douce sur les transats mais les expos proposées
en continu et la bande son diffusée prouve que le patron,
David, est un jeune homme sensible. Les atypiques : La Buvette
du Pont Wilson, La Passagère et la terrasse de
La Friterie Marti (Grande rue de la Guillotière) marquent
le sol de la Guillotière, quartier sous-estimé. Les
émergents : Si Le Comptoir de la Bourse n'a pas totalement
calé sa clientèle, qui clone parfois celle du pollué
et puant Bus Café, le service en extérieur se fait
avec amabilité et sourire. Au Broc Café (2, place
de l'Hôpital), la terrasse s'aligne un pouce au dessus de
ses voisines (L'Hostel, Le République et Mister Patate).
Un bout de quartier en expansion qui ferait pousser des cris :
"Messieurs Collomb et Buna, réaménagez cette
place immonde, broyée par un parking et les voitures !".
Le Cosmo aux Subsistances s'étale dans sa cour pour
un isolement arty et paisible. En pointe. Les évitables :
d'accord, c'est blindé tous les jeudis. Mais les apéros
du Fish n'ont aucun autre intérêt que de pouvoir frimer
avec des commerciaux de marques prestigieuses de voiture, des coiffeuses
et vendeuses "parce qu'elles ne valent rien". Sinistrose
sous le soleil. Dès la belle saison, Le Café de La
Mairie (Place Sathonay) mue son bar de caractère et adorable
en terrasse pour jeunes étudiants faux-pauvres, faux underground
et vrais croix-roussiens chiants. Vivement l'automne. Le dépaysement
offert par la terrasse du Palais Saint-Pierre ne saurait faire oublier
le service exécrable mitonné par les lauréats
de la concession du lieu (et en fin de bail). Sodexo, casses-toi !
La
semaine prochaine : les bars et clubs.
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MERCREDI 29 MAI
2002 _ #178 |
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In
Sun City (Part II)
Après
une sélection partiale des apéritifs en terrasse (lire
précédente édition de Lyon Capitale), une projection
sur les dancefloors de la ville pour une saison estivale excessive.
Les discos qui assurent, se démarquent et déçoivent.
Les valeurs sûres : si la police trouve le Funambule
quelque peu bruyant et cherche des pousses de décibels dans
les cheveux de son souriant patron (sic !), le disco-bar de
la rue de l'Arbre-sec regroupe des deejays plus que sympathiques
et une clientèle ouverte et groovy. Le plan Vital du vendredi
avec Rico "in da mix". À L'Ambassade (rue
Stella, quartier République), outre le brillant Dj Manoo,
le petit tunnel s'agite régulièrement de soirées
jazzy et high quality house. Deux bémols : il arrive
de ne pas trop comprendre le mode de sélection à l'entrée
et les verres ne sont pas donnés. Si la musique très
"follivore" de Richelieu fait hurler certains clients
("Plus il passe des trucs cons, plus il se croit branché"
titubent, chaque semaine, la paire Pascal et Laurent), les mains
au panier de Line et le flux continu de borderliners qui s'atomisent
crochus près des chiottes ou dans l'arrière salle
donnent au Medley (rue Childebert, quartier République)
ses galons de "méga-disco-du-n'importe-quoi-et-surtout-du-tout".
Après un passage au vestiaire de Madame Colette, le sous-sol
du bar-PMU n'attire pas par la recherche d'une finesse musicale
mais par cette convivialité illimitée d'un autre clubbing,
d'un autre temps. Proche du mythique malgré ce petit goût
de naphtaline. Les Conquérants : ils ont déjà
leurs fidèles. Ils bichonnent accueil et programmation afin
de rallonger et régénérer le circuit des nuitards :
Melting Pop Café (1, rue Saint- Benoît), Le Zèbre
(36, quai Pierre-Scize) et La Belle Équipe (32, rue des Tables-Claudiennes)
s'installent, à petits pas bien dansés, comme les
nouveaux phares nocturnes. Dans les établissements gays,
le DV1 (ancien Village-Club) peine à retrouver
le succès de son prédécesseur. Les soirées
Keum & Queer (en grossier "Mec viril et Tapette")
pourraient redonner panache à cette disco bien roulée.
Les Indécis : comment, un an après son ouverture,
un lieu passe-t-il du statut "top-branché" et amusant
à une disco obligée de ramer pour retrouver sa clientèle
suite à une fermeture administrative de trois mois ?
Le Dark's Klub a profité de son inactivité
hivernale pour se métamorphoser en lieu toujours plus chic
et joli avec, lors de la réouverture, une entrée payante
et un positionnement "super-hyper-hype". Seulement, les
gays lyonnais n'ont pas l'habitude de payer pour mater (et le Queen-Paris
ne s'est pas fait en 9 mois). Ce cafouillage de communication n'a
pas plu et la disco s'est vidée. Le retour à la gratuité
et de nouveaux rendez-vous relèveront-ils le Dark's ?
Autre trouble, sur les flots du Rhône, à La Marquise.
La péniche a vu, ces dernières semaines, le départ
de son directeur artistique, Nicolas Stifter, et de Kanardo
Prod, chargée de la communication visuelle et media. Le binôme
prenait la succession de Dj Spider et propulsait l'embarcation vers
les sommets du clubbing national (rejoignant ainsi le carré
select des clubs prestigieux formé par le Rex Club-Paris,
L'Anfer-Dijon ou L'Aéronef-Lille). Aujourd'hui, programmation
et identité flottent dans le vague d'une nouvelle équipe.
Simple mise en place des arrivants ou politique de repli à
prévoir ? L'attendu : le buzz court, peut-être
plus vite que la réalité, sur l'ouverture prochaine
de "zee fabulous disco of" Jacques Haffner. L'ex-fleuriste
aurait trouvé son copilote financier, materait un lieu bien
précis (tenu encore secret) et cible une clientèle
gay et chic. La première nuit, annoncée comme "mémorable"
par l'adorable, serait calée entre fin août et fin
septembre. Bref, beaucoup de conditionnel et de bruits de couloir
pour ce qui sera, peut-être, le Palace lyonnais des années
00. Fermez les paupières.
Nu.Mo.
(Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici,
partout et ailleurs. Chantal Moulin et "La Mémoire du
travail" est installée au Modern Art Café.
Clap. La Compagnie Noir Clair "performera" l'Imag In (2)
à L'Espace 44 (rue Burdeau, quartier Pentes) du 5 au 9 juin.
Ré-actline : 04 78 39 79 71. Clap.
Dans le cadre du Printemps de Pérouges, la compagnie Retouramont
s'adonnera, le 7 juin, à la danse architecturale dans le
hall de la gare TGV Lyon-Saint-Exupéry. Ré-actline :
04 74 34 74 35. Clap. Pendant la Gay-Pride lyonnaise
du samedi 15 juin, Sonar 2002 retournera la tête des clubbers
dans un déluge de djs du 13 au 15 juin à Barcelone.
Net : www.sonar.es. Clap. Du 21 au 23 juin, Les Invites de
Villeurbanne seront la sensation forte du début de l'été
avec musiques, animations arty de rues et tutti quanti. Clap de
faim.
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MERCREDI 05 JUIN
2002 _ #179 |
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Cette
peau qui s'accroche au corps
"Quelle
place donne la Gauche à la culture aujourd'hui ?"
interroge un anonyme au débat organisé, mardi,
au Ninkasi Kao avec le post-baba Cohn-Bendit et le socialiste
rigide Candelis. La réponse se perd entre deux arguments
pro-cohabitationnistes. Et pourtant la question valait son pesant
de voix à cette époque où notre présumée
"exception culturelle" a déjà foutu le camp
depuis le début des 90. Je me souviens du rêve Mitterrand-Lang
de l'accès à la culture pour tous et des grands travaux
(certes démesurés pour la période d'austérité
économique de l'époque). Oui, un vrai rêve.
Celui où chacun pouvait espérer accéder au
savoir, à l'émerveillement, à l'échange
avec les autres, à une forme d'intégration et mixité
sociale. Que vaut la Culture d'aujourd'hui ? Un positionnement social
indexé sur le fric. La culture est devenue branchée
et se monnaye. Par abandon d'un service public culturel au profit
d'une bonne tenue des comptes de la Nation et ses baisses d'impôts
démagos, la culture se sous-traite auprès d'investisseurs
privés. Pour se faire pardonner, les dirigeants de Gauche
tendent, au pire, un "chèque culture" au
moins bien lotis en fermant les yeux. Bah ! Malgré tout,
n'oublions pas, dimanche,
de voter. Pour ceux qui aiment Juppé, Sarkozy, Monsieur Supervoleur
à 82% et le rondelet "d'en bas" Raffarin, réitérez
la même connerie que le 21 avril. Clignez des paupières.
"Je suis très assidu aux terrasses en ce moment"
brille, d'un teint ensoleillé, Alain Turgeon à
l'apéritif du Comptoir de La Bourse, mardi.
Emma flirte avec la crise de nerf sous l'effet du sevrage tabagique
et Z2 commente le transfert de Marc du Bar de La Tour Rose
à troquet "tapis-rouge" de Fabien : "Dans
moins de six moins, Marc est au nouveau bar de La Cour Des Loges.
Ici, les gens s'en tapent d'avoir en face d'eux le meilleur barman
de la ville". Clignez des paupières. Les draps se
plissent. Nos corps s'aimantent. Ali me marque le cou de ses lèvres
desséchées par l'absence d'amour. Cet ASSA 31 (Amant
Sans Suite Amoureuse, 31ème) attire mes mains sur sa peau
juste lisse, comme il faut. La sensation, l'excitation que procurent
le touché d'un amant me relie à l'infini avec le bien-être,
la tranquilité. Cependant, une peau rugueuse, aux pores ouverts,
coupe aussi bien la trique que l'envie de chair. Une peau sans accroc,
où la moindre goutte de sueur file hors-corps comme sur un
scaphandre, rebute. Ali revêt cette peau, un peu velcro, beaucoup
comestible. Clignez des paupières. "Le 5 juin, sur
le Pont Wilson, nous jetons des cailloux dans le Rhône pour
fêter la Plouf Économie" se pend à
mon cou Philippe Moncorgé à La Ruche,
jeudi.
Le peintre ne cesse de me remercier pour l'avoir entrejamber (et
amouracher) de la tellement vavavoum Marie-Charlotte. Clignez des
paupières. vendredi,
le Cap Opéra cuve son apéro indispensable tandis
que le Dark's joue la surboum désertique malgrè
son nouveau dj, plus qu'honorable et une backroom active. Au Funambule,
Céline et Yvo se drunkisent en trender-tanks (l'une en pantalon
froissé et le "popper's addicted" crispé
à ses lunettes Police). "J'aime la queue. Je ne viens
que pour ça" me gifle Lucianos, grand grec bandant
au Medley. Pour Line, ce sont des pirouettes d'aimabilités
devant Patrick Juvet en guest-VIP du kitchclub. Sautillements de
paupières sur le "Lean On Me" des Masters At
Work. samedi,
je prends quelques lignes d'"Un Jeune Homme Chic" d'Alain
Pacadis (prêt de la veille par Julien-Justin) avant
de fermer les paupières, allongé dans la salle vidéo
X où un jeune inconnu glisse sa main sous ma serviette et
gemit en pratiquant un manu-frotti le long de ma queue.
Nu.Mo.
(Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici,
partout et ailleurs. Du 7 juin au 29 juin, la Müller Factory
déversera performances, chorégraphies et films en
référence à l'écrivain Heiner Müller
aux Subsistances. Ré-actline : 04 72 07 49 49. Les
7, 8 et 9 juin, Arlette allie fêtes et solidarité lors
d'un Arlethon à Lax Bar (2 rue Coysevox, quartier
Pentes). Au programme, shows et prévention contre le Sida
avec sourires et gourmandises. Une tombola au profit d'ALS est organisée
avec séjours et full-cadeaux au tirage. Clap. La Gay-Pride
aura toujours bien lieu, le 15 juin avec soirée officielle
au Transbordeur avec toute la médiocrité qu'apporteront
ses djs et l'after amusera certainement plus au Medley avec
Richelieu. Clap. Le 4 juillet, le gigantesque Caetano Veloso fera
frisonné le théatre de Vienne lors de son festival
de jazz. Ultra Vital si l'on rajoute, la même soirée,
le laborantin Tom Zé et le frenchy Llorca en after. Ré-actline
: 08 92 70 20 07. Clap de faim.
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MERCREDI 12 JUIN
2002 _ #180 |
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Le
venin parental
Mercredi
autopromotion. Des produits politiques estampillés "d'origine
apolitique véritable", s'emportent stérilisés
du café-citoyen de Lyon Capitale au Grand Café des
Négociants. Pendant que chaque "petit" candidat
s'écoute parler, Claire redirige mon regard vissé
sur deux jeunes étudiants vers un quadra frétillant.
Plus le temps de draguer lorsque Mon Épouse et François
MyTV s'attablent à nous faire boire plus loin. Au nouveau
Café Mug (place Raspail, quartier Guillotière), Marie-Êve,
Karine et Géraldine rebaptisent, après approbation
unanime, François en Kévin tout en pratiquant une
longue séance du Jeu de La raie : un "Est-ce
que tu as la raie ?" est suivi par un stylo placé
entre les seins des jeunes femmes afin de constater si l'objet se
perd ou pointe glorieusement hors du corsage. Clignez stupidement
des paupières. Jeudi, une crise d'angoisse me coince
le torse dans un étau asphyxiant. Les titres du Low Life
de New Order accompagnent, à la perfection, cette
déprime ponctuelle. Pourquoi ? Le cul ? L'amour ?
Les sens ? Le sujet circule dans mes veines, infiltre le coeur
qui recrache tout en pleine tête : la mort. La date du
décès de mon père approche et la pendule commémorative
enfonce son aiguille qui dérègle. Je n'y pense pourtant
jamais. Mon corps me le rappelle chaque année. Plus besoin
de psy pour faire le deuil de l'absence, toute absence. Efforts
à fournir pour répondre à la question :
Comment dépasser l'âge terminal de mes parents ?
J'aurais 32 ans dans quelques mois. Mon père avait cet âge
dans le cercueil. C'est décidé, je vais repeindre
ma chambre en rouge pute, enfin m'abonner à 20 Ans, et tout
ira mieux. Clignez des paupières. "J'ai bien fait
de venir apparemment. Si vous êtes là, c'est que ce
vernissage était à faire" me passe une pommade
ironique Pascaline au lancement, vendredi,
de la Müller Factory des Subsistances. Super Pénélope
et Chatte Rouge refrottent au savon mon ego abîmé :
"Tu viens et tout le monde est là". Sans
rire ? Je veux bien me croire important et branché étant
vu et intégré que tout le manège entre journalistes,
cultureux, communicants et politiques consiste à aveugler
de sa brillantine son voisin de cocktail. Dans la mesure où
l'on ne prend pas feu, amusons-nous à la prétention.
Cricri, en sportwearin et nouvelle coupe de cheveux électrique,
promet un happening au Café 203 contre la candidature
de Christophe Cédat aux législatives. "Je
vais brandir un panneau dans le bar" se survolte le journaliste.
Clignez des paupières. "C'est pas mal ce que fait Pier
Import en ce moment" s'élance Z2 sur la terrasse meublée
marocain du Riad lors du lancement officiel de ce nouvel apéritif
entre gens aussi "pipaul" que Laurent Natale, la DV-TLM
coincée entre les seins d'une boutiquière. "Ils
vont essayer de nous faire manger des kébabs" trinque
Jacques Haffner avant de disserter mode : "Si
le plissé revient à la mode, je vais pouvoir ressortir
ma chemise Issey Myaké. Mais j'ai tellement forci que l'effet
froissé..." Clignez des paupières. Dans la
cour de l'école maternelle Saint-Pierre-de-Vaise, la compagnie
Là Hors De s'éparpille dans la préparation
de son Bocal, d'où sort un travail de création et
d'improvisation entre artistes, auteurs et interprètes en
balade dans le quartier. Z2 s'exalte, dans la pénombre, devant
les cuvettes lilliputiennes des toilettes de l'école avant
de rejoindre Alain Turgeon en répétition sur
le square Feber. Un bref salut à Pierrette Augier
et son époux. Un baiser à Timothy pour cligner des
paupières. Au Cap Opéra, les barmen se dépoilent
sur le comptoir pour fêter l'anniversaire du lieu alors que
Elie et Olivier oublient leur séjour catalan dans les verres
du Funambule. Z2 hésite toujours à nous rejoindre
à Sonar ce week-end et L'United Café se la
joue vaguement coquillages et crustacés. Clignez des paupières.
Mathieu assiste à ma dernière croisade sexuelle du
week-end au Medley et drague un nouvel androgyne. Je kidnappe
un motard et ferme les paupières, le bas-ventre limacé
de sperme et l'esprit toujours menacé par mon venin parental.
Nu.Mo.
(Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici,
partout et ailleurs. En marge du défilé, samedi,
de la Gay Pride, une nuit du cinéma gay et lesbien débobinera
3 films et un court-métrage lesbien, le mardi 18 juin, à
20h, au CNP Odéon. Clap. Pour la fête de la musique,
le duo groovy & soul 3 mai devrait surpasser toutes les autres
manifestations de ce premier jour d'été à la
Buvette du pont Wilson. Ultra Vital. Clap. Le 22 et 23 juin, Arty
Party investira l'Entrepôt des Sucres (au Confluent) avec
expos et deejays pointus en électronica. Clap de faim.
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MERCREDI 19 JUIN
2002 _ #181 |
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Sonar
BCN Makes The World Goes Round
Un
couple déjeune, table de camping plantée sur le bitume
d'un autopont. jeudi,
en autoroute pour Sonar à Barcelone, Nicolas Stifter
retrovise les carspotters : "Cela m'a toujours
surpris de voir les gens regarder les voitures passer du haut d'un
pont". Notent-ils les plaques minéralogiques ?
Voyagent-ils par procuration ? Attendent-ils un crash en direct ?
Étrange. Nous filons plein sud et partageons le volant avec
David Cantéra, du Modern Art Café, Vincent
et Marie. Clignez des paupières devant trois jours de fêtes
à expérimenter dans la capitale catalane, capitale
mondiale des musiques électroniques pour ce neuvième
Sonar Festival. Au CCCB (Centre Culturel Contemporain) déjà
plus de 7.000 danseurs dégustent les deejays du label Ninja
Tune sur la pelouse verte synthétique ou naviguent entre
mixes deep house sous un dôme futuriste et expérimentations
tarées dans l'enceinte du site. Là, la performance
de Christian Marclay se projette dans une obscurité
religieuse sur deux écran vidéos, relais de son jeu
avec disques et platines : maltraitance des acétates
par scratchs bordéliques, chutes et rechutes brutales du
diamant sur les sillons ou détournement en scie circulaire
d'un disque roulé sur un autre. Une uvre d'art affamante.
Clignez des paupières. Violaine, extra-festivalière
de notre séjour espagnol, nous asseye à Sandwich &
Friends afin d'attaquer, le ventre plein, le premier round nocturne
à Montjuic 2. "Call the police ! There's a madman
around, running down underground, to a dive bar, in a West End town...
" se dandine Neil Tennand des Pet Shop Boys en nasillant
West End Girl. Nicolas, Vincent et David se retournent à
chaque passage de punkettes, sexy à en déchirer le
corsage. Clignez des paupières dans un entre-deux salles
mouché de piqûres lumineuses et rythmé par un
battement cardiaque régulier. Dj Krush termine un aller sourd
de breakbeat immobilisateur. Radioboy, aka Herbert, nous
envoie un retour anti-mondialiste : en parfait cabotin, le
dj-producteur sample un cornet de frites Mac Dégueu ©,
détruit en direct un téléviseur, déchire
un caleçon Gop © pour finir salué unanimement
par un public conquis, le sac en papier du vêtementier enfoncé
jusqu'au cou. À ciel ouvert, sur SonarPark, une électro
80 me fait tendre un verre à Alban, espagnol massif et bavard
qui m'entraîne aussitôt dans les chiottes pour ouvrir
son portefeuille, empoussiéré de blanc. Il sniffe
la coulée de dope d'un regard heureux. Son visage en sueur
retient une traînée de poudre au-dessus de la lèvre
que je finis de pousser dans sa narine. Clignez des paupières.
vendredi,
une house américaine nous huile le corps sur la plage de
l'Inertio, bar paisible et au sable tamisé par des vendeurs
de bières et de chocolat frais. Le soleil retombé,
dans le long tunnel de La Salsitas, les palmes des ventilateurs-plafonniers
brassent une électro atmosphérique sur les pupilles
dilatées de déesses (top-models internationaux) qui
nonchalancent contre les feuillages blancs sculptés sur chaque
pilier du bar. Marie m'indique le plus beau gosse du lieu, métis
coiffé d'une casquette beige et body-looké "Harlem
Chic". "All Is Ok for you ? Nice to meet you"
me fixe, de ses yeux bleus marins, le jeune mafioso. Roger Sanchez
ouvre Sonar By Night à des kid clubbers empotés dans
un son trop lourd pour être dansable. Je perds l'équipe
lyonnaise qui me retrouvera au levé du soleil, accompagnée
de Snoopy, Barcelonais beau et dynamique. Clignez des paupières
dans un bain chaud matinal à l'hôtel. "Tu peux
m'enlever mon t-shirt ?" s'exerce (en français)
un bodybuildé local après avoir étendu sa serviette
à mes pieds. samedi,
sur la plage de l'Inertio, nous comatons en paix et David se révélera
d'une sieste, grillé par le soleil et la marque des lunettes
autour des yeux. Une foule compacte lève les bras au ciel
lorsque Jeff Mills commet son premier matraquage technoïde.
Les Maradona (homme-visuel du festival cette année) se révèlent
sur un dancefloor "stadium", envahi par de jeunes minets
en t-shirts numérotés (du "DJ 00" au mythique
"10") aux tignasses crêpées néo-punk
et shootés tels le sportif argentin à ses heures perdues.
Plus loin, Anti-Pop Consortium ennuie dans un live hip hop
plat avant de faire toute la place au génie de Mr Scruff.
Violaine, David, Snoopy, Pierre et Will transpirent sur California
Soul de Marlena Shaw dégoupillé par un
Good Life progressif d'Inner City. Un pur moment de
délivrance corporelle. Clignez des paupières. "Penses
à une Chupa Chups. Tu dis au mec : chupa me, por
favor" m'apprend Max pour coller quelques "sex-toys".
À 9h, Violaine et Will nous traînent à l'after
sur un bout d'herbe près du parc d'exposition. "N'importe
quoi. On dirait un after sur un rond-point" tente-je de
raisonner le duo pour enfin fermer les paupières sur Sonar,
toujours plus grand, toujours plus haut, toujours plus fort.
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MERCREDI 26 JUIN
2002 _ #182 |
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La
tyrannie de l'esprit
Mon
Épouse,
Géraldine, Duchesse, Marie-Êve, Dj Arnie
et Kévin dégoulinent coupes de champagne sur verres
de rosé dans le salon de Sandrine, mercredi.
Après un "jeu de la raie" qui décide Marie-Êve
à exiger un pseudo dans Nuits Mobiles ("Je n'ai
jamais mis de stylo entre mes seins ! Enfin, cela suffit. Rends-moi
anonyme : mon prénom est trop identifiable"), Duchesse
commet le glaçon fondant de la soirée dans un nouveau
jeu non avouable dans ces colonnes. Clignez des paupières.
"Tu as vu comment tu parles ? Tu dis C'est quoi ça ?
en regardant passer un mec" me corrige Christophe Boum,
jeudi,
les jambes en ciseaux sur la plage de Miribel pour un pique-nique
au soleil tombant. Laconque slalome entre les fourmis rouges
et joue la petite fille riche, netteté de sa nouvelle monture
de lunettes typicaly "secrétaire vicieuse" :
"À 10 de moyenne, mes parents me filent 1.500 euros.
À 12, j'ai la Punto de ma mère". Clignez
des paupières sur un verre rose sur les marches du Cap
Opéra. vendredi,
l'agence Principes Actifs (angle rue Royale) rebranche les
ordis pour une fête de la musique où Jean-Louis découvre
les liens arty de sleazenation.com et Anne-Lise (On
Stage Production) ventile nos têtes de son humour à
quadruple sens. Nous clignons des paupières en descendant
en fond d'écran pour Marion la "pic" d'un black,
la queue raidie par frottis sur un pilier en bois. Des pichets de
bières se moussent sur le chrome du comptoir de la Buvette
du Pont Wilson où Jacques Perrichon et Philippe
Neumager des 3 mai massent d'un groove soulful des festivaliers
loungy. Olivier baise, puis flaire, tel un vampire frustré,
ma nuque échaudée. Le quai ne se réveille que
tardivement. Lorsque nous secouons nos intestins sur un camion en
stationnement sur le quai, Laurent doigte l'entrejambe d'un John
post-pubère : "Il est chaud l'Anglais Il a une
queue énorme". Mathieu secoue le dancefloor sur roues
tel le gamin à la découverte des suspensions d'une
2CV. Sophie et Jean-Marie envoient des sourires au char tangueur
lorsque Françoise Rey et Olivier Angel clignent des
paupières. Au Medley, ma langue longe le cou en sueur
d'une courtisane de Amyl Moguyl (Lyon Capitale). Nous détournons
ce délice en trois langues tendues qui se rappent dans un
élan amnésique de nos identifications sexuelles. À
deux verres de notre jeu, Laconque gonfle le membre de Mathieu,
surveiné par le remue-charnu de la belle. "Je ne peux
pas finir" urine Rachid devant la cuvette des chiottes du club
lorsque je me plaque contre son dos. Le jeune homme timide lève
le soleil dans un touché-ensommeillé sexué
sur matelas découvert. samedi,
Chatte Rouge dresse l'appartement de Lyon Capitale aux Invites de
Villeurbanne. Les ventilateurs sur pieds nous font souffler un bonjour
à Pierre Budimir (Jazz à Vienne)
et son épouse que nous rejoindrons le 4 juillet pour
le concert de Caetano Veloso et un salut à "JE
suis journaliste musical et cela doit se savoir", trop
sérieusement prétentieux pour inciter à une
quelconque attention. Clignez des paupières. Au Square de
La Doua, Sebastien B. relève sa moue boudeuse devant
mes enfantillages : je cours devant la Symphonie conique d'Airvag,
galipe devant les détecteurs de mouvement au pied de chaque
diamant blanc laiteux et laisse mes pupilles s'arrondir devant les
lumières et sons-tourneurs qui irradient les structures gonflables.
Clignez des paupières sur cette prairie de vers luisants,
régressive et poétique. Au Confluent, dans le bunker
de l'Entrepôt des Sucres, les beaux hardeux miment la sagesse
devant une scène électro minimaliste granulé
d'un flux vidéo, crade et surtramé. Arty Farty éjecte
le long du quai, Patrick ("il a le plus beau cul que je
n'ai jamais vu à Lyon" - Sebastien B.) et Z2 ("T'imagines
un Mare Magnum ici ? Quel gâchis !"). Christian
Johan Bégaud (CJB) m'embarque sur un flotteur amarré.
Il sourit avant de cligner des paupières : "Patrice
Béghain veut garder le site debout jusqu'à la
prochaine Biennale d'Art contemporain". Après ?
Certainement place à la destruction pour des investisseurs
prêts à sortir du contenant à vendre aux prochaines
élections. Marc Chabert est sur le quai, en partance
pour un bizz nocturne à tuer les concurrents du centre ville.
C'est ce qu'on appelle une politique municipale de gauche du Contenu
et visionnaire. "Tu en es où politiquement ?"
me dérange une arteuse, indoor. Après deux coulées
de bières, ma trachée sort : "Je cherche
à m'engager en rapport avec la mémoire. Les Français
sont individuellement surprenants mais collectivement crétins.
Ils se feront entuber par la droite comme ils se sont fait entuber
par Juppé en 1995. 1995 et 2002, c'est la même chose.
1936 en Allemagne et le 21 avril en France, c'est effroyablement
proche. Mémoire quand on te perd" La main sur le torse,
je picore la bouche de Rachid au Medley. "Tu ressembles
à Ruppert Evrett. Je t'assure", se colle Pascal
à mon amour du week-end. "Arrête. Cela ne sert
à rien" ferme les paupières Rachid. J'ôte
ma capote et l'embrasse toujours : alcoolisé, le sexe
bande à l'infini mais n'éjacule jamais.
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MERCREDI 03 JUILLET
2002 _ #183 |
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Your
World Is Flat
"C-patch",
beat générateur minimaliste d'Auterche, ralentit mes
pas vers Le Cap Opéra. mercredi,
Super Pénélope et Jean-Paul Brunet se
dénarinent de leurs verres fumés sur le grill de la
terrasse du bar trendy de la saison. Tous deux rayonnent :
"Avec cette chaleur, Julien Micro P. est sexuellement
intenable. On n'arrête pas de faire l'amour" sourit Super
Pénélope. "Demain, direction l'Amérique
latine" pour l'éternel et vif ado de La Maison de La
Danse. Nicolas Stifter m'arrache de la table pour un camping
dans l'Atrium de l'Hôtel de Ville, un ballon de rouge en gourmette.
La fanfare s'amuse d'un "Barbie Girl" relooké en
musique pour guinguette et le lancement de la campagne municipale.
"Tout l'monde dehors" déplie les chaises. Vachard
et sourire levé, Patrice Béghain s'en prend
à Noël Brunet : "Après ces
législatives, vous allez devoir vous recycler".
Le conseiller milloniste gonfle un "Je suis maintenant affilié
UMP... On peut s'y inscrire via Internet". Oui, le gros
pudding chiraquien n'est pas très regardant sur sa composition :
un peu de millonistes en déconfiture ne gâchera en
rien l'indigestion à venir. Clignez des paupières.
Duchesse reçoit en appartement Marie-Eve, Mon Épouse,
Sandrine, Géraldine, Kévin et Joël pour une deuxième
semaine de champagne et un défi "off thee record"
à relever. Clignez des paupières, le cachet effervescent
du Only Love can break your heart de Saint-Etienne
à surliquéfier le sang. À temps égal
entre l'anniversaire de la mort du père et celle de la mère,
ma boîte crânienne jongle, jeudi,
avec les dates et les symboles. Sale période d'interrogations
qu'une chute de grêlons essaie de nettoyer en chemin vers
le Broc Café. Claire se gratifie d'un "vous fantasmiez
de vous faire enlever et, étrangement, c'est à moi
que cela arrive". Apéritif raté. Au Cube,
le Club de la Presse fête ses 25 ans. Philippe Moncorgé
ouvre grand la plaie : "J'ai été touché
par ton article dans lequel tu évoquais la mort de tes parents.
Ils te manquent ?". Non. Et re-non pour l'aspect thérapeutique
à s'écorcher sous les yeux du lecteur sur sa vie privée.
L'exposé brutal et intime n'a rien d'une analyse psy ou,
pire, d'une (in) consistance intellectuelle. Être orphelin
crée la douleur puis se mue en questions universelles :
la présence, l'influence ou l'absence parentale effective,
comment s'enraciner là où l'on veut ? Comment
pousser sous une forme libre et personnelle ? Comment s'engager
dans des histoires qui finiront un jour ou l'autre, quoique l'on
invente pour les maintenir dans notre envie d'habitudes ? Paul
Satis, gendre idéal et journaliste plus que parfait au
visionnage des "grasses maquillées" et autres Laurent
"Wanabee Boyer" Natale qui infectent l'antenne de sa TLM,
tend sa main pour un salut lorsque j'avance mes lèvres pour
une embrassade : Ça l'embarrasse un peu tout en me faisant
rire. Géraldine, natural trender, synthétise les habitués
du lieu : "C'est sinistre. Ils sont tous habillés
"prêt-à-porter" acheté à Eurexpo".
Marie Charlotte guillotine : "De toute façon,
déjà à l'époque du 115, c'était
beauf". La nuit se fissure de lignes électriques
bleutées lorsque The World Is Flat d'Anti-Pop Consortium
annonce le déluge. Clignez de paupières. "Tu
es droitier ? Sûr ? Alors, pour jouer à Buffalo,
tu dois maintenant boire tous tes verres de la main gauche. Si tu
te plantes, tu descends ton verre cul sec" impose Vincent,
à la terrasse du Moulin Joli, vendredi.
Monsieur Foster Beer noie son anniversaire à coup de petits
jaunes sous glaçons. Antoine et Kamel (Mushi-Mushi)
saluent l'initiative de Nasser en plein focus sur les jeux de sociétés :
"Je vais organiser un championnat du monde de Uno. Tu vois
le jeu de carte en couleur ?". Trop de couleurs m'enferment
dans une cabine du Double Side. Je prends la nuque d'un serial
fucker et plaque sa bouche sur ma queue en lui ordonnant de s'appliquer.
La pure consommation sexuelle libère l'infect et anéantit
l'affect. samedi,
Laconque et Kamel feignent "l'aimes-moi-non-plus"
au frais de la terrasse du Mushi-Mushi. Nous traçons
un parcours à danser. Mon corps quémande des pulsations
électroniques, un réveil rythmique. Rico au Funambule
et Manoo à L'Ambassade nous donnent du corps à
détordre en musique : une house sensuelle et moulée
dans des dj-sets cousus aux sillons d'or. "C'est très
beautiful people ici" robotise Mathieu, le corps hors tempo
sur le dancefloor du tunnel de la rue Stella. Julie & Julie,
Maude et Jean-Albert bronzent sous les stroboscopes dans
des poses lascives puis provocantes telles des modèles déglacés
des pages "mode" de The Face. Jean-Albert se tord
à la Jagger, chemise ouverte sur un torse pâle et cheveux
courts mais couvrant la nuque. Julie frôle le total Samantha
Fox lookin' et se plaque bras au ciel contre la moquette murale
alors que Julie m'entraîne dans une dirty-dance. Retour au
club, ce jeudi 4, pour le set vital de Kerri Chandler après
un apéritif avec 3 mai au Comptoir de la Bourse. Fermez
les paupières.
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MERCREDI 10 JUILLET
2002 _ #184 |
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La
bouche de Caetano
Kevin
remue son couvre-chef, gland peluche de cochon rose, devant Géraldine,
t-shirt aux trois mascottes de la soirée et sac à
main arrosoir vavavoum. Sylvie Perret prolonge ces Histoires
de Cochon, mercredi,
et frise le poil de sa bête, en masque de beauté porcin.
Dans l'entrepôt des Usines RVI, le Jardin des Possibles grille
les côtes de viande avec la braise d'expos, pièces
de théâtre, concerts et projections cinéma.
Un lieu d'abattage créatif qui, sans le secours de Mon
Épouse, Super Pénélope, Marie-Êve,
Cruz Poutre, Julien Micro P. et Joël, aurait sombré
dans l'ennui. Non que la programmation manquât d'intérêt
("Un soupçon fondé sur quelque chose de gras",
court-métrage parfait et issu possible d'un concours hallucinogène
de fumettes et autres féeries illicites du polardeux Alexandre
Astier) mais on imagine rapidement, devant la platitude ambiante
de sons et mouvements, l'effet qu'auraient produit quelques néons
bleus électrifiés sur l'armature métallique
des hangars ou une bande sonore piquée dans un abattoir.
Clignez des paupières sur l'imprimé d'étrangeté
de Joël : "J'ai une copine avec qui je ne souhaite
pas partager mes connaissances... et c'est réciproque".
Fraises tag sur plateau d'argent et cocktails de Marc, rouge colleté
d'une écume rosée, colorisent l'inauguration du Comptoir
de La Bourse, jeudi.
Managé par Guillaume et Stéphane, nous ne goûterons
que peu de temps cet apéritif "médiatico-cultureux-friqué".
Un deux-bises à Christophe Montfort (Michèle Neyret
Culture), Alain Turgeon, David Cantéra (Modern
Art Café) et Jean-Pierre Bouchard avant que Mathieu
ne me pousse dans la voiture. Clignez des paupières. On disait
le Brésilien médiocre, très décevant
en concert. Pourtant, dans l'amphithéâtre de Vienne,
Caetano Veloso se fait une place au creux de l'oreille, là
où le transfert sensuel s'active. Les rides en étoiles,
au bord de ses yeux sourire, la bouche du tropicaliste pleure, assourdit
le chant, s'emballe dans les aigus, illusionne un monde douceâtre
et peuplé de lèvres agiles qui nous murmureraient
des chants d'amour. Je regarde le maître comme mon beau-frère,
WASP bien élevé, photographie le David de Michel-Ange
à Florence : béat devant une référence
se révélant à mes yeux. Clignez des paupières
en court-circuit de la fermeture du Comptoir de la Bourse et le
début du set de Kerri Chandler à L'Ambassade.
vendredi,
Christophe Boum et Primabella font table pleine de
rosé et vaporisent la soirée de vieux vinyles eighties.
Nick Kershaw tourne en maxi 45 sur la B&O avant de faire mime-Schiffer
en un posing maniéré sur le pré-acid house
Tanto Tempo de Bebel Gilberto, remixé par Peter Kruder. Clignez
des paupières. "Plus ta main est grande, plus tu as
une grosse queue" apprend Julien Micro P., samedi,
à la nuit électro de Vienne. Je corrige le prétentieux :
"Non, cela pénalise les petits qui ont de petites
mains mais pas forcément une petite queue. La règle,
c'est plus ton bout de pouce tend à se rapprocher de la phalange
de ton index, plus ton sexe est gros". L'enceinte du théâtre
roupille de saxos, flûtes traversières, trompettes
noyées dans des couches hermétiques de guitares et
batterie à ne plus rien percevoir d'électro et encore
moins de psychédélique. Seul Bugge Wesseltoft nous
convainc, au coucher du soleil, à remuer de la jambe sur
un beat deep et des claviers jazzy légers. Erik Truffaz gonfle.
Nils Petter Molvaer nous lâche et Dj Logic ne relève
plus personne. Au Club de Minuit, Z2 veut rehausser la prestation
de Logic et Nicolas Stifter celle de Truffaz. Je tourne les
talons pour faire deux pas dansés sur la crypto-pop toujours
eighties de Dj Strangefruit. "It was a nightfligh from Houston,
almost perfect visibility. You could see the light, along the little
Texas town, far below..." et fermez les paupières.
Nu.
Mo. (Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici,
partout et ailleurs. Quel rapport entre le gentil Yann "Amélie"
Tiersen et le sexy Christophe Miossec ? Le premier est effectivement
très gentil alors que le second boit beaucoup avant concert
et bataille avec le public à coups de petites insultes. La
preuve, ce jeudi 11, aux Nuits de Fourvière. Vendredi 12,
L'Ambassade se spiritualisera avec C-Drick et Rico lors d'un
Flying Night forcément "house is the feeling".
Clap. Samedi 13, la tournée des bals des pompiers sera
vitale pour le dépaysement nocturne, le sexy des uniformes
et les femmes célibataires mises sur leur 18 et qui mouilleront
leur culotte à la seule vue d'un casque d'argent. Un gros
faible pour la caserne de la Madeleine, quartier Guillotière.
Clap. Le 9 et 10 août, Marsatac attirera sur la plage
des deejays d'importance. Au milieu du line-up : Chateau Flight,
Norman Jay et Adam F devraient déchirer les cordes des espadrilles
en quelques minutes. C'est à Marseille et la ré-actline :
04 91 85 29 73 et www.marsatac.com. Clap de
faim.
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MERCREDI 17 JUILLET
2002 _ #185 |
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À
nos désordres
Jeudi,
Super Pénélope et Julien Micro P. sortent
d'un restaurant présumé branché du Plateau :
"C'est cher pour ce que tu manges. Tu devrais y aller pour
recruter de nouveaux amants quoique... il y a beaucoup de gays mais
c'est le genre de mecs qui rêvent d'être des blondes
pouffiasses", tacle Julien. Au Modern Art Café,
David Cantéra sautille sur son parquet en passe de
devenir un radeau : "Une canalisation a flinguée
et l'eau remonte". Soirée encore plus technique
lorsque Julien se frotte à deux amateurs de scooters et mesure,
vante, compare "les pistons de modèle (truc) et le pot
d'échappement du modèle (machin)". Pénélope :
"Il est toujours comme ça. Il en parle des heures de
ses scooters. Ce week-end, nous allons en Avignon, moi pour les
spectacles et lui, dans un bled du coin, pour une réunion
de fans de scooters". Clignez des paupières. L'éternel
"Last Night a dj saved my life" d'Indeep transforme les
pompiers, tenanciers du bar, en gogos pour fétichistes de
l'uniforme "remonte-cul". samedi, à la Caserne
Pierre Corneille, le hangar à camion se libère
pour un bal populaire à valser, à jouer au petit train,
tunnel-chenille sur dance-country et ce genre de dérapages
que l'on ne trouve plus que dans un camping de campagne. Certains
diront que les fausses pucelles qui lèvent leur jupe devant
le torse barré de rouge, les divorcées qui espèrent
un renouveau héroïque et les gays qui matent le lance-flammes
coincé dans un petit pantalon qui balance bien, tout ça
est top ringard. D'autres fieraceront d'un "c'est tellement
décalé, donc branché". Au milieu,
j'observe et souris : le bal des pompiers est effectivement
branché parce qu'il s'y passe quelque chose. Un mélange
des genres et une connivence générale dans l'amusement.
Clignez des paupières. Au Medley, les drapeaux tricolores
flottillent sur Rachid : "Je t'attends depuis minuit.
Tu es avec moi ? Si tu trouves un mec mieux que moi, tu vas
aller avec lui ?" questionne le bel homme aux yeux
en diamants noirs. Jacques Haffner me châtie bien :
"Pour une fois que tu as un mec présentable... L'autre
soir, j'ai trouvé mon dj : Kerri Chandler. Il était
à L'Ambassade et c'était tellement merveilleux
que je le voulais. Julien m'a expliqué qu'en fait, il était
peut-être un peu trop cher". Oui, à plus de
1.500 euros le dj-set. Florent (La Table d'Hyppolite) bascule dans
la surexcitation pendant que Fabrice insiste pour qu'un futur apéritif
à son Café du Pond. Rachid me fait cligner des paupières
et se blottit dans mon corps en coquille. dimanche, les mèches
flambent à la terrasse de la nouvelle Buvette du Pont
Wilson (Monsieur Claude vient de lâcher la belle affaire).
Mireille (Feu VertuBleu et Broc Café) s'acharne sur
la foule qui recouvre les quais du Rhône : "Regarde
toutes ces mouches. Mais regarde ! J'ai horreur de ça".
Christophe Boum et Primabella attirent les CRS à
chacun de leur lancer de pétard. "C'est déjà,
la quatrième fois que vous venez..", grince Primabella.
"Je vous ai déjà dit qu'avec le vent, c'était
dangereux. J'espère que je n'aurais pas à vous le
redire", se cabre le Bleu Marine. Nous imaginons déjà
un big brother où chacun de nous aurait un flic pour lui
tout seul. Je le souhaite "beau, sexuellement soumis et
qui me monte mes courses". Z2 couve Carla qui me choisira
comme escort-boy pour la fête de Will à venir. Rachid
me tient la main, les yeux grands ouverts sur le fleuve où
le feu d'artifice s'accompagne d'une bande son prise en direct sur
la fm et de petits chanteurs suçant un cierge clérical.
C'est tenace à Lyon, cette idée de la République
encore liée à la "crétinté" :
la municipalité à lâcher Fourvière pour
faire siffler du gosier des culottes courtes sur les quais. Je brûle
la poudre d'un rouge et un Bleu s'invite de nouveau à table.
Je me défends et le jeune gardien (de son ordre), à
peine 25 ans, perds assurance et écoute : "Monsieur,
vous commettez un outrage en me parlant". Allons bon. Il
faut peut-être que je le supplie d'excuser mon audace à
lui expliquer que "si les pétards sont dangereux,
la Préfecture devrait en interdire la vente pendant la fête
Nationale". Le CRS appelle renfort et je me trouve plaqué
contre le rideau d'un kiosque pour une palpation. Je m'y soumets
calmement pensant que les Jeunes de la Paix doivent avoir besoin
d'entraînement concret à effectuer sur un citoyen lambda
afin de mieux réagir sur un brigand bien désordonné.
Je sors mes papiers, leur tiens tête en les vouvoyant comme
je l'aime (avec un certain dédain peu visible) et le corps
policier part vers d'autres occupations. "Tu as aimé
te faire plaquer ?" ose un pd à rollers. Cela
m'a plutôt inquiété. Non sur le risque couru
de me retrouver au poste mais sur les futurs "outrages"
qui placeront ceux qui ont la face moins blanche que la mienne dans
le panier d'une armée de flics couverts par un gouvernement
sécuritaire. Fermez des paupières dans le non ordre
à venir.
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MERCREDI 24 JUILLET
2002 _ #186 |
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Body lite versus heavy mind
Body lite
Semaine de dîners privés et intimes. Semaine à
ralentir le rythme et observer les citadins se tranquilliser à
mesure que les voitures filent sur une autoroute estivale. Je suis
depuis longtemps convaincu que la ville s'énerve et suit
le rythme bruyant et incessant des bolides. Là, tout se calme.
J'ingurgite Lyon à petits regards et mon esprit tricote.
Tiens, une idiote en jeans délavé. Oui, la mode "mainstream"
de l'été, le jeans bigarré tout bleu et râpé
au cul et sur les cuisses. On se demande qu'est-ce que les thinkers
tanks du jeans prennent pour pondre une atrocité pareille.
Il faut largement remonter à l'époque du "jeans
neige" pour trouver plus importable. Ce qui, in extenso, me
projette à mater l'habit des moines locaux : un vrai
monastère de sous-préfecture. Une bimbo au Riad qui
se la joue "chienne-SM" en Christian Dior d'il
y a deux ans. Au même apéritif, une cour de pimpos
soit "Gino gominé" (main en gourmette dorée
sur les hanches et jambes plantées écartées
pour laisser pendre une hypothétique virilité), soit
la TV-Touch (costumes Smalto basiques sur t-shirt très basique)
qui date de... de... je vais demander à ma grand-mère,
fan de Jean-Luc Delarue à ses débuts. Un pédé
à l'United Café en moule-rien-du-tout et total
Steevy-Fashion. Un autre body-buildé au Double Side
qui se laisse fesser dans la cabine tout en aspirant mon sexe et
relâche des "J'aime ta queue.. J'aime ta queue".
Le nu ne trompe pas. Au final, Lyon est à la traîne
du vestimentaire : l'avant-garde se résume à
une poignée d'originaux, le chic sent le vieux Elle naphtaliné
et le casual n'est même pas sauvé par l'arrivée
de H & M sur la place. En musiques, ce n'est pas mieux. Depuis
l'avènement du djing, rien d'autres à danser que de
la tek-house poussive (D-troy est une offense à tout désir
de body-music), de la deep-house sans âme (supporter un dj-set
de Léa Lisa relève d'un crash test avec l'autoradio
branché sur Radio Fourvière), de la jungle de jeunes
blancs péteux, de l'acid-jazz et soul bien tenus (merci aux
Spider, Nasser et June) ou de la house aux kilomètres, invariante
et épuisante. La ville est passée à côté
du revival électro dont personne ne chante en sueur "Emerge"
de Fischerspooner's ou le tubesque " Sunglasses At Night (Tiga
& Zyntherius) " des City Rockers. Le néo-punk ne
court pas les rues de la Presqu'île. Ici, pas de maquillage
crypto-junkies qui cerne les yeux de ténèbres chimiques
et crêpe le capillaire en couleurs et rasages PIL-eux. Paris
dégénère en plein rail d'Italo-dance. Le futur
remontera le passé de l'acid-house et de Madchester. Lyon
roupille. Clignez des paupières
Mind heavy
Lyon roupille à 6 ans de décalage, à une mandature
municipale de décalage. Francisque Collomb (19xx-19xx) lâchait
une ville triste et grise à Michel Noir (19xx-19xx) qui,
malgré les critiques et ses déboires juridico-familiaux,
agrandissait Lyon pour Raymond (19xx-19xx). Le même Raymond
grossissait les traits, au national, d'une ville ouverte et, à
l'international, d'une ville touristique avant que Gérard
Collomb ne se lance dans le "Regardez, je ne suis pas
tant de gauche que ça" et ne lise, chaque soir,
quelques pages de la biographie du "sauveur" de New York
et puant Rudolph Giuliani. Il y a encore, dans cette ville
que j'aime et vis, comme un effet d'après-mandat exécutif.
Noir a réveillé la ville et Raymond en a profité.
Raymond a endormi la ville et Gérard récupère
et prolonge ce long sommeil : ultra sécuritaire à
le rendre jumeau du Petit Nicolas et nouvellement anti-prostitution.
Tout ce qui fait tâche doit être éliminé.
Que compte faire notre maire et la droite gouvernementale contre
les graines du mal et de la violence qui s'enracinent ? En
souterrain, la Ville, l'État, pensent-elles à la violence
conjugale et aux sévices sexuels sur les enfants ? À
l'esclavage (en appartement ou dans des ateliers clandestins) des
immigrés ? À la prostitution télématique,
économique, d'étudiants ou de rmistes ? À
la discrimination raciale, sexiste et sociale ? Au harcèlement
moral et/ou sexuel au sein d'une entreprise ? Au rapport de
force et de management vicieusement instauré dans les bureaux ?
Aux dealers en cols blancs ? Non. Ce qui compte est ce qui
ce voit à l'oeil nu. Ce qui compte est l'électorat
qui se réduit, se réduit. Cricri me dit, dans
l'entre deux tours post 21 avril : "Plus tu simplifies,
plus tu es fasciste". Juste. Trop juste. Lyon digère
son coup de Barre. jeudi, Rive Gauche, la nouvelle Buvette
du Pont Wilson fait terrasse pleine. La Marquise s'initie
au camping. Le Fish tire son garden apéro au plomb. La
Passagère remet des bières. La terrasse du Café
Mug se blottit sous le feuillage d'arbres décimentés.
Place du Pont, Rachid se fait contrôler papier et sacs de
supermarché. L'avenir est là. Fermez les paupières.
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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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