INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 
MERCREDI 20 MARS 2002 _ #168
 

Tout jouer à dé joué

Décider son parcours au jeté d'un dé à six faces. Emprunter un chemin au non-hasard d'un cube marqué par la décision obligée. Voilà le jeu proposé par Fabien Plasson, mardi, à l'Atelier 4 de l'artiste résidente des Subsistances, Sylvie Barré. Sur la base d'un film aide-mémoire, le plasticien part en Terra Incognita au volant d'un camping-car. Chaque direction se prend, à chaque carrefour, par un tombé de chiffres sur le tableau de bord. Face à tous ces beaux paysages de routes départementales paumées ou ces villages Pernaud-populo, on pourrait croire que l'objet de la performance roule pour une dénonciation carburant à l'écolo bucolique de l'utilisation en borgne de la voiture. Mais tout va plus loin, beaucoup plus loin. Il y a chez l'artiste ce désir du jeu et de la décision inévitable qu'il impose. Ne pas savoir faire le choix entre la route de droite et celle de gauche pousse à tout jouer à dé joué. Nous traversons la rue Couverte avec Françoise Rey en se tenant le bras tout en brassant nos confusions amoureuses. Clignez des paupières. L'accordéon mélancolique de Bodgan Raczynski (Rephlex Rec./La Baleine) se tord et détord à se liquéfier dans mes oreilles, mercredi. Deux années de célibat et trop peu d'amour à donner. La solitude n'a rien de déprimant en soi. C'est ce qu'elle enfante qui peut parfois effrayer. La frustration, pas plus que le montré du doigt social ("Tu es toujours seul ? - Oui, et alors ?") ou l'idée stupide du couple à former, n'égale l'égoïsme cynique que provoque le vivre seul. Je me laisse aller à bouffer, déguster, digérer et jeter de l'humain. Par correction, je m'accorde une drague fastidieuse de Mathieu à produire efforts et patience. Je tente de m'emballer pour un Alexis aveugle et hermétique à mes offrandes. Clignez des paupières. Mathieu plie ses jambes dans l'allée de l'orchestre à la Maison de La Danse. jeudi, Twelve Seasons de la Compagnie Michèle Noiret envoient balader des danseurs bien propres dans leurs gestes et traversés d'images vidéo faussement esthétisantes. Le mélange présente peu de matières à projeter l'émotion et provoque un blocage total face à ce ballet crypto-moderne. Après un apéritif ouvert par un Jean-Paul Brunet in Love, Mathieu me lâche près du Double Side, siège d'un bain sans remous à observer un homme qui court après une ombre de sexe, des jambes écartées prêtes à l'emploi, sous pénombre bleutée, et un jeune banlieusard qui initie son corps au self control. Clignez des paupières sur un texto de partage pour Z2 : "Geogaddi de Boards Of Canada (Warp Rec./Pias) est un grand album. Un You Could Feel The Sky te fait déborder le mental". vendredi, après un concert passable et agréable de Susheela Raman, salle Molière, Mathieu aborde le sourire enjôleur d'Alexis, tout en dedans rentré, au Cap Opéra. En deux verres, nous traversons deux rues pour s'élancer dans un Café 203 sous influence éthylique de Michel, Marie-Hélène (qui ne cesse de m'insulter, d'un doigt levé), Pierre devenu bavard ("Depuis que tu as dit qu'il ne parlait jamais, il s'est complètement lâché", surjoue Gaelle Communal) et Jérôme d'Art Canut. La danseuse règle ses comptes, les yeux ouverts d'envie et d'addiction à son promis : "Jérôme ne s'occupe plus de moi. On va donc rentrer se mettre sous la couette". Stéphane B. stationne devant le bar et m'embarque au DV1 (ex-Village-Club) pour un bout de comptoir somnolent. Clignez des paupières. samedi, en chemin pour la Piscine du Rhône et son Printemps des Poètes nocturne, "Boards Of Canada ? Je l'ai écouté ce matin. Depuis, j'ai l'impression d'avoir des ailes dans le dos", transmet Z2 sur le portable. Le bar du bord de fleuve s'ouvre sur une terrasse couverte des arches brutes de béton et encadrée de ces deux soucoupes volantes immobiles au-dessus des deux bassins. Un site unique pour une soirée de poésie initiatique dirigée par Sylvie Mongin-Algan et sa compagnie des Trois-Huit. Un édito ne suffira pas pour décrire l'humour de Patrick Dubost, les vers bus et recrachés sur les lèvres encrées d'un bleu marin de Pegguy-Laure Allard ou celles de Frédérique Mille ("Épouse-moi Frédérique !"), l'intelligence du Parcours Tarkos (Vincent Bady) dans les Vestiaires Femmes où chacun se fait cloîtrer dans une cabine frigorifique pour finir par rire aux éclats face à un miroir en dégustant le mot "plaiiisiiiir". Le trio Hubert Voignier, Bernard Bensoussan et Catherine Millet, suivi par la "Grande Route" d'Hervé Nicolet, magnétise nos tourments profonds à en frissonner parfois. Mais l'assistance est prête à tout et sourit devant un tel partage. Patrice Béghain décrypte sa soupe : "Il y a du gingembre, des clous de girofle. Essayez, c'est très aphrodisiaque", puis ajoute, emballé, ou en représentation d'adjoint : "Il faudrait faire une grande fête ici. Non ?". Oui, oui, un bal pour le 14 juillet en attendant la soirée prévue dans ce même lieu en septembre. Fermez les paupières.

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MERCREDI 27 MARS 2002 _ #169
 

Le temps du grain

Connaître son corps pour mieux l'apprécier, le commander ou le reposer. Sous la chair se musclent les échanges au comptoir du Café 203, lundi. Après la prédiction presque évidente d'Alexis sur une fin proche de notre civilisation occidentale ("L'occident est dans sa phase décadente Ce sont les États-Unis qui nous entraînent dans leur chute"), Peggy-Laure et Ange tournent le Corps dans tout les sens. Des pratiques affiliées à la médecine parallèle au "Notre organisme peut créer naturellement l'effet que produit sur nous tous types de drogues" d'Alexis, une jeune fille se greffe sur notre bavardage. De la nécessité d'un échange permanent entre le corps et l'esprit, cette dernière sort de sa besace Requiem For A Dream : "Tu as vu ce film ? C'est terrifiant". Je tente de m'expliquer : "Ce qui est terrifiant, c'est l'esthétique MTV de ce film. La belle forme de ses images amplifie le malaise". Elle me regarde outrée. "Tu ne regardes que l'image ! ? C'est l'histoire qui est importante ! " L'histoire absolue, je m'en fous. La matière incertaine et mouvante, voilà ce qui m'excite. Clignez des paupières sur un long baiser d'adieu à Alexis. mercredi, après une échappée amoureuse (?) sur la Riviera, Claire s'installe, radieuse, à la terrasse du Café de La Mairie et joue avec Mathieu au tutoiement pour ce premier jour de printemps. Ma princesse m'explique, in practice, comment draguer "correct" le mathématicien vavavoum tout en se décrivant, plus loin, comme "sur le fil du rasoir" entre Mezzont et un nouveau courtisan. "Vous avez, de toute façon, un harem d'hommes entassé devant votre porte" fais-je remarqué à Claire avant de rejoindre Mon Épouse, Karine, Marie-Êve et François MyTV pour une partie de Triominos en appartement. Les propos sont cinglants mais couverts d'un "Off Thee Reecord" pour Nuits Mobiles. Clignez des paupières sur une danse "défilé de mode" saccadée par Karine et un battement de bras de Mon Épouse ("comme dans Show Girls") sur le remix eighties de Tanto Tempo de Bebel Gilberto par Peter Kruder. Jeudi, après un dîner à La Gargote (rue Royale), Stéphane B. (photo) investit La Ruche pour une trinque avec Lynx et Reine Claude, relookée cuir rétro-chic simili Kim Wilde. "Elle est idiote celle-là ! Mon blouson n'est pas chic : Regardes les coudes du cuir, usés par les comptoirs ! me balance la Poppers addicted. Clignez des paupières après un bain au Double Side et un rien "n'importe quoi" à l'United Café. Les bras hissent haut la boule à facettes de La Marquise empruntée par François Kanardo Verdet, vendredi, à notre arrivée au bar de la péniche. L'Afro-beat de Seb The Player roule tranquillement le dancefloor dans un gentil groove. Un beat 2 step garage vient m'agiter les jambes en tentation auprès du colossal et bel Antoine. Une rechute au Medley qui affriole un architecte, un journaliste et un politicien ("ne droppe pas mon nom dans ta rubrique") m'allongent à cligner des paupières. samedi, travelotés en coiffe de parade à Deauville (perruque et grand chapeau), Christophe Boum, Primabella et Stéphane B. posent devant le "pola" lors d'un souper d'alcooliques. Sous les boomers, Neneh Cherry case un I've Got You Under My Skin, anthem anti-sida éternel. Fermez les paupières.

Court-lettrages. Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Ce jeudi 29 mars, Pack The Buzz investit La Marquise à l'initiative de Julien Seek : Nassa Boy, Junior, Fraggle et Kenny Ken dilapideront leurs plus beaux disques. Forcément roots et soul. Clap. Copinage décoratif. Jérôme d'Art Canut vient de finir sa participation au relooking de feu-Café Luna : Le Ninkasi Ampère (1, rue Henri IV) est ouvert. Clap. Sans changement de nom ni d'ambiance, le Modern Bar de Babby se paye une éternelle jeunesse sous les coups de pinceaux de Christophe Boum et Primabella. Rendez-vous tout de suite au 19, rue Thomassin et dans quelques jours pour une fête à en perdre la tête. Clap. Le Dark's, fermé depuis janvier pour s'être assis pendant un an sur la procédure légale afin d'obtenir une autorisation tardive de fermeture, réouvre enfin. La nouvelle décoration en fait la boîte la plus belle du centre-ville et l'idée de taxer 10 roros à l'entrée semble oubliée. Clap. Le Medley fera, ce dimanche 30, sa comédie "borderline" avec un spectacle de Line. Clap. Pour les gens sensibles, Release, le nouvel album des Pet Shop Boys (EMI) sort partout dès le 2 avril. Clap. Le 17 avril se projettera, sur tous les bons écrans, Et Si On Parlait d'Amour de Daniel Karlin avec ma petite Chatte Rouge sursexuée. Clap. Ce même 17 avril, Alex Gopher et Demon déchargeront leur projet WUZ à La Marquise. Peut être décevant mais à voir. Clap. Le Sonar Festival de Barcelone continuera à nous scotcher pour une nouvelle édition les 14, 15 et 16 juin. Infos à venir sur le www.sonar.es. Clap de faim.

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MERCREDI 03 AVRIL 2002 _ #170
 

Lyon is sleepin, my bed is burnin

"Tu fais de plus en plus de sorties culturelles et moins de pures nuits" observaient David du Modern Art Café et Ange à La Marquise, il y a quelques beuveries d'ici. Usé, blasé par les dancefloors ? Plutôt en attente. Depuis un an, la ville s'est recroquevillée sur les acquis nocturnes excitants de ces cinq dernières années. Certains patrons d'établissements diront que "depuis le 11 septembre, ce n'est effectivement pas la joie" mais l'excuse est un peu légère. La destruction des Twins ne marque finalement qu'une nouvelle fin de période de croissance à haut débit d'Audi TT, carte Am Ex et robe Miu Mui. Si la nuit se porte mieux en temps de prospérité économique que lorsque la crise rend honteux le bourgeois à flamber, elle se nourrit également des phénomènes de société. Enfin, et l'important, ce qui fait bouger un clubber restera à jamais son corps : un "Dis-moi comment tu bouges ton cul et je te dirais ce que tu vis". Deux événements (certains s'aventureront à y voir une cause à effet) ont posé les bases du clubbing de ces 20 dernières années : le Sida et la House-music, tout deux apparus dans les eighties. La peste niquait l'hédonisme du mouvement disco pendant que l'électro ouvrait de nouvelles pistes à danser et innovait avec des raves surextasiées et une musique hallucinogène. C'était le début de la bataille club-culture versus dj-culture qui sera rapidement gagnée par la seconde dans un élan "dansons en évitant la mort". Aujourd'hui, ces deux socles frein-moteur de la nuit vacillent. Le cul se libère avec parfois beaucoup d'ignorance et la House Nation s'est docilement offerte à l'Universal System en y laissant son âme pour revêtir celle des commerciaux biberonnés au marketing rock chargés de la vendre. Les djs sont devenus stars, ennuyeux, fiers et très lointains du festif des warehouse parties originelles. Alors pour passer le temps, certains ressortent les pantoufles et nous font gober du lounge à tous les étages comme l'easy-listening qui pousse notre chariot dans les linéaires du supermarché. Sans saveur. Lyon, petite fainéante, adore. Nombre de lieux ont fleuri avec concepts et décos (le dj placé entre la plante verte et le chandelier). "Assieds-toi et bois çà" pour tous. Même si cette débauche de First, Bus Café, Café Cuba, àKGB, Lolo Quoi et consorts apportent un coup de neuf et de présumé chic à la ville, la déception saute à la gorge dans ce qu'ils véhiculent tous : l'ennui, un "chez-soi dehors" et l'embourgeoisement creux. Certains (clients ou médias) s'imaginent que ces bars et clubs sont "branchés" voire "people". Je ne partage pas cette définition du mot "branché" et continue à jouer mon trip "donneur de leçon" : quel intérêt de vivre en ville si ce qu'on vit ressemble à l'étroitesse d'esprit des ruraux ? Le "hip" n'est-il pas fondamentalement urbain ? Les boîtes à baises ; les fous qui cassent des verres au comptoir ; les mélanges de personnalités, de genres ; les putes ; la dope ; la musique qui dérange ; l'inconnu ; la surprise. Tout ce qu'un paysan ou un bourgeois refuse d'approcher, ou pire, regarde en voyeur frustré. J'adore ma ville. Elle est belle dans ce que chaque traversée de fleuve me fait enjamber un univers différent. Elle m'agace lorsqu'elle joue la petite fille provinciale, pardon, paysanne. Pessimiste ou aigri ? Non, juste dans l'attente que les activistes sortent du buisson ; qu'ils ne copient pas la capitale pour faire "branché-bourgeois" ; qu'ils inventent au lieu de suivre ; qu'ils mettent un contenu vavavoum dans leur boite-à-musique en acajou où la poupée est trop bien habillée et tourne toujours pareil. Où est la relève ? (Chez François Bayrou. Je plaisante mais mon premier vote sera pour lui : ça n'engage à rien). D'Allemagne avec une ré-invention de la musique à danser. D'Espagne avec ce braincreating permanent capable de développer des lieux qui détonnent. De Belgique pour l'art mis au quotidien du buveur. De Lyon ? Le printemps à venir pourrait réveiller la somnolence actuelle avec une souplesse prévue pour la sortie des tables en terrasse et l'esprit d'ouverture supposée de la municipalité dans les initiatives des associations ou établissements. À Patrice Béghain : "Patrice, vous organisez un grand bal à la piscine du Rhône ? Je veux bien tenir le bar". Enfin, j'oubliais le fabuleux projet d'un complexe nocturne au Confluent. Aspirateur à touristes ? Videur des embarrassants clubs du quai de Saône bouchonné ? Somnifères pour le centre ville ? Je reste toujours perplexe face à ce projet lorsque je parcours les nuits du dimanche au mercredi dans les rues de la ville désertées. Pourquoi construire ailleurs ce qu'on n'a pas abouti au sein de la ville ? La quiétude des riverains ? Bah, fermez les paupières.

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MERCREDI 10 AVRIL 2002 _ #171
 

Ces négatifs cérébraux

Brève morosité, mercredi, au Modern Art Café lors du vernissage des photographies en saturation chromatique et superpositions technologiques-naturalistes de Claudine Sauvinet. L'air tiède du printemps me découpe le cerveau. Pensées, en équilibre précaire sur la lame d'un rasoir, prêtes à basculer dans la petite déprime corsetée par les multicouches protectrices de la fin d'hiver ou dans la légèreté de cette nouvelle saison où l'on range les cols roulés pour se découvrir, le corps presqu'à nu. Étrange passage. Julien-Justin s'amuse de mon prochain vote centriste ("Viendrez-vous, demain, à la Brasserie Georges ?") avant que Carla ne pousse une chaise en terrasse et roule sa clavicule opérée : "Ils m'ont mis une plaque en fer et tout bien recousu. Maintenant, je peux servir de porte-magnets comme sur vos frigos". Super Pénélope et Marie-Eve partagent le casque du lecteur cd portable et grimacent à l'écoute du premier morceau de L'Enfer Tiède de Programme (Lithium/Virgin). "C'est la dépression assurée, si tu te passes ça un soir où tu n'es pas très bien" font raccord les deux jeunes femmes. Pourtant, je cligne des paupières sur le déglingué Et la Vie Disparaît : "Et plus on se rapproche, plus c'est flou. Et plus on se raisonne, plus c'est fou. Et plus on se raccroche, plus c'est mou". jeudi, l'avant-première d'Et Si On Parlait d'Amour débobine quatre portraits de sexualités particulières au cinéma Ambiance. Sous découvert de libération des murs, le film documentaire de Daniel Karlin révèle des personnalités qui ont toutes en commun de dégommer le bien-baisant afin de composer leur besoin d'amour dans un singulier, à mille lieux du vulgaire et tout près des handicapés relationnels que nous sommes tous. Le film est beau parce que plus optimiste sur notre capacité à inventer une forme d'amour inédite plutôt qu'à photocopier crâdement le gentil couple qui s'échappe par procréation de sa stérilité. Salle close, Chatte Rouge, personnage du projet, sourit et me touche d'un baiser interrogatif. "C'est touchant et pur" monte à ma gorge. À l'after organisé à Tombé du Ciel, le quatuor intervenant dans la sex-party de Chatte Rouge me congratule : "Ton "Banane en bouche ne fait pas queue sortir" est devenu une de nos expressions favorites" (circa les environnants du tournage auquel Z2 et moi avions drunky poussés nos corps entre le carrelage et la chaîne hi-fi boostée au Rollin & Scratchin de Daft Punk). Philippe Moncorgé et Marie-Charlotte témoignent d'un perfect love dans leurs souvenirs d'expo à Seattle alors que Z2 me fixe : "Tu regardes toujours au-dessus de mon épaule : tu ne m'aimes plus". S'ensuit des échanges journalo-journaleux entre Géraldine, François MyTV, Jean-Olivier Arfeuillière et Guillaume : "Guillaume va te remplacer dans Nuits Mobiles. T'es viré !" (Directeur de publication). "Je n'ai rien compris à ton dernier papier" (Guillaume) et autres vacheries à me faire douter. Douter. Sans le doute, où est la vie ? Douter me prouve que j'existe, que j'engage ma vie dans le risque, la prise de chemins, dans l'erreur possible. Géraldine en rajoute un verre à l'United Café : "Allez, je te propose une rubrique Resto-clubbing. Un deux en un" séduit-elle Jean-Olivier. Clignez des paupières. Tête de gamin vicieux, les yeux fixant une DV qui s'autoprojette sur un frigo, le mari fantasmé de Lolo Ferrari serre des genoux à la première de Je Suis Le Mari De aux Subsistances. Nouvel handicapé de la vie qui passe son temps à "avoir la trique" et "s'astiquer" et nous replonge dans un bain ftal avant de nous faire biberonner les gros seins à Lolo. Tendre et régressif malgré la lenteur narrative de la dernière demi-heure. "Ennuyeux et, en plus, je ne supporte pas Johnny Halliday" s'écorche Cricri au drink post-event. Pierre Le Magnifique et Fred bisent Françoise Rey avant de s'échapper. Nous flashgordons au Mushi-MushiLaconque joue au chat avec Kamel et à la souris avec Cricri, torturé par la Raison. Je m'aventure à l'imagerie, celle où notre boîte crânienne fonctionne plus par images que par raisonnements lorsque notre vécu remonte par crachats de photos instantanées plus que par idéaux structurés. Après un dub de "Where's The Party ?" par Madonna au milieu d'un Funambule excitant, Cricri cligne des paupières au Medley sur une danse ringo-rigolo partagée avec Laconque. "Tiens, un pot de Yaourt qui danse" double, samedi, un invité de la Demy Party privée de Super Pénélope et Julien Micro P. lorsque Catherine Deneuve s'incruste dans Les Demoiselles de Rochefort. Entre bonbons acidulés et films pastelisés, l'hallucinogène nous tord de fous rires sur les bottines blanches et les pantalons moule-cul des acteurs. Les yeux perturbés, je ramasse un pimpo au Medley et ferme les paupières (pour Jean-Alain Fonlupt de Lyon Poche, toujours curieux de ma fin musicale) en enculade sur A Samouraï In Automn des Pet Shop Boys.

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MERCREDI 17 AVRIL 2002 _ #172
 

Republika

"Ma semaine culturelle s'est résumée à un livre, An equal music par Vikram Seth, que je vous recommande. Je dirais bien que c'est le livre le plus fort que j'ai lu cette année, mais je n'ai pas le souvenir d'en avoir lu d'autres, ce qui affaiblit notablement l'emphase précédente " m'adresse Mathieu sur un émile en provenance de San Francisco. Mon Impossible Prince chez les Yankees, Gaelle Communal en tournée avec le Ballet de l'Opéra sur le même continent, Claire sur la Croisette et Laconque en retrait pré-examen à Saint-Tropez, ma semaine semble se dépimenter au fur et à mesure que l'humidité teinte la ville en gris. Pourtant, mardi, Carla sourit au Théâtre de la Croix-Rousse pour la dernière représentation du Jour du Froment. Nous partageons une hilarité enfantine lorsque la pièce se dynamite aux "space-crèpes" cocaïnées. Un pur rail d'amusement, sniffé par des comédiens plus que parfaits. Au post event drink, Petit Poucet et Super Pénélope revisitent leur soirée avec Casimir. Le journaliste ose un "Je lui ait fait un câlin" touchant et presque impudique (qui ose encore employer "câlin" dans une discussion ?). Super Pénélope réactive une rebirth téléphagy et me refigure tous les détails de la série de notre enfance sans aucun effet sur ma nostalgie. Clignez des paupières. La télévision reste un médium trop froid pour m'émouvoir. Depuis que j'ai été autorisé à zapper les images de cet ustensile de salon, mes émotions et envies de gamin fantasque et d'adulte libre ne germent que dans le réel ou l'imaginaire. Difficile d'être un "enfant de la télé" tout comme cela m'est difficile, jeudi, d'être un "adulte dans la télé". À TLM, le débat conduit par le nec plus ultra de l'écran, Paul Satis, sur la nuit lyonnaise me fige dans une prestation mentaly-correct. J'aurai aimé brocarder Marc Chabert, vrp d'un Eurodance Park en carton pâte sectionnable au Confluent et petite tuerie du développement de la "nuit de proximité" ; interroger Vincent Carry sur sa page "people" (promotion-d'acteurs-parisiens-en-promotion-en-province) dans Lyon Poche ou m'amuser d'affection avec Paul sur ses sorties nocturnes. Mais il y a blocage. Hors antenne, je n'ai également pas pu me défouler sur Laurent Natale, Monsieur Misogyne de la chaîne (Rony, tenez bon ! Il vous emmène des bouquins à la fin de votre excellent Belles et Bien comme si vous étiez une poupette programmée pour le seul parlé chiffon. Triste Christian d'Aubarède, obligé de coucher avec des blondes dans Lyon-Clubbimbos, seule émission à nous faire croire que la nuit est un gigantesque vivier à putes) ou le très "pernaudesque" Franck Nicolas, monstre de la télé locale, vraiment locale. Plus loin, Caroline s'entoure des Kanardo, Olga, Peggy-Laure, Nasser, David Cantera du Modern Art Café, Ange, Hubert Lafferrière, Manu Cédat du Café 203 et Nicolas Stipe pour l'anniversaire surprise d'Anthony Hawkins dans l'ancien atelier de Elie et Jérôme d'Art Canut. La lave psychédélique du projo Matmos se dilue aux rythmes des beats technoïdes et du champagne écoulé. L'industry s'illumine de bougies au sol et de chapelets de lucioles se piquant à un mur agité par le visage celluloïdé de Gary Grant. En sous-titre, le délicieux "j'attendais cet instant depuis des mois. Je vous ai toujours aimé. Je vous aime". En surtitre, Elie se cagoule d'une lampe en boule et se balance tel un play-mobil over ethylisé. Clignez des paupières. vendredi, le grand club touring débute à La Ruche pour son huitième anniversaire. Les plateaux de petits fours se lèvent, bras au ciel, sous une cohue de buveurs peu excités. Reine Claude sirote assise sur le comptoir, Philippe Jocteur à ses pieds. Un soumis glisse à quatre pattes le long du zinc lustré mais le coeur ne bat pas. Au Medley, je capte un étudiant pour un finish à La Marquise. Un Ralph Lauren liquide son "j'ai déjà sauté un mec... Non, je ne me suis jamais fait sodomiser mais, à 17 ans, j'ai sucé un mec pour voir" alors qu'un jeune trendy corrige "j'étais homo mais plus maintenant". Je salue le bel Antoine et ferme les paupières dans une baise formatée et oubliable. dimanche, ouvrez les yeux et votez : 13 extrêmes ou proches sur 16 candidats, cherchez la République.

Nu. Mo. (Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Ce mercredi 17 à 20h30, Sylvie Barré invitera Musso Versus Schmied dans son Atelier 4 des Subsistances. Dans la nuit, WUZ (Demon et Alex Gopher) joueront house-music à La Marquise. Clap. Tout le week-end, de 10h à 20h, l'artiste bucolique Gilles Baise ouvrira son atelier au 28, rue des Tables-Claudiennes. Clap. Mardi 23 avril, M83 (le haut du panier de la french new-wave) partagera le Transbordeur avec les plus que médiocres Rhinoçérôse et la catastrophe Télépopmusik. Vital. Clap. Après l'Ovale 203 et Le 100 Tabac, Café 203 ouvrira L'Indice 203 aux derniers jours de mai. Clap de faim.

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MERCREDI 24 AVRIL 2002 _ #173
 

Les paillettes nous brûleront les yeux

Il y a des nuits que l'on préférerait passer enfermer dans un Loft lobo-atomiseur de pensées. A l'abri de la gorge qui se noue férocement. Loin de ce trébuchement manifeste de la mémoire et des idéaux "clean". dimanche efface une semaine de sorties telle la pile saline vissé dans le cerveau de l'électeur irresponsable (ou absent) qui coupe son énergie vital et le fait jouer avec des allumettes dans un bois vert mais sec, les doigts de son feuillage croisés sur un ciel pas complètement bleu. Le finish pixellisé sur l'écran TV d'un Le Pen versus Chirac me pousse dans la rue dès 23h entouré d'anarchistes, de militants politisés et de révoltés spontanés. Le Pen est leur ennemi. Le Pen n'est pas mon seul ennemi. 40% de mobilisés par la peur des autres (pour les seuls chiraquiens sécuritaires et fachos à visages honteusement découverts) pour 100% de touchés (ou pourraient l'être) par la peur générale. Au milieu, je doute encore et toujours. Ma vie est dense, amoureuse de l'autre et riche des surprenantes rencontres vécues à coeur ouvert. Que se passe-t-il ? Suis-je borgne ? Suis-je un infâme privilégié qui danse sur la tête de ceux qui souffrent ? Un déconnecté du réel, un con niqué par l'irréel ? Voilà où ça fait mal : l'irréel vendu comme du super-réel. Les paillettes nous brûleront les yeux. Le voleur de sac-à-main à chaque coin de rue en reportages filmés et ressassés à éblouir et appuyer sur la gâchette du vote sécuritaire. La boîte à cul, dôme des plaisirs où la chair n'est que matière et la sensibilité anéantie. La culture formatée "bien-pensante" et élevée au rang du "bon goût" exclusif. Tout ce qui m'entoure ne semble générer que frustrations par isolement comme si chacun rêvait de toucher physiquement son voisin, de l'aimer et que, dès sa naissance, la société lui imposait la distance par méfiance. Un "Je crève d'envie de te toucher pour te connaître et t'aimer mais finalement j'agresse ton corps parce que l'on ne m'a appris que ça". Mon malaise est là. Les hommes politiques ne sont pas les uniques responsables de cette lente et dégoulinante déconfiture sociale, relationnelle. Médias, sommes-nous encore porteurs d'idées humanistes, d'engagements, d'informations non centrées sur le vendeur scandaleux et rude ? (A regarder TF1, on se dit que notre présumé pouvoir médiatique pue atrocement de la gueule). L'industrialisation de nos supports (télé, web, presse payante ou gratuite), la précarité de nos emplois, nous machinent-elles en scribes obéissants, commerciaux soumis à la World Compagny, fournisseur officiel de notre matière à écrire ? Pire, notre reconnaissance journalistique doit-elle nous placer en survivants cyniques qui s'accrochent à un microcosme politico-culturel ceinturé de strass et petites frimes ? Où est la pensée ? Où sont nos idées ? Qu'échangeons-nous de sensible à chaque article, édito ou reportage ? Peut-on avoir le culot de conspuer de véritables idées, mêmes extrémistes, lorsque caste politique et médias ne vendent que de la communication en boîte stérilisée ? Certains se disent amusés ("Très cul... léger.") voire incrédules ("tu inventes tout, non ?") lorsqu'il lisent Nuits Mobiles. Cela me blesse souvent. Pourtant l'espace de liberté que ce journal m'offre est cher et rare. Ma démarche politique est toujours présente qu'elle soit incomprise ou cachée par mes maladresses rédactionnelles : approcher l'humain, faire toucher l'inconnu, traverser des milieux socio-cul-turels en cohabitation paisible, frôler le mal-être, jouer avec mes doigts sur la peau de l'autre, l'énerver, le caresser, l'éprouver. Tenter de montrer que nous vivons dans une ville des multiples possibles, que nos yeux brillent d'excitation ou d'émerveillement face à la diversité et se mouillent encore face à l'adversité ou la simple difficulté d'être ou de devenir un être. Fermez les paupières.

Nu.Mo. (Courts-lettrages). Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Ce mercredi 17 à 20h30, Le Radiant ouvrira le rideau d'un Cravate Club avec Charles Berling et Edouard Baer. Clap. Vendredi 26 et samedi 27, le Britannicuts (adaptation de Racine par Olivier Rey) tournera sur quatre écrans au Théâtre Du Point du Jour. Plusieurs séances (nocturne à 21h30) de cette "performance vidéo-théâtrale" à checker au 04 78 15 01 80. Clap. Dimanche 28 avril, Nicolas Stifter fera ses adieux à la direction artistique de La Marquise lors d'un grand barbecue privé et brûlant. Clap. Le même soir, "Chérie" Line du Medley sortira les costumes et le tourne-disque pour un grand show transformiste : "Chantal Goya sera là... enfin, presque". Clap. Le 25 mai, après un concert pour happy few aux Subsistances l'an dernier, Programme revient nous fracasser la tête au Pez-Ner. Vital. Clap de faim.

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MERCREDI 01 MAI 2002 _ #174
 

Démocrades

Lundi 22, Christophe Boum brandit un mégaphone sur les marches de l'Hôtel de Ville. Maladroit et auteur d'un discours humaniste brouillon, il n'active guère les 500 jeunes paumés et autres ultra-politisés tournés vers lui. Foule impatiente d'hurler à l'appel radical, simpliste et invariablement monté en pancarte depuis l'apparition du National (Front) Socialisme : "Le Pen Dehors". L'individu est souvent bête, la masse l'est toujours. La semaine défile dans de longues discussions politiques à se griller le cerveau d'idéaux fumeux et à écraser ses mégots sur le cendrier des seules réflexions pour courir dans l'action. A Koutoubia, Claire, Mon Épouse et Cricri me convainquent que je ne peux me soustraire au vote "C.h.i.r.a.c" le 5 mai. Sic ! Ralliement contraint à leurs arguments pour défendre une démocratie dont le baromètre politique vient de caler son aiguille entre la droite dure et son extrême butoir. Ainsi, mardi, au Café Jules, naît Survie 2002 (www.ifrance.com/survie2002) en formation avec Super Pénélope et Marie-Êve : voter avec des gants blancs pour Chirac et les adresser ensuite (bulletin de Le Pen joint à l'enveloppe) à Monsieur Le Président de La République, Palais de L'Élysée, Paris. Cricri hurle au téléphone : "Il faut en discuter ! Ne pas faire n'importe quoi. Le vote n'est pas un folklore !". Trop tard, nous partons avec Lucas pour une séance photo "mode d'emploi" : urne, bulletin, gants et pince à linge sur le nez. "Dépêches-toi ! Cela fait très mal !" grimace mon complice le nez bouché devant l'objectif. Clignez des paupières. Mercredi, à la Fédération du Parti Socialiste, nous prenons le pou de ses militants. Il y a dans le discours de ces jeunes socialistes une forme d'arrogance, de "je sais tout et vous êtes des veaux". Au débat sur "la gauche doit-elle se repositionner ? Plus à gauche pour contrebalancer les droites ?" se greffe un caméraman de M6. Le chasseur d'images dont le sujet du jour tourne autour de "l'afflux de nouveaux adhérents au PS" bloque son viseur sur ma tempe avec insistance : "Vous venez adhérer ?". Une secrétaire de la fédération : "Non, je note ses coordonnées. C'est juste un sympathisant". le charonniard, béta-flingue à l'épaule : "Vous êtes sûr de ne pas vouloir adhérer ?"... presque certain que la simple vision de sa caméra me poussera à lui donner l'image qu'il veut mettre en boîte. Ou comment les médias, rubans tue-mouches crades, jouent avec ses images, sa réalité organisée. Clignez des paupières. Au Double Side, l'amour bulle dans le bain à remous. Jean-Marc glisse l'eau sur mon corps avec tendresse alors que je le questionne : "Tout est codifié. Ici, les mecs se comportent comme des machines. Comment vivre un amour hors système imposé ?". Le caresseur : "Si tu te poses ce type de question, demandes-toi ce que tu cherches ici et ailleurs". Je cherche parfois à me détruire par l'absurde. Je cherche souvent à grandir pour approcher la Tranquillité. Je cherche toujours à aimer. Clignez des paupières. Jeudi, pendant que Chirac fait face à ses futurs stratèges, experts en cuisine et alliances avec le FN (Millon, Blanc et Soisson) nous défilons au milieu de 20 000 manifestants humanistes contre le fachisme, pour l'anarchie, trop peu pour un appel à voter, trop peu pour le réveil des consciences politiques et la vigilance post-élections. En fin de parcours, une centaine de jeunes s'enfonce dans la partie populaire du quartier Guillotière. Aux cris "nous sommes tous des français !", les fenêtres s'ouvrent et les applaudissements nous couvrent. Face réjouissante et bienvenue d'une marche, jusque là, de "petits bourgeois" dans ses beaux quartiers. Nous enterrons cette journée en terrasse de la Friterie Marti où Christophe Boum, Primabella, Anne-Lise et Véronique redessinent le monde. Clignez des paupières. Vendredi, nos envies de dérisions surfacent la lune pleine. Le Medley agité, libidos remontées, Dj Arnie, Michel et Christian miment un tube retro pour "Claudettes" électrocutées. Alexis, troisième homme vavavoum de mon célibat prolongé, m'aimante en un seul sourire. Nous partageons un jeu de chuchotements muets à fleur d'oreilles, interrompu par de longs baisers à La Marquise. Un clignement de paupières sur un lit froissé me fait ressentir sa peau, sa queue, son touché, sa bouche, cet amour consciemment non partagé par mon partenaire. Samedi au DV1, Ab et Fab de Tapiole.com photo-numérisent nos déhanchements sur l'intemporel "Everybody be Somebody" de Ruffneck. Jacques Haffner, tendre provocateur et futur Guetta de la nuit lyonnaise avec l'ouverture de sa disco en septembre prochain, remonte mon sourire : "Tu as l'air plus propre avec tes cheveux rasés". Reine Claude plante deux pailles dans son verre, "c'est pour boire plus vite" , avant qu'Alexis me ferme les paupières par un faux baiser et un "bonne nuit".

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MERCREDI 08 MAI 2002 _ #175
 

Drama Purge

"Tu aimes ? C'est l'effet froissé !" se cabre Z2 en chemise fleurie et toute droite sortie d'un tambour de lave-linge. Dimanche 28, autour de la buvette ancrée sur le quai de La Marquise, nous "bookmakons" sur la durée de vie cette mode vestimentaire de la chemise gaufrée-froissée. Nicolas Stifter fête son départ de la péniche et la barbecue party s'anime sur un air fluvial léger où Hubert Lafférière s'allonge sur un transat et délaisse wonderful Carla au duo chic, Helena et Gregoire Roche. Devant le nouvel amant de Laconque, L'Ange Brun peste : "Ce n'est pas le pire qu'elle est eue. Seulement, c'est un enfant : elle passe d'un homme à l'autre de façon très désinvolte". (C'est également pour cela que nous l'aimons.) La Kanardo Family dégringole les verres alcoolisés sous le regard lunaire de Seb Broquet (Nova Mag). Nous partageons avec le journaliste indie cette analyse que la musique électro tourne trop souvent à vide à Paris comme ici puis dansons "à la Fred Astaire" sous les yeux persans de Peggy-Laure. Eric du Petit Paumé se pose la question idiote : "je me demande si je ne suis pas hétéro à cause de la pression sociale" à faire rire Jérôme d'Art Canut. Le décorateur, d'une coupe liquidée d'un trait : "Dès la descente de l'avion de Gaëlle, nous faisons l'amour sur le tapis à bagages". Clignez des paupières. Mardi, au Falafel (rue Terme, quartier Terreaux), la table de Franck Michel râle : "Nous sommes arrivés trop tard pour le concert. Tu as vu quelque chose toi ?" Une jeunesse rockeuse amassée devant l'Hôtel de Ville, foule anti-facho les bras tendus vers la démocratie. Un "que deviennent tes poings quand tu tends les doigts ?" (©Miossec) de rage et communion. Quatre dames quinquagénaires nous font voisinage. Ma plus proche : "C'est terrible de devoir voter Chirac, mais je le ferais. Sans ça, ce sera peut-être la dernière fois que l'on me donnera le droit de voter". Au Mushi-Mushi, les mains dans les platines MK2, Nasser me brandit le vinyl de "Superlover Boy" de Maria Carey : "C'est pour toi. Je te l'offre" alors qu'en terrasse Mourad avoue : "Je me suis déjà fait sucer par un mec : pas mal". Sur le dancefloor du Marais, le même gosse ("pour un pd, t'es cool" sourit-il en me drunkant) se prend râteau sur râteau devant des lesbiennes anti-couilles. Sur le canapé du Medley, je relève un objet sexuel bien identifié qui amusera ma nuit pré 1er mai sur un improbable "Be Sincère" de MJ Cole. Clignez des paupières. mercredi, le corps resapé par une pluie pénétrante et la joie alimentée par une mobilisation historique, Karine et Marie-Êve s'engagent dans une manifestation qui s'auto-boucle sur 7 kilomètres. Un détournement sur petit panneau de la primaire chaîne de télévision croisé ("TFN, l'insécurité 24h/24h") et le mouvement s'achève dans la rouille boueuse de la place Bellecour. Un frisson à produire de l'eau dans mes yeux coule dans mon dos lorsqu'un groupe d'étudiants sourit, à gorge greffée au coeur, une Marseillaise directement classable dans le mémorable. Clignez des paupières. Au 5, place de l'Hopital (quartier République), le Broc'Café vient d'ouvrir, Mireille de feu VertuBleu en cuisine. Vendredi, Christophe Boum, Primabella et Sébastien C. y collectionnent les pots de rouge jusqu'à Tombé du Ciel où Olivier Angel me flatte d'un "Tu es une sorte de Pacadis. Tu connais Alain Pacadis ?" Oui mais j'espère ne pas mourir étranglé par un amant bien que le suicide ou le crime passionnel soit une façon admirable de mettre fin à la vie. Le comédien rectifie : "Tu es un médiocre". Très certainement. De retour au Medley, Alexis perturbe mes multi-dragues. Primabella décide : "Tu es incapable d'être amoureux. Tu es amoureux d'Alexis ?". Un "Oui" définitif pour cligner des paupières. Samedi, la neige se mélange à la plus belle lumière de l'année sur le massif du Trièvres. Le Mont Aiguille bataille avec une couverture blanche douillette et une lueur rose à extasier. Clignez des paupières. "Vous êtes originaire du Périgord ?" tente de me décrisper Patrice Béghain devant l'urne, dimanche. Je lâche avec gêne mon vote "Chirac" dans la caisse blanche alors qu'à l'extérieur Christophe Boum tapisse les portraits du Porc d'affiches "Votez Facho, non ! Votez Escroc, oui !". Dès 19h, LC nous communique les premières estimations afin de mettre en route les imprimantes pour une descente à 20h01 dans la permanence de l'État RPR. 19h30, Mon Épouse, Mireille, Cécile, Z2 ouvrent l'appartement. 20h01, blanc de peur, je pénètre la permanence chiraquienne, muni d'un panneau "Monsieur 82 %, j'ai vomi après avoir voté pour toi". Christophe Boum, Super Pénélope et Mireille emboîtent le happening. Se laver d'un vote que nous n'assumerons par l'unique souvenir d'avoir évité le pire. Révéler que mon pays ne se suffira pas d'un bandit en col d'or pour tuer le mal brun qui l'attaque. Fermez les paupières.

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MERCREDI 15 MAI 2002 _ #176
 
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INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

 

 

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