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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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MERCREDI 20 MARS
2002 _ #168 |
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Tout
jouer à dé joué
Décider
son parcours au jeté d'un dé à six faces. Emprunter
un chemin au non-hasard d'un cube marqué par la décision
obligée. Voilà le jeu proposé par Fabien Plasson,
mardi,
à l'Atelier 4 de l'artiste résidente des Subsistances,
Sylvie Barré. Sur la base d'un film aide-mémoire,
le plasticien part en Terra Incognita au volant d'un camping-car.
Chaque direction se prend, à chaque carrefour, par un tombé
de chiffres sur le tableau de bord. Face à tous ces beaux
paysages de routes départementales paumées ou ces
villages Pernaud-populo, on pourrait croire que l'objet de la performance
roule pour une dénonciation carburant à l'écolo
bucolique de l'utilisation en borgne de la voiture. Mais tout va
plus loin, beaucoup plus loin. Il y a chez l'artiste ce désir
du jeu et de la décision inévitable qu'il impose.
Ne pas savoir faire le choix entre la route de droite et celle de
gauche pousse à tout jouer à dé joué.
Nous traversons la rue Couverte avec Françoise Rey
en se tenant le bras tout en brassant nos confusions amoureuses.
Clignez des paupières. L'accordéon mélancolique
de Bodgan Raczynski (Rephlex Rec./La Baleine) se tord et détord
à se liquéfier dans mes oreilles, mercredi. Deux années
de célibat et trop peu d'amour à donner. La solitude
n'a rien de déprimant en soi. C'est ce qu'elle enfante qui
peut parfois effrayer. La frustration, pas plus que le montré
du doigt social ("Tu es toujours seul ? - Oui, et alors ?")
ou l'idée stupide du couple à former, n'égale
l'égoïsme cynique que provoque le vivre seul. Je me
laisse aller à bouffer, déguster, digérer et
jeter de l'humain. Par correction, je m'accorde une drague fastidieuse
de Mathieu à produire efforts et patience. Je tente de m'emballer
pour un Alexis aveugle et hermétique à mes offrandes.
Clignez des paupières. Mathieu plie ses jambes dans l'allée
de l'orchestre à la Maison de La Danse. jeudi,
Twelve Seasons de la Compagnie Michèle Noiret envoient balader
des danseurs bien propres dans leurs gestes et traversés
d'images vidéo faussement esthétisantes. Le mélange
présente peu de matières à projeter l'émotion
et provoque un blocage total face à ce ballet crypto-moderne.
Après un apéritif ouvert par un Jean-Paul Brunet
in Love, Mathieu me lâche près du Double Side,
siège d'un bain sans remous à observer un homme qui
court après une ombre de sexe, des jambes écartées
prêtes à l'emploi, sous pénombre bleutée,
et un jeune banlieusard qui initie son corps au self control. Clignez
des paupières sur un texto de partage pour Z2 : "Geogaddi
de Boards Of Canada (Warp Rec./Pias) est un grand album. Un You
Could Feel The Sky te fait déborder le mental".
vendredi,
après un concert passable et agréable de Susheela
Raman, salle Molière, Mathieu aborde le sourire enjôleur
d'Alexis, tout en dedans rentré, au Cap Opéra.
En deux verres, nous traversons deux rues pour s'élancer
dans un Café 203 sous influence éthylique de
Michel, Marie-Hélène (qui ne cesse de m'insulter,
d'un doigt levé), Pierre devenu bavard ("Depuis que
tu as dit qu'il ne parlait jamais, il s'est complètement
lâché", surjoue Gaelle Communal) et
Jérôme d'Art Canut. La danseuse règle
ses comptes, les yeux ouverts d'envie et d'addiction à son
promis : "Jérôme ne s'occupe plus de moi.
On va donc rentrer se mettre sous la couette". Stéphane
B. stationne devant le bar et m'embarque au DV1 (ex-Village-Club)
pour un bout de comptoir somnolent. Clignez des paupières.
samedi,
en chemin pour la Piscine du Rhône et son Printemps des Poètes
nocturne, "Boards Of Canada ? Je l'ai écouté
ce matin. Depuis, j'ai l'impression d'avoir des ailes dans le dos",
transmet Z2 sur le portable. Le bar du bord de fleuve s'ouvre sur
une terrasse couverte des arches brutes de béton et encadrée
de ces deux soucoupes volantes immobiles au-dessus des deux bassins.
Un site unique pour une soirée de poésie initiatique
dirigée par Sylvie Mongin-Algan et sa compagnie des Trois-Huit.
Un édito ne suffira pas pour décrire l'humour de Patrick
Dubost, les vers bus et recrachés sur les lèvres encrées
d'un bleu marin de Pegguy-Laure Allard ou celles de Frédérique
Mille ("Épouse-moi Frédérique !"),
l'intelligence du Parcours Tarkos (Vincent Bady) dans les Vestiaires
Femmes où chacun se fait cloîtrer dans une cabine frigorifique
pour finir par rire aux éclats face à un miroir en
dégustant le mot "plaiiisiiiir". Le trio Hubert
Voignier, Bernard Bensoussan et Catherine Millet, suivi par la "Grande
Route" d'Hervé Nicolet, magnétise nos tourments
profonds à en frissonner parfois. Mais l'assistance est prête
à tout et sourit devant un tel partage. Patrice Béghain
décrypte sa soupe : "Il y a du gingembre, des
clous de girofle. Essayez, c'est très aphrodisiaque",
puis ajoute, emballé, ou en représentation d'adjoint :
"Il faudrait faire une grande fête ici. Non ?".
Oui, oui, un bal pour le 14 juillet en attendant la soirée
prévue dans ce même lieu en septembre. Fermez les paupières.
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MERCREDI 27 MARS
2002 _ #169 |
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Le
temps du grain
Connaître
son corps pour mieux l'apprécier, le commander ou le reposer.
Sous la chair se musclent les échanges au comptoir du Café
203, lundi.
Après la prédiction presque évidente d'Alexis
sur une fin proche de notre civilisation occidentale ("L'occident
est dans sa phase décadente Ce sont les États-Unis
qui nous entraînent dans leur chute"), Peggy-Laure
et Ange tournent le Corps dans tout les sens. Des pratiques affiliées
à la médecine parallèle au "Notre organisme
peut créer naturellement l'effet que produit sur nous tous
types de drogues" d'Alexis, une jeune fille se greffe sur
notre bavardage. De la nécessité d'un échange
permanent entre le corps et l'esprit, cette dernière sort
de sa besace Requiem For A Dream : "Tu as vu ce film ?
C'est terrifiant". Je tente de m'expliquer : "Ce
qui est terrifiant, c'est l'esthétique MTV de ce film. La
belle forme de ses images amplifie le malaise". Elle me
regarde outrée. "Tu ne regardes que l'image ! ?
C'est l'histoire qui est importante ! " L'histoire
absolue, je m'en fous. La matière incertaine et mouvante,
voilà ce qui m'excite. Clignez des paupières sur un
long baiser d'adieu à Alexis. mercredi,
après une échappée amoureuse (?) sur la
Riviera, Claire s'installe, radieuse, à la terrasse du Café
de La Mairie et joue avec Mathieu au tutoiement pour ce premier
jour de printemps. Ma princesse m'explique, in practice, comment
draguer "correct" le mathématicien vavavoum tout
en se décrivant, plus loin, comme "sur le fil du rasoir"
entre Mezzont et un nouveau courtisan. "Vous avez,
de toute façon, un harem d'hommes entassé devant votre
porte" fais-je remarqué à Claire avant de
rejoindre Mon Épouse, Karine, Marie-Êve
et François MyTV pour une partie de Triominos en appartement.
Les propos sont cinglants mais couverts d'un "Off Thee Reecord"
pour Nuits Mobiles. Clignez des paupières sur une danse "défilé
de mode" saccadée par Karine et un battement de bras
de Mon Épouse ("comme dans Show Girls")
sur le remix eighties de Tanto Tempo de Bebel Gilberto par Peter
Kruder. Jeudi, après
un dîner à La Gargote (rue Royale), Stéphane
B. (photo) investit La Ruche pour une trinque avec Lynx
et Reine Claude, relookée cuir rétro-chic simili
Kim Wilde. "Elle est idiote celle-là ! Mon blouson
n'est pas chic : Regardes les coudes du cuir, usés par
les comptoirs ! me balance la Poppers addicted. Clignez des
paupières après un bain au Double Side et un
rien "n'importe quoi" à l'United Café.
Les bras hissent haut la boule à facettes de La Marquise
empruntée par François Kanardo Verdet, vendredi,
à notre arrivée au bar de la péniche. L'Afro-beat
de Seb The Player roule tranquillement le dancefloor dans un gentil
groove. Un beat 2 step garage vient m'agiter les jambes en tentation
auprès du colossal et bel Antoine. Une rechute au Medley
qui affriole un architecte, un journaliste et un politicien ("ne
droppe pas mon nom dans ta rubrique") m'allongent à
cligner des paupières. samedi,
travelotés en coiffe de parade à Deauville (perruque
et grand chapeau), Christophe Boum, Primabella et
Stéphane B. posent devant le "pola" lors d'un
souper d'alcooliques. Sous les boomers, Neneh Cherry case un I've
Got You Under My Skin, anthem anti-sida éternel. Fermez les
paupières.
Court-lettrages.
Petit tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs.
Ce jeudi 29 mars, Pack The Buzz investit La Marquise
à l'initiative de Julien Seek : Nassa Boy, Junior, Fraggle
et Kenny Ken dilapideront leurs plus beaux disques. Forcément
roots et soul. Clap. Copinage décoratif. Jérôme
d'Art Canut vient de finir sa participation au relooking de
feu-Café Luna : Le Ninkasi Ampère (1, rue
Henri IV) est ouvert. Clap. Sans changement de nom ni d'ambiance,
le Modern Bar de Babby se paye une éternelle jeunesse
sous les coups de pinceaux de Christophe Boum et Primabella.
Rendez-vous tout de suite au 19, rue Thomassin et dans quelques
jours pour une fête à en perdre la tête. Clap.
Le Dark's, fermé depuis janvier pour s'être
assis pendant un an sur la procédure légale afin d'obtenir
une autorisation tardive de fermeture, réouvre enfin. La
nouvelle décoration en fait la boîte la plus belle
du centre-ville et l'idée de taxer 10 roros à l'entrée
semble oubliée. Clap. Le Medley fera, ce dimanche 30,
sa comédie "borderline" avec un spectacle de Line.
Clap. Pour les gens sensibles, Release, le nouvel album des Pet
Shop Boys (EMI) sort partout dès le 2 avril.
Clap. Le 17 avril se projettera, sur tous les bons écrans,
Et Si On Parlait d'Amour de Daniel Karlin avec ma petite Chatte
Rouge sursexuée. Clap. Ce même 17 avril, Alex
Gopher et Demon déchargeront leur projet WUZ à La
Marquise. Peut être décevant mais à voir.
Clap. Le Sonar Festival de Barcelone continuera à nous scotcher
pour une nouvelle édition les 14, 15 et 16 juin. Infos
à venir sur le www.sonar.es. Clap de faim.
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MERCREDI 03 AVRIL
2002 _ #170 |
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Lyon
is sleepin, my bed is burnin
"Tu
fais de plus en plus de sorties culturelles et moins de pures nuits"
observaient David du Modern Art Café et Ange à
La Marquise, il y a quelques beuveries d'ici. Usé,
blasé par les dancefloors ? Plutôt en attente.
Depuis un an, la ville s'est recroquevillée sur les acquis
nocturnes excitants de ces cinq dernières années.
Certains patrons d'établissements diront que "depuis
le 11 septembre, ce n'est effectivement pas la joie" mais
l'excuse est un peu légère. La destruction des Twins
ne marque finalement qu'une nouvelle fin de période de croissance
à haut débit d'Audi TT, carte Am Ex et robe Miu Mui.
Si la nuit se porte mieux en temps de prospérité économique
que lorsque la crise rend honteux le bourgeois à flamber,
elle se nourrit également des phénomènes de
société. Enfin, et l'important, ce qui fait bouger
un clubber restera à jamais son corps : un "Dis-moi
comment tu bouges ton cul et je te dirais ce que tu vis".
Deux événements (certains s'aventureront à
y voir une cause à effet) ont posé les bases du clubbing
de ces 20 dernières années : le Sida et la House-music,
tout deux apparus dans les eighties. La peste niquait l'hédonisme
du mouvement disco pendant que l'électro ouvrait de nouvelles
pistes à danser et innovait avec des raves surextasiées
et une musique hallucinogène. C'était le début
de la bataille club-culture versus dj-culture qui sera rapidement
gagnée par la seconde dans un élan "dansons en
évitant la mort". Aujourd'hui, ces deux socles frein-moteur
de la nuit vacillent. Le cul se libère avec parfois beaucoup
d'ignorance et la House Nation s'est docilement offerte à
l'Universal System en y laissant son âme pour revêtir
celle des commerciaux biberonnés au marketing rock chargés
de la vendre. Les djs sont devenus stars, ennuyeux, fiers et très
lointains du festif des warehouse parties originelles. Alors pour
passer le temps, certains ressortent les pantoufles et nous font
gober du lounge à tous les étages comme l'easy-listening
qui pousse notre chariot dans les linéaires du supermarché.
Sans saveur. Lyon, petite fainéante, adore. Nombre de lieux
ont fleuri avec concepts et décos (le dj placé
entre la plante verte et le chandelier). "Assieds-toi et bois
çà" pour tous. Même si cette débauche
de First, Bus Café, Café Cuba, àKGB,
Lolo Quoi et consorts apportent un coup de neuf et de présumé
chic à la ville, la déception saute à la gorge
dans ce qu'ils véhiculent tous : l'ennui, un "chez-soi
dehors" et l'embourgeoisement creux. Certains (clients
ou médias) s'imaginent que ces bars et clubs sont "branchés"
voire "people". Je ne partage pas cette définition
du mot "branché" et continue à jouer mon
trip "donneur de leçon" : quel intérêt
de vivre en ville si ce qu'on vit ressemble à l'étroitesse
d'esprit des ruraux ? Le "hip" n'est-il pas fondamentalement
urbain ? Les boîtes à baises ; les fous qui
cassent des verres au comptoir ; les mélanges de personnalités,
de genres ; les putes ; la dope ; la musique qui
dérange ; l'inconnu ; la surprise. Tout ce qu'un
paysan ou un bourgeois refuse d'approcher, ou pire, regarde en voyeur
frustré. J'adore ma ville. Elle est belle dans ce que chaque
traversée de fleuve me fait enjamber un univers différent.
Elle m'agace lorsqu'elle joue la petite fille provinciale, pardon,
paysanne. Pessimiste ou aigri ? Non, juste dans l'attente que
les activistes sortent du buisson ; qu'ils ne copient pas la
capitale pour faire "branché-bourgeois" ;
qu'ils inventent au lieu de suivre ; qu'ils mettent un contenu
vavavoum dans leur boite-à-musique en acajou où la
poupée est trop bien habillée et tourne toujours pareil.
Où est la relève ? (Chez François
Bayrou. Je plaisante mais mon premier vote sera pour lui :
ça n'engage à rien). D'Allemagne avec une ré-invention
de la musique à danser. D'Espagne avec ce braincreating permanent
capable de développer des lieux qui détonnent. De
Belgique pour l'art mis au quotidien du buveur. De Lyon ? Le
printemps à venir pourrait réveiller la somnolence
actuelle avec une souplesse prévue pour la sortie des tables
en terrasse et l'esprit d'ouverture supposée de la municipalité
dans les initiatives des associations ou établissements.
À Patrice Béghain : "Patrice, vous
organisez un grand bal à la piscine du Rhône ?
Je veux bien tenir le bar". Enfin, j'oubliais le fabuleux projet
d'un complexe nocturne au Confluent. Aspirateur à touristes ?
Videur des embarrassants clubs du quai de Saône bouchonné ?
Somnifères pour le centre ville ? Je reste toujours
perplexe face à ce projet lorsque je parcours les nuits du
dimanche au mercredi dans les rues de la ville désertées.
Pourquoi construire ailleurs ce qu'on n'a pas abouti au sein de
la ville ? La quiétude des riverains ? Bah, fermez
les paupières.
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MERCREDI 10 AVRIL
2002 _ #171 |
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Ces
négatifs cérébraux
Brève
morosité, mercredi,
au Modern Art Café lors du vernissage des photographies
en saturation chromatique et superpositions technologiques-naturalistes
de Claudine Sauvinet. L'air tiède du printemps me découpe
le cerveau. Pensées, en équilibre précaire
sur la lame d'un rasoir, prêtes à basculer dans la
petite déprime corsetée par les multicouches protectrices
de la fin d'hiver ou dans la légèreté de cette
nouvelle saison où l'on range les cols roulés pour
se découvrir, le corps presqu'à nu. Étrange
passage. Julien-Justin s'amuse de mon prochain vote centriste ("Viendrez-vous,
demain, à la Brasserie Georges ?") avant
que Carla ne pousse une chaise en terrasse et roule sa clavicule
opérée : "Ils m'ont mis une plaque en
fer et tout bien recousu. Maintenant, je peux servir de porte-magnets
comme sur vos frigos". Super Pénélope
et Marie-Eve partagent le casque du lecteur cd portable et grimacent
à l'écoute du premier morceau de L'Enfer Tiède
de Programme (Lithium/Virgin). "C'est la dépression
assurée, si tu te passes ça un soir où tu n'es
pas très bien" font raccord les deux jeunes femmes.
Pourtant, je cligne des paupières sur le déglingué
Et la Vie Disparaît : "Et plus on se rapproche,
plus c'est flou. Et plus on se raisonne, plus c'est fou. Et plus
on se raccroche, plus c'est mou". jeudi,
l'avant-première d'Et Si On Parlait d'Amour débobine
quatre portraits de sexualités particulières au cinéma
Ambiance. Sous découvert de libération des murs, le
film documentaire de Daniel Karlin révèle des personnalités
qui ont toutes en commun de dégommer le bien-baisant afin
de composer leur besoin d'amour dans un singulier, à mille
lieux du vulgaire et tout près des handicapés relationnels
que nous sommes tous. Le film est beau parce que plus optimiste
sur notre capacité à inventer une forme d'amour inédite
plutôt qu'à photocopier crâdement le gentil couple
qui s'échappe par procréation de sa stérilité.
Salle close, Chatte Rouge, personnage du projet, sourit et me touche
d'un baiser interrogatif. "C'est touchant et pur"
monte à ma gorge. À l'after organisé à
Tombé du Ciel, le quatuor intervenant dans la sex-party
de Chatte Rouge me congratule : "Ton "Banane
en bouche ne fait pas queue sortir" est devenu une de nos
expressions favorites" (circa les environnants du
tournage auquel Z2 et moi avions drunky poussés nos corps
entre le carrelage et la chaîne hi-fi boostée au Rollin
& Scratchin de Daft Punk). Philippe Moncorgé et
Marie-Charlotte témoignent d'un perfect love dans leurs souvenirs
d'expo à Seattle alors que Z2 me fixe : "Tu
regardes toujours au-dessus de mon épaule : tu ne m'aimes
plus". S'ensuit des échanges journalo-journaleux
entre Géraldine, François MyTV, Jean-Olivier Arfeuillière
et Guillaume : "Guillaume va te remplacer dans Nuits
Mobiles. T'es viré !" (Directeur de publication).
"Je n'ai rien compris à ton dernier papier" (Guillaume)
et autres vacheries à me faire douter. Douter. Sans le doute,
où est la vie ? Douter me prouve que j'existe, que j'engage
ma vie dans le risque, la prise de chemins, dans l'erreur possible.
Géraldine en rajoute un verre à l'United Café :
"Allez, je te propose une rubrique Resto-clubbing. Un deux
en un" séduit-elle Jean-Olivier. Clignez des paupières.
Tête de gamin vicieux, les yeux fixant une DV qui s'autoprojette
sur un frigo, le mari fantasmé de Lolo Ferrari serre des
genoux à la première de Je Suis Le Mari De aux Subsistances.
Nouvel handicapé de la vie qui passe son temps à "avoir
la trique" et "s'astiquer" et nous replonge dans
un bain ftal avant de nous faire biberonner les gros seins à
Lolo. Tendre et régressif malgré la lenteur narrative
de la dernière demi-heure. "Ennuyeux et, en plus,
je ne supporte pas Johnny Halliday" s'écorche Cricri
au drink post-event. Pierre Le Magnifique et Fred bisent
Françoise Rey avant de s'échapper. Nous flashgordons
au Mushi-Mushi où Laconque joue au chat avec
Kamel et à la souris avec Cricri, torturé par
la Raison. Je m'aventure à l'imagerie, celle où notre
boîte crânienne fonctionne plus par images que par raisonnements
lorsque notre vécu remonte par crachats de photos instantanées
plus que par idéaux structurés. Après un dub
de "Where's The Party ?" par Madonna au milieu d'un
Funambule excitant, Cricri cligne des paupières
au Medley sur une danse ringo-rigolo partagée avec
Laconque. "Tiens, un pot de Yaourt qui danse" double,
samedi, un invité de
la Demy Party privée de Super Pénélope
et Julien Micro P. lorsque Catherine Deneuve s'incruste dans
Les Demoiselles de Rochefort. Entre bonbons acidulés et films
pastelisés, l'hallucinogène nous tord de fous rires
sur les bottines blanches et les pantalons moule-cul des acteurs.
Les yeux perturbés, je ramasse un pimpo au Medley
et ferme les paupières (pour Jean-Alain Fonlupt
de Lyon Poche, toujours curieux de ma fin musicale) en enculade
sur A Samouraï In Automn des Pet Shop Boys.
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MERCREDI 17 AVRIL
2002 _ #172 |
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Republika
"Ma
semaine culturelle s'est résumée à un livre,
An equal music par Vikram Seth, que je vous recommande. Je dirais
bien que c'est le livre le plus fort que j'ai lu cette année,
mais je n'ai pas le souvenir d'en avoir lu d'autres, ce qui affaiblit
notablement l'emphase précédente "
m'adresse Mathieu sur un émile en provenance de San Francisco.
Mon Impossible Prince chez les Yankees, Gaelle Communal en
tournée avec le Ballet de l'Opéra sur le même
continent, Claire sur la Croisette et Laconque en retrait
pré-examen à Saint-Tropez, ma semaine semble se dépimenter
au fur et à mesure que l'humidité teinte la ville
en gris. Pourtant, mardi,
Carla sourit au Théâtre de la Croix-Rousse pour
la dernière représentation du Jour du Froment. Nous
partageons une hilarité enfantine lorsque la pièce
se dynamite aux "space-crèpes" cocaïnées.
Un pur rail d'amusement, sniffé par des comédiens
plus que parfaits. Au post event drink, Petit Poucet et Super
Pénélope revisitent leur soirée avec Casimir.
Le journaliste ose un "Je lui ait fait un câlin"
touchant et presque impudique (qui ose encore employer "câlin"
dans une discussion ?). Super Pénélope
réactive une rebirth téléphagy et me refigure
tous les détails de la série de notre enfance sans
aucun effet sur ma nostalgie. Clignez des paupières. La télévision
reste un médium trop froid pour m'émouvoir. Depuis
que j'ai été autorisé à zapper les images
de cet ustensile de salon, mes émotions et envies de gamin
fantasque et d'adulte libre ne germent que dans le réel ou
l'imaginaire. Difficile d'être un "enfant de la télé"
tout comme cela m'est difficile, jeudi,
d'être un "adulte dans la télé".
À TLM, le débat conduit par le nec plus ultra de l'écran,
Paul Satis, sur la nuit lyonnaise me fige dans une prestation
mentaly-correct. J'aurai aimé brocarder Marc Chabert,
vrp d'un Eurodance Park en carton pâte sectionnable au Confluent
et petite tuerie du développement de la "nuit de proximité" ;
interroger Vincent Carry sur sa page "people" (promotion-d'acteurs-parisiens-en-promotion-en-province)
dans Lyon Poche ou m'amuser d'affection avec Paul sur ses sorties
nocturnes. Mais il y a blocage. Hors antenne, je n'ai également
pas pu me défouler sur Laurent Natale, Monsieur Misogyne
de la chaîne (Rony, tenez bon ! Il vous emmène
des bouquins à la fin de votre excellent Belles et Bien comme
si vous étiez une poupette programmée pour le seul
parlé chiffon. Triste Christian d'Aubarède, obligé
de coucher avec des blondes dans Lyon-Clubbimbos, seule émission
à nous faire croire que la nuit est un gigantesque vivier
à putes) ou le très "pernaudesque" Franck
Nicolas, monstre de la télé locale, vraiment locale.
Plus loin, Caroline s'entoure des Kanardo, Olga, Peggy-Laure, Nasser,
David Cantera du Modern Art Café, Ange, Hubert Lafferrière,
Manu Cédat du Café 203 et Nicolas Stipe
pour l'anniversaire surprise d'Anthony Hawkins dans l'ancien atelier
de Elie et Jérôme d'Art Canut. La lave psychédélique
du projo Matmos se dilue aux rythmes des beats technoïdes et
du champagne écoulé. L'industry s'illumine de bougies
au sol et de chapelets de lucioles se piquant à un mur agité
par le visage celluloïdé de Gary Grant. En sous-titre,
le délicieux "j'attendais cet instant depuis des mois.
Je vous ai toujours aimé. Je vous aime". En surtitre,
Elie se cagoule d'une lampe en boule et se balance tel un play-mobil
over ethylisé. Clignez des paupières. vendredi,
le grand club touring débute à La Ruche pour
son huitième anniversaire. Les plateaux de petits fours se
lèvent, bras au ciel, sous une cohue de buveurs peu excités.
Reine Claude sirote assise sur le comptoir, Philippe Jocteur
à ses pieds. Un soumis glisse à quatre pattes le long
du zinc lustré mais le coeur ne bat pas. Au Medley,
je capte un étudiant pour un finish à La Marquise.
Un Ralph Lauren liquide son "j'ai déjà sauté
un mec... Non, je ne me suis jamais fait sodomiser mais, à
17 ans, j'ai sucé un mec pour voir" alors qu'un
jeune trendy corrige "j'étais homo mais plus maintenant".
Je salue le bel Antoine et ferme les paupières dans une baise
formatée et oubliable. dimanche,
ouvrez les yeux et votez : 13 extrêmes ou proches sur
16 candidats, cherchez la République.
Nu.
Mo. (Courts-lettrages). Petit
tour de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Ce
mercredi 17 à 20h30, Sylvie Barré invitera Musso
Versus Schmied dans son Atelier 4 des Subsistances. Dans
la nuit, WUZ (Demon et Alex Gopher) joueront house-music à
La Marquise. Clap. Tout le week-end, de 10h à 20h,
l'artiste bucolique Gilles Baise ouvrira son atelier au 28, rue
des Tables-Claudiennes. Clap. Mardi 23 avril, M83 (le
haut du panier de la french new-wave) partagera le Transbordeur
avec les plus que médiocres Rhinoçérôse
et la catastrophe Télépopmusik. Vital. Clap. Après
l'Ovale 203 et Le 100 Tabac, Café 203 ouvrira L'Indice
203 aux derniers jours de mai. Clap de faim.
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MERCREDI 24 AVRIL
2002 _ #173 |
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Les
paillettes nous brûleront les yeux
Il
y a des nuits que l'on préférerait passer enfermer
dans un Loft lobo-atomiseur de pensées. A l'abri de la gorge
qui se noue férocement. Loin de ce trébuchement manifeste
de la mémoire et des idéaux "clean". dimanche
efface une semaine de sorties telle la pile saline vissé
dans le cerveau de l'électeur irresponsable (ou absent) qui
coupe son énergie vital et le fait jouer avec des allumettes
dans un bois vert mais sec, les doigts de son feuillage croisés
sur un ciel pas complètement bleu. Le finish pixellisé
sur l'écran TV d'un Le Pen versus Chirac me pousse dans la
rue dès 23h entouré d'anarchistes, de militants politisés
et de révoltés spontanés. Le Pen est leur ennemi.
Le Pen n'est pas mon seul ennemi. 40% de mobilisés par la
peur des autres (pour les seuls chiraquiens sécuritaires
et fachos à visages honteusement découverts) pour
100% de touchés (ou pourraient l'être) par la peur
générale. Au milieu, je doute encore et toujours.
Ma vie est dense, amoureuse de l'autre et riche des surprenantes
rencontres vécues à coeur ouvert. Que se passe-t-il
? Suis-je borgne ? Suis-je un infâme privilégié
qui danse sur la tête de ceux qui souffrent ? Un déconnecté
du réel, un con niqué par l'irréel ? Voilà
où ça fait mal : l'irréel vendu comme du super-réel.
Les paillettes nous brûleront les yeux. Le voleur de sac-à-main
à chaque coin de rue en reportages filmés et ressassés
à éblouir et appuyer sur la gâchette du vote
sécuritaire. La boîte à cul, dôme des
plaisirs où la chair n'est que matière et la sensibilité
anéantie. La culture formatée "bien-pensante"
et élevée au rang du "bon goût" exclusif.
Tout ce qui m'entoure ne semble générer que frustrations
par isolement comme si chacun rêvait de toucher physiquement
son voisin, de l'aimer et que, dès sa naissance, la société
lui imposait la distance par méfiance. Un "Je crève
d'envie de te toucher pour te connaître et t'aimer mais finalement
j'agresse ton corps parce que l'on ne m'a appris que ça".
Mon malaise est là. Les hommes politiques ne sont pas les
uniques responsables de cette lente et dégoulinante déconfiture
sociale, relationnelle. Médias, sommes-nous encore porteurs
d'idées humanistes, d'engagements, d'informations non centrées
sur le vendeur scandaleux et rude ? (A regarder TF1, on se dit que
notre présumé pouvoir médiatique pue atrocement
de la gueule). L'industrialisation de nos supports (télé,
web, presse payante ou gratuite), la précarité de
nos emplois, nous machinent-elles en scribes obéissants,
commerciaux soumis à la World Compagny, fournisseur officiel
de notre matière à écrire ? Pire, notre reconnaissance
journalistique doit-elle nous placer en survivants cyniques qui
s'accrochent à un microcosme politico-culturel ceinturé
de strass et petites frimes ? Où est la pensée ? Où
sont nos idées ? Qu'échangeons-nous de sensible à
chaque article, édito ou reportage ? Peut-on avoir le culot
de conspuer de véritables idées, mêmes extrémistes,
lorsque caste politique et médias ne vendent que de la communication
en boîte stérilisée ? Certains se disent amusés
("Très cul... léger.") voire incrédules
("tu inventes tout, non ?") lorsqu'il lisent Nuits Mobiles.
Cela me blesse souvent. Pourtant l'espace de liberté que
ce journal m'offre est cher et rare. Ma démarche politique
est toujours présente qu'elle soit incomprise ou cachée
par mes maladresses rédactionnelles : approcher l'humain,
faire toucher l'inconnu, traverser des milieux socio-cul-turels
en cohabitation paisible, frôler le mal-être, jouer
avec mes doigts sur la peau de l'autre, l'énerver, le caresser,
l'éprouver. Tenter de montrer que nous vivons dans une ville
des multiples possibles, que nos yeux brillent d'excitation ou d'émerveillement
face à la diversité et se mouillent encore face à
l'adversité ou la simple difficulté d'être ou
de devenir un être. Fermez les paupières.
Nu.Mo.
(Courts-lettrages). Petit tour
de manivelle sur ce qui arrive ici, partout et ailleurs. Ce mercredi
17 à 20h30, Le Radiant ouvrira le rideau d'un Cravate Club
avec Charles Berling et Edouard Baer. Clap. Vendredi 26 et samedi
27, le Britannicuts (adaptation de Racine par Olivier Rey) tournera
sur quatre écrans au Théâtre Du Point du Jour.
Plusieurs séances (nocturne à 21h30) de cette "performance
vidéo-théâtrale" à checker au 04
78 15 01 80. Clap. Dimanche 28 avril, Nicolas Stifter fera
ses adieux à la direction artistique de La Marquise
lors d'un grand barbecue privé et brûlant. Clap. Le
même soir, "Chérie" Line du Medley
sortira les costumes et le tourne-disque pour un grand show transformiste
: "Chantal Goya sera là... enfin, presque". Clap.
Le 25 mai, après un concert pour happy few aux Subsistances
l'an dernier, Programme revient nous fracasser la tête au
Pez-Ner. Vital. Clap de faim.
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MERCREDI 01 MAI
2002 _ #174 |
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Démocrades
Lundi 22,
Christophe Boum brandit un mégaphone sur les marches
de l'Hôtel de Ville. Maladroit et auteur d'un discours humaniste
brouillon, il n'active guère les 500 jeunes paumés
et autres ultra-politisés tournés vers lui. Foule
impatiente d'hurler à l'appel radical, simpliste et invariablement
monté en pancarte depuis l'apparition du National (Front)
Socialisme : "Le Pen Dehors". L'individu est souvent bête,
la masse l'est toujours. La semaine défile dans de longues
discussions politiques à se griller le cerveau d'idéaux
fumeux et à écraser ses mégots sur le cendrier
des seules réflexions pour courir dans l'action. A Koutoubia,
Claire, Mon Épouse et Cricri me convainquent
que je ne peux me soustraire au vote "C.h.i.r.a.c" le
5 mai. Sic ! Ralliement contraint à leurs arguments pour
défendre une démocratie dont le baromètre politique
vient de caler son aiguille entre la droite dure et son extrême
butoir. Ainsi, mardi, au Café
Jules, naît Survie 2002 (www.ifrance.com/survie2002) en
formation avec Super Pénélope et Marie-Êve
: voter avec des gants blancs pour Chirac et les adresser ensuite
(bulletin de Le Pen joint à l'enveloppe) à Monsieur
Le Président de La République, Palais de L'Élysée,
Paris. Cricri hurle au téléphone : "Il
faut en discuter ! Ne pas faire n'importe quoi. Le vote n'est pas
un folklore !". Trop tard, nous partons avec Lucas pour
une séance photo "mode d'emploi" : urne, bulletin,
gants et pince à linge sur le nez. "Dépêches-toi
! Cela fait très mal !" grimace mon complice le nez
bouché devant l'objectif. Clignez des paupières. Mercredi,
à la Fédération du Parti Socialiste, nous prenons
le pou de ses militants. Il y a dans le discours de ces jeunes socialistes
une forme d'arrogance, de "je sais tout et vous êtes
des veaux". Au débat sur "la gauche doit-elle se
repositionner ? Plus à gauche pour contrebalancer les droites
?" se greffe un caméraman de M6. Le chasseur d'images
dont le sujet du jour tourne autour de "l'afflux de nouveaux
adhérents au PS" bloque son viseur sur ma tempe avec
insistance : "Vous venez adhérer ?". Une secrétaire
de la fédération : "Non, je note ses coordonnées.
C'est juste un sympathisant". le charonniard, béta-flingue
à l'épaule : "Vous êtes sûr de ne
pas vouloir adhérer ?"... presque certain que la simple
vision de sa caméra me poussera à lui donner l'image
qu'il veut mettre en boîte. Ou comment les médias,
rubans tue-mouches crades, jouent avec ses images, sa réalité
organisée. Clignez des paupières. Au Double Side,
l'amour bulle dans le bain à remous. Jean-Marc glisse l'eau
sur mon corps avec tendresse alors que je le questionne : "Tout
est codifié. Ici, les mecs se comportent comme des machines.
Comment vivre un amour hors système imposé ?".
Le caresseur : "Si tu te poses ce type de question, demandes-toi
ce que tu cherches ici et ailleurs". Je cherche parfois à
me détruire par l'absurde. Je cherche souvent à grandir
pour approcher la Tranquillité. Je cherche toujours à
aimer. Clignez des paupières. Jeudi,
pendant que Chirac fait face à ses futurs stratèges,
experts en cuisine et alliances avec le FN (Millon, Blanc et Soisson)
nous défilons au milieu de 20 000 manifestants humanistes
contre le fachisme, pour l'anarchie, trop peu pour un appel à
voter, trop peu pour le réveil des consciences politiques
et la vigilance post-élections. En fin de parcours, une centaine
de jeunes s'enfonce dans la partie populaire du quartier Guillotière.
Aux cris "nous sommes tous des français !", les
fenêtres s'ouvrent et les applaudissements nous couvrent.
Face réjouissante et bienvenue d'une marche, jusque là,
de "petits bourgeois" dans ses beaux quartiers. Nous enterrons
cette journée en terrasse de la Friterie Marti où
Christophe Boum, Primabella, Anne-Lise et Véronique
redessinent le monde. Clignez des paupières. Vendredi,
nos envies de dérisions surfacent la lune pleine. Le Medley
agité, libidos remontées, Dj Arnie, Michel
et Christian miment un tube retro pour "Claudettes" électrocutées.
Alexis, troisième homme vavavoum de mon célibat prolongé,
m'aimante en un seul sourire. Nous partageons un jeu de chuchotements
muets à fleur d'oreilles, interrompu par de longs baisers
à La Marquise. Un clignement de paupières sur
un lit froissé me fait ressentir sa peau, sa queue, son touché,
sa bouche, cet amour consciemment non partagé par mon partenaire.
Samedi au DV1, Ab et Fab de Tapiole.com photo-numérisent
nos déhanchements sur l'intemporel "Everybody be Somebody"
de Ruffneck. Jacques Haffner, tendre provocateur et futur
Guetta de la nuit lyonnaise avec l'ouverture de sa disco en septembre
prochain, remonte mon sourire : "Tu as l'air plus propre
avec tes cheveux rasés". Reine Claude plante
deux pailles dans son verre, "c'est pour boire plus vite"
, avant qu'Alexis me ferme les paupières par un faux baiser
et un "bonne nuit".
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MERCREDI 08 MAI
2002 _ #175 |
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Drama
Purge
"Tu
aimes ? C'est l'effet froissé !"
se cabre Z2 en chemise fleurie et toute droite sortie d'un tambour
de lave-linge. Dimanche 28,
autour de la buvette ancrée sur le quai de La Marquise,
nous "bookmakons" sur la durée de vie cette mode
vestimentaire de la chemise gaufrée-froissée. Nicolas
Stifter fête son départ de la péniche et
la barbecue party s'anime sur un air fluvial léger où
Hubert Lafférière s'allonge sur un transat et délaisse
wonderful Carla au duo chic, Helena et Gregoire Roche.
Devant le nouvel amant de Laconque, L'Ange Brun peste :
"Ce n'est pas le pire qu'elle est eue. Seulement, c'est
un enfant : elle passe d'un homme à l'autre de façon
très désinvolte". (C'est également
pour cela que nous l'aimons.) La Kanardo Family dégringole
les verres alcoolisés sous le regard lunaire de Seb Broquet (Nova
Mag). Nous partageons avec le journaliste indie cette analyse que
la musique électro tourne trop souvent à vide à
Paris comme ici puis dansons "à la Fred Astaire"
sous les yeux persans de Peggy-Laure. Eric du Petit Paumé
se pose la question idiote : "je me demande si je ne
suis pas hétéro à cause de la pression sociale"
à faire rire Jérôme d'Art Canut. Le décorateur,
d'une coupe liquidée d'un trait : "Dès la
descente de l'avion de Gaëlle, nous faisons l'amour sur le
tapis à bagages". Clignez des paupières. Mardi,
au Falafel (rue Terme, quartier Terreaux), la table de Franck
Michel râle : "Nous sommes arrivés trop
tard pour le concert. Tu as vu quelque chose toi ?"
Une jeunesse rockeuse amassée devant l'Hôtel de Ville,
foule anti-facho les bras tendus vers la démocratie. Un "que
deviennent tes poings quand tu tends les doigts ?" (©Miossec)
de rage et communion. Quatre dames quinquagénaires nous font
voisinage. Ma plus proche : "C'est terrible de devoir
voter Chirac, mais je le ferais. Sans ça, ce sera peut-être
la dernière fois que l'on me donnera le droit de voter".
Au Mushi-Mushi, les mains dans les platines MK2, Nasser me
brandit le vinyl de "Superlover Boy" de Maria Carey :
"C'est pour toi. Je te l'offre" alors qu'en terrasse
Mourad avoue : "Je me suis déjà fait sucer
par un mec : pas mal". Sur le dancefloor du Marais, le
même gosse ("pour un pd, t'es cool" sourit-il
en me drunkant) se prend râteau sur râteau devant des
lesbiennes anti-couilles. Sur le canapé du Medley,
je relève un objet sexuel bien identifié qui amusera
ma nuit pré 1er mai sur un improbable "Be Sincère"
de MJ Cole. Clignez des paupières. mercredi,
le corps resapé par une pluie pénétrante et
la joie alimentée par une mobilisation historique, Karine
et Marie-Êve s'engagent dans une manifestation qui
s'auto-boucle sur 7 kilomètres. Un détournement sur
petit panneau de la primaire chaîne de télévision
croisé ("TFN, l'insécurité 24h/24h")
et le mouvement s'achève dans la rouille boueuse de la place
Bellecour. Un frisson à produire de l'eau dans mes yeux coule
dans mon dos lorsqu'un groupe d'étudiants sourit, à
gorge greffée au coeur, une Marseillaise directement classable
dans le mémorable. Clignez des paupières. Au 5, place
de l'Hopital (quartier République), le Broc'Café
vient d'ouvrir, Mireille de feu VertuBleu en cuisine. Vendredi,
Christophe Boum, Primabella et Sébastien C. y
collectionnent les pots de rouge jusqu'à Tombé
du Ciel où Olivier Angel me flatte d'un "Tu es une
sorte de Pacadis. Tu connais Alain Pacadis ?" Oui mais
j'espère ne pas mourir étranglé par un amant
bien que le suicide ou le crime passionnel soit une façon
admirable de mettre fin à la vie. Le comédien rectifie :
"Tu es un médiocre". Très certainement.
De retour au Medley, Alexis perturbe mes multi-dragues. Primabella
décide : "Tu es incapable d'être amoureux.
Tu es amoureux d'Alexis ?". Un "Oui" définitif
pour cligner des paupières. Samedi,
la neige se mélange à la plus belle lumière
de l'année sur le massif du Trièvres. Le Mont Aiguille
bataille avec une couverture blanche douillette et une lueur rose
à extasier. Clignez des paupières. "Vous êtes
originaire du Périgord ?" tente de me décrisper
Patrice Béghain devant l'urne, dimanche. Je lâche
avec gêne mon vote "Chirac" dans la caisse blanche
alors qu'à l'extérieur Christophe Boum tapisse
les portraits du Porc d'affiches "Votez Facho, non !
Votez Escroc, oui !". Dès 19h, LC nous communique
les premières estimations afin de mettre en route les imprimantes
pour une descente à 20h01 dans la permanence de l'État
RPR. 19h30, Mon Épouse, Mireille, Cécile, Z2
ouvrent l'appartement. 20h01, blanc de peur, je pénètre
la permanence chiraquienne, muni d'un panneau "Monsieur 82 %,
j'ai vomi après avoir voté pour toi". Christophe
Boum, Super Pénélope et Mireille emboîtent
le happening. Se laver d'un vote que nous n'assumerons par l'unique
souvenir d'avoir évité le pire. Révéler
que mon pays ne se suffira pas d'un bandit en col d'or pour tuer
le mal brun qui l'attaque. Fermez les paupières.
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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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