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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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MERCREDI 22 DECEMBRE 1999 _ #064
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Les
boules explosées
"Il
n'y a plus de champagne. Tu arrives un peu tard. Tu vas voir il
y a du people",
ironise Christian à l'inauguration de L'United Resto
(20, rue Lanterne, quartier Terreaux) ce vendredi.
Coincé entre un minet en costume vert pomme pour qui l'évènement
sera mémorable et une nuée de pintades aux mains gloutonnes
(à ce stade d'inconvenance, le qualificatif de "pique-assiette"
semble dépassé), je cherche désespérément
une sortie amusante. En deux coups de reins, je me retrouve dans
la rue et grelotte jusqu'au VertuBleu. Tout semble tranquille
jusqu'à la venue de Marie-Hélène, Claire et
Mr. C. Ce dernier grimpe, après quelques rincées de
fillettes en vignes, vers la provocation : "Touche-moi la
queue." Nos jeunes femmes ne semblent guère troublées
par une telle demande même illustrée par une sortie
de braguette. Imperturbable, Claire sirote des Paul Michael Glaser
(gin tonic sexuellement connoté) et Cécile, survoltée,
souhaite "bouger son cul au 2P + C". Nous nous
faisons aborder par un Stéphane Bern en tenue de dandy
poppeux 1986, pull en écharpe et Ray Ban en pochette. En
deux tours de ceinture, nous relookons l'incorrect et l'entraînons
au Café 203 sur la fermeture. Mr. C. s'accroche à
nous : "Bon, qui va me sucer maintenant ?" Nous
entrons-sortons d'un Funambule retenu par de solides fêtards
puis du Village où nous nous collons les uns aux autres
presque amoureusement. Philippe se laisse aller à des gestes
tendres qui me touchent jusque dans mon pantalon et nous convenons
d'un prochain repas. Marie Hélène se défile,
abattue par un si grand amusement. Le petit-déjeuner sera
whisky-cigarettes et nous fera disserter sur : "Le vouvoiement
peut très bien être un jeu, un plaisir Dire 'tu', c'est
déjà la fin" (Claire), "Absolument.
C'est magnifique ce que vous venez de dire" (Stéphane
B.). Nous éclatons de rire, heureux de vivre ces moments
de plaisance. Au soir, Arnaud s'élance dans des vocalises
idiotes : "Saint-Preux, ces voix aériennes sur musiques
sottes, j'imagine ça sur un vieux porno soft italien, le
genre deuxième classe un dimanche soir sur M6."
L'heure nous achève et la sortie attendra.
Sons
glacés. Mercredi, Wicked Profayt et Duke sont les invités
d'On The Real des 3e Sous-sol à La Marquise. Le Fish s'exerce
au même freestyle hip-hop avec Poska et Cutee B pour une Groove
Deluxe. Jeudi, Le Monde à l'Envers clôt l'année
avec une nuit de surprises. Samedi, Spider accueille sur la Marquise
les salsatores d'une Free Salsation réchauffante. Au Fridge,
Uma fête son anniversaire lors d'une Kitsch 2000 particulière.
Pour les accros de gros son et groovy house, le Weekamix de Genève
reçoit Dan Curtin et Jack de Marseille.
Se
prendre une bûche. Jeudi, La Mère Noël danse
Disco 2000 au Loft. Au Fish, c'est la même chose en plus existentielle
: Et si le Père Noël existait ? Le lendemain, on allume
le sapin à la maison. Samedi, le Fish ouvre son Open Bar
au cas où la dinde aurait été trop digeste.
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MERCREDI 29 DECEMBRE 1999 _ #065
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Rétro-projecto
La figure imposée du "en 12 mois, il s'est passé
ça" s'aggrave d'autant plus que cette année,
certains se sont remués les méninges pour revisiter
les grands moments de notre, déjà vieux, XXe siècle.
Restons sur 1999 et résumons.
Lyon,
cent Nuits pas
Que ce soit la plus belle et chaude soirée de l'année
au Pez Ner avec Adam F, la déjantée nuit Sheila
à l'Escalier, les afters moites de la Divine Comédie,
les interminables beuveries familiales du VertuBleu, les
coups de beats des "mixer-bars" (Funambule, Kafé
Myzik), le parcours nocturne local est loin du conservatisme
qu'on veut infiniment lui coller. Même si les efforts d'innovations
se trouvent plus dans ses bars que dans ses discos, vous pouvez
laisser tomber vos booms solitaires en appartement et mettre le
nez dans la nuit lyonnaise sans forcément vous y ennuyer.
La
fashion-victim se gaufre, le décalé s'éclate
1999 aura vu la métamorphose du Fish-boutiquiers en Fish-étudiants
et son voisin de quai, La Marquise-pointue-et-sympa en Marquise-branchée
(et un peu moins sympa). Coup du sort où le petit poisson
mange le gros, où l'hameçon se trouve être plus
appétissant dans une ambiance musicale coolante et authentique,
à l'accueil chaleureux, plutôt que chez un distributeur
de "branchitude" un peu trop hautain. Conséquence
facile de l'évolution des murs noctambules où le "décalé"
sous toutes ses formes (musiques, ambiances, décos) l'emporte
sur l'aseptisé d'un pseudo-luxe fashion. La "Classe-toc"
a ses clients lyonnais, seulement voilà, ce n'est plus l'air
du temps (sauf au First, nouvelle disco remplaçante de La
Station, cet automne).
Les
gays s'hétérotisent
Après avoir ouvert à tour de bras en 1997, les bars
homos s'animent dans la mixité. De jeunes et jolies filles
s'introduisent dans ce milieu de mâââââles
et font exploser le ghetto. L'United Café ou Le Village,
chacun dans leur style, ouvrent leurs nuits chaudes à des
couples dits "hétéros" et petites Lolita
gay-friendly. En septembre, Le Fridge ouvre en lieu et place du
Stardust et remplace les étudiants en bière par un
brassage de gays et nightclubbers nourris à la hardhouse.
Danser
dans la forêt
Les raves ou free-parties sont en roue libre et s'enfoncent dans
l'ennui et les luttes entre tribus de travellers et autres djs pour
qui plus le son est pourri, la boue abondante, mieux est la "teuf".
Au final, l'esprit de fête attendra la prochaine impulsion.
Nous aussi.
Dj-disco-culture
Si la place du dj dans une soirée est devenue prédominante,
le futur ne dépend plus complètement de ces jeunes
gens, souvent talentueux, parfois prétentieux. La dérive
qui a amené certains à inventer la sortie en boîte
comme une représentation d'opéra ("on vient voir
un type qui mixe, on danse éventuellement sur sa musique"),
se trouve enfin recentrée sur le seul impératif de
la nuit : danser, rire, baiser. Le dj ne devient plus une attraction
(comme pouvait l'être également un gogo-dancer ou une
drag-queen au milieu des 90's). Il est juste un élément
de la nuit qui fait qu'on bouge son corps ("et que quand je
serais miss France, j'interdirais la famine", me souffle Julien
derrière le Mac). Le futur nocturne devrait être un
mix audacieux de la génération disco hédoniste
et généreuse et de celle, techno, du safe-sex et de
la crise. Hourrika !
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MERCREDI 12 JANVIER 2000 _ #066
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Elle
ne pourra jamais choper une tête aussi grosse que ses seins
"Brasser les styles, brasser, brasser !" Voilà
en résumé le discours de nos deux nouveaux fleurons
de la nuit camarades Lahon et Chambon, ouvreurs, jeudi,
de àKGB. Posté dans une usine du 7e arrondissement
(2, rue des Bons-Enfants) et retapé à l'aide de trois
jolis millions de francs, le Cercle souping ("c'est conceptuel,
c'est décalé, ne cherche pas à comprendre ma
chérie") à réussi à réunir
en un très chouette lieu multisalle-à-manger le Tout
Lyon qui Compte (Culture et médias) et le Lyonnais qui Dépense
(commerçants). Comme ces deux-là ne se mélangent
pas trop, les VIPress se sont éclipsés à l'arrivée
des VIP Boutiquiers d'àKGB. Nous nous sommes vite
trouvés à croiser au hasard des verres, un vrai-faux
père libidineux en costume anglais (façon Beetlejuice),
une idiote fine en tailleur Zara ("Hélène
! tu peux me choper un truc à manger. C'est l'hallu ce soir.
T'as vu, y a un gars de TLM avec sa caméra !") et
plusieurs habitués du 115. Qu'importe, Claire est toujours
aussi dangereusement "basculeuse" et le champagne coule
à flots. Vincent Carry se plaignant que Nuits Mobiles
"devrait s'appeler Claire Nightclubbing : tu ne parles que
d'elle", l'intéressée m'entraîne sur
le présumé dancefloor (10 m2 très généreux)
et nous nous frottons à quelques minutes de deep house
assouplissante. Nous prenons gentiment note de la programmation
du lieu le dimanche venant : "C'est BBM (Best Before Monday).
Venez, il y aura des gogo-dancers et ce sera plus amusant que ce
soir. C'est l'inauguration, alors évidemment, ils sont un
peu coincés", nous explique David Vincent. Overdosés
de bulles, nous embarquons dans le bolide d'Ours Fort ("C'est
tout de même un RPR. La tolérance à ses limites",
s'amuse ma compagne) en direction du VertuBleu. Rue Mercière,
Gilles est fou de bonheur, Ours Fort un peu amoureux
de mes genoux, Virginie belle comme les champs et en deux
tours de table nous finissons au Village, chacun épris
d'un cochon en peluche offert par Gilles. Au petit matin, mon répondeur
dégorge de messages amusants : cinq minutes de My life
is music du merveilleux album de Maddkatt Courtship (Felix
Da Housecat) laissait par un anonyme et un "Je viens
de me marier avec Lâââm. Tu sais, on vit
une grande histoire. Elle est restée très simple malgré
son succès fulgurant. De toute façon, elle ne pourra
jamais choper une tête aussi grosse que ses seins",
fantasmait Régis à 3h04.
After
the Storm, rain. Mercredi, c'est l'Orient qui prend le àKGB
avec vodka et cithares. Jeudi, Le P'tit Vélo joue Musique
en Roue libre dans les descentes avec trompettes et tubas au Kafé
Myzik. Le Ninkasi tape dans le ringue un peu vulgos avec dj Macouille.
Vendredi, Manoo mixe house-garage à L'Ambroise-Café
(place des Célestins) pendant que Manu Le Malin tabasse au
Monde à L'Envers. La Marquise fricotille avec F.Communication
et les Llorca et Feads. Au programme, hip-hop, jungle, house et
scratchin' pour les petits du grand label français porté
par un Laurent Garnier qui fera sa promo-album sur le paquebot Fish,
le lendemain, samedi. Samedi, où l'on retrouvera La Nuit
des Mannequins Amateurs à La Cour supervisée par l'agence
Manager's et un jury prestigieux (Danielle de la boutique Floup-floup
et Sylvain du Bar Brantouch ?). Au Fridge, D-Troy et Dj'M monopolise
une Ultimate Clubbing de hardhouse. Dimanche, c'est B.B.M (Best
Before Monday) au àKGB.
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MERCREDI 19 JANVIER 2000 _ #067
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Faut-il
tirer sur les videurs ?
Vendredi, TLM
rediffuse un débat sur le délit de faciès effectif
à l'entrée des discos de la région. Monsieur
Pakloglou, président de l'association Lyon La Nuit tente
de nier à l'antenne (il a pris du Guronsan pour tant de
courage ?) ce qui se vit tous les week-ends à l'entrée
des discos. Des dizaines de "pas Français"
qui, en résumé forcé, reçoivent un :
"Toi, le bougnoule, tu ne vas pas venir ici nous faire chier.
On est un établissement respectable et responsable"
soit "vous, métèques, n'êtes ni responsables
et encore moins respectables". Plus loin dans l'émission,
le président aborde avec beaucoup de circonvolutions ces
"communautés à problèmes"
(les Maghrébins en langage politiquement correct). A priori,
ce n'est pas cette "communauté" qui pose
problème mais certaines individualités de n'importe
quelle "communauté". La violence urbaine existe
(encore plus virulente la nuit) et la mise en place d'un service
d'ordre musclé et imposant est nécessaire pour la
sécurité des nightclubbers. La dérive s'installe
lorsque les patrons de clubs laissent à leurs videurs le
rôle de portier, celui qui est censé accueillir en
premier lieu les fêtards. Dès lors, que ce bibendum
de la sécurité ait des consignes strictes voire racistes
de la part de son patron ou pas, on imagine aisément que
pour ne pas avoir à abîmer son beau visage glabre,
il peut prendre de sa propre initiative le choix de faire du délit
de faciès. Une question se pose alors : ces videurs sont-ils
formés pour déceler l'Arabe fêtard du casseur
? L'étudiant qui va faire chier la jolie fille de celui qui
va être courtois ? Plus mercantilement, celui qui va laisser
beaucoup de francs, de celui qui n'a pas un centime en poche ? etc...
Plus encore, la nuit donc la fête, doit-elle reposer sur la
notion de sécurité dictatoriale ? N'attendons-nous
pas d'un club qu'il nous accueille avec sourire (comme chez mon
boucher) tout en nous garantissant une certaine sécurité.
Ce vendredi, nous avons sévèrement
gambadé sur les sets déstructurés electro-house
des F-Communicators, Llorca et Feadz, à La Marquise.
Julien me questionne : "Alors, la Marquise, c'est moins
sympa ?", en réponse : "Non, à l'intérieur,
tout va bien. Ce sont vos videurs qui posent problème".
Et pourtant, La Marquise est un des rares lieux ouverts à
tous. Sauf que depuis l'arrivée de son service d'ordre, son
bas de port est frigorifiant (sauf si vous êtes journaliste)
et que pour avoir quelques atomes très crochus avec ce club,
nous espérions une formule d'accueil plus originale et aux
couleurs de son intérieur : chaleureux et convivial.
Fun
is a drug. Mercredi, Fraggle, Junior et Baretta rendent hommage
à Curtis Mayfield au Mushi-Mushi (8, rue des Augustins, quartier
Terreaux). Jeudi, Kaly distille du dub au Bistroy et plus haut des
les pentes, le Monde à l'Envers propose un North Sound avec
OB1, Fabrice et David Mai. L'àKGB sort l'electro-pop de ces
tristes 80's pour swinguer Depeche Mode et tout et tout. Vendredi,
au Studio (12, quai Saint-Vincent), Tracks avec Rickk's, Anton'X
et plus au 06 60 50 00 56. Dans la coque de la Marquise, Jurgen
from Jazzanova, Eva Gardner et Spider font rouler les galets sur
du latino jazzy "in da groove". Samedi, une free est annoncée
par Neutral Korps et ses NSA, Got'x et Lsdf au 36 72 22 01 155.
Au Fridge, Gay se fait tripoter par Luck et la voix insupportable
de MC Dave (coupez-lui le mic !! pitié !!). Au Box Office
(30, bd Deruelle, quartier Part-Dieu), Amenophis joue la décadence
avec Fred X et Maï.
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MERCREDI 26 JANVIER 2000 _ #068
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Debby
du Chili décidait que je serai l'homme de sa vie
Mercredi,
Claire se remet de son voyage en Loire-Atlantique à la soirée
Curtis Mayfield du Mushi-Mushi (8, rue des Augustins, quartier
Terreaux) : "Je suis déçue : Je n'ai pas eu
le temps de démazouter un seul volatile. Je n'ai même
pas vu la mer souillée", avoue, honteuse, la belle.
Franck se perd dans la bière et quelques anti-dépresseurs
attristants. Nous l'emportons au VertuBleu où Mireille,
en guise d'étrennes, nous offre une entrée de foie
gras frais et goûteux. Je persiste à vouloir me faire
ravir par un chevalier masqué qui "m'enfermerait
dans une ferme en pleine montagne où je ne verrais le jour".
Au vendredi, la grippe planante nous éjecte trop tôt
d'un Village-Club paré de son nouveau jeu de lumières
fleuri. Le lendemain nous imagine au Luna-Park à tournoyer
sous les lampions et se coller des barbes à papa plein la
bouche. Hélas, nous dînons tardivement et Claire se
lance dans l'imaginaire : "Je verrais bien ma chambre à
coucher perchée dans un phare. Fracassé par les vagues,
la lentille-guide tournante une merveille." Julien
fait vibrer le portable : "Je suis allé au Queen
hier soir pour danser Derrick Carter. Pour raison familiale,
il s'est fait remplacer par Luke Salomon. C'était
moyen et le calvaire pour moi : une drag-queen, Debby du Chili n'a
pas arrêté de me coller. J'étais l'homme de
sa vie : 'Toi, beau. Moi, envie de toi' me disait la belle
en robe fushia à grandes plumes. Je n'ai même pas eu
une demi-érection. Êtes-vous fier de ma fidélité
?", me soufflait Le Bimb. Nous reportons notre sortie
chez les forains et convenons d'une BBM chez àKGB
le dimanche soir. Chez les Russes, l'ambiance est
maussade et ce n'est ni les délicieuses vodkas au miel et
au melon, ni les gogo-boys en kilt ("Ce serait tellement
plus sexy si leur kilt était plus long. Je trouve que moins
on en montre, plus cela peut être excitant", résume
ma compagne) qui retiendront la nuit.
The
last dance. Mercredi, les Natty Bass Sound Sys. prennent les
platines du Monde à L'Envers pour un set jungle. Jeudi, "Ne
vous affligez pas de n'être connu de personne, mais travaillez
à vous rendre digne d'être connu", lit-on sur
le flyer du First Club qui joue l'exotisme d'une nuit Ritmo Latino.
Forcément drôle. Vendredi, Nokman partage sa jumpin'
jungle à l'Amboise Café puis à La Marquise
avec sa Dolby System, péniche qui se fera frotter par les
jeux de mains hip-hop des britons Scratch Perverts. Samedi, L'Élément
(20, rue Saint-Georges) lance Infinity avec Asura, Thy-Lan et Bio
dans un esprit trance-psyché. Au Space, c'est Fabulous Unik
Fashion avec les résidents JPS et Julien Jacquemin. EPO1
booste Le Kamin Club pendant qu'à la MJC d'Oullins Kargol's
se révolte sur du ska-reggae NRV. Pour les trainspotters
voyageurs, King's à L'Élysée Montmartre (Paris)
avec rien de moins que Daft Punk, Cassius, Laurent Garnier et Freddy.
Dimanche, White Factory au Fridge avec dj Némo dans un décor
monochrome : blanc, évidemment blanc. Mardi, c'est l'Effet
Vapeur qui bidouille sax, clarinette, sampler et objets divers au
Kafé Myzik.
Safari
of Sound. Huit lieux (République, Cosmopolitan, Road
66, Waff, Indian Café, le Monde à L'Envers et Café
Prosper) s'aventurent dans les mixes bigarrés d'une armée
de 25 djs. La nuit itinérante s'achève dans un lieu
magique : une after au Mc Donald de Gerland. À voir, juste
pour rire.
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MERCREDI 02 FEVRIER 2000 _ #069
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Peep
Deluxe
Un champ de roses en lévitation nous accueille,
mercredi,
à l'agence de Michel Essertier pour une de ses petites
fêtes que l'on ne croise, hélas, que dans un cadre
privé. Beaux-hardeux, écrivains, architectes, insatiables
alcooliques de compagnie, Agnès, traînent d'une
salle à l'autre en discussions intello-sexuelles. En véritable
bombe de séduction, Geneviève en a assez :
"J'arrête. J'étais avec un fabuleux métis.
Mais je n'en peux plus." À la quête d'un impossible
verre, nous tournons autour d'une cour infectée d'araignées
géantes en plastique et saluons la nomenklatura locale (pas
les cocktaileux institutionnels mais les allumés intelligents
et sensibles). Je tombe sur le magnifique et charmeur Philippe
Moncorgé qui sculpte un bout de jambon sur canapé.
Ours Fort nous rejoint sans son habituel costume de RPR pour
se plaindre d'un "t'imagines, 70 000 francs seront alloués
par arrondissement pour la fête de la musique 2000. Que veux-tu
faire avec ça ?". Nous échappons à
cette triste nouvelle qui n'émeut personne vu la folie régnante
chez les festifs de l'hôtel de ville : "2000, année
triple zéro" restera le slogan officieux de la municipalité.
Marie-Êve et Christelle nous emportent au Mushi-Mushi
où nous errons dans des discussions éclatées.
Philippe absorbe ma fascination : "Je suis peintre-Rmiste
qui expose à la mairie du deuxième toutes les structures
institutionnelles qui apportaient un soutien aux personnes comme
moi disparaissent. C'est dramatique. Tu sais ce que j'ai dû
faire pour m'insérer matériellement dans cette société
? J'ai créé une entreprise qui s'appelle L'Entreprise de l'Échec. Je dis aux mecs qui réussissent
: 'Un jour, ça n'ira plus
et ma boîte vous accueillera'." Ours Fort craque
sous les coups de pintes et tout le monde s'éclipse. samedi,
Claire grelotte toujours sous la couette à ruminer sa grippe
: "J'attends votre potage", me télémessage
ma "relation par défaut". Dj Arnie
m'invite à dîner et nous dissertons encore de "la
culture dominante est effectivement le hip-hop : la mode vestimentaire,
la musique la house n'est plus qu'un genre comme les autres. Il
est stérile et la techno encore plus. C'est l'effet du commerce
de cette musique et du mouvement underground qui soit s'est fait
casser par les flics au début des 90's, soit à virer
dans ces free-parties de cramouilles sectaires. Il n'y a plus ce
brassages des premières raves où la house était
expansive et fraîche. Aujourd'hui, ce ne sont que des cloisonnements
et musicalement ça ne progresse pas. Tout est en stand-by",
s'emporte le gaillard. Nous bougeons au Village-Club où
l'on s'arrose d'attouchements et rires moqueurs ("J'adooore
ton polo. Tu l'as acheté où ? - À Tokyo. -
Tu sais Zara, c'est Internatinoool").
Nous partons à la Divine Comédie où
Thierry joue à des succions de mythomanes dans les
toilettes, Arnie observe un couple travelo-hétéro
dans la backroom ("Non ! Non ! Ne me touche pas la foune
!") et deux amoureux s'endorment enlacés sur une
banquette pour épuisés. Merveilleux.
Calme
et tranquille. Mercredi, Russian Percussion Tour à la
Marquise s'avère être le plus excitant de la semaine
avec l'impeccable dj Vadim de Ninja Tune, Mr Things, Kela et Blu
Rum 13. À côté, au Fish, Let's Dance avec P-Moore,
la délicieuse Roussia et Lil Boy joue la concurrence de qualité.
Samedi, Soul Spectrum Party toujours à la Marquise avec Spider
et Keb Draqe. Madcap et sa famille explosent le Bart (7, rue Romarin)
avec Nokman et Imao lors de la New-Eden Party 6 et le reste n'est
que rabâchage.
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MERCREDI 09 FEVRIER 2000 _ #070
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Tu
me dis "je t'aime" uniquement lorsque tu es ivre
Claire
me rappelle en goûtant son potage que ce n'est pas sa chambre
qu'elle souhaiterait avoir en haut d'un phare mais une salle de
bains. "J'espère un erratum de votre part",
insiste-t-elle en me montrant son nouveau vernis à ongle
raté. mardi,
ma RPD (relation par défaut) se porte mieux et je
la quitte pour Alice au VertuBleu. Nous pestons contre cet
amour qui ne vient pas pendant que Mireille s'emporte sur l'adoption
impossible d'un enfant par un couple gay. Nous persistons à
la non-intervention dans ce débat stérile et mettons
les pendules à l'heure du sommeil au Funambule. Mercredi,
petit saut chez La Marquise où Dj Vadim joue des rythmes
et sonorités à en faire baver un Fraggle : "C'est
de la balle !". Pour fermer les yeux, enfoncé sous
la couette, je continue la délectation d'un Journey By
Dj de Coldcut qui doit certainement faire vomir de honte
plus d'un apprenti dj branchouille. Le Bimb m'invite à
dégénérer sur Paris et nous nous retrouvons
dans le gay-Marais à danser au Mixer-Bar sur un set housy
de Chloé. Plus tard, nous finissons au Gibus,
antre de la mixité chaleureuse et de la hype "streetwear-petite
frappette colletée d'une chaîne en or". La
tech-house est ennuyeuse mais l'esprit festif est enfin là.
Bon esprit que l'on retrouve à la soirée House
of Légends, le lendemain, à l'Enfer : grande foire
de kid-clubbers extasiés aux coups vigoureux et délicats
d'un Dan Ghenacia méga-star parisienne consacrée (le
dj est booké partout et c'est mérité). Du pédé
caillera multiplatiné de tablettes abdominales au post-pubère
en overdose de sourires illicites; du chiffonnier en Cerruti à
une cour de poupées suintantes d'un carré VIP. Paris
flambe à nouveau. Plus tôt, nos visites chez le puant
Le Shop (boutique Streetwear où l'on fait cracher
sa carte bleue pour avoir l'air d'être cool, rebelle et pauvre)
puis chez Colette et L'Éclaireur (boutiques
branchées certifiées : "De toutes façons,
même si les clients n'ont pas de goût, Colette en a
pour eux", constate le Bimb en admiration devant une paire
de Puma à plusieurs dizaines de francs) confirme l'impression
: Paris claque et prend goût à se mélanger et
s'amuser. Les oreilles me sifflent que Lyon attend toujours ou se
plante en parquant ses nouveaux riches dans l'aseptisé d'un
autre temps. J'enlace Julien et lui murmure une insanité
: "Je t'aime". Il fredonne le You only tell
me you love me when you're drunk des patins indémodables
Pet Shop Boys. Au petit matin, je pique du nez sur les pages
Rebonds de Libération où Michel Polac
écrit : "En réalité, je ne me prends
pas au sérieux, parce que, malgré tous mes efforts,
je n'ai pas réussi à prendre la vie au sérieux,
il y a trop d'illusions dans la réalité. Seule la
souffrance physique n'est pas un mirage." Je me rendors
aussitôt.
So
much time, so little to do. On attaque directement sur vendredi
où la nouvelle vague de la house française déboule
sur la Marquise : 20 000 ST Party avec Demon et Samana Wök.
Filtres, boule à galettes discoïdes, il ne manquera
plus que vos perruques 70's. Au Fish, Patrice réveille le
gros bateau avec une Oldies But Goodies tout droit sortie d'un mythique
Paradise Garage ou autre Studio 54. Manoo est aux platines et la
nuit est conseillable. La soirée originale de la semaine,
c'est Babouche Party à L'Autidorium avec un café turc
pour les fatigués et Fraggle, Dom, Twelve et K-reem pour
les agités des hanches. Au Loft, on débute le week-end
de la Saint-Valentin où ce sera la honte pour celui ou celle
qui ne sera pas accompagné(e) par la langue de sa moitié
adorée. En plus sérieux et rebelle, Watcha se la joue
techno, jungle, trip-hop, métal-harcore (rien que ça
?) à la MJC d'Oullins. Samedi, ça tourne X-gay à
la Wake Up ! du Fridge avec "2 excellents djs" : Sophie
et D-troy (c'est le flyer qui le dit). Mardi, Go to Moby au Ninkasi
où l'on espère que la prestation de cet extraterrestre
dépassera la qualité moyenne de ses derniers crimes
sur CD (comment un si beau raisonneur peut-il avoir tant de mal
à nous donner un chef-d'oeuvre ?).
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MERCREDI 16 FEVRIER 2000 _ #071
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Les
toilettes blanches
"Pierre,
pourriez-vous nous prêter vos jumelles ?"
Claire fait le tour de l'orchestre et ne vise rien. Chaussé
des montures de turfistes, je bloque sur un clarinettiste au double
menton naissant et un cameraman agile. mardi
est jour des Victoires de la Musique classique et l'Auditorium
se trouve être le centre de la terre lyonnaise. Cérémonie
agréable, inconséquente, qui deviendra vite fort appréciable
après le cocktail de clôture qui suivra ses "heu,
je remercie ma mère d'avoir su me doter d'oreilles".
Perchés en bout de corde à l'hôtel Méridien,
nous snobons ces modestes petits canapés sucrés pour
mieux plonger dans les seaux à champagne. Nous croisons un
craquant présentateur de TLM auquel je déclare
ma flamme musicale : "J'aime beaucoup votre air benêt,
un peu nigaud. Regardez vos pieds. Vous ne savez jamais où
les mettre." Pas de chance, le ravisseur ne saisit pas
la portée déconnante de la réflexion et me
rappelle ma dernière tentative : "Oui, nous nous
connaissons : vous m'aviez proposé d'aller 'baiser' dans
les toilettes, il y a peu." Nous tournons les talons et
Ours Fort apparaît vêtu de sa cravate jaune et
de ce petit air coincé protocolaire. Nous insistons pour
le baiser qu'il refuse en un tel lieu de bienséance. Las,
nous dansons à la capucine avec Françoise :
"Vous serez des nôtres, vendredi, pour la Babouche Party ?", me tient
d'affection la belle dame. Évidemment, vendredi,
l'Auditorium pouffe de musiques turques et d'amusements surréalistes.
Le champ de foire est vaste et me replonge dans la nostalgie du
bal de clôture de la Semaine Folle, il y a quelques
années, à l'Opéra Bastille : lieu vaste,
insolite, propice à des rencontres fabuleuses et habité
par une faune bariolée. Patrice Armengau me fait don
d'une superbe coiffe brodée de petits miroirs que nous filons
admirer dans les toilettes en compagnie de mes surs d'un soir. Fermés
à double tour dans la pièce blanche, nous rions à
l'amour simulé puis retournons nous perdre dans des couloirs
tenturés et braisés de faibles flammes. La scène
Jungle n'encense aucune odeur d'amour et nous remontons vers la
sortie de secours à La Divine
Comédie. Assoiffés
par une nuit qui en a dépassé les mille dernières,
la backroom du club se trouve vite pillée de ses meilleures
pièces. Pierre, homme de loi et de finesse, devient absent
et accuse la fatigue. Une vive nuit mémorable.
Générique
de faims. Mercredi, Jack de Marseille et Phunky Data electroïdent
le Fish. Le spleen majestueux des Mélankolik de Bristol intellectualise
le Plastic People (rue Sergent Blandan, quartier Terreaux). Jeudi,
les curieux iront faire un tour au fond à droite de la rue
de Thou (chut) pendant que les gays iront découvrir un nouveau
Bar, Le Versus, au 17 de la rue Leynaud. Vendredi, Gus Gus Allstars
s'amusent au Fish et nous avec (lire page 29). Au Monde à
L'Envers, Krysalid et Stephanovitch bastonnent les tek-kids. Quand
le club va-t-il arrêter ces flyers pseudo-underground faits
à la main et sans aucun intérêt graphique ?
Samedi, Jumping Bass au 3672 code 19.19.19 avec Yan, Max le Sale
Gosse, Yellow et plus. À la Marquise, Spider convie les Latinospoters
à sa Especial Salsation où Mc Rucangola et les batucadas
ouvriront nos sensualités. Mardi, re-Marquise pour du hip-hop
: B.O.S.S. Party avec Lady Laister, Dj James et Terror Seb.
Try
the Disco-tek. Mercredi, Active Prod. s'installe dans le 2P
+ C pour des Oldies But Goodies hebdo attendues comme sulfureuses.
Cette semaine, c'est Dj All'N qui s'y colle. Le reste du week-end,
l'appartement de la rue Terme continue dans le Disco is Discount
: "Le disco, c'est cheap, c'est vieux", avertit le flyer.
Pas tout à fait d'accord mais cela promet d'être drôle.
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INSTINCT NOCTURNE
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Écrit
par Baptiste Jacquet |
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire
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