INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
"Nuits Mobiles" jusqu'au
22 nov. 06 dans l'hebdomadaire

 

MERCREDI 22 DECEMBRE 1999 _ #064

 

Les boules explosées

"Il n'y a plus de champagne. Tu arrives un peu tard. Tu vas voir il y a du people", ironise Christian à l'inauguration de L'United Resto (20, rue Lanterne, quartier Terreaux) ce vendredi. Coincé entre un minet en costume vert pomme pour qui l'évènement sera mémorable et une nuée de pintades aux mains gloutonnes (à ce stade d'inconvenance, le qualificatif de "pique-assiette" semble dépassé), je cherche désespérément une sortie amusante. En deux coups de reins, je me retrouve dans la rue et grelotte jusqu'au VertuBleu. Tout semble tranquille jusqu'à la venue de Marie-Hélène, Claire et Mr. C. Ce dernier grimpe, après quelques rincées de fillettes en vignes, vers la provocation : "Touche-moi la queue." Nos jeunes femmes ne semblent guère troublées par une telle demande même illustrée par une sortie de braguette. Imperturbable, Claire sirote des Paul Michael Glaser (gin tonic sexuellement connoté) et Cécile, survoltée, souhaite "bouger son cul au 2P + C". Nous nous faisons aborder par un Stéphane Bern en tenue de dandy poppeux 1986, pull en écharpe et Ray Ban en pochette. En deux tours de ceinture, nous relookons l'incorrect et l'entraînons au Café 203 sur la fermeture. Mr. C. s'accroche à nous : "Bon, qui va me sucer maintenant ?" Nous entrons-sortons d'un Funambule retenu par de solides fêtards puis du Village où nous nous collons les uns aux autres presque amoureusement. Philippe se laisse aller à des gestes tendres qui me touchent jusque dans mon pantalon et nous convenons d'un prochain repas. Marie Hélène se défile, abattue par un si grand amusement. Le petit-déjeuner sera whisky-cigarettes et nous fera disserter sur : "Le vouvoiement peut très bien être un jeu, un plaisir Dire 'tu', c'est déjà la fin" (Claire), "Absolument. C'est magnifique ce que vous venez de dire" (Stéphane B.). Nous éclatons de rire, heureux de vivre ces moments de plaisance. Au soir, Arnaud s'élance dans des vocalises idiotes : "Saint-Preux, ces voix aériennes sur musiques sottes, j'imagine ça sur un vieux porno soft italien, le genre deuxième classe un dimanche soir sur M6." L'heure nous achève et la sortie attendra.

Sons glacés. Mercredi, Wicked Profayt et Duke sont les invités d'On The Real des 3e Sous-sol à La Marquise. Le Fish s'exerce au même freestyle hip-hop avec Poska et Cutee B pour une Groove Deluxe. Jeudi, Le Monde à l'Envers clôt l'année avec une nuit de surprises. Samedi, Spider accueille sur la Marquise les salsatores d'une Free Salsation réchauffante. Au Fridge, Uma fête son anniversaire lors d'une Kitsch 2000 particulière. Pour les accros de gros son et groovy house, le Weekamix de Genève reçoit Dan Curtin et Jack de Marseille.

Se prendre une bûche. Jeudi, La Mère Noël danse Disco 2000 au Loft. Au Fish, c'est la même chose en plus existentielle : Et si le Père Noël existait ? Le lendemain, on allume le sapin à la maison. Samedi, le Fish ouvre son Open Bar au cas où la dinde aurait été trop digeste.

 

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MERCREDI 29 DECEMBRE 1999 _ #065

 

Rétro-projecto

La figure imposée du "en 12 mois, il s'est passé ça" s'aggrave d'autant plus que cette année, certains se sont remués les méninges pour revisiter les grands moments de notre, déjà vieux, XXe siècle. Restons sur 1999 et résumons.

Lyon, cent Nuits pas
Que ce soit la plus belle et chaude soirée de l'année au Pez Ner avec Adam F, la déjantée nuit Sheila à l'Escalier, les afters moites de la Divine Comédie, les interminables beuveries familiales du VertuBleu, les coups de beats des "mixer-bars" (Funambule, Kafé Myzik), le parcours nocturne local est loin du conservatisme qu'on veut infiniment lui coller. Même si les efforts d'innovations se trouvent plus dans ses bars que dans ses discos, vous pouvez laisser tomber vos booms solitaires en appartement et mettre le nez dans la nuit lyonnaise sans forcément vous y ennuyer.

La fashion-victim se gaufre, le décalé s'éclate
1999 aura vu la métamorphose du Fish-boutiquiers en Fish-étudiants et son voisin de quai, La Marquise-pointue-et-sympa en Marquise-branchée (et un peu moins sympa). Coup du sort où le petit poisson mange le gros, où l'hameçon se trouve être plus appétissant dans une ambiance musicale coolante et authentique, à l'accueil chaleureux, plutôt que chez un distributeur de "branchitude" un peu trop hautain. Conséquence facile de l'évolution des murs noctambules où le "décalé" sous toutes ses formes (musiques, ambiances, décos) l'emporte sur l'aseptisé d'un pseudo-luxe fashion. La "Classe-toc" a ses clients lyonnais, seulement voilà, ce n'est plus l'air du temps (sauf au First, nouvelle disco remplaçante de La Station, cet automne).

Les gays s'hétérotisent
Après avoir ouvert à tour de bras en 1997, les bars homos s'animent dans la mixité. De jeunes et jolies filles s'introduisent dans ce milieu de mâââââles et font exploser le ghetto. L'United Café ou Le Village, chacun dans leur style, ouvrent leurs nuits chaudes à des couples dits "hétéros" et petites Lolita gay-friendly. En septembre, Le Fridge ouvre en lieu et place du Stardust et remplace les étudiants en bière par un brassage de gays et nightclubbers nourris à la hardhouse.

Danser dans la forêt
Les raves ou free-parties sont en roue libre et s'enfoncent dans l'ennui et les luttes entre tribus de travellers et autres djs pour qui plus le son est pourri, la boue abondante, mieux est la "teuf". Au final, l'esprit de fête attendra la prochaine impulsion. Nous aussi.

Dj-disco-culture
Si la place du dj dans une soirée est devenue prédominante, le futur ne dépend plus complètement de ces jeunes gens, souvent talentueux, parfois prétentieux. La dérive qui a amené certains à inventer la sortie en boîte comme une représentation d'opéra ("on vient voir un type qui mixe, on danse éventuellement sur sa musique"), se trouve enfin recentrée sur le seul impératif de la nuit : danser, rire, baiser. Le dj ne devient plus une attraction (comme pouvait l'être également un gogo-dancer ou une drag-queen au milieu des 90's). Il est juste un élément de la nuit qui fait qu'on bouge son corps ("et que quand je serais miss France, j'interdirais la famine", me souffle Julien derrière le Mac). Le futur nocturne devrait être un mix audacieux de la génération disco hédoniste et généreuse et de celle, techno, du safe-sex et de la crise. Hourrika !

 

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MERCREDI 12 JANVIER 2000 _ #066

 

Elle ne pourra jamais choper une tête aussi grosse que ses seins

"Brasser les styles, brasser, brasser !" Voilà en résumé le discours de nos deux nouveaux fleurons de la nuit camarades Lahon et Chambon, ouvreurs, jeudi, de àKGB. Posté dans une usine du 7e arrondissement (2, rue des Bons-Enfants) et retapé à l'aide de trois jolis millions de francs, le Cercle souping ("c'est conceptuel, c'est décalé, ne cherche pas à comprendre ma chérie") à réussi à réunir en un très chouette lieu multisalle-à-manger le Tout Lyon qui Compte (Culture et médias) et le Lyonnais qui Dépense (commerçants). Comme ces deux-là ne se mélangent pas trop, les VIPress se sont éclipsés à l'arrivée des VIP Boutiquiers d'àKGB. Nous nous sommes vite trouvés à croiser au hasard des verres, un vrai-faux père libidineux en costume anglais (façon Beetlejuice), une idiote fine en tailleur Zara ("Hélène ! tu peux me choper un truc à manger. C'est l'hallu ce soir. T'as vu, y a un gars de TLM avec sa caméra !") et plusieurs habitués du 115. Qu'importe, Claire est toujours aussi dangereusement "basculeuse" et le champagne coule à flots. Vincent Carry se plaignant que Nuits Mobiles "devrait s'appeler Claire Nightclubbing : tu ne parles que d'elle", l'intéressée m'entraîne sur le présumé dancefloor (10 m2 très généreux) et nous nous frottons à quelques minutes de deep house assouplissante. Nous prenons gentiment note de la programmation du lieu le dimanche venant : "C'est BBM (Best Before Monday). Venez, il y aura des gogo-dancers et ce sera plus amusant que ce soir. C'est l'inauguration, alors évidemment, ils sont un peu coincés", nous explique David Vincent. Overdosés de bulles, nous embarquons dans le bolide d'Ours Fort ("C'est tout de même un RPR. La tolérance à ses limites", s'amuse ma compagne) en direction du VertuBleu. Rue Mercière, Gilles est fou de bonheur, Ours Fort un peu amoureux de mes genoux, Virginie belle comme les champs et en deux tours de table nous finissons au Village, chacun épris d'un cochon en peluche offert par Gilles. Au petit matin, mon répondeur dégorge de messages amusants : cinq minutes de My life is music du merveilleux album de Maddkatt Courtship (Felix Da Housecat) laissait par un anonyme et un "Je viens de me marier avec Lâââm. Tu sais, on vit une grande histoire. Elle est restée très simple malgré son succès fulgurant. De toute façon, elle ne pourra jamais choper une tête aussi grosse que ses seins", fantasmait Régis à 3h04.

After the Storm, rain. Mercredi, c'est l'Orient qui prend le àKGB avec vodka et cithares. Jeudi, Le P'tit Vélo joue Musique en Roue libre dans les descentes avec trompettes et tubas au Kafé Myzik. Le Ninkasi tape dans le ringue un peu vulgos avec dj Macouille. Vendredi, Manoo mixe house-garage à L'Ambroise-Café (place des Célestins) pendant que Manu Le Malin tabasse au Monde à L'Envers. La Marquise fricotille avec F.Communication et les Llorca et Feads. Au programme, hip-hop, jungle, house et scratchin' pour les petits du grand label français porté par un Laurent Garnier qui fera sa promo-album sur le paquebot Fish, le lendemain, samedi. Samedi, où l'on retrouvera La Nuit des Mannequins Amateurs à La Cour supervisée par l'agence Manager's et un jury prestigieux (Danielle de la boutique Floup-floup et Sylvain du Bar Brantouch ?). Au Fridge, D-Troy et Dj'M monopolise une Ultimate Clubbing de hardhouse. Dimanche, c'est B.B.M (Best Before Monday) au àKGB.

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MERCREDI 19 JANVIER 2000 _ #067

 

Faut-il tirer sur les videurs ?

Vendredi, TLM rediffuse un débat sur le délit de faciès effectif à l'entrée des discos de la région. Monsieur Pakloglou, président de l'association Lyon La Nuit tente de nier à l'antenne (il a pris du Guronsan pour tant de courage ?) ce qui se vit tous les week-ends à l'entrée des discos. Des dizaines de "pas Français" qui, en résumé forcé, reçoivent un : "Toi, le bougnoule, tu ne vas pas venir ici nous faire chier. On est un établissement respectable et responsable" soit "vous, métèques, n'êtes ni responsables et encore moins respectables". Plus loin dans l'émission, le président aborde avec beaucoup de circonvolutions ces "communautés à problèmes" (les Maghrébins en langage politiquement correct). A priori, ce n'est pas cette "communauté" qui pose problème mais certaines individualités de n'importe quelle "communauté". La violence urbaine existe (encore plus virulente la nuit) et la mise en place d'un service d'ordre musclé et imposant est nécessaire pour la sécurité des nightclubbers. La dérive s'installe lorsque les patrons de clubs laissent à leurs videurs le rôle de portier, celui qui est censé accueillir en premier lieu les fêtards. Dès lors, que ce bibendum de la sécurité ait des consignes strictes voire racistes de la part de son patron ou pas, on imagine aisément que pour ne pas avoir à abîmer son beau visage glabre, il peut prendre de sa propre initiative le choix de faire du délit de faciès. Une question se pose alors : ces videurs sont-ils formés pour déceler l'Arabe fêtard du casseur ? L'étudiant qui va faire chier la jolie fille de celui qui va être courtois ? Plus mercantilement, celui qui va laisser beaucoup de francs, de celui qui n'a pas un centime en poche ? etc... Plus encore, la nuit donc la fête, doit-elle reposer sur la notion de sécurité dictatoriale ? N'attendons-nous pas d'un club qu'il nous accueille avec sourire (comme chez mon boucher) tout en nous garantissant une certaine sécurité. Ce vendredi, nous avons sévèrement gambadé sur les sets déstructurés electro-house des F-Communicators, Llorca et Feadz, à La Marquise. Julien me questionne : "Alors, la Marquise, c'est moins sympa ?", en réponse : "Non, à l'intérieur, tout va bien. Ce sont vos videurs qui posent problème". Et pourtant, La Marquise est un des rares lieux ouverts à tous. Sauf que depuis l'arrivée de son service d'ordre, son bas de port est frigorifiant (sauf si vous êtes journaliste) et que pour avoir quelques atomes très crochus avec ce club, nous espérions une formule d'accueil plus originale et aux couleurs de son intérieur : chaleureux et convivial.

Fun is a drug. Mercredi, Fraggle, Junior et Baretta rendent hommage à Curtis Mayfield au Mushi-Mushi (8, rue des Augustins, quartier Terreaux). Jeudi, Kaly distille du dub au Bistroy et plus haut des les pentes, le Monde à l'Envers propose un North Sound avec OB1, Fabrice et David Mai. L'àKGB sort l'electro-pop de ces tristes 80's pour swinguer Depeche Mode et tout et tout. Vendredi, au Studio (12, quai Saint-Vincent), Tracks avec Rickk's, Anton'X et plus au 06 60 50 00 56. Dans la coque de la Marquise, Jurgen from Jazzanova, Eva Gardner et Spider font rouler les galets sur du latino jazzy "in da groove". Samedi, une free est annoncée par Neutral Korps et ses NSA, Got'x et Lsdf au 36 72 22 01 155. Au Fridge, Gay se fait tripoter par Luck et la voix insupportable de MC Dave (coupez-lui le mic !! pitié !!). Au Box Office (30, bd Deruelle, quartier Part-Dieu), Amenophis joue la décadence avec Fred X et Maï.

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MERCREDI 26 JANVIER 2000 _ #068

 

Debby du Chili décidait que je serai l'homme de sa vie

Mercredi, Claire se remet de son voyage en Loire-Atlantique à la soirée Curtis Mayfield du Mushi-Mushi (8, rue des Augustins, quartier Terreaux) : "Je suis déçue : Je n'ai pas eu le temps de démazouter un seul volatile. Je n'ai même pas vu la mer souillée", avoue, honteuse, la belle. Franck se perd dans la bière et quelques anti-dépresseurs attristants. Nous l'emportons au VertuBleu où Mireille, en guise d'étrennes, nous offre une entrée de foie gras frais et goûteux. Je persiste à vouloir me faire ravir par un chevalier masqué qui "m'enfermerait dans une ferme en pleine montagne où je ne verrais le jour". Au vendredi, la grippe planante nous éjecte trop tôt d'un Village-Club paré de son nouveau jeu de lumières fleuri. Le lendemain nous imagine au Luna-Park à tournoyer sous les lampions et se coller des barbes à papa plein la bouche. Hélas, nous dînons tardivement et Claire se lance dans l'imaginaire : "Je verrais bien ma chambre à coucher perchée dans un phare. Fracassé par les vagues, la lentille-guide tournante une merveille." Julien fait vibrer le portable : "Je suis allé au Queen hier soir pour danser Derrick Carter. Pour raison familiale, il s'est fait remplacer par Luke Salomon. C'était moyen et le calvaire pour moi : une drag-queen, Debby du Chili n'a pas arrêté de me coller. J'étais l'homme de sa vie : 'Toi, beau. Moi, envie de toi' me disait la belle en robe fushia à grandes plumes. Je n'ai même pas eu une demi-érection. Êtes-vous fier de ma fidélité ?", me soufflait Le Bimb. Nous reportons notre sortie chez les forains et convenons d'une BBM chez àKGB le dimanche soir. Chez les Russes, l'ambiance est maussade et ce n'est ni les délicieuses vodkas au miel et au melon, ni les gogo-boys en kilt ("Ce serait tellement plus sexy si leur kilt était plus long. Je trouve que moins on en montre, plus cela peut être excitant", résume ma compagne) qui retiendront la nuit.

The last dance. Mercredi, les Natty Bass Sound Sys. prennent les platines du Monde à L'Envers pour un set jungle. Jeudi, "Ne vous affligez pas de n'être connu de personne, mais travaillez à vous rendre digne d'être connu", lit-on sur le flyer du First Club qui joue l'exotisme d'une nuit Ritmo Latino. Forcément drôle. Vendredi, Nokman partage sa jumpin' jungle à l'Amboise Café puis à La Marquise avec sa Dolby System, péniche qui se fera frotter par les jeux de mains hip-hop des britons Scratch Perverts. Samedi, L'Élément (20, rue Saint-Georges) lance Infinity avec Asura, Thy-Lan et Bio dans un esprit trance-psyché. Au Space, c'est Fabulous Unik Fashion avec les résidents JPS et Julien Jacquemin. EPO1 booste Le Kamin Club pendant qu'à la MJC d'Oullins Kargol's se révolte sur du ska-reggae NRV. Pour les trainspotters voyageurs, King's à L'Élysée Montmartre (Paris) avec rien de moins que Daft Punk, Cassius, Laurent Garnier et Freddy. Dimanche, White Factory au Fridge avec dj Némo dans un décor monochrome : blanc, évidemment blanc. Mardi, c'est l'Effet Vapeur qui bidouille sax, clarinette, sampler et objets divers au Kafé Myzik.

Safari of Sound. Huit lieux (République, Cosmopolitan, Road 66, Waff, Indian Café, le Monde à L'Envers et Café Prosper) s'aventurent dans les mixes bigarrés d'une armée de 25 djs. La nuit itinérante s'achève dans un lieu magique : une after au Mc Donald de Gerland. À voir, juste pour rire.

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MERCREDI 02 FEVRIER 2000 _ #069

 

Peep Deluxe

Un champ de roses en lévitation nous accueille, mercredi, à l'agence de Michel Essertier pour une de ses petites fêtes que l'on ne croise, hélas, que dans un cadre privé. Beaux-hardeux, écrivains, architectes, insatiables alcooliques de compagnie, Agnès, traînent d'une salle à l'autre en discussions intello-sexuelles. En véritable bombe de séduction, Geneviève en a assez : "J'arrête. J'étais avec un fabuleux métis. Mais je n'en peux plus." À la quête d'un impossible verre, nous tournons autour d'une cour infectée d'araignées géantes en plastique et saluons la nomenklatura locale (pas les cocktaileux institutionnels mais les allumés intelligents et sensibles). Je tombe sur le magnifique et charmeur Philippe Moncorgé qui sculpte un bout de jambon sur canapé. Ours Fort nous rejoint sans son habituel costume de RPR pour se plaindre d'un "t'imagines, 70 000 francs seront alloués par arrondissement pour la fête de la musique 2000. Que veux-tu faire avec ça ?". Nous échappons à cette triste nouvelle qui n'émeut personne vu la folie régnante chez les festifs de l'hôtel de ville : "2000, année triple zéro" restera le slogan officieux de la municipalité. Marie-Êve et Christelle nous emportent au Mushi-Mushi où nous errons dans des discussions éclatées. Philippe absorbe ma fascination : "Je suis peintre-Rmiste qui expose à la mairie du deuxième toutes les structures institutionnelles qui apportaient un soutien aux personnes comme moi disparaissent. C'est dramatique. Tu sais ce que j'ai dû faire pour m'insérer matériellement dans cette société ? J'ai créé une entreprise qui s'appelle L'Entreprise de l'Échec. Je dis aux mecs qui réussissent : 'Un jour, ça n'ira plus et ma boîte vous accueillera'." Ours Fort craque sous les coups de pintes et tout le monde s'éclipse. samedi, Claire grelotte toujours sous la couette à ruminer sa grippe : "J'attends votre potage", me télémessage ma "relation par défaut". Dj Arnie m'invite à dîner et nous dissertons encore de "la culture dominante est effectivement le hip-hop : la mode vestimentaire, la musique la house n'est plus qu'un genre comme les autres. Il est stérile et la techno encore plus. C'est l'effet du commerce de cette musique et du mouvement underground qui soit s'est fait casser par les flics au début des 90's, soit à virer dans ces free-parties de cramouilles sectaires. Il n'y a plus ce brassages des premières raves où la house était expansive et fraîche. Aujourd'hui, ce ne sont que des cloisonnements et musicalement ça ne progresse pas. Tout est en stand-by", s'emporte le gaillard. Nous bougeons au Village-Club où l'on s'arrose d'attouchements et rires moqueurs ("J'adooore ton polo. Tu l'as acheté où ? - À Tokyo. - Tu sais Zara, c'est Internatinoool"). Nous partons à la Divine ComédieThierry joue à des succions de mythomanes dans les toilettes, Arnie observe un couple travelo-hétéro dans la backroom ("Non ! Non ! Ne me touche pas la foune !") et deux amoureux s'endorment enlacés sur une banquette pour épuisés. Merveilleux.

Calme et tranquille. Mercredi, Russian Percussion Tour à la Marquise s'avère être le plus excitant de la semaine avec l'impeccable dj Vadim de Ninja Tune, Mr Things, Kela et Blu Rum 13. À côté, au Fish, Let's Dance avec P-Moore, la délicieuse Roussia et Lil Boy joue la concurrence de qualité. Samedi, Soul Spectrum Party toujours à la Marquise avec Spider et Keb Draqe. Madcap et sa famille explosent le Bart (7, rue Romarin) avec Nokman et Imao lors de la New-Eden Party 6 et le reste n'est que rabâchage.

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MERCREDI 09 FEVRIER 2000 _ #070

 

Tu me dis "je t'aime" uniquement lorsque tu es ivre

Claire me rappelle en goûtant son potage que ce n'est pas sa chambre qu'elle souhaiterait avoir en haut d'un phare mais une salle de bains. "J'espère un erratum de votre part", insiste-t-elle en me montrant son nouveau vernis à ongle raté. mardi, ma RPD (relation par défaut) se porte mieux et je la quitte pour Alice au VertuBleu. Nous pestons contre cet amour qui ne vient pas pendant que Mireille s'emporte sur l'adoption impossible d'un enfant par un couple gay. Nous persistons à la non-intervention dans ce débat stérile et mettons les pendules à l'heure du sommeil au Funambule. Mercredi, petit saut chez La Marquise où Dj Vadim joue des rythmes et sonorités à en faire baver un Fraggle : "C'est de la balle !". Pour fermer les yeux, enfoncé sous la couette, je continue la délectation d'un Journey By Dj de Coldcut qui doit certainement faire vomir de honte plus d'un apprenti dj branchouille. Le Bimb m'invite à dégénérer sur Paris et nous nous retrouvons dans le gay-Marais à danser au Mixer-Bar sur un set housy de Chloé. Plus tard, nous finissons au Gibus, antre de la mixité chaleureuse et de la hype "streetwear-petite frappette colletée d'une chaîne en or". La tech-house est ennuyeuse mais l'esprit festif est enfin là. Bon esprit que l'on retrouve à la soirée House of Légends, le lendemain, à l'Enfer : grande foire de kid-clubbers extasiés aux coups vigoureux et délicats d'un Dan Ghenacia méga-star parisienne consacrée (le dj est booké partout et c'est mérité). Du pédé caillera multiplatiné de tablettes abdominales au post-pubère en overdose de sourires illicites; du chiffonnier en Cerruti à une cour de poupées suintantes d'un carré VIP. Paris flambe à nouveau. Plus tôt, nos visites chez le puant Le Shop (boutique Streetwear où l'on fait cracher sa carte bleue pour avoir l'air d'être cool, rebelle et pauvre) puis chez Colette et L'Éclaireur (boutiques branchées certifiées : "De toutes façons, même si les clients n'ont pas de goût, Colette en a pour eux", constate le Bimb en admiration devant une paire de Puma à plusieurs dizaines de francs) confirme l'impression : Paris claque et prend goût à se mélanger et s'amuser. Les oreilles me sifflent que Lyon attend toujours ou se plante en parquant ses nouveaux riches dans l'aseptisé d'un autre temps. J'enlace Julien et lui murmure une insanité : "Je t'aime". Il fredonne le You only tell me you love me when you're drunk des patins indémodables Pet Shop Boys. Au petit matin, je pique du nez sur les pages Rebonds de LibérationMichel Polac écrit : "En réalité, je ne me prends pas au sérieux, parce que, malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi à prendre la vie au sérieux, il y a trop d'illusions dans la réalité. Seule la souffrance physique n'est pas un mirage." Je me rendors aussitôt.

So much time, so little to do. On attaque directement sur vendredi où la nouvelle vague de la house française déboule sur la Marquise : 20 000 ST Party avec Demon et Samana Wök. Filtres, boule à galettes discoïdes, il ne manquera plus que vos perruques 70's. Au Fish, Patrice réveille le gros bateau avec une Oldies But Goodies tout droit sortie d'un mythique Paradise Garage ou autre Studio 54. Manoo est aux platines et la nuit est conseillable. La soirée originale de la semaine, c'est Babouche Party à L'Autidorium avec un café turc pour les fatigués et Fraggle, Dom, Twelve et K-reem pour les agités des hanches. Au Loft, on débute le week-end de la Saint-Valentin où ce sera la honte pour celui ou celle qui ne sera pas accompagné(e) par la langue de sa moitié adorée. En plus sérieux et rebelle, Watcha se la joue techno, jungle, trip-hop, métal-harcore (rien que ça ?) à la MJC d'Oullins. Samedi, ça tourne X-gay à la Wake Up ! du Fridge avec "2 excellents djs" : Sophie et D-troy (c'est le flyer qui le dit). Mardi, Go to Moby au Ninkasi où l'on espère que la prestation de cet extraterrestre dépassera la qualité moyenne de ses derniers crimes sur CD (comment un si beau raisonneur peut-il avoir tant de mal à nous donner un chef-d'oeuvre ?).

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MERCREDI 16 FEVRIER 2000 _ #071

 

Les toilettes blanches

"Pierre, pourriez-vous nous prêter vos jumelles ?" Claire fait le tour de l'orchestre et ne vise rien. Chaussé des montures de turfistes, je bloque sur un clarinettiste au double menton naissant et un cameraman agile. mardi est jour des Victoires de la Musique classique et l'Auditorium se trouve être le centre de la terre lyonnaise. Cérémonie agréable, inconséquente, qui deviendra vite fort appréciable après le cocktail de clôture qui suivra ses "heu, je remercie ma mère d'avoir su me doter d'oreilles". Perchés en bout de corde à l'hôtel Méridien, nous snobons ces modestes petits canapés sucrés pour mieux plonger dans les seaux à champagne. Nous croisons un craquant présentateur de TLM auquel je déclare ma flamme musicale : "J'aime beaucoup votre air benêt, un peu nigaud. Regardez vos pieds. Vous ne savez jamais où les mettre." Pas de chance, le ravisseur ne saisit pas la portée déconnante de la réflexion et me rappelle ma dernière tentative : "Oui, nous nous connaissons : vous m'aviez proposé d'aller 'baiser' dans les toilettes, il y a peu." Nous tournons les talons et Ours Fort apparaît vêtu de sa cravate jaune et de ce petit air coincé protocolaire. Nous insistons pour le baiser qu'il refuse en un tel lieu de bienséance. Las, nous dansons à la capucine avec Françoise : "Vous serez des nôtres, vendredi, pour la Babouche Party ?", me tient d'affection la belle dame. Évidemment, vendredi, l'Auditorium pouffe de musiques turques et d'amusements surréalistes. Le champ de foire est vaste et me replonge dans la nostalgie du bal de clôture de la Semaine Folle, il y a quelques années, à l'Opéra Bastille : lieu vaste, insolite, propice à des rencontres fabuleuses et habité par une faune bariolée. Patrice Armengau me fait don d'une superbe coiffe brodée de petits miroirs que nous filons admirer dans les toilettes en compagnie de mes surs d'un soir. Fermés à double tour dans la pièce blanche, nous rions à l'amour simulé puis retournons nous perdre dans des couloirs tenturés et braisés de faibles flammes. La scène Jungle n'encense aucune odeur d'amour et nous remontons vers la sortie de secours à La Divine Comédie. Assoiffés par une nuit qui en a dépassé les mille dernières, la backroom du club se trouve vite pillée de ses meilleures pièces. Pierre, homme de loi et de finesse, devient absent et accuse la fatigue. Une vive nuit mémorable.

Générique de faims. Mercredi, Jack de Marseille et Phunky Data electroïdent le Fish. Le spleen majestueux des Mélankolik de Bristol intellectualise le Plastic People (rue Sergent Blandan, quartier Terreaux). Jeudi, les curieux iront faire un tour au fond à droite de la rue de Thou (chut) pendant que les gays iront découvrir un nouveau Bar, Le Versus, au 17 de la rue Leynaud. Vendredi, Gus Gus Allstars s'amusent au Fish et nous avec (lire page 29). Au Monde à L'Envers, Krysalid et Stephanovitch bastonnent les tek-kids. Quand le club va-t-il arrêter ces flyers pseudo-underground faits à la main et sans aucun intérêt graphique ? Samedi, Jumping Bass au 3672 code 19.19.19 avec Yan, Max le Sale Gosse, Yellow et plus. À la Marquise, Spider convie les Latinospoters à sa Especial Salsation où Mc Rucangola et les batucadas ouvriront nos sensualités. Mardi, re-Marquise pour du hip-hop : B.O.S.S. Party avec Lady Laister, Dj James et Terror Seb.

Try the Disco-tek. Mercredi, Active Prod. s'installe dans le 2P + C pour des Oldies But Goodies hebdo attendues comme sulfureuses. Cette semaine, c'est Dj All'N qui s'y colle. Le reste du week-end, l'appartement de la rue Terme continue dans le Disco is Discount : "Le disco, c'est cheap, c'est vieux", avertit le flyer. Pas tout à fait d'accord mais cela promet d'être drôle.

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INSTINCT NOCTURNE

Écrit par Baptiste Jacquet
a été publié sous l'appellation
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